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25 janvier 2017 3 25 /01 /janvier /2017 10:34

« La fin des terroirs » Eugen Weber

Deuxième Partie

Les agents du changement (p,237) (Suite)

 

 

     « Les prêtres et le peuple » (Chapitre XX, page 427)

       Il s’agit d’un chapitre difficile à résumer, fusse en retenant quelques- unes des citations qui pourraient en donner la couleur, et sauf à dire qu’à la fin du siècle la querelle entre cléricaux et anticléricaux parait dominer le sujet.

       L’auteur cite en début de chapitre une strophe de La Fontaine :

      « Un mort s’en allait tristement       Un curé s’en allait gaiement

      S’emparer de son dernier gîte         Enterrer ce mort au plus vite »

     « Ainsi chantait La Fontaine, avec son sens habituel des réalités populaires. Nous ne pouvons pas savoir exactement quel genre de religion avait commencé à décliner. Mais nous pouvons dire que le rôle déclinant de ses représentants était évident et bienvenu. La sympathie pour les hommes d’habit était soit tiède, soit nulle. Le bon prêtre charitable et affable, que nous rencontrons occasionnellement dans les romans du XIX°siècle, n’a trouvé aucune place dans la sagesse populaire, qui n’offre aucun proverbe célébrant le clergé, mais des douzaines de critiques de ses membres. »

    « En 1899, comme l’admettait la Revue du clergé français, le clergé représentait aux yeux du public la réaction, le conservatisme et l’esprit rétrograde. » (p431)

    « L’école devenant un rival de plus en plus dangereux, le langage fut amené à jouer un rôle nouveau dans le combat prêtre-instituteur. Le prêtre était désigné ou se désignait lui-même comme un défenseur du parler local ; et ceci, tout simplement pour s’opposer d’abord au français de l’instituteur mais aussi parce qu’il aidait à préserver la foi de la subversion. » (p,433)

    « Les politiques menées par les cléricaux et les anticléricaux touchèrent ainsi indirectement l’esprit populaire. Elles contribuèrent à saper la tradition et à faire disparaître des pratiques qui faisaient partie de la vie depuis des siècles. Mais les arguments politiques tels qu’ils étaient développés dans les villes ne convaincraient ni ne pouvaient convaincre les campagne tant que la mentalité rurale n’était pas passée sur la même longueur d’ondes que celle des citadins. Cela allait prendre du temps. » (p435)

      Résultat : « Dans les années précédant la Première Guerre mondiale, comme le notait un prêtre, « dans les villes (les gens) se réveillent à nos idées (alors que) nos paysans deviennent de plus en plus païens. » (p443)

Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

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25 janvier 2017 3 25 /01 /janvier /2017 09:56

« La fin des terroirs » Eugen Weber

Deuxième Partie

Les agents du changement (p,237)

       « Des routes, encore des routes et toujours des routes » (chapitre XII, p,239)

         La France changea de visage à partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, avec la route, le rail, et l’école, après 1880, avec la Troisième République.

         « Quand Maupassant et d’autres pêcheurs du dimanche parisiens allaient en diligence de Courbevoie à Asnières, à 9 kilomètres, ce village était aussi éloigné en temps de déplacement, de la capitale, que Rouen l’est en train aujourd’hui, ou Nice en avion. » « (p,243)

        « Les changements réels semblent n’être intervenus qu’après la loi de 1881, qui autorisait la construction des routes rurales « reconnues d’intérêt public »…. En 1929, 76% des routes locales de Vendée avaient été construites après 1881. » (p,249)

        En ce qui concerne le rail, il y avait 19 746 kilomètres de lignes en 1879 et 64 898 en 1910.

       « Avant que la culture ne change en profondeur, il fallait que les conditions matérielles se transforment et dans ce processus le rôle de la route et du rail fut fondamental » (p,252)

      « On a dit des routes qu’elles avaient cimenté l’unité nationale. Si la chose est vraie (et je pense qu’elle l’est), le plan Freycinet fit plus pour atteindre ces résultats que les grandes routes de la monarchie et de l’Empire, qui ne cimentèrent guère (même si cela était en soi beaucoup) qu’une structure administrative. » (p,268)

     « Changement et continuité » (chapitre XIII) (p,269)

      « l’entrée de la France dans l’ère industrielle a généralement été située en fonction du nombre d’engins mus à la vapeur. En fait, le développement des routes et des chemins de fer serait un indicateur plus sûr, car ce furent eux (et particulièrement les routes et les lignes ferroviaires locales de la fin du XIXème siècle) qui créèrent un véritable marché national dans lequel les marchandises et les produits fabriqués par les machines pouvaient être achetés et vendus. Bien plus, ils jouèrent un rôle crucial en répandant partout cette prospérité relative qui soutenait ce marché… Il y avait plus de gens travaillant dans la production artisanale que dans l’industrie à grande échelle. C’était vrai dans les années 1860… » (p, 269)

     En 1876 : « On était encore loin d’une situation moderne. … Un pays de patrons. .. de petits artisans indépendants… C’étaient ces hommes et leurs aides, ou compagnons, qui formaient le public intéressé par les débats politiques dans les villes et les cités ; et c’étaient des gens comme eux qui à la fois maintenaient l’autarcie du village et aidaient les villageois à sortir de cette autarcie. » (p,270)

      « Deux institutions importantes avaient maintenant commencé à décliner : la forge et le moulin du village. Tout comme le lavoir était le centre social des femmes, la forge était un lieu de rencontre pour les hommes du village… Si la forge était le centre social du village, le moulin était le centre social des campagnes : une sorte de salon rustique et enfariné, comme le disait un Breton. » (p,274)

      « La campagne dans la ville » (chapitre XIV, p,283)

      « « Ce n’était point la campagne, il y avait des maisons ; ce n’était pas une ville ; les rues avaient des ornières comme les grandes routes et l’herbe y poussait ; ce n’était pas un village, les maisons étaient trop grandes. » La description  que Victor Hugo fait du faubourg Saint Marcel, valable pour la monarchie de Juillet, pourrait aisément s’appliquer à maintes villes de campagne une génération plus tard – et même deux ! Ville et campagne s’interpénétraient dans de petits centres endormis comme Cerilly (Allier), Millau (Aveyron)), Brioude et Yssingeaux (Haute Loire), Florac (Lozère), Saint Flour (Cantal) de telles viles, qui jouaient le rôle de « petites capitales » pour une demi-douzaine de communes se réveillaient périodiquement quand la brève animation du marché hebdomadaire ou de la foire saisonnière rompait leur sommeil. Mais c’était grâce à ces villes que la culture nationale et les changements qu’elle introduisait étaient transmis aux campagnes environnantes. Ce sont, disait Adolphe Blanqui, des « laboratoires où l’esprit d’entreprise de la bourgeoisie prépare les expériences dont bénéficieront les gens des campagnes… de gros bourgs ou de grands villages…» (p,283)

      « La présence d’une communauté d’étrangers dans de petites villes comme celles-là, sans rapport avec leur mode de vie normal, c’était quelque chose qui ressemblait fort à une situation coloniale. » (p,284)

       « Les paysans et la politique » (chapitre XV, p, 293)

      Une observation de départ : il ne faut pas oublier que jusqu’à la fin du siècle, la paysannerie représentait plus de 80% de la population française.

        « La politique, dans cette France rurale, en restait à un stade archaïque – local et personnel- et cela dura jusqu’aux années 1880 au moins. Dans ces zones, l’évolution vers la modernité, c’est-à-dire vers la conscience des problèmes sur un plan national et international, semble commencer après les années 1870. Cela vient de l’intégration de ces zones à la France, et renvoie à ce processus que nous avons déjà examiné : les manières et les valeurs des villes pénétrant les campagnes, la colonisation des campagnes par les villes. » (p,294)

      J’ai naturellement souligné le mot colonisation à l’intention des chercheurs en histoire postcoloniale.

      L’Etat dans ses multiples expressions, justice, fisc, ou police, fut longtemps considéré comme un oppresseur, et l’auteur fait une observation importante sur l’opinion publique de l’époque, une référence jamais mesurée ou identifiée pour beaucoup d’historiens :

      « L’opinion publique « reste celle des villes et de la bourgeoisie ». Le public semble s’identifier à ces quelques électeurs qui lisent les journaux, la population à cette mince portion sociale « intelligente et lettrée ». Et finalement en 1898, le commissaire de police du Perthus distinguera non sans justesse la « population politique » de la « population  générale » qui reste indifférente à la politique… » « (p,296).

        Et l’auteur de remettre certaines pendules historiques à l’heure !

