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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 15:01
Elections communales, départementales, et aujourd’hui régionales : le théâtre d’ombres d’une Vème République en plein délabrement démocratique !

 

            La vie politique française vient d’atteindre le stade de l’absurdité, en transformant un scrutin régional en scrutin politique national, un vote de défiance, faute pour le Président de disposer d’une majorité au niveau national, et successivement aux trois niveaux de l’administration locale.

            Les électeurs y ont vu l’occasion de manifester leur colère, à l’endroit du pouvoir, et compte tenu de leur colère à l’égard du pouvoir, les électeurs ont choisi de le sanctionner.

            La Présidence actuelle a commencé à gouverner le pays sur la base d’un diagnostic erroné de la situation économique et sociale de la France en 2012,  puis mis en œuvre une stratégie flottante, et a manifesté une incapacité à voir en face les problèmes nés d’une immigration insuffisamment contrôlée, à tenter de faire réformer une Union européenne ouverte à tous les vents, sans aucune colonne vertébrale, et bien sûr incapable de porter le message politique de la puissance qui est la sienne, chaque pays continuant à agir de son côté…

            Les initiatives du Président dans le domaine de la politique étrangère de la France montrent qu’elle continue  à faire cavalier seul, comme si elle disposait d’une puissance militaire capable de faire valoir les soi-disant  responsabilités de justicier international qu’elle revendique.

            En dépit des gesticulations de com’ quotidiennes de notre Président, les dernières élections ont démontré, une fois de plus, qu’il ne disposait pas d’une majorité politique pour gouverner, avec la dernière gesticulation, qui ne trompait personne, celle de sa visite du porte-avions Charles de Gaulle.

        Dans un tel cas de figure, c’est-à-dire dans un régime démocratique de nature républicaine, la sagesse voudrait que le Président sollicite à nouveau la confiance du peuple.  

            Jean Pierre Renaud

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 09:40
Alerte sur notre enseignement !
Le feu est dans la maison de la République !

 

              Dans les banlieues franciliennes, nos jeunes enseignants sont victimes de l’incurie du Ministère de l’Education Nationale, pour ne pas dire de tous les gouvernements successifs depuis de nombreuses années.

           Une jeune femme de notre entourage familial, motivée pour l’enseignement, vient de démissionner de l’Education Nationale, au début de la deuxième année d’exercice de son métier, dans une Zone d’Education Prioritaire d’Ile de France, pour ne pas dire au cœur des quartiers dits sensibles.

         Dans des classes de sixième et quatrième du Val de Marne, en  français, elle a fait l’amer constat que trop d’élèves ne savent ni lire, ni écrire en français, et qu’au surplus, on lui demande de faire la classe à des élèves difficiles, assez souvent mal élevés, en face desquels l’enseignement est un véritable combat, avec des classes qui comptent beaucoup trop d’élèves.

        Constat : nos jeunes enseignants ne sont pas recrutés pour affronter ce type de challenge scolaire, pour autant que des enseignants chevronnés puissent faire mieux qu’eux, dans cette sorte de jungle sociale.

       Les concours actuels sont inadaptés aux métiers concrètement  pratiqués.

       A écouter le témoignage de cette jeune femme qui avait choisi le métier d’enseigner à nos enfants, un beau métier, il est possible de mieux comprendre à quelle distance interplanétaire se situaient les discours savants sur le contenu des programmes, avec la grande controverse sur la place du grec ou du latin.

      On comprend beaucoup mieux aussi l’absence de communication de statistiques sur la pérennité des recrutements de la part de ce ministère.

     Mille millions de mille sabords ! Aurait-on entendu de la bouche du capitaine Haddock dans Tintin !

Jean Pierre et Marie Christine Renaud

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 14:52
«  Français et Africains ? »
Frederick Cooper
&
Situations coloniales et témoignages : dernier témoignage, celui d’Herbert Lüthy, avant un court épilogue dans les semaines à venir
6e
« A l’heure de son clocher »
« Essai sur La France »
Herbert Lüthy (1955)
Ou à l’heure de ses colonies ?

Calmann-Lévy 1955

 

Extraits de texte

 

            Une simple recommandation aux lecteurs et lectrices, lisez ou relisez toutes les pages de ce livre afin de vous faire une opinion sur la pertinence du livre « Français et Africains ? », dans le contexte historique que décrivait si bien son auteur.

            Serge Lüthy était un journaliste et historien de nationalité suisse. Il séjourna en France de 1946  à 1958 et connaissait bien la France des années qui ont suivi la Libération du pays en 1945.

            Son livre eut du succès. Il proposait l’analyse et les réflexions d’un très bon observateur de la vie française de l’époque que l’historien Frederick Cooper a également étudiée dans le livre « Français et Africains ? »

            Nous avons longuement commenté ce livre et proposé, en complément ou en parallèle, un regard historique différent de celui de Frederick Cooper en citant d’autres témoignages sur la même époque qui mettent en doute la thèse développée par M.Cooper.

            La contribution Lüthy en fait partie.

            Sur un total de 337 pages, l’auteur consacre la troisième partie aux problèmes de l’Empire, de la page139 à la page 195, soit 16% du nombre de pages, sous les thèmes : « La France d’outre-mer, Les deux visages de l’histoire coloniale, Cent millions de Français, Catastrophes à l’horizon, Le bastion nord-africain, L’administration et les protectorats. »

            A partir d’extraits de ce livre, nous proposons de résumer l’analyse que fait Herbert Lüthy de la situation qui était celle des rapports entre la métropole et des colonies dans les années qui ont suivi la Libération.

            Le lecteur est informé que nous avons quelquefois surligné en gras des phrases qui méritaient de l’être.

            Troisième partie

               La France d’outre-mer

             « C’est un des grands changements que nous a apporté la guerre que de ne pouvoir traiter en quelques mots, en notes ajoutées à l’histoire de France, l’histoire de l’Empire colonial français. C’est depuis que cet empire – l’Union française, comme il est appelé maintenant en une formule qui reste encore un vœu plutôt qu’une définition – se trouve menacé de toutes parts, depuis que les pays émancipés d’Asie et du Moyen Orient accusent la France, devant le tribunal des Nations Unies, d’opprimer les peuples et de fouler aux pieds les droits de l’homme, que l’opinion française a commencé à prendre une «  conscience impériale » et à sentir peser sur ses épaules le poids de la plus grande France.