      « Les historiens marxistes, en particulier, ont cherché à montrer que des tensions politiques de type moderne affectaient la paysannerie, et que ses luttes contre les propriétaires terriens et les autorités impliquaient une vision politique, une sorte de protestation correspondant au schéma de la lutte des classes. Marx était à cet égard plus averti. Pour lui, les paysans français n’étaient pas une classe, parce que l’«identité des intérêts » n’avait fait naître chez eux « ni communauté, ni lien national, ni organisation politique ». Etant arrivé à cette conclusion en 1850 avec le Dix Huit Brumaire de Louis Bonaparte, Marx ne voyait aucune raison de changer son jugement : il n’ajouta aucune note de bas de page à la seconde édition en 1869, pas plus que Engels pour la troisième en 1885… Tous deux en concluaient que la paysannerie, incapable de se représenter ou de fonctionner comme une classe, était « un agrégat de grandeurs homologues, comme des pommes de terre dans un sac forment un sac de pommes de terre. » (p,297)

     Comment ne pas souligner cette formule choc ?

    « Pendant la décennie de 1870, la crainte d’une restauration de l’Ancien Régime et de ses servitudes hanta les esprits de nombreux paysans. » (p,303)

         Le grand nombre de rapports officiels rassemblés par le Second Empire et la Troisième République montre que la politique continuait à être locale, et que la politique locale continuait à être personnelle. « Il n’y a pas à proprement parler de partis politiques, disait le sous-préfet de Mirecourt (Vosges) en 1869, il n’y a que des partis locaux. » Tout comme la paysannerie de la Sarthe décrite par Paul Bois, les paysans de toutes les régions où j’ai enquêté, des Vosges à la Bretagne, restaient indifférents à la politique nationale, et ne s’intéressaient qu’aux problèmes et aux personnalités locaux. »

       A la fin du siècle : « La politique, c’était l’affrontement de deux hommes… » (p,313)

     « Maurice Agulhon a soutenu que cette adaptation des thèmes étrangers était importante pendant la période de transition, quand les populations rurales, encore peu touchées par le monde extérieur, pouvaient être entrainées par des slogans idéologiques correspondant à des haines ou à des aspirations locales, et quand l’interaction de ces thèmes avec la tradition locale s’intégrait dans le processus d’acculturation. C’est vrai. Mais il est bon de rappeler que ce qu’Agulhon dit de la société villageoise avant 1848 est resté valable plus de 50 ans après dans une grande partie de la France, dans des régions où le processus d’acculturation restait incomplet, et c’est ce type de tour de passe- passe qui fut à l’œuvre pendant au moins cent ans. » (p,314)

     « Comment le nouveau langage de la politique était-il assimilé ? ou, pour le dire autrement, comment les masses politiques commencèrent-elles à agir comme si la politique n’était pas l’intérêt et l’apanage d’une petite minorité ?

       Nous pouvons affirmer sans crainte qu’elles n’apprirent ce langage en lisant. « Les paysans ne lisent pas la littérature électorale », rapportait le sous-préfet de Rochechouart (Haute Vienne) en 1857. De fait, ils ne lisaient pas grand-chose en général. L’opinion dans les collectivités traditionnelles, venait d’un consensus global, non de points de vue développés de manière privée. Fondée sur des relations personnelles, l’opinion était modelée par la parole, non par l’écrit. Qu’il s’agisse des années 1850, où les publications politiques furent librement distribuées dans les campagnes, ou des quarante années qui précédèrent 1914, la propagande resta principalement verbale… » (p,321)

      « Le langage politique des villes ne pouvait susciter une réaction positive que s’il était interprété et traduit en termes plus familiers.

      Le rôle des interprètes était donc crucial, ainsi que leur nombre, leur variété, et leur capacité à pénétrer dans les couches profondes de la société rurale. » (p,322)

    « L’ignorance rendait plus facile pour les politiciens et les « leaders » locaux de confondre et de manipuler les électeurs…

    Le secret du scrutin ne fut pas particulièrement bien préservé jusqu’en 1914, époque à laquelle on introduisit les isoloirs et les enveloppes pour déposer les bulletins. » (p,327)

    A partir de 1877 et de la Troisième République, la mairie, le véritable instrument de l’acculturation politique des Français :

     « Et la politique, depuis 1877 en tout cas, avait fait son apparition au village où le maire, en outre, n’était plus nommé d’en haut, mais élu par le conseil municipal, conseil dont les membres étaient eux-mêmes élus par tous les hommes âgés de plus de vingt et un ans. Pour Daniel Halévy, cette révolution des mairies, qui affectait la structure même de la société, constitua un événement plus important que les révolutions de 1830 et 1848, qui ne concernaient que l’Etat…. « C’est introduire la politique au village » exultait Gambetta. » (p,328)

    « La migration : une industrie de pauvres » (chapitre XVI, p,335)

    Avec le développement des moyens de communication, le travail d’alphabétisation des écoles, le début d’une certaine industrialisation conjuguée avec l’urbanisation, les migrations changèrent la physionomie du pays.

     « Dans le pays pris dans sa totalité, le pourcentage de la population née dans un département et vivant dans un autre, de 11,3% en 1861 et de 15% en 1881, passa à 19,6% en 1901. » (p,349)

      « Un autre type de migration : le service militaire » (chapitre XVII, page351)

     Il fallut attendre 1889, pour que le service militaire change de physionomie :    « Jusqu’en 1889, l’armée restait un épouvantail et les soldats étaient craints et tenus en suspicion jusque dans leurs propres communautés » (p,356)

   « En 1889, enfin, le service fut réduit à trois ans, la dispense de 1 500 francs fut abolie, et tous ceux qui avaient été exemptés auparavant (essentiellement les étudiants, les enseignants, les prêtres, les séminaristes et les fils ainés des familles nombreuses ou de celles dont le père étaient morts) durent servir un an sous les drapeaux. Cette mesure fut populaire. Ce fut le moment crucial à partir duquel tous les Français physiquement aptes commencèrent à faire leur service militaire ?. En 1905, la durée du service fut fixée à deux ans pour tous…. Mais la migration institutionnalisée et le brassage impliqué par le service militaire avaient commencé dans les années 1890. » (p,353)

      « En résumé, il n’y avait pas assez de sens de l’identité nationale pour atténuer cette hostilité à l’armée » (p,357)

      Le service militaire fut effectivement un instrument d’acculturation du pays, mais la diversité des langues restait un problème :

     « Ceci suggère que l’armée doit avoir été la dernière institution officielle à maintenir la pratique du bilinguisme : les officiers s’adressaient aux troupes en français et les sous-officiers servaient d’interprètes le cas échéant. » (p,359)

     L’auteur cite le cas de Lyautey, alors commandant, lorsqu’il prit la tête d’un escadron de cavalerie à Saint Germain en 1887,  qui découvrait les conditions de vie très médiocres qui étaient celles de la troupe, et auxquelles il s’efforça de porter remède.

      « Une sérieuse entreprise de civilisation : l’école et la scolarisation » (Chapitre XVIII, page 365))

      « L’école, et particulièrement l’école du village, gratuite et obligatoire, s’est vue attribuer le processus d’acculturation final qui a transformé les Français en Français – qui finalement les  a civilisés, comme aimaient le dire de nombreux éducateurs du XIX° siècle… Ce qui a rendu les lois de la République si efficaces, ce n’était pas simplement le fait qu’elles obligeaient tous les enfants à fréquenter l’école et leur accordaient le droit de le faire gratuitement. Ce furent les circonstances historiques qui rendirent les instituteurs et les écoles plus accessibles ; qui fournirent des routes grâce auxquelles les enfants pouvaient aller à l’école ; et que par-dessus tout, firent de l’école quelque chose de significatif et de profitable, une fois que sa fréquentation eut acquis un sens grâce au changement des valeurs et des perceptions.

       Mon but est de montrer dans ce chapitre le développement de la scolarisation dans ce contexte particulier, de montrer comment elle s’accorde avec les changements indiqués plus haut, et en quoi son succès fait partie d’un processus global. » (p, 366)

      « En 1876, près de 800 000 enfants sur un total de 4 500 000 d’âge scolaire, ne fréquentaient pas l’école. La plupart de ces enfants appartenaient à des communes rurales ; et bon nombre d’enfants officiellement enregistrés ne fréquentaient guère les classes. Il y avait là un problème persistant.

    Le grand changement suivant eut lieu dans les années 1880. Il se serait produit auparavant, si le ministre de l’Instruction, Victor Duruy, avait pu développer les plans élaborés en 1867. Mais ce ne fut pas le cas, et la plupart de ses initiatives restèrent à l’état de projets. D’où l’importance des réformes introduites par Jules Ferry. En 1881, toutes les écoles primaires publiques devinrent entièrement gratuites. En 1882, la fréquentation de l’école publique ou privée fut rendue obligatoire. » (p372)

      « L’une des raisons de la lenteur des progrès dans la lutte contre l’an alphabétisation – étrangement ignorée par les meilleures études sur le problème de l’éducation en France- était le fait que de nombreux adultes (et par conséquent leurs enfants) ne parlaient pas français…

      Le problème majeur rencontré par les écoles publiques des 8 381 communes non francophones – et dans une bonne mesure par les 29 129 où le français était soi-disant d’usage général – était le moyen d’enseigner le français à des enfants qui ne l’avaient jamais (ou à peine) entendu. » (p,374)

    « C’est seulement dans les années 1880, et plus probablement au tournant du siècle, que les efforts des années 1860 et 1870 donnèrent leurs fruits : produire une majorité d’adultes pour lesquels la langue nationale était familière.

     Dans les villages, toute personne essayant de parler français n’aurait pas échappé aux moqueries de ses voisins », expliquait un éducateur de la Loire en 1864. « Elle aurait été tournée en ridicule » Ce type de pression – ainsi que certains autres- doit être pris en considération. La présence, dans une famille ou dans un groupe, de gens ne parlant pas français contribuait à maintenir l’usage de la langue locale. Jacques Duclos était né en 1896. Ses parents connaissaient le français mais ne l’utilisaient pas à la maison, peut-être parce que la grand-mère ne le comprenait pas. Le petit garçon n’apprit le français qu’à l’école.

      Ainsi la transition devait-elle être nécessairement lente… »(p,375)

     « Le recteur Baudouin, de Rennes, dans son grand rapport de 1880 parlait de la nécessité de « franciser » la péninsule – particulièrement les trois départements de la Basse Bretagne- grâce à l’extension des écoles, qui seule pouvait « vraiment unir la péninsule au reste de la France et compléter l’annexion historique toujours prête à se dissoudre » (p,376)

     Avec en parallèle, la scolarisation des filles :

    « Il découle de tout cela que les lois scolaires de 1880 eurent un énorme impact sur l’alphabétisation et la scolarisation des filles – deux domaines où elles étaient restées jusque-là très en retard. Quand les résultats de cette politique se firent sentir dans les années 1890, le rôle culturel des femmes dans la famille changea brusquement et, avec lui, les attitudes vis-à-vis de la scolarisation et de l’usage du français. » (p,378)

    L’instituteur était devenu un personnage important, souvent plus que le curé ou le maire qui ne parlait pas toujours le français. Il n’en reste pas moins que l’état de la scolarisation souffrait encore de beaucoup d’imperfection selon la position géographique des villages, leur raccordement à un réseau de communication, et la pression qu’exerçaient les nécessités de l’activité agricole dans une France très majoritairement rurale.

    De plus, « L’école fut considérée comme inutile très longtemps, car ce qu’elle enseignait, avait fort peu à voir avec la vie locale et ses besoins. L’instituteur enseignait le système métrique alors que les toises, les cordes et les pouces étaient encore d’usage courant ; il comptait en francs, alors que les gens parlaient encore de louis et d’écus. Le français était de peu d’usage quand tout le monde parlait patois et que les annonces officielles étaient faites par un crieur public dans le parler local. » (p391)

      Les lois militaires furent également un facteur de francisation.

    « Nous en arrivons ici à la plus grande fonction de l’école moderne : non pas tant enseigner des savoir-faire utiles qu’un nouveau patriotisme dépassant les limites naturellement reconnues par les enseignés. Les révolutionnaires de 1789 avaient remplacé de vieux termes comme maître d’école, régent, recteur, etc., par le mot instituteur, parce que l’enseignant était censé instituer la nation." (p,398)

     « Il n’y avait pas de meilleurs instruments d’endoctrinement et de conditionnement patriotique que l’histoire et la géographie françaises, et tout spécialement l’histoire qui, « correctement enseignée (est le seul moyen de maintenir le patriotisme dans les générations que nous éduquons. « (p,399)

     « Tout comme la langue maternelle n’était pas la langue de leurs mères, la patrie était quelque chose de plus (de fait, quelque chose d’autre) que le lieu où leurs pères vivaient. Il fallut un vaste programme d’endoctrinement pour persuader les gens que la patrie s’étendait au-delà de ses limites perceptibles et formait cette réalité immense et intangible appelée « France. » (p,400)

   L’auteur cite alors le rôle d’un livre scolaire dont le succès contribua beaucoup à la francisation du pays :

« En 1884, le Tour de France de Bruno, publié en 1877, avait été réimprimé 108 fois, et vers 1900, les ventes dépassaient huit millions d’exemplaires. Chaque enfant connaissait, lisait et relisait l’histoire des deux garçons alsaciens qui quittaient leur foyer après le décès de leur père pour répondre au vœu qu’il avait exprimé : qu’ils puissent être des Français. » (p,401)

      L’ensemble des extraits de textes que nous venons de citer brossent le portrait d’une France très différente de celle que l’on trouve couramment racontée dans nos livres, laquelle fait toujours la part trop belle au monde des villes, pour ne pas dire trop souvent au monde parisien.

    « Dieu est-il français ? » (Chapitre XIXème, page,407)

     « Vers le milieu des années 1870, 35 387 703 personnes, sur les 36 millions d’habitants de la France étaient considérés comme catholiques par les recensements officiels ;… Quelle que fut la signification globale de ce fait, cela voulait dire que l’Eglise était partie intégrante de la vie. » (p407)

      L’auteur cite maints exemples de l’emprise de l’Eglise sur la société de l’époque, une emprise qui n’était pas toujours d’une grande clarté évangélique, avec ce qu’il fallait de crédulité populaire, mais dont l’influence cédait progressivement du terrain.

            Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

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24 janvier 2017 2 24 /01 /janvier /2017 10:47

« La fin des terroirs » Eugen Weber

Première Partie

« Les choses telles qu’elles étaient »

           Je pourrais me contenter de donner l’intitulé des onze chapitres pour résumer l’état des lieux historique que l’auteur fait de la France du dix-neuvième siècle, et en particulier de la fin de ce siècle, celle qui a enchanté le discours idéologique de certains historiens et historiennes :

          « Un pays de sauvages » (1), « Les folles croyances » (2), « Le pied du roi » » (3), « Seul avec les siens » (4), « De la justice, Seigneur, délivrez-nous » (5, « Des langues à foison » (6), « La France, une et indivisible » (7), « Le travail de la terre » (8), « Le pain quotidien » (9), « De la « subsistance » à l’« habitat » (10), « La famille » (11).

          L’auteur décrit tout d’abord, « Un pays  de sauvages » (chapitre I, page 17), celui d’un « paysan non civilisé », et fait remarquer que paradoxalement notre ignorance procède entre autres : « L’une des raisons en est que les ethnographes et les anthropologues français (ils ne sont certes pas les seuls, mais ils ont suivi cette tendance peut-être plus que leurs collègues étrangers) ont récemment encore étudié avec zèle les peuples exotiques, mais grandement négligé le leur … Dans toute la masse d’études qui marque la fin du XIX° siècle et le début du XX° siècle, aucune ne dépasse l’horizon de Paris et de ce qui s’y déroule. Et cela sans aucune restriction, assuré que l’on est que les vues et les aspirations d’une petite minorité qui se prend pour l’ensemble du pays représentent réellement cet ensemble. » (p,23)

           A la page 27, l’auteur fait une remarque tout à fait intéressante sur la supposée lutte des classes qui aurait alors structuré la vie  politique, alors qu’il s’agissait plus d’une « hostilité compréhensible entre la ville et la paysannerie. » (p,27)» 

       « Tant de misère. Tant de peur. De menaces connues ou inconnues. Le connu était redoutable, et surtout les loups, les chiens enragés et les incendies. Les forêts étaient encore immenses et effrayantes vers le milieu du XIX°siècle. » (p,30)

        « Les folles croyances » (chapitre II, p,39)

       « Ne croyez pas aux sorcières, avertissait un manuel d’école primaire couramment employé en 1895… Les gens disent qu’ils peuvent voler ou nuire en prononçant certains mots, ceux qui prétendent connaitre l’avenir, sont des fous ou des voleurs. Ne croyez pas aux fantômes, aux spectres, aux esprits, aux apparitions…Ne vous imaginez pas que l’on peut éviter des dommages ou des accidents avec ... des amulettes, des talismans, des fétiches, comme… les herbes cueillies à la veille de la Saint Jean. » « Si Ernest Lavisse mettait en garde contre de telles croyances, c’est qu’elles étaient largement répandues. Beaucoup étaient du même avis. » (p,39)

       « Pour toutes ces raisons, les vieux contes populaires avaient encore assez de force en 1906 pour effrayer le frère de Jacques Duclos qui, âgé de douze ans et croyant avoir vu quelque chose dans la cour au milieu des ténèbres, « rentra tremblant de peur pour se trouver mal aussitôt. » (p,41)

       Rassurez-vous il ne s’agissait pas du fantôme de Trotsky !