           Aux dernières années de la guerre, Alger a été la capitale de la France libre et le gouvernement de Gaulle a cessé d’être un gouvernement en exil le jour où il a quitté Londres pour Alger : ville de la métropole au même degré que Marseille ou Bordeaux, non point capitale d’une colonie, mais chef-lieu d’un département français. C’est la cohésion de la France d’outre-mer qui a résisté au choc de la défaite et qui a permis à la France de rentrer dans la phase finale de la guerre avec un territoire, une armée et une flotte

            Et pourtant, de cette guerre dans laquelle l’existence même de la France reposait sur l’Empire colonial, une formidable littérature est née qui célèbre les actes d’héroïsme de la résistance métropolitaine qui a pesé d’un poids moral certain, et d’un poids matériel terriblement léger dans la balance…

         Cette histoire du domaine colonial français pendant la guerre, apparemment confuse et en réalité si logique, n’a jamais pu entrer dans la légende manichéenne de la résistance et de la libération, et ses multiples épisodes, culminant dans les luttes d’influence entre Giraud, Darlan, de Gaulle et leurs protecteurs  américains et britanniques, sont restés une histoire secrète plongée dans le clair-obscur des doubles et triples jeux ; seule l’aventure audacieuse di Tchad est entrée dans l’imagination populaire. Ce fut avec une profonde méfiance instinctive que la résistance « intérieure » vit, aux jours de la Libération, les troupes et les chefs venus de l’Empire colonial entrer en triomphateurs dans la métropole. C’était la rencontre de deux forces étrangères l’une à l’autre et un peu méfiantes – et la France libérée s’empressa, sur le parchemin de sa première constitution, d’abolir l’Empire colonial. C’était, comme toujours, le nom qui était aboli, mais cette gêne était bien caractéristique. Parler de l’Empire colonial avait toujours été, en république, parler d’un objet de scandale sur lequel on en avait, sinon, des connaissances, au moins des idées précises : c’était quelque chose qui existait, dont à l’occasion même on tirait gloire, mais qui était au fond contraire aux principes.

          A vrai dire, l’histoire de la Troisième République et celle de son Empire ont suivi des chemins distincts et qui se sont rarement rencontrés. Des centaines d’histoires de France et non des moindres ont été écrites sans mentionner la politique coloniale autrement qu’en marge, comme une curiosité, une série d’aventures plus ou moins manquées. Ce n’est que par les épisodes les plus douteux que la colonisation entrait dans cette historiographie : le scandale du Mississipi et de John Law, l’abandon des plus riches territoires, ces quelques « arpents de neige » de Voltaire parlant du Canada, et cet Empire légendaire des Indes, sous Louis XV, Toussaint Louverture, et la danse de Saint- Guy des droits de l’homme à Saint Domingue ; les rêves de domination mondiale de Bonaparte au pied des Pyramides ; le « coup d’éventail » d’Alger, manœuvre de diversion de la Restauration à la veille de sa chute, les aventures de Napoléon III en Cochinchine, en Syrie et au Mexique, les trafics et les tractations de la crise marocaine – une répétition ininterrompue de deux variantes assez peu réjouissantes : Panama et Fachoda. Tel était à peu près le rôle de l’Empire dans l’historiographie populaire : une agitation obscurément suspecte dans l’arrière-boutique de la république. Le peuple n’avait rien à voir avec ces machinations du Comité des Forges, de la haute Finance, des Congrégations et de la caste militaire, engagés à reconstruire outre-mer les bastilles qu’il avait rasées dans la mère patrie. » (pages 139 à 141)

           Commentaire : j’ajouterais volontiers à cette liste la franc-maçonnerie qui a exercé une influence au moins égale à celle des Congrégations.

        Un bref commentaire : il est bien dommage que certains chercheurs qui se sont illustrés ces dernières années par des publications d’ouvrages peu pertinents sur la soi-disant culture coloniale ou impériale des Français sous la Troisième République n’aient pas lu ces quelques pages, de même qu’ils ne se sont jamais attelés à l’évaluation des vecteurs d’information et de culture et de leurs effets sur l’opinion des français, entre autres par voie de presse, comme je l’ai dénoncé dans le livre « Supercherie coloniale ».

        Ces quelques pages donnent déjà une première indication sur le contexte historique de la période étudiée par Frederick Cooper, celle des années 1945-1960.

        « Les deux visages de l’histoire coloniale

          Non, le peuple n’y avait rien à voir. Personne n’a remercié le comte de Polignac d’avoir posé, avec la prise d’Alger, quelques semaines avant sa chute et celle de son souverain, la première pierre d’un nouvel Empire colonial qui allait remplacer celui que la révolution avait liquidé, en débarrassant la Méditerranée d’un nid de pirates qui l’infestait depuis des siècles…. Quatre années durant, le gouvernement de Louis Philippe n’arrivait pas à décider s’il fallait garder cet héritage fâcheux de la Restauration. Chaque discussion budgétaire soulevait des tumultes contre les frais de cette « folle entreprise ». Ce n’est qu’en maugréant que la monarchie bourgeoise finit par s’incliner devant le fait accompli d’une implantation que les généraux sur place, pour des raisons militaires, étendaient systématiquement vers l’intérieur algérien…

          Cinquante ans plus tard, l’opinion publique ne réagit pas différemment devant le fait accompli de l’expédition punitive lancée contre les « pillards Kroumirs » qui devait faire de la Tunisie un protectorat français«  Une chose à la fois étrange, folichonne, translunaire, et à laquelle on n’a pas assez réfléchi, c’est qu’il n’y a pas de Kroumirs… » Ainsi débutait Henri Rochefort, le plus brillant polémiste de la Troisième république, dans sa campagne contre Jules Ferry qu’il accusait d’être un spéculateur corrompu, un agent de Bismarck et un fou. «  A quel idiot, quelle que soit la grosseur de son goitre, le ministère fera –t-l croire que nous allons dépenser des centaines de millions et immobiliser en Tunisie des quarantaines de mille hommes, dans l’unique but de châtier trois Kroumirs qui, de temps à autre, venaient voler à nos colons une vache de quatre-vingt- dix francs… » Jules Ferry tomba… Le Parlement indigné, après avoir formellement condamné l’expédition de Tunisie, fut bien forcé d’entériner le traité de protectorat du Bardo. On y était ; donc on y restait.

          Jules Ferry, « l’architecte de l’Empire français » est un symbole. Quatre ans plus tard, il se retrouvait devant une chambre déchainée pour se justifier d’avoir entrepris la campagne du Tonkin, et le réquisitoire de Clemenceau ne fut qu’une longue suite d’insultes… cette fois, ce n’était plus qu’un vote de défiance ; devant le Palais Bourbon, un foule furieuse discutait si on allait mettre Jules Ferry le « Tunisien », le « Tonkinois » au poteau ou à la Seine. Il dut se sauver par une porte dérobée. Mais la France resta au Tonkin…

          l est aujourd’hui, moins que jamais de colonisation de bon aloi. La politique coloniale de la Quatrième République, elle aussi, a toujours été une nage pénible contre le courant de l’opinion publique et parlementaire, et il n’est guère de rôle plus ingrat dans la république que celui des ministres entre lesquels une tradition aussi sacrée qu’illogique morcelle l’administration de la France d’outre-mer : c’était toujours le rôle pénible de l’homme qui plaide la mauvaise cause contre les sursauts de conscience humaniste, et les intérêts inavouables contre la justice républicaine…(page 144)

         Au fond de toutes les expériences de ce « rêve absurde », il y a une confiance naïve et sans bornes dans l’indestructibilité humaine et spirituelle d’une nation qui n’a jamais voulu être une entité ethnique ou « raciale », mais de culture, ouverte à tout ce qui est de culture humaine. Depuis le haut  Moyen Age, il existe un « impérialisme culturel » français, et il est resté, à côté de motifs plus terre à terre, un des éléments déterminants de la politique coloniale française, comme d’ailleurs de la politique extérieure….(page 145)

          Tout au long de cette histoire coloniale française, ceux de la métropole ne comprenaient ni ce qui se passait ni ce qui était en jeu. Il fallait les mettre devant le fait accompli, les convaincre par des appels à la vanité cocardière ou faire miroiter des mines d'or pour obtenir d’eux ce minimum d’appui qui permettait de réaliser l’œuvre entreprise...(page 147)

          L’Empire, pour la France, a été un luxe, une question de prestige, de rang, de rayonnement, bien plus qu’une nécessité ou même une utilité. Tendant à se satisfaire à elle-même, la métropole n’éprouvait ni le désir ni le besoin de mettre en valeur l’œuvre de ces bâtisseurs d’empire. Aussi n’a-t-elle jamais développé, même au sens le plus limité, une économie impériale. Fonctionnaires, officiers, soldats, professeurs et étudiants, messagers du pouvoir ou de la civilisation circulaient entre la France et ses possessions d’outre-mer, mais peu de marchandises et de capitaux…

        Deux territoires ont fait figure d’exception dans cet Empire foncièrement précapitaliste : les deux plus jeunes colonies et les plus modernes, au Maroc et en Indochine, fiefs de la banque de Paris et des Pays Bas et de la Banque d’Indochine …»…  (page 149)

        Commentaire : un seul commentaire, je signerais volontiers cette analyse bien différente de celle que voudrait propager dans notre pays une nouvelle propagande postcoloniale.

CENT MILLIONS DE FRANCAIS

            Effectivement, mais dans des conditions tout à fait ambiguës, la première Constitution de la Quatrième République reconnut un tel principe :

         « A partir du 1er juin 1946, tous les ressortissants des Territoires d’outre-mer (Algérie comprise) ont la qualité de citoyens au même titre que les nationaux français de la Métropole »,

       Mais :

        « La deuxième Constituante s’est contentée, pour limiter les dommages, de laisser la porte ouverte aux décrets d’interprétation et aux futurs statuts locaux. La Constitution de l’Union française, ainsi révisée n’était plus qu’un maquis d’articles contradictoires, combinant pêle-mêle institutions fédérales et centralistes, laissant à l’avenir, de décider entre les thèses divergentes ; et, pour finir, en quelques paragraphes laconiques, tout rentrait dans l’ordre ancien : le Parlement français reste le législateur de la France d’outre-mer… » (page 153)

         La crise de l’Empire colonial français a d’abord été sentie comme une crise de l’idée d’assimilation, et c’est l’Algérie, cette partie intégrante de la métropole, qui la première en a fourni la démonstration. Quand pour la première fois, treize députés musulmans – élus par un collège séparé de moindre droit électoral – vinrent siéger sur les bancs de l’assemblée Constituante, ce fut un choc pour l’opinion publique française de constater que ces hommes, avant d’être Français  se sentaient Algériens ou Arabes. Et ce fut le heurt, parfois tragique, parfois grotesque, d’une vielle et émouvante idée de progrès avec une réalité nouvellement découverte. Je suis ici pour représenter les intérêts de mon pays », déclara Ferhat Abbas, chef du mouvement autonomiste du « manifeste algérien » autour duquel s’étaient groupés, à la fin de la guerre, tous les groupes musulmans actifs, et des cris d’indignation de lui répondre, venant de tous les bancs : « Votre pays, c’est la France Monsieur ! » (page 154)

          CATASTROPHES A L’HORIZON

          « Les problèmes les plus urgents se sont posés sous une forme beaucoup plus brutale que celle d’un conflit de conscience. La guerre et l’après-guerre ont soumis l’Empire français aux plus dures épreuves morales et matérielles. A la fin de la guerre, il n’était plus qu’un arbre desséché, mutilé. Depuis des années, le lien avec la mère patrie était rompu et les territoires d’outre-mer vivaient sur eux-mêmes ; les « coloniaux » français étaient décimés, demeurés sans soutien et sans renforts, déchirés par les luttes entre les « gaullistes » et « Vichyssois » et discrédités par « l’épuration ». Les débarquements alliés donnant aux indigènes le spectacle de l’énorme supériorité matérielle des Américains sur les faibles forces françaises, avaient fini d’ébranler le prestige français, même si le principe de la souveraineté était sauvegardé. La France appauvrie, exsangue, n’avait rien à offrir, ni hommes, ni devises, ni produits fabriqués, pas même du tonnage, à ces territoires d’outre-mer qui aveint supporté dans les dernières années de la guerre tout le fait des recrutements et des réquisitions. C’était devenu un lieu commun que de déclarer close l’ère de la colonisation. Les messages de la Charte de l’Atlantique et de la Charte de San Francisco aveint eu chez les peuples colonisés d’Afrique et d’Asie une profonde répercussion… » (page 158)

        Serge Lüthy évoque alors la révolte de Madagascar, mais surtout le guerre d’Indochine :

       « L’Indochine s’est établie dans la guerre sans fin et qu’il ne dépende plus des combattants en présence d’arrêter. C’est dans ce tonneau sans fond que la France a jeté presque le double des sommes reçues de l’aide Marshall, et presque toutes ses jeunes classes d’officiers qui lui manquent si tragiquement pour la reconstitution de son armée en Europe… » (page 162)

        L’auteur analyse ensuite longuement la situation de l’Afrique du Nord avant le début de la guerre d’Algérie, avant de revenir à l’examen des problèmes de la France après la Libération, les hésitations de sa politique économique, le rôle nouveau de Etats Unis dans les affaires européennes, et la guerre froide intervenue en 1947.

       L’auteur intitule un de ses paragraphes «  EUROPE, « MADE IN U.S.A » (page 240).

       Comment ne pas noter que dans ce contexte historique les discussions byzantines sur les destinées de l’outre-mer ne pouvaient avoir qu’un aspect tout à fait secondaire ?