     « Le pied du roi »  (chapitre 3, p,46)

    « Une loi de 1837 avait fait du système métrique le seul système légal pour la mesure des terres… Les archives publiques et les transactions privées prouvent que les anciennes mesures survécurent et furent florissantes jusqu’au XX° siècle, surtout dans les régions les plus pauvres et les plus isolées, où la vie et le travail ne s‘intégraient que lentement au marché national . » (p47),

     « … journal,…hommée… bêchée…l’attelée… la bovée… la jouguée… la saumade… »

      Cette énorme diversité de mesures et de système est moins frappante que la persévérance, l’obstination pourrait-on dire, avec lesquelles l’administration ignorait leur existence… (p,48)

      «… Dans le Tarn, en 1893, Henri Baudrillard constata que le système décimal était à peine connu, l’hectare inconnu, et les mesures différentes d’une paroisse à l’autre… » (p49

     « Tout cela renvoyait en fait à la persistante autarcie de la campagne – à une vie d’autosuffisance qui voyait jusqu’aux environs de 1870, de nombreux paysans n’acheter que du fer et du sel, payer le reste en nature, et être payés de la même manière, économiser leur argent pour les impôts ou thésauriser pour acheter une terre.. « (p,53)

     « L’argent resta longtemps un bien rare… En 1874, les épargnants français n’avaient accès qu’à 1 142 guichets de caisse d’épargne, alors qu’à la même époque on en comptait 5 000 en Angleterre. » (p,55)

      « Ces diverses données laissent entendre que l’économie monétaire  parvint à triompher dans un certain nombre de régions en  l’espace d’une courte période qui se situe grosso modo dans le dernier tiers du XIX°siècle… Quel que soit l’indicateur auquel on a recours, les années 1880 et le quart de siècle suivant semblent constituer, dans ce domaine comme dans d’autres, la ligne de partage des eaux. » (p59)

     « Seul avec les siens »  (chapitre IV, p,61)

    « La survivance opiniâtre de l’autarcie locale et domestique est étroitement liée aux survivances que nous avons décrites dans le troisième chapitre ; et une fois de plus, la ligne de partage des eaux semble se situer dans les années 1880 ; …. Seuls des chemins de fer et des routes praticables pouvaient modifier cette situation. Comme nous le verrons, une grande partie de la France n’en avait pas encore dans les années 1880. Jusqu’à cette date, les villages et les hameaux de Savoie ou du Lot restèrent « inaccessibles, tournés sur eux-mêmes », et la mentalité crée par cet isolement persista bien au-delà… »(p,62)

     « L’isolement alimentait l’ignorance, l’indifférence, les rumeurs, qui se répandaient comme une trainée de poudre, à une vitesse qui tranchait avec l’assimilation très lente des événements ordinaires. » (p,64)

     « En Bretagne, les indigènes comme on les appelait encore sous la Troisième République, semblaient assez aimables, mais peu coopérants… »(p,66)

      Petit commentaire : les « Indigènes de la République » ont, comme on le voit, des références historiques !

       « C’est pourquoi, pendant très longtemps, la plupart des Français ne pensèrent pas à désigner la France comme leur « pays » - jusqu’au moment où ce qu’on leur enseignait viendrait coïncider avec l’expérience. » (p,66)

     « Toute personne venant de plus loin que le rayon familier de quinze ou vingt kilomètres, dit Guillaumin à propos des paysans des années 1930, était encore un « étranger »

     « De la justice, Seigneur, délivrez-nous » (chapitre V, p,73)

      Cette seule appellation suffit à décrire les rapports que la paysannerie entretenait avec la Justice.

     L’auteur note ;

     « Selon Jules Méline, il y avait près de 400 000 mendiants et vagabonds en 1905 (plus de 1% de la population totale). « Bataillons d’affamés qui font trembler tout le monde sur leur passage. » (p,89)

     « Des langues à foison » (chapitre VI, p, 93)

   « En 1863, selon des chiffres officiels, 8 381 communes sur un total de 37 510, ne parlaient pas français : près d’un quart de la population. » (p,93)

    « Dans plusieurs départements, les cours étaient donnés dans la langue locale pour que les élèves puissent les comprendre : c’était le cas dans les Alpes Maritimes, l’Ardèche, le Bas Rhin, les Basses Pyrénées, la Corse, les Côtes du Nord, le Finistère, le Haut Rhin, la Meurthe, le Morbihan, la Moselle et le Nord. » (p,95)

     La Troisième République découvrait ainsi une France où le français demeurait une langue étrangère pour la moitié de ses citoyens. » (p,96)

      « Apprendre le français au peuple c’était contribuer à le « civiliser », à l’intégrer dans un monde moderne supérieur. » (p,99)

         « En 1968, quand Antoine Prost publia son excellente histoire de l’éducation française, « L’Enseignement en France, 1800-1967 », nous cherchâmes en vain ne fût-ce qu’une allusion au problème dont les maîtres d’écoles se plaignirent tout le XIX° siècle, le fait que qu’une grande partie de leurs élèves ne parlaient pas (ou parlaient à peine le français.) » (p,100)

     Une dernière citation :

     « Et à l’Exposition de Paris de 1889, les organisateurs de l’une des attractions, le chemin de fer à voie étroite de Decauville, jugèrent bon d’imprimer leurs affiches et leurs annonces en breton et en provençal aussi bien qu’en français. » (p,103) »

        L’auteur note enfin que ce fut la guerre de 1914 qui accéléra cette mutation.

     « La France, une et indivisible » (chapitre VII, p,125)

       « A quel moment la France est-elle devenue « une » ? »

    « Personne, au XIX° siècle, n’a entrepris la moindre enquête d’envergure sur la conscience nationale et le patriotisme. Les discussions sur ce thème au début du XX° siècle se sont concentrées exclusivement sur des groupes urbains – généralement étudiants. » (p,130)

      Commentaire : n’est-il pas, plus curieux encore, que de nos jours, plus d’un siècle après, alors que nos sociétés sont pourvues de multiples moyens d’enquêtes statistiques de toute nature publique ou privée, que des historiens, des sociologues, des anthropologues, des journalistes, mettent en avant une « mémoire collective », ou « coloniale », jamais encore mesurées, la « guerre des mémoires » de Stora », les « lieux de mémoire » de Nora, pour quel public ?

      Il convient de remarquer une fois de plus que le collectif de chercheurs Blanchard and Co, avant de rédiger des pages et des pages pour affirmer que la France baignait dans une « culture coloniale » ou « impériale » , au choix, avaient au moins la possibilité avant l’ère des sondages (voir les références Ageron), d’examiner si leur hypothèse de travail était corroborée par l’analyse de la presse nationale et locale au cours des périodes historiques examinées, une analyse qui n’a pas été faite.

      « Même la guerre de 1870 n’a pas provoqué le sursaut général de patriotisme qu’on a prétendu. » (p,131)

     « En réalité, la plupart des gens semblent avoir considéré la guerre comme un événement nuisible dont la fin fut saluée avec soulagement. » (p,134)

    « Le seul événement historique, sans doute, qui servit de borne chronologique pour tous les Français de la fin du siècle était la Révolution. » (p,140)

  « Chaque année, rapportait Bodley peu avant 1914, il y a des recrues qui n’ont jamais entendu parler de la guerre franco-prussienne » de 1870. Il citait une enquête de 1901 dans laquelle en moyenne six hommes sur dix d’un escadron de cavalerie n’avaient jamais entendu parler de cette guerre. Une enquête semblable, menée parmi des recrues en 1906, révéla que 36% de ceux-ci « ignoraient que la France avait été vaincue en 1870 », et qu’à peine la moitié « avaient entendu parler de l’annexion de l’Alsace-Lorraine ». (p142)

     En résumé, à la fin du dix-neuvième siècle, et jusqu’à la première guerre mondiale, la France n’était ni « une », ni « indivisible ».

    « Le travail de la terre » (chapitre VIII, page 147)

     Un constat sur l’état de la France :

« Pendant tout le XIXème siècle, jusqu’aux premières décennies du XX ° siècle, les populations rurales et agricoles furent majoritaires en France. Tout le monde s’accorde là-dessus. » (p,147)

    « Michel-Augé-Laribé, qui a une connaissance approfondie de la condition agricole française, souligne qu’entre 1860 et 1880, les modes de vie et les méthodes des paysans des régions pauvres, « plus nombreuses qu’on ne le reconnait ordinairement », demeuraient encore très proches de l’âge de pierre. Voilà un jugement impressionnant, qui devrait prévenir contre la vision d’une France rurale en pleine modernisation pendant le Second Empire…Les changements réels, dans l’économie rurale, ne se produisirent qu’au cours des décennies suivantes. » (p,151)

     L’auteur estime que les vrais changements se situèrent entre 1894 et 1914.