        « Désormais, le pari historique était engagé entre l’Amérique misant sur le relèvement et l’unification de l’Europe occidentale et l’Union soviétique acharnée à sa désunion et à sa perte. ..» (page 241)

          « 1948 fut une année de peur croissante : la mise au pas brutale des démocraties populaires , la tragédie tchécoslovaque, le blocus de Berlin, la seconde vague d’assaut communiste lancée contre la France et l’Italie, tout cela sentait la guerre et l’Europe ne demandait plus seulement des dollars à l’Amérique mais aussi et surtout sa protection militaire… » (page 242)

       L’auteur consacre ensuite ses pages au véritable sujet qui préoccupait le pays, c’est-à-dire l’Europe.

Extraits de texte par Jean Pierre Renaud

Tous droits réservés

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 19:03
« Intervenir ou pas »
Un non-dit puisqu’il s’agit de la Syrie ?
Forum & Débats, la Croix du 27/11/15, pages 12 et 13
Les trois contributions
Le billet d’Alain Rémond « Les fromages »
&
Un petit examen de passage, fromage ou expert ?

 

           J’introduirais volontiers mon sujet en donnant mon entière adhésion au propos qu’Alain Rémond, tient dans son billet du 26 novembre, intitulé « Les fromages », lequel s’interroge sur la compétence des experts, aussi nombreux que les fromages :

          « Les fromages », c’est-à-dire les experts :

           «… Et justement puisqu’on en parle, combien la France compte-t-elle d’experts ? Beaucoup, plein, un tas… Mais comment il se fait qu’après les avoir écouté, j’aie souvent l’impression d’en savoir moins qu’avant… chacun défendant son fromage. Combien de fromages déjà ? »

             Pourquoi ne pas proposer d’examiner si ce type de reproche peut être fait à l’encontre des trois experts qui donnent leur réponse à la question « Intervenir ou pas ? » dans  le journal La Croix.

       Les trois experts ont été sollicités pour tenter de répondre à cette question :  un spécialiste de la doctrine de l’Eglise catholique qui s’exprime sur la légitime défense, un ancien ambassadeur de France à l’ONU qui analyse « La responsabilité de protéger, du principe à l’action », et enfin, un chargé de mission au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des affaires étrangères, lequel intitule son plaidoyer «  Les fondements de l’intervention française en Syrie », le  vrai sujet.

            Ce dernier écrit :

            «  Si la prohibition de l’usage de la force dans la Charte des Nations unies peut à juste titre être considérée comme l’aboutissement le plus important du droit international contemporain, il reste trois manières légales d’utiliser la force armée : le consentement de l’Etat hôte, la légitime défense et l’autorisation du Conseil de Sécurité…Le cas syrien donne lieu toutefois à quelques arguties juridiques, puisque la légitime défense (art. 51 de la Charte) ne s’applique en principe qu’aux Etats, alors que Daech est un acteur non étatique, que jusqu’au 13 novembre, il était difficile de prouver que la France faisait l’objet d’une menace imminente justifiant des frappes préemptives ; et que, Bachar Al Assad  prétendant lui aussi combattre Daech, on peut se demander pourquoi ne pas s’allier avec lui et se reposer sur le fondement plus solide du consentement de l’Etat hôte.

            Les réponses sont simples… »

            Pas aussi simples que le déclare « objectivement » un chargé de mission dont les fonctions actuelles relèvent du Quai d’Orsay, donc de la politique de ce ministère, même si dans un tout petit commentaire de fin d’article, le journal note : « Il s’exprime en son nom propre n’engageant pas le ministère des affaires étrangères ».

            Mes compétences en droit international m’interdisent  de m’immiscer dans ce débat très sophistiqué, mais au moins puis-je me poser quelques questions de bon sens :

            Pourquoi Hollande a- t-il décidé de faire intervenir notre armée à la demande d’un Etat, le Mali, alors qu’il n’y avait plus d’Etat dans ce pays, et sans aucune concertation européenne ?

            Est-ce que les initiatives politiques en Syrie du couple Hollande-Fabius,  afin de susciter ou d’accompagner une opposition démocratique qui n’existait pas, sans colonne vertébrale, ne sont pas au cœur de ce débat, le début de l’engrenage ?

            Qui aura en effet le courage d’expliquer aux Français, les raisons, c’est-à-dire « les fondements » de notre intervention en Syrie, les véritables fondements ?

       La leçon libyenne ne suffisait-t-elle pas afin d’éviter le chaos actuel ?

      De nos jours encore, la France aurait, ou le rêve, ou le droit, ou les moyens, d’imposer la démocratie à l’étranger, en particulier en Syrie ?

       Il est évident que le chaos actuel, avec l’intervention de Daech, les flux gigantesques de migrants ou de réfugiés, c’est selon, ne tariront pas, avant qu’une intervention militaire au sol ne se réalise, à la demande des pays arabes, et avec l’aide des pays occidentaux, et ne reprenne le terrain conquis par ce mouvement de terreur islamiste.

            Le plus étrange dans toute cette affaire est que la France avait au moins une raison historique qui dépassait très largement celle du très ancien mandat international que la SDN avait confié à la France, celle de la protection des chrétiens, assurée concrètement par Bachar Al Assad, alors qu’aucun des trois experts ne l’évoque dans ce forum, et que le journal n’en fait pas mention comme une question capitale.

         La politique étrangère de la France a souffert, ces dernières années, d’une sorte de cosmopolitisme altruiste, hors de proportion avec les moyens de notre puissance, un Quai d’Orsay devenu par certains côtés une sorte d’ONG gouvernementale humanitariste, le business militaire étant réservé au ministère de la Défense.

     Car, à lire ces tribunes, un Français ne saura pas mieux pourquoi à l’origine la France était engagée contre Daech avant les attentats de Charlie Hebdo et du vendredi noir du 13 novembre dernier ?

        Alors, oui, aujourd’hui, la France se fera un devoir de combattre cette nouvelle barbarie, aux côtés de ses alliés, avec les raisons d’intervenir cataloguées par l’expert du Quai, mais absolument pas dans les conditions historiques qui ont justifié toutes les initiatives passées du couple Hollande-Fabius.

       Résultats de l’examen de passage : le journal ne s’est pas trompé de fromages, mais le seul expert qui s’est exprimé sur la Syrie, n’a pas livré toute la vérité, s’il y en a une.

     Il est tout de même surprenant qu’aucun des trois « fromages » n’ait évoqué une des raisons qui aurait pu intéresser les lecteurs de La Croix, c’est-à-dire le sort des chrétiens d’Orient.

Jean Pierre Renaud

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 09:24
« Français et Africains ? »
Frederick Cooper
&
Situations coloniales et témoignages
6 d
La lecture parallèle de Michel Auchère, ancien diplomate en Europe, en Afrique, en Asie, et à l’ONU, de la décolonisation de l’Afrique noire

 

  1.          Une remarque préliminaire

               La décolonisation est en quelque sorte inhérente à la colonisation. L’Etat colonial a toujours été présenté comme une étape temporaire, provisoire (même si dans l’esprit des colonisateurs, le « provisoire «  était destiné à durer longtemps) avant l’émancipation politique, qui se traduirait par l’indépendance (ou son équivalent, l’assimilation complète – du type de celle réalisée par les Français dans les Antilles, en Guyane et à la Réunion)

         Le système des mandats de la SDN et celui de la tutelle des Nations Unies exprimait cette philosophie.

            L’historien Henri Brunschwig constatait dans un article publié dans une revue des années 1950 : la décolonisation « suppose le succès de la mission « civilisatrice » à laquelle prétendaient autrefois les nations européennes. »

            Aussi plutôt que des « causes » pourrait-on parler des facteurs qui ont influé sur la vitesse du processus.

  1.              Le climat international après 1945

On peut dire que de même que dans les années 1880, tout poussait à l’expansion coloniale, après 1945, tout poussait à la décolonisation.

La décolonisation était au programme des deux grandes puissances URSS et Etats Unis.

L’Organisation des Nations Unies était marquée de plus en plus par l’idéologie de la décolonisation (ses travaux et ses initiatives dans ce sens ont eu leur couronnement avec l’adoption en décembre 1960 de la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux »)

L’indépendance des colonies a été l’une des premières revendications des pays non-alignés, à la création du mouvement à la conférence de Bandoeng en avril 1955.

Le premier jalon (africain) dans l’évolution en marche a été l’indépendance de la Gold Coast (devenue « Ghana) en 1956. Evénement qui ne pouvait qu’avoir des répercussions dans les territoires français voisins, en donnant des idées à leurs  dirigeants et les amenant à agir plus vite qu’ils ne l’auraient peut-être souhaité.

        La fin de la tutelle sur le Togo et le Cameroun, inévitable du point de vue de la communauté internationale, constituait un facteur d’accélération allant dans la même direction.

  1.           Absence d’obstacles majeurs

       Du côté des gouvernements français, les  « leçons de l’histoire » avaient été trop fortes : Dien Bien Phu, l’indépendance du Maroc et celles de la Tunisie, l’insurrection algérienne et son déroulement… pour qu’on puisse envisager un nouveau conflit de décolonisation.

       Et fait important, il n’y avait pas de population de souche européenne sur place à ménager.

        Les autres intérêts en jeu étaient d’ailleurs sans commune mesure avec ceux qui venaient d’être abandonnés. Qui peut le plus peut le moins. Et rien ne disait a priori qu’on ne pourrait pas les protéger à  l‘indépendance.

      Du côté des citoyens français qui s’intéressaient à l’AOF et à l’AEF ?

       Ceux qui en parlaient le faisaient de façon plutôt négative : le cartiérisme (« La Corrèze plutôt que le Zambèze »)

       De la part des interlocuteurs possibles africains

       Ce n’étaient pas des maquisards

       Que ce soit planifié ou non, les diverses étapes qu’avaient connues la vie administrative des territoires (Constitution de 1946, loi-cadre 1956-1957) avaient permis la mise en place de dirigeants qui avaient acquis une certaine expérience politique, et qui, ayant la plupart siégé dans des instances à Paris, connaissaient bien les rouages de la politique française.

       On se connaissait bien. Les conditions d’une décolonisation à l’amiable paraissaient réunies. De fait, c’est ce qui s’est produit, à l’exception de la Guinée.

      Les débats, qui ont le plus agité les Africains ont été ceux du cadre de l’accès à l’indépendance, celui du territoire ou celui de la Fédération (la question de la balkanisation)

  1.         Dans ces conditions, la décolonisation n’a pas été une rupture.

       La coopération a pris la suite de la colonisation. Des relations très étroites ont été longtemps maintenues. Certains ont parlé d’ « Etat franco-africain » en faisant les gros yeux. Le Président Houphouët- Boigny les a célébrés d’une certaine façon en lançant l’expression « France Afrique » (qui plus tard a été reprise de façon négative - la Françafrique - par ceux qui pensaient que la décolonisation n’était pas achevée.)

       Avec le temps, les relations entre la France et ses partenaires africains ont trouvé leur équilibre à un niveau plus bas, et même toujours plus bas du fait d’un certain déclin de la France. Le signal du décrochage de la France a été la dévaluation du franc CFA sous le gouvernement Balladur.

     Au terme de cette évolution, les relations se sont même inversées, ce que le journaliste Glaser   a décrit sous le terme « Africa-France »

     Ceci étant, et philosophiquement parlant, la « colonisation » n’étant que le reflet de l’inégalité entre les Etats, il n’est pas sûr que les Etats africains en aient fini avec elle.

     Ils le reconnaissent eux-mêmes en faisant constamment  appel aux concours extérieurs pour régler leurs problèmes (FMI pour leurs finances intérieures et extérieures, forces de maintien de la paix pour leur sécurité, ONG pour leurs services de santé …

     Michel Auchère, ancien diplomate en Asie et en Afrique, notamment au Ghana

     Jean Pierre Renaud

     Tous droits réservés

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 11:42

 

« Français et Africains ? »
Frederick Cooper
&
Les situations coloniales et les témoignages
6 c

 

 Les témoignages de Sœur Marie-André du Sacré Cœur dans le livre « La condition humaine en Afrique Noire » (Grasset 1953) et de Gaston Bouthoul dans le livre « La surpopulation » (Payot 1964)

         Après de nombreuses années de service en Afrique noire, l’auteure, « docteur en droit », proposait une analyse tout à la fois généreuse, rigoureuse, et salubre, de la condition humaine en Afrique Noire.

         Elle  livrait son diagnostic dans onze chapitres intitulés : L’écran – En pleine vie – La famille africaine – Le mariage coutumier – Evolution et décadence – Polygamie et monogamie – Liberté individuelle et puissance paternelle – « Mens sana in corpore sano » - Problèmes économiques – Elites africaines – Perspectives d’avenir.

         Certains Français seraient bien inspirés de lire cet ouvrage afin de mieux comprendre comment fonctionnait la famille africaine, et sans doute comment elle fonctionne encore en partie.

           Je reviens à présent au sujet traité, c’est-à-dire la problématique de la citoyenneté, telle qu’elle se posait en Afrique, dans les années 1945-1950, dans des dimensions politiques et sociales très ambigües.