   « Le pain quotidien » ( chapitre IX, page 165)

     Un chapitre dont le seul titre suffirait comme commentaire :

    « Dans la France rurale, la faim réelle n’a vraiment disparu (ou du moins, les mentalités ne se se sont vraiment accoutumées à sa disparition) qu’à l’aube du XX° siècle. » (p,165)

      Sucre, café, huile n’y firent leur apparition qu’à la fin du siècle.

     « De la « subsistance » à l’ « habitat » (chapitre X, page 185)

     Pendant tout  le siècle, et jusqu’en 1914,  l’hygiène, la propreté laissèrent beaucoup à désirer, la propreté corporelle tout autant que la propreté de l’habitat :

      « Vers 1914, dans des régions relativement avancées comme la Mayenne, on lavait le linge familial deux à quatre fois par an ; dans le Morbihan, on se contentait d’une fois… Si le nettoyage du linge était chose rare, la toilette personnelle restait-elle aussi une exception. » (p,187)

    « A quoi bon se laver ? Comme on dit en Saintonge : nous aut’pésants, jh’attrapons de bonnes suées, o nous nettie le corps. » (p, 188)

      « Dans les années 1890, le progrès semble se généraliser.. » (p,201)

« La famille » (chapitre XI, page 209)

     Quelques-unes des observations de l’auteur suffiront à caractériser la situation de la famille de cette époque, et notamment la condition « inférieure » des femmes.

     Village et famille constituèrent longtemps le noyau dur de la société.

      « La   formation des couples n’était pas du domaine privé » (p,209)

      « On épousait une famille et non une femme ou un homme » (p,210)

     « Les femmes mangeaient debout, servaient les hommes et finissaient leur repas plus tard en ce qui en restait. » (p,214)

       Cette situation changea très lentement :

     « Malheureusement, les vieilles habitudes qui régissaient la vie domestique, l’alimentation et l’éducation des enfants, prévalurent beaucoup plus longtemps qu’on ne l’avait espéré. Entre 1914 et 1918, les femmes des campagnes avaient certes acquis un sentiment nouveau d’autonomie et de confiance, grâce aux initiatives et responsabilités qu’elles étaient forcées de prendre, aux métiers qu’elles apprenaient à faire, aux pensions familiales qu’elles avaient à gérer. Et pourtant, en 1937, le directeur des services agricoles du Lot pouvait répondre à une enquête dans des termes qui reprenaient ceux du siècle précédent : « La femme conserve ses traditions et ses vertus domestiques qui se manifestent comme un esclavage librement consenti » (p,217)

    « Les hommes étaient condamnés au travail, les femmes vouées à la reproduction et traitées comme des bêtes de somme. » (p,218)

      L’auteur remarque qu’il faut toutefois se méfier des généralisations :

      « Une fois de plus, les généralisations n’ont par définition, d’autre valeur que générale. » (p225)

      « Mais la société rurale française de la fin du XIXème siècle n’était plus stable; elle devenait de moins en moins homogène. Chaque coup porté contre les détails de son organisation mettait de plus en plus le système tout entier à la merci de la modernité. » (p,236)

Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

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23 janvier 2017 1 23 /01 /janvier /2017 09:56

« La fin des terroirs »

1870-1914

Eugen Weber

(Fayard 2010)

Lecture critique

Préambule

 

            Pour avoir lu et étudié le ou les discours historiques d’un courant de pensée animé entre autres par le collectif que j’ai baptisé du nom de Blanchard and Co, dont l’animateur principal a, semble-t-il de multiples casquettes, publiques ou privées, puisqu’il est aujourd’hui chef d’entreprise dans la communication, patron de la petite agence de com’ « BDM », j’ai éprouvé le plus grand scepticisme à l’égard des thèses que ce collectif défendait sur la culture coloniale ou impériale, au choix, laquelle aurait été celle de la France, à l’époque des colonies.

        Pourquoi cette thèse historique manquait de pertinence scientifique ?

       Pour deux raisons majeures, la première son insuffisance d’évaluation scientifique et quantitative des vecteurs supposés de la dite culture et de ses effets sur l’opinion publique aux différentes périodes de notre histoire coloniale, la deuxième, sa méconnaissance de la culture populaire française des mêmes périodes, notamment au cours de la période historique allant en gros de 1870 à la fin de la première guerre mondiale.

        Dans mon livre « Supercherie coloniale », je faisais référence au livre roboratif de MM Keslassy et Rosenbaum, dans la collection Mémoires vives, « Pourquoi les communautés instrumentalisent l’Histoire ? », en citant une de leurs appréciations :

      « Nos nouveaux entrepreneurs de mémoire, à l’affût, guettent ces désirs et ces tourments. Ils savent les instrumentaliser. » (MV,p,59)

     Et j’indiquais :

   « Pourquoi ne pas rappeler que dans une controverse récente sur la repentance entre deux historiens chevronnés, Mme Coquery-Vidrovitch et M. Lefeuvre, la première a défendu l’historien Blanchard en le qualifiant précisément d’historien entrepreneur ? » (p,264,265)

         Je ne sais pas si à l’époque l’historien ainsi désigné était déjà historien entrepreneur ou chef d’entreprise lui-même, comme c’est aujourd’hui le cas.

      Le travail d’Eugen Weber a le mérite de nous éclairer sur la situation qui était celle de la métropole au cours des mêmes années, c’est-à-dire une France rurale, arriérée, face à celle des villes, encore minoritaires, face aussi au rayonnement, sinon au pouvoir exorbitant de Paris, sa capitale.

       Le livre montre bien l’existence de deux mondes, un monde rural qui avait beaucoup de points communs avec certains des mondes ruraux rencontrés au cours des conquêtes et de la mise en place des superstructures coloniales, très loin du monde urbain, déjà sophistiqué, mais très minoritaire jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle et du début du siècle suivant.

      Les observations d’Eugen Weber sur la lecture anticolonialiste de Franz Fanon valent le détour.

     C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je publierai à la fin de ma lecture critique une petite synthèse intitulée « Indigènes de métropole et Indigènes des colonies ».

 

« La fin des terroirs »

1870-1914

Eugen Weber

« Préface inédite de Mona Ozouf »

Pluriel

 

Lecture critique

 

         Il s’agit d’un gros bouquin de 713 pages avec toutes ses cotes, un gros pavé historique, que l’auteur a consacré à l’état de la France à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, une analyse qui a l’immense mérite à mes yeux de rebattre beaucoup de fausses cartes historiques sur lesquelles trop d’historiens ont construit leur discours, le dernier exemple étant celui du collectif de chercheurs Blanchard, Lemaire, Bancel, et Vergès, en ce qui concerne la culture coloniale qu’ils supposaient être celle de la France de 1870 à 1914, et qu’ils ont affirmé être celle-là.

            En finale de ma lecture critique, je me propose de rédiger un petit sommaire des traits qui, d’après la source historique en question, relevaient d’une France métropolitaine arriérée, sauvage, composée, pour plus de 90% de ses habitants, laquelle à la fin du dix-neuvième siècle, n’avait rien à envier à beaucoup des territoires coloniaux que la France se mit en tête de conquérir.

            L’intitulé de la première partie du livre « Culture coloniale », 1. « Imprégnation d’une culture » (1871-1914), sonne étrangement, alors que dans le contexte historique de l’époque, le vrai sujet portait sur l’imprégnation d’une culture française, outre le fait de l’indigence des évaluations qui sont faites à la fois des vecteurs supposés de cette culture et de ses effets.

            Ce livre comprend trois parties, qu’ouvre une préface tout à fait intéressante de Mona Ozouf (p,1 à 9) :

I  - « Les choses telles qu’elles étaient »  (pages 17 à 239)

II – « Les agents du changement » (pages 239 à 449)

III – Changement et assimilation (pages 449 à 589)

       La seule énumération du titre des 29 chapitres de ce livre suffirait déjà à en donner la couleur historique.

     Après publication de cette analyse, nous nous proposons donc de publier quelques pages de comparaison entre ce qu’était la France « coloniale » de la fin du dix-neuvième siècle, et la nouvelle « France d’Outre-Mer », que  les explorateurs, les officiers,  les administrateurs, les missionnaires, ou les colons, découvraient.

     Il n’y avait pas beaucoup de différence dans un certain  nombre de cas.

      Le contenu du vingt-neuvième chapitre, intitulé « Cultures et civilisation »,  le dernier est tout à fait intéressant à ce sujet.