             Outre le fait qu’il n’était pas facile d’organiser des élections au suffrage universel dans des territoires dont la majorité de la population était analphabète, alors qu’il n’existait pas d’état civil, donc pas de listes électorales, une petite partie de la population, ceux qu’on appelait les « évolués », fonctionnaires ou salariés d’entreprise, avaient obtenu, peu de temps après la Libération de la métropole, des avantages familiaux ou sociaux qui les rapprochait de ceux de métropole.

              Les discussions constitutionnelles en cours afin de définir le ou les statuts, et la nature des relations entre les territoires qui composaient l’ancien empire s’inscrivaient toujours dans le contexte d’une assimilation qui ne disait pas son nom, en tout cas d’une égalité revendiquée par les représentants politiques de l’Afrique Noire qui venaient d’être élus par un collège composé des « évolués ».

          Les Senghor (Sénégal), Houphouët- Boigny (Côte d’Ivoire), Modibo Keita (Mali), Tchikaya (Gabon), se reconnaissaient comme des citoyens de la nouvelle Union Française qui avaient droit non seulement à l’égalité politique, au suffrage universel, mais à l’égalité sociale, et ce fut une des difficultés insurmontables des réformes constitutionnelles des années 1945-1946, outre celle des statuts personnels différents selon les territoires.

               La citation ci-dessous donne l’exemple du nouveau régime d’allocations familiales dont pouvaient bénéficier les fonctionnaires des territoires d’outre-mer, notamment sous l’angle du régime familial de la polygamie, encore très présente alors dans tous ces territoires.

           « Cette polygamie a été favorisée chez les fonctionnaires, par la façon dont leur sont attribuées les prestations familiales.

               En Europe, celles-ci sont accordées aux parents pour les aider à couvrir les multiples charges qu’entraine l’éducation d’un enfant, dans un pays à structure familiale monogame, où l’hiver parfois rigoureux nécessite d’importantes dépenses (chauffage, vêtements chauds) ; et où le salaire du père est la principale, parfois même l’unique ressource du ménage.

          Transposer en Afrique les allocations familiales, telles qu’elles existent en Europe, et les verser au mari polygame, c’est accorder à celui-ci un supplément de salaire qu’il garde – comme d’ailleurs son salaire initial – pour son usage individuel, puisque chaque femme assume la charge de ses propres enfants. On pourrait citer de nombreux exemples : contentons- nous de quelques-uns.

            Tel infirmier dahoméen a huit épouses, qui toutes font du commerce pour élever leurs enfants (vingt- cinq en tout). Lui garde tout son salaire et ses allocations familiales, il vit très largement, invite ses amis, les traite royalement… Tel directeur d’école, également dahoméen, marié légitimement à l’église, a pris ensuite trois autres femmes. Il a sept enfants, touche les allocations familiales, mais les garde pour lui ; toutes ses femmes travaillent pour elles-mêmes et leurs enfants ; et la femme légitime paie, sur son gain personnel, le prix de la pension de sa petite fille, car le père n’intervient pas dans ces dépenses… Tel fonctionnaire, qui avait deux épouses et trois enfants, est nommé chef de canton. En arrivant dans son canton, il prend sept jeunes filles  … et l’année suivante, déclare sept naissances à l’état civil…

         Mentionnons encore ces fonctionnaires qui, touchant les allocations familiales, refusent de payer les médicaments des enfants malades, laissant tous les frais pharmaceutiques à la charge de la mère ; ou qui refusent d’aider les mamans malades à payer le lait nécessaire pour compléter la ration du nourrisson….

          Si l’on envisage l’ensemble de la population, on s’aperçoit que les fonctionnaires forment maintenant une catégorie privilégiée de citoyens : ils représentent, suivant les territoires, trois à six millièmes de la population, et ils reçoivent, au seul titre des prestations familiales et en plus de leur salaire normal, un total variant entre un cent cinquantième et un centième du budget du territoire. » (p,127)

         Ajoutons que ce sursalaire est alimenté par l’impôt… c’est-à-dire par les travailleurs du secteur privé qui, eux ne bénéficient pas des prestations familiales ; et par les ruraux, ces paysans noirs qui peinent pour assurer le ravitaillement des villes… et qui voient soixante pour cent de leurs enfants enlevés par la mort, parce qu’ils n’ont ni hôpital, ni dispensaire proche pour les faire soigner… comme ils n’ont pas d’école pour faire instruire les survivants… (les hôpitaux, les maternités, les écoles n’existent que dans les centres urbains). » (p,127)

         Cette citation vaut mieux qu’un long discours pour expliquer un des tenants et aboutissants de la discussion faussement académique qui agitait les cercles constitutionnels de la nouvelle Quatrième République, afin de fixer la nouvelle organisation et les nouvelles règles du jeu de l’ancien empire colonial, dont la composition relevait de la plus grande incohérence entre types d’Etat et de statuts personnels.

         Un autre témoignage, en tant que de besoin, celui du sociologue Gaston Bouthoul, dans son livre « La  surpopulation » (Payot 1964), ouvrage dans lequel il analysait tous les aspects positifs ou négatifs de la surpopulation qui allait gagner le nouveau monde, et expliquer aussi pourquoi la France n’avait pas d’autre solution que de mettre un terme à la colonisation.

        Il soulignait qu’un des facteurs de cette prise de conscience inévitable, était la conséquence d’une politique d’égalité sociale entre la métropole et les colonies.

       « Voici comment les choses se passaient dans le secteur des petits fonctionnaires africains bénéficiant d’allocations familiales analogues à celles de la métropole. Avec la prime au mariage et à la première naissance de l’épouse vierge, plus la rente supplémentaire correspondant à l’allocation du premier enfant, le fonctionnaire candidat-patriarche achetait une nouvelle vierge. Celle-ci lui assurait une nouvelle prime au mariage et à la première naissance, plus une multiplication d’allocations familiales. Pire encore, la loi Lamine-Guye avait encore étendu ces largesses au pullulement. Et chaque jour la presse française annonçait avec fierté que le bénéfice des allocations familiales avait été étendu à de nouveaux secteurs de primitifs désœuvrés et polygames, ceci bien entendu, aux frais du contribuable français. Exemple record : un petit fonctionnaire noir de Porto Novo, qui, avec ses 103 enfants touchait des allocations supérieures aux appointements du gouverneur général. «  (p83)

       Jean Pierre Renaud

        Tous droits réservés

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15 novembre 2015 7 15 /11 /novembre /2015 18:34
Paris, les attentats du vendredi noir, 13 novembre 2015

 

            Avant et après le 13 novembre : en France, rien ne sera plus comme avant, après ces attentats.

          Un pas a été franchi, car il ne s’agit plus de la punition que des islamistes extrémistes ont dit vouloir infliger à un journal, accusé d’avoir blasphémé Mahomet, mais d’une agression terroriste contre notre peuple.