            La préface, dans sa préface, Mona Ozouf, écrit :

        « On entre dans le livre d’Eugen Weber comme dans un conte, sous la douce injonction d’un « il était une fois » : dans le pays où il nous entraîne, les nuits sont très noires, les forêts très profondes, et les chemins des fondrières. Chaque village vit remparé, replié sur lui-même et ses très proches entours, et rien ne semble y bouger : ce que les hommes font, ils l’ont toujours fait, l’origine des usages se perd dans la brume des temps. » (p,I)

       « … comment les paysans se sont mués en citoyens français… comment donc le sentiment d’appartenance à la patrie est-il venu aux gens des campagnes ? Le livre d’Eugen Weber explore les chemins par lesquels s’est faite cette rencontre et développe une idée centrale : que cette rencontre a été très tardive, si bien que le sentiment patriotique des Français entre 1870 et 1914, est encore à  créer. » (p,III)

          « … il se rend compte qu’il ne sait rien de ces campagnes traitées par tant d’historiens comme de simples annexes de la ville ; que lui-même a longtemps identifié la France à Paris ; qu’il lui faut désormais privilégier les périphéries au détriment du centre que célèbre une historiographie française obstinément  jacobine. » (p,IV)

       L’auteure cite l’exemple du livre d’Antoine Prost sur l’enseignement :

      « …comment par exemple a-t-il pu faire l’impasse sur les obstacles que les langues minoritaires opposaient, sous la III° République encore, à l’alphabétisation des Français ? » (p,V)

       « En osant ces question, La fin des terroirs comportait donc sa pointe polémique. Il prenait à la traverse quelques- unes des certitudes les mieux ancrées que nourrit l’historiographie française sur la date et la teneur du sentiment national… (p,V)

       « …Aucune des dates invoquées ne trouve grâce à ses yeux… » (p,VI)

       « … L’objection décisive, face à Renan, à Benda, à tant de volontaristes, est que si être français suppose une mobilisation quotidienne de la volonté au service d’une conscience claire, alors ceux qui vivaient dans les campagnes françaises du XIXème siècle étaient à peine français… »(p,VI)

         Mona Ozouf émettait toutefois un doute :

      « Si bien que les lecteurs de la Fin des terroirs conservent un doute : le constat de la sauvagerie paysanne n’est-il pas étroitement dépendant du choix que fait Weber de son espace et de ses sources ? Son espace, parce qu’il a récolté ses exemples au sud-ouest de la ligne Saint Malo-Genève : ses observations auraient-elles été les mêmes s’il avait tourné ses regards vers les les plaines du Bassin parisien, du Nord, de l’Est et du Sud-Est au lieu d’élire la France pauvre, la France rebelle, celle du « fatal triangle » de Stendhal… Or ces sources, Weber les utilise parfois sans assez d’esprit critique… » «(p,VIII)

         Une bonne question, sauf à noter que la fracture nationale décrite, avait au moins un sens géographique, sud contre nord, ou montagnes contre plaines, de même que la question  suivante :

        « …Resterait enfin la grande question de savoir quelle est la valeur du raisonnement inductif qui, du peu de familiarité avec la culture savante, conclut à l’absence de sentiment national…. » (p,IX)

         Deux questions qui posent les questions rarement abordées et traitées de la représentativité des sources analysées, et de l’évaluation des effets de leurs contenus.

        Introduction (page 9)

       L’auteur nous raconte comment il avait découvert le livre de Roger Thabault « Mon village » :

      « Thabault retraçait l’évolution d’une commune – bourg, villages, hameau, fermes isolées -, dans laquelle la vie avait suivi le même cours depuis des temps bien antérieurs à la Révolution, et n’avait changé, mais alors radicalement, qu’au cours du dernier demi-siècle avant 1914… »

      Vingt ans plus tard, l’auteur découvrait un autre livre, celui d’André Varagnac, qui décrivait à sa manière la même métamorphose « Civilisation traditionnelle et genres de vie » ;

      « « Toute une mentalité se mourrait, était morte. Coïncidence ? Varagnac, lui aussi, situait ce tournant décisif dans le dernier quart du XIX°  siècle. (p, 10)

       … En cherchant les réponses aux questions que Varagnac m’avait amené à soulever, j’étais conduit à découvrir une nouvelle France dans les campagnes du XIX ° siècle, une France où beaucoup de gens ne parlaient pas français, ne connaissaient pas (et employaient encore moins) le système métrique, où les pistoles et les écus étaient mieux connus que les francs, où les routes étaient rares et les marchés éloignés, et où une économie de subsistance traduisait la plus élémentaire prudence. Ce livre traite de ces changements et de l’évolution des mentalités au cours de cette période ; en un mot, il montre comment la France sous-développée fut intégrée au monde moderne et à la la culture officielle – celle de Paris et des grandes villes. » (p,11)

         Comment ne pas souligner la justesse du propos, car il a toujours existé, et il existe encore à mes yeux, un biais méthodologique de base dans la façon dont la plupart des chercheurs confondent bien souvent la France avec sa capitale, ou le monde des grandes villes.

        Plus loin l’auteur reconnait que dans son hypothèse de travail, il s’est délibérément attaché aux régions qui servaient le mieux ses intérêts –« l’Ouest, le Centre, le Midi et le Sud-Ouest- , et aux quarante ou cinquante années qui  précèdent 1914,  un biais méthodologique qui est effectivement de nature à diminuer la portée de son analyse, contrebalancé par le constat qu’il a fait aux Archives nationales :

         « Mais même les recherches qui s’en tiennent aux lignes traditionnelles de l’histoire sociale des années 1880-1914 posent des problèmes particuliers. Il y a de sérieuses lacunes aux Archives nationales pour ce demi-siècle décisif d’avant 1914). » (p, 12)

Jean Pierre Renaud   Tous droits réservés

 

 

 

 

 

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16 janvier 2017 1 16 /01 /janvier /2017 09:44

Les primaires de la droite ou de la gauche

Les « vieilles choses » de Lyautey

Rien n’a véritablement changé depuis la Troisième République !

 

            Experts en tout genre et politologues dissertent sur les raisons de la crise politique qui mine notre société en profondeur depuis de nombreuses années.

            Les crises de représentativité de nos institutions parlementaires, - ils vont tous au contact du peuple, le redécouvrent, -  ou celles des partis politiques qui s’en remettent à des élections primaires pour désigner leurs hérauts présidentiels, en sont les illustrations principales, mais quelles en sont les raisons ?

            La Croix du 11 janvier fait sa première page sous le titre « La gauche en quête d’idées » et publie un éditorial sous le titre « En morceaux », il s’agit de la gauche, avec en finale cette réflexion et référence :

      « Cet éclatement d’une famille de pensée qui a longtemps eu la haute main sur « l’imagination de l’avenir » pour reprendre une formule du philosophe Marcel Gauchet, n’est plus une bonne nouvelle pour personne. »

         Je suis loin d’être assuré que cette appréciation soit fondée, car on ne peut pas dire que la gauche ait bien imaginé l’avenir tout au long des années qui ont suivi la Libération, qu’il s’agisse de la décolonisation, de la guerre d’Algérie avec Guy Mollet, ou enfin du Programme commun de Messieurs Mitterrand et Chevènement en 1981, pour ne pas citer la gauche moribonde de Monsieur Hollande, en tout cas du Parti Socialiste dont il a été le Secrétaire pendant plus de dix ans.

           Un mot tout d’abord sur ces primaires qui mettent le pays dans un état de transe politique permanente dans les milieux dirigeants et qui montrent que les partis politiques dont le rôle est reconnu dans l’article 4 du Préambule de  la Constitution de 1958, ont mis eux-mêmes la clé sous la porte en laissant le soin aux citoyens, quels qu’ils soient, de désigner à leur place, les hommes ou les femmes qui sont censées incarner leur « imagination de l’avenir ».

       Débauche de com’, lutte au couteau entre egos, politique du spectacle à gogo ! La France est un pays formidable, car à voir certaines candidatures, on va finir par croire que la Présidence de notre République peut être exercée par n’importe quel citoyen « normal ».

        Les primaires sont à mes yeux la caractéristique de la perversité actuelle de notre démocratie politique, ou en d’autres termes, une médecine à la Molière, un laxatif tellement puissant qu’il est de nature à ruiner la démocratie.

      A voir ce qui se passe dans le Parti socialiste, la médication politique que cette formation a promue va effectivement mettre le malade au tapis.

Je vous propose donc de revenir à une analyse plus terre à terre de notre situation nationale.

       Les élites, qui nous ont gouverné et qui nous gouvernent encore, ont conservé une conception franchouillarde de la politique, ce qui veut dire qu’elles sont obnubilées par leur nombril, leur canton, leur commune, leur département, leur région, sans s’occuper de ce qui se passe dans « l’ailleurs » de l’Europe et du monde : à l’évidence, le destin de notre nation dépend plus de ce qui se passe dans l’Union européenne, aux Etats-Unis, en Chine, en Inde, ou encore en Russie.

        Il est d’ailleurs curieux, pour revenir à l’imagination socialiste, que les partis qui sont censés la représenter ne parlent jamais de cette justice sociale internationale souvent imparfaite, qui est en cours de réalisation avec une nouvelle distribution des richesses du monde, la mondialisation en cours.