            Que notre vieille France se réveille enfin, se tienne à nouveau debout.

            La France, « puissance » trop solitaire ! 

              Cessons de faire cavalier seul dans nos interventions militaires extérieures, comme si nous avions la puissance nécessaire pour faire œuvre de justicier international !

          Comme si la France vivait encore dans un monde disparu depuis longtemps ! Nous ne sommes plus à l’époque de Jules Ferry ! Après la Libye, le Mali, puis la Centre-Afrique, l’Irak, la Syrie …

            Un esprit de « grandeur » fanée qui flatte encore beaucoup trop l’égo de nos dirigeants politiques.

          Comment ne pas regretter, tout autant, que le gouvernement se soit lancé dans de nouvelles guerres (2013)  sans prendre en même temps toutes précautions de défense intérieure, ce qu’il a fait avec trop de retard ?

        Une justice anti-terroriste efficace, adaptée à la situation de guerre actuelle, ce qui veut dire :

         Pour les radicalisés :

         les Français identifiés comme des citoyens radicalisés seront soumis à un contrôle judiciaire avec bracelet électronique.

            Pour les djihadistes :

             les Français djihadistes seront justiciables de la justice militaire, afin d’éviter qu’ils ne puissent se recommander d’une justice respectueuse de droits de l’homme qu’ils veulent détruire.

              Il appartient  au Conseil de Sécurité de l’ONU,

         à la demande des pays arabes musulmans du Moyen Orient, d’autoriser la constitution d’un corps expéditionnaire capable d’aller porter le fer contre Daech, sur le terrain, car Daech n’a rien à voir avec l’Islam.

          Pourquoi ne pas penser que de nombreux pays auront l’honneur et le courage de joindre leurs forces à cette nouvelle lutte internationale contre cette nouvelle barbarie, comme ils l’ont fait contre les nazis ?

        Turquie, Arabie Saoudite, Iran, Egypte, Etats Unis, Russie, Allemagne, Royaume Uni, France, … tous au même combat !

           Une Com’ politique tout à fait déplacée, et pourquoi ne pas le dire, stupide !

          Chaque jour, ou presque, nos éminences politiques nous bassinent les oreilles avec les « hauts faits de guerre » de nos armées : un ou deux Rafale, un ou deux Mirage, par ci par là, avec un raffinement de communication sur les cibles visées ou atteintes,  etc…

        Est - il est vraiment nécessaire de faire ce genre de com’ de guerre, pour exister politiquement ? En dehors de toute stratégie intelligente de ce type de guerre ?

         Nombreux sont les Français qui pensent le contraire !

        Jean Pierre Renaud et Marie Christine Renaud

 

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 12:02
« Français et Africains ? »
Frederick Cooper

&

Situations coloniales et témoignages
6 b
Le témoignage de Roger de Benoist dans le livre « L’Afrique Occidentale Française » (1982)
Sa conclusion
 « L’INDEPENDANCE DES NOTABLES » ( pages 495-505)

 

            Ce livre est cité à maintes reprises comme source dans l’ouvrage « Français et Africains ? » de Frederick Cooper, mais sans que l’auteur, semble-t-il, n’y ait attaché plus d’importance qu’il ne faut.

            Cet ouvrage de plus de 500 pages est une mine d’informations historiques sur la période de la décolonisation de l’AOF entre 1945 et 1960.

              Rappel sommaire de la table des matières :

              Première partie : L’équivoque féconde de l’assimilation (1944-1951)

             Deuxième partie : L’Afrique en mouvement sous les gouvernements d’immobilisme (1951- 1956)

           Troisième partie : La loi-cadre : une étape trop vite dépassée (1956-1958)

           Quatrième partie : L’indépendance dans la désunion

           Conclusion : L’Indépendance des notables

&

 

 

Nous vous proposons de résumer cette longue conclusion.

 

       «  Peuple de mon pays, le besoin de dignité que tu portais en toi, le voilà enfin satisfait »

        Cette phrase du préambule du discours prononcé par Houphouët-Boigny le 7 août 1960, à l’aube de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, résume sans doute mieux que de longues considérations le moteur profond du dynamisme décolonisateur. »…

      Une fois achevée la conquête et mise en place de l’administration civile, la colonisation française n’avait pas provoqué de réactions violentes de la part des populations. La meilleure preuve en est « le faible effectif et le désuet armement des forces de police, toutes indigènes, dont disposaient les administrateurs isolés dans leur circonscription de brousse au sein de la masse africaine qui était loin de leur manifester de l’hostilité et qui leur prouva souvent une sympathie tout à l’honneur de l’Afrique et de la France ». (Delavignette) S’il y eut des réactions contre le système colonial, elles furent le fait de quelques intellectuels, surtout au Sénégal. Mais ces oppositions furent provoquées par les injustices et les abus plus que par le principe même de la colonisation. »

       Les choses changèrent avec « l’effort de guerre » et le régime de Vichy…

       La défaite française de 1940, les rivalités entre « Vichystes » et « Français Libres » provoquèrent chez beaucoup d’intellectuels africains la même réaction que chez Félix Houphouët-Boigny : « Il s’affranchit du respect de l’Etat en tant que tel et du même coup, il mit en question la légitimité de la domination et de la colonisation françaises ; » (Doudou Gueye).

       Beaucoup prirent alors conscience du « fait colonial » et de l’aliénation qu’il avait provoquée en tous les domaines

         Mais dans un premier temps, cette prise de conscience eut pour conséquence deux réactions diverses : « Les Noirs du Sénégal étaient trop avancés dans la voie de l’assimilation pour songer à autre chose qu’à précipiter le mouvement qui les rapprochait de la France. Pour les citoyens des quatre communes, la voie la plus rapide vers la réhabilitation du colonisé était la conquête des droits civiques. Cette conviction explique sans doute la facilité avec laquelle les leaders sénégalais se laissèrent convaincre de ne pas se rendre à Bamako en octobre 1946. Ils ne se sentaient pas solidaires de ceux qui réagissaient à la colonisation par une remise en cause du système colonial lui-même. Nul doute que l’histoire de l’AOF eut été fort différente si un « front commun » s’était créé en 1946.

         A Bamako, par contre, naquit un « Homme africain, réconcilié avec lui-même et qui s’était pris en charge »(Gueye). Le Rassemblement Démocratique Africain élabora une doctrine qui pourrait se résumer ainsi : «  droit de l’Africain de vivre en vérité son identité culturelle et d’épanouir sa personnalité propre… Tout ceci en vue de réaliser pour tous la justice et l’égalité sociales, la dignité humaine, le bonheur pour tous, la liberté pour le peuple, la fraternité et la solidarité pour le genre humain. » (Gueye). Cette fraternité et cette solidarité s’exerçaient d’abord à l’égard de la France : le « front du refus » n’était pas anti-français, il était anticolonialiste….

        Cette aspiration fut confisquée et déviée pendant plus de trois ans par des intellectuels qui luttaient contre un impérialisme théorique – dont ils avaient rarement souffert eux-mêmes par un anticolonialisme tout aussi théorique. Le mouvement se trouva bientôt dans l’ « impasse », pris dans le cycle de la violence et de la répression, les militants étaient totalement désemparés et prêts à se débander. Houphouët-Boigny reprit alors en mains le mouvement et le ramena à son orientation première et à « la seule forme véritablement révolutionnaire de l’unité africaine : l’union politique à la base. (Gueye) (p,496)

          ….L’assimilation était à la base de la Constitution de1946. Jamais la France n’eut la générosité et le courage d’en tirer toutes les conséquences qui, il est vrai, aurait conduit la Métropole à devenir « la colonie de ses colonies » selon la crainte d’Edouard Herriot. Et les élites noires s’aperçurent très vite qu’on leur offrait de passer du statut de sujet à celui de citoyens, avec tous les droits, sauf celui d’être décolonisées. Et elles franchirent successivement trois étapes : d’abord la prise de conscience de leur état de colonisé, puis l’utilisation des possibilités que leur offrait la demi-assimilation pour conquérir le maximum de droits, enfin la conviction que seule l’indépendance leur permettrait de reconquérir et d’affirmer leur identité négro-africaine :

          « Les élites noires de langue française passèrent progressivement de la prise de conscience de leur originalité culturelle et d’un idéal de collaboration intime avec la France à la conviction que l’indépendance était la condition du développement des cultures africaines. » (Brunschwig)

          Dès 1946, Senghor annonçait ce cheminement : « Le problème a deux aspects ; l’un, négatif, nous ne voulons plus être des sujets, ni subir un régime d’occupation. Donc lutte contre le racisme. L’autre positif : nous réclamons l’égalité des droits. C’est pourquoi en attendant une indépendance complète, nous préconisons la solution d’une Fédération dans le cadre de l’Union française réalisable dès à présent… »

         Neuf ans plus tard, Senghor rejoignait la conviction d’Houphouët-Boigny : l’essentiel était la dignité de l’homme africain, elle pourrait s’épanouir même dans le cadre d’une association égalitaire avec la France : « Aujourd’hui la solution de l’assimilation dépassée, le problème de la fédération ou de la confédération, se pose… »(p,497)

         Malheureusement, la Constitution de 1958 était tout sauf égalitaire. Elle portait encore en elle-même les séquelles d’une colonisation dont les peuples africains ne voulaient plus…

       Le premier combat de la décolonisation fut donc la conquête des droits et libertés…

       Le combat était beaucoup plus efficace dans les Assemblées métropolitaines :     

       « La politique ( de la France) est jusqu’en 1958, pratiquée dans un esprit très large en Métropole où les représentants de l’Outre-mer, intégrés au régime parlementaire de la IVème république, jouent un rôle prépondérant ; elle est au contraire mise en œuvre de façon restrictive dans les territoires qui, malgré l’extension des compétences de leurs assemblées représentatives, restent pour l’essentiel, soumis à l’autorité du pouvoir central et de ses délégués. Ainsi s’explique que les réactions des Africains changent selon le lieu où ils se trouvent : affranchis en Métropole de leur complexe d’infériorité, ils en sont ressaisis lorsqu’ils reviennent chez eux. Dès le début donc, le RDA eut l’intelligence de saisir du premier coup que Paris serait pout lui le meilleur des observatoires et un irremplaçable champ de manœuvres pour orienter et protéger l’action des masses qu’il organisait et conduisait dans les divers territoires. » (Delavignette) Cette constatation s’applique aux parlementaires des autres partis.(p,498)

        A l’époque, les observateurs étrangers et certains censeurs français se gaussaient de cette méthode apparemment absurde : «  Vous avez des députés et des sénateurs, et même des ministres dans le gouvernement de la République, alors que vous commencez à peine à élire des conseillers municipaux. Vous bâtissez la maison en commençant par le toit. » La rapidité de la marche de l’Afrique à l’indépendance a fait de cette folie une sagesse. Des hommes politiques aguerris par quinze années d’expérience du pouvoir en Métropole ont pu maîtriser les problèmes de la construction de leur nation, alors que les bourrasques ravageaient les anciennes colonies où l’on avait seulement posé les fondations de l’édifice politique.

       Cette bataille de la décolonisation a donc été surtout le fait des « intellectuels » et des évolués ». Et sous cet aspect, le Sénégal a joué un rôle pilote…

         Ce courant, nous l’avons dit, n’a pas évité de tomber dans la revendication théorique et l’idéologisme : « Le mirage de l’idéologie anticolonialiste fut si puissant qu’il installa progressivement, mais puissamment, nos intellectuels et nos cadres, ainsi que des générations successives d’étudiants et d’universitaires africains dans un mimétisme qui nous conduisit en droite ligne à une politique d’assimilation. » (Guèye)

         Les manifestations bruyantes des organisations étudiantes, les résolutions fracassantes de la F.E.A.N.F n’ont pas peu contribué à masquer à l’opinion publique métropolitaine les réalités africaines… » (p499)

         Plus que les partis qui n’étaient souvent réactivés qu’à l’approche des élections, les syndicats furent le relais  sur place des actions menées au niveau du Parlement métropolitain…Mais ce rôle joué par les syndicats accentua encore l’aspect « élitiste » du combat pour la décolonisation. Les salariés représentaient une toute petite minorité par rapport à la masse des travailleurs, constituée surtout par des paysans. Leurs revendications apparurent souvent celles de privilégiés qui voulaient tirer tout le parti possible de la situation coloniale avant de la rejeter.

        Les syndicats (1) recevaient leurs mots d’ordre des centrales internationales autant que des responsables politiques locaux. Par ce biais, ils furent influencés par l’anticolonialisme soviétique (F.S.M) et américain (C.I.S.L). Le RDA tenta, en créant la C.G.T.A, de donner son autonomie au syndicalisme africain, mais il ne réussit qu’à moitié. Et l’U.G.T.A.N continua de recevoir des consignes anti-impérialistes qui amenèrent sa direction à faire campagne pour le « non » au référendum du 28 septembre 1958…

        Les autres influences extérieures jouèrent relativement peu dans la décolonisation de l’AOF… Mais la plupart des combattants africains se sentaient sans doute davantage solidaires de l’armée française que des colonisés contre lesquels ils étaient employés.

       C’est toujours sous le même aspect culturel et humain que fut ressentie la Conférence de Bandoeng, considérée comme « une prise de conscience » à l’échelle