      Notre élite politique n’a pas encore pris le vent du large, et elle a d’autant plus de mal à le faire qu’elle est entortillée dans un millefeuille obsolète de structures nationales ou locales, politico-sociales, intermédiaires, qu’elle trouve encore confortable.

       Les deux exemples de Bayrou et de Juppé illustrent bien cette situation, Pau ou Bordeaux, au lieu de Strasbourg et de Bruxelles, avec des discours mais pas d’actes.

      Combien de nos politiques ont acquis une vraie expérience des affaires internationales ?

      Notre élite politique a une longue tradition de franchouillardise en même temps qu’elle s’adonne toujours, comme par le passé, à son goût cocardier de vouloir mettre son grain de sel dans toutes les affaires du monde.

     Les initiatives, postures, et interventions extérieures de la Présidence actuelle en donnent une bonne illustration.    

     J’ai déjà écrit quelque part que les initiatives internationales de la République actuelle, la Cinquième, étaient en définitive très proches de celles de la Troisième République de Jules Ferry.

       Dans une de ses lettres du Sud de Madagascar que le colonel Lyautey adressait de Fianarantsoa à Max Leclerc, le 3 juin 1901 ;

    « Or l’état d’âme mondial, la libération de l’ « otium cum dignitate » que vous rapportiez d’Amérique, je crois m’en être largement imprégné au cours de cette campagne de sept ans à travers le monde et je fais tout ce que je puis, par la fréquentation des étrangers, par ma libération de l’uniforme et du bouton, pour m’y maintenir. Seulement cette conception mondiale des choses me rend certainement plus pessimiste que vous au sujet de nos choses intérieures. Je trouve justement que nous nous soyons dans les systèmes spéculatifs, que la majorité chez nous attache trop d’importance aux « vieilles choses » qui selon vous, barrent la route et dont il faut avant tout se débarrasser, parce qu’il me semble qu’elles ne barrent pas grand ’chose…. Je trouve justement que notre Parlement, nos hommes d’Etat ne sont pas assez « mondiaux », et que notre rôle en Chine, au Siam, en Afrique, le développement de nos débouchés, la prospérité de nos ports, la révision étudiée et sérieuse de notre protectionnisme meurtrier, la résurrection de notre flotte marchande devraient passer au premier plan des préoccupations de nos hommes politiques, enlisés dans leurs soucis électoraux, dans leurs querelles contre tant de choses « si tellement » moins redoutables que la concurrence étrangère et que le commerce allemand.  ….        Ma civilisation « mondiale » me fait chaque jour toucher du doigt l’affaiblissement de notre force économique, la timidité de nos capitaux, la timidité de toute affaire, de toute entreprise dans l’incertitude du lendemain, et c’est pourquoi je nous crois très mal gouvernés. L’Amérique, aussi démocratique que nous, a une suite, un programme, une volonté, un « gouvernement et des institutions » : il me semble que nous n’avons plus ni l’un ni l’autre.

Mais voilà bien trop de politique, je m’étais interdit d’en faire. C’est vous qui m’y avez provoqué. Excusez m’en donc. » (Lettres du Sud de Madagascar, p,90,91,92)

       Je précise que le général Gallieni avait confié le Commandement Supérieur du Sud de Madagascar au colonel Lyautey en vue de sa pacification et de sa modernisation, un commandement que le « colonialiste » exerça dans de très bonnes conditions dans les conditions de vie précaire qui étaient alors celles de cette région. Il l’avait beaucoup apprécié au Tonkin.

      Ces paroles ne sonnent-elles pas toujours aussi juste plus d’un siècle après, quitte à les transposer ?

      En résumé, notre pays ne sortira de ses ornières qu’en se projetant au dehors, dans un ailleurs qui ne peut être, dans les rapports de force internationaux actuels et prévisibles, qu’un ailleurs européen, en rejetant le dedans des conforts franchouillards, des fausses souverainetés, et des cocoricos.

    J’ajouterai qu’en plus des « vieilles choses », beaucoup de « nouvelles choses », en particulier la mode des tweets de toute nature, pervertissent le pays que nous aimons.

      Les chefs d’Etat seraient donc condamnés à se parler par tweet ?

Jean Pierre Renaud

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9 janvier 2017 1 09 /01 /janvier /2017 09:14

Statistiques de lecture 2016 (terminologie overblog)

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Les races : 113 pages

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« Guerres d’Afrique, 130 ans de guerres coloniales, l’expérience française ? » par Vincent Joly » : 73 pages

(11/05/11- 20/05/11)

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« Supercherie coloniale » : avec quelques extraits de mon livre, dont le chapitre 9 intitulé :

« Le ça colonial ! L’inconscient collectif !

Freud au cœur de l’histoire coloniale !

 Avec l’Algérie, l’Alpha et l’Omega de la même histoire coloniale. »

68 pages

(13/10/10-la censure Delanoë- 15/01/13- 3/07/14-23/09/15-17/06/14-23/09/15-14/01/16)

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Merci à mes lectrices et à mes lecteurs ! 

                        Jean Pierre Renaud

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3 janvier 2017 2 03 /01 /janvier /2017 11:22

« Communautarisme ou intégration à un modèle commun ? »

La Croix du 26 décembre 2016

Stéphane Madaule Essayiste

S’agit-il de la nouvelle doctrine de l’Agence Française de développement ?

 

            L’auteur signe une tribune, sans faire état de ses fonctions de directeur de l’Agence Française de Développement à Brazzaville, une information qui a au moins le mérite de permettre au lecteur de pouvoir cadrer le sujet.

            Cette agence est en effet l’instrument politique et public des interventions extérieures françaises en faveur du développement des pays les plus défavorisés.

            Au cours des mois passés, le même « essayiste » avait signé une tribune dans le même journal dont la morale était du type : oui, la corruption existe dans ces pays, mais en gros, le mal est inévitable, et il faut faire avec.

            Ici, l’auteur décrit les caractéristiques de deux modèles qui régiraient l’accueil des populations immigrées sur leur territoire, l’anglo-saxon et le français :

       « D’un côté, le communautarisme, l’expression la plus aboutie de la liberté, commandait à la société d’accueil de laisser la place aux différences, aux modes de vie spécifiques, aux croyances particulières des minorités….

       De l’autre, le modèle d’intégration, l’adhésion aux valeurs et aux institutions pour la fondation  d’un socle commun encore plus large pour tous était souhaitable…

       Bien sûr, ces deux modèles fonctionnent toujours ; Ils diffèrent cependant dans leurs résultats en fonction de l’écart culturel existant entre les populations fixées sur place depuis des siècles. Lorsqu’un écart culturel s’accroît, un passage par le communautarisme est plus aisé qu’une politique d’assimilation rapide qui risque de détruire la singularité de certaines identités. En revanche, à l’inverse la politique d’assimilation semble plus facile à opérer dans le cas d’un écart culturel relativement faible. Néanmoins, lorsque les flux migratoires sont massifs, le regroupement communautaire prédomine, quel que soit l’écart culturel…. »

       J’ai souligné les quelques mots et phrases qui tentaient de formuler une nouvelle doctrine du vivre ensemble dans notre pays, une doctrine qui me parait frappée d’innocence toxique.

       L’auteur conclut par un propos tout à fait étrange de la part d’un des représentants de la politique étrangère de la France en Afrique :

       « Il faut peut-être en passer par le communautarisme, pour ensuite envisager l’intégration. La combinaison des deux, dans un espace-temps différent, correspond sans doute aux enjeux de notre époque. »

         « Un espace-temps » ? Un mot bien savant, pédant, à prétention scientifique qui nous ferait accepter le fait accompli, nous empêcherait de continuer de croire à notre idéal républicain, à le défendre, est-ce bien cela que propose notre essayiste ?

         L’espace-temps de Madaule ? Est-ce bien sérieux ? Et que dire aussi de l’expression utilisée plus haut de l’« écart culturel » ? Une lapalissade incontestablement scientifique !

       Tout serait donc égal par ailleurs ? Face à des modèles de vie que nous considérons encore, et à juste titre, comme des modèles de vie arriérés par rapport aux nôtres, et quelquefois encore barbares, comme rappelé plus loin ?

        J’inviterais volontiers les lecteurs à prendre la peine de lire dans le journal Le Monde du 22 décembre 2016 – tout n’est pas mauvais dans ce quotidien – l’enquête consacrée aux femmes excisées qui vivent dans notre pays sous le titre « Les femmes coupées », par Ondine Debré.

      « Plus de 60 000 femmes vivant en France seraient excisées. Si les chirurgies réparatrices existent, le plus dur est souvent de réussir à parler de ce traumatisme comparable à un viol. »

       Comptez mesdames et messieurs ce que cela représente statistiquement dans la population féminine française globale, sans distinguer, pour autant que cela soit possible, les origines, les « identités », ni la pyramide des âges, soit une femme « coupée » recensée pour 550 femmes !

       Pour l’année 2004, l’INED indique : « En 2004, on estimait à 53 000 le nombre de femmes adultes excisées en France. », soit une femme adulte sur 450.

       D’après le Huttingtongpost.fr (5/10/2016), le chiffre cité était de 57 000 pour la France et de 170 000 pour la Grande Bretagne, ce qui représente pour ce deuxième pays « communautariste », une femme adulte (+ 24 ans) sur 133.

      A lire ces chiffres, et à partir de cet exemple de l’excision, on voit clairement ce qui différencie le modèle anglo-saxon vanté par Monsieur Madaule et le modèle français qui se situe, j’imagine dans le même  « espace-temps ».

       Je dis clairement non à cette nouvelle mode du communautarisme, laquelle confine à la sottise, avec le lourd parfum des « fausses sciences » chères à Pascal !

      Jean Pierre Renaud

 

           

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25 décembre 2016 7 25 /12 /décembre /2016 16:51

Paris, le 25 décembre 2016

Le message de paix  exceptionnel de Vera Baboun

« Première femme à devenir maire de Bethléem, cette Palestinienne chrétienne veut être un agent du changement dans le contexte enlisé du conflit »

La Croix des 24 et 25 décembre 2016, Rencontre, page 8 et 9

« Vera Baboun a été élue maire de Bethléem il y a quatre ans. Elle représente le Fatah, le parti de Mahmoud Abbas. »

 

            Quelques lignes d’hommage au témoignage d’une femme courageuse qui porte l’espoir d’une paix encore bien improbable dans cette terre de Palestine.

            Pourquoi ne serait-il pas possible d’admirer un peuple qui s’est relevé aussi vite après le désastre de la Shoah, notamment en construisant le puissant Etat d’Israël, tout en lui disant : peuple d’Israël, ne vas-tu pas trop loin en refusant à tes voisins musulmans de Palestine l’Etat dont ils ont également et très légitimement besoin ?

            Sauf à voir la guerre actuelle se poursuivre au cours des siècles et des siècles !

            Jean Pierre Renaud

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20 décembre 2016 2 20 /12 /décembre /2016 18:00

Propos de journaliste et décryptage citoyen

« Un diktat allemand »

Editorial de Guillaume Goubert dans La Croix du 16 décembre 2016

           

         Les médias ont mis à la mode le mot, pour ne pas dire le concept de décryptage.

           Pourquoi le citoyen s’en priverait-il à l’endroit des médias ?

           Faire appel à une expression qui eut son heure de gloire avec le Traité de Versailles de 1919, une expression riche de non-dits ou de sous-entendus, constituait-il la formulation pertinente d’un des épisodes, et il y en eu beaucoup, des relations entre l’Union Européenne et la Grèce ?

        Rien n’est moins sûr ! Alors que la Grèce a trompé l’Europe sur ses comptes lorsqu’elle est entrée dans la zone euro, que ses gouvernements ont abusé de démagogie internationale tout au long du processus de régularisation de ses relations avec l’Union.

        Diktat ? Alors que le gouvernement grec venait d’annoncer des mesures sociales qui pouvaient se défendre, mais sans concertation précisément avec les pays appelés à se concerter avec la Grèce sur l’allègement de sa dette ?

        Alors, pour parler clair ? Diktat allemand ou diktat grec ?

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« Ces électeurs de droite pas encore « prêts » pour Fillon »

« En Lorraine, l’électorat populaire de la primaire juge sévèrement le candidat »

Avec pour illustration une photo d’intérieur on ne peut plus bourgeois

Le Monde des 18 et 19 décembre 2016, page 10

 

         Je ne suis sans doute pas le seul à m’interroger souvent, très souvent, sur la représentativité des informations données, des images, du choix des personnes interrogées, hors les sondages qui à eux seuls posent également la question de la représentativité.

       C’est la question capitale que je me pose souvent à la lecture des histoires coloniales ou postcoloniales.

      Dans le cas de cette chronique, je laisse le soin à meilleur informé que moi d’interpréter le contenu et la qualité des personnes interviewées qui sont supposées représentatives de l’électorat populaire.

       Ce texte se fait effectivement l’écho des réactions d’un certain nombre d’électeurs ou électrices de droite à l’endroit du candidat Fillon, vainqueur de la primaire de la droite.

        Je m’attacherai tout simplement à relever la contradiction qui parait exister entre le contenu supposé, le postulat du populaire et la photo choisie pour illustrer le contenu de cette chronique, avec son étalage d’œuvres et d’objets d’art, une sorte  de brocante bourgeoise d’un intérieur loin du « populaire ».

     Jean Pierre Renaud

 

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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 19:03

Deux photos dérangeantes : Benjamin Stora et Manuel Valls !

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Stora ou le grand prêtre des mémoires :

 Combattantes ? Pacificatrices ? Flagellantes ? Autoflagellantes?  Repentantes ?

Ou tout bêtement flageolantes ?

La grande photo d’un frère prêcheur ou pécheur ?

La Croix des 12 et 13 novembre dernier

Après la « guerre des mémoires », la « paix des mémoires » ?

       Certains lecteurs du journal La Croix ont sans doute été surpris de voir dans leur journal des 12 et 13 novembre dernier, page 10, de l’ordre de la moitié d’une page, une grande photo de Monsieur Stora, historien et mémorialiste, ouvrant tous grands les bras comme nos prêtres dans nos églises, le dos à un espace d’eau, sur le thème « Rencontre », dans une chronique intitulée « Benjamin Stora, la paix des mémoires », signée Jean-Christophe Ploquin.

            Il ne s’agissait tout de même pas, rassurez-vous, de la photo du Christ rédempteur de Rio, de 38 mètres de haut, mais d’une taille plus réduite, dans un format tout de même confortable.

            Cette photo était sous-titrée : « L’historien Benjamin Stora a toujours cherché à briser les enfermements, à connaître les autres ».

            Pourquoi pas ? Mais alors guerre ou paix ? En préfiguration d’une future retraite dans l’ermitage de Charles de Foucauld à Tamanrasset ?

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            Après Benjamin Stora, Manuel Valls !

      Une grande photo dans le Figaro du 6 décembre 2016 (pages 2 et 3 -495 cm2) avec l’annonce de sa candidature aux Elections présidentielles 2017 à Evry

       Une photo moins grande dans le Monde du 8 décembre 2016 (page 12- 234cm2) avec la même annonce de candidature.

         Précisons que cette ou ces photos ont fait le tour des réseaux sociaux, et c’était leur but !

            Depuis de très nombreuses années, j’ai l’habitude de regarder ce qui se passe à côté du sujet principal.

            J’avais l’habitude de le faire à l’époque de la dictature soviétique, car les photos diffusées par les télévisions étaient souvent plus intéressantes par leurs à-côtés, ou leurs bas-côtés, que par leur sujet principal.

            Manuel Valls annonce en fanfare sa candidature dans son fief d’Evry avec une banderole : « Faire gagner tout ce qui nous rassemble »

            Pourquoi pas ? Mais le septième ou alors encore huitième candidat, ne craint-il pas que ce type de photo dans les deux journaux, soit mal interprété : le tiers des personnes qui l’entouraient affichaient inévitablement leur origine noire, laissant croire qu’au moins à Evry ou dans l’Essonne, le tiers des électeurs du parti socialiste avaient de près ou de loin une telle origine.

            Le Canard Enchaîné du 7 décembre dernier donne le fin mot de l’histoire, en première page, sous le titre :

 « Des coups et des couleurs

            Toutes les couleurs de la diversité sur votre écran. Pour sa candidature à l’Elysée, mise en scène à Evry, Manuel Valls et, surtout son indéscotchable publicitaire Stéphane Fouks ont tout travaillé, même l’arrière-plan. Du symbole black, blanc, jaune et beur, pour bien montrer aux détracteurs que l’ancien renvoyeur de « Roms en Roumanie », le pourfendeur du burkini n’était pas seulement l’ami des « blancos ».

            Fouks, le metteur en scène et le grand manitou de la com !

            Plusieurs remarques sur ce type de manipulation politique :

  1. Cette photo n’est pas représentative de la population française.
  2. Ce type de document est donc de nature à favoriser le développement des crispations que notre pays connait depuis de nombreuses années, en alimentant le discours déjà confus sur les identités, les origines, les racines, et naturellement la vérité des chiffres de l’immigration.

          Pourquoi ne pas noter que ce type de manipulation politique n’est pas un facteur d’apaisement ?

  1. La ficelle est tellement grosse qu’elle n’échappera à personne : un appel clair et net aux électeurs issus des communautés noires d’origine française ou immigrée.

Jean Pierre Renaud

 

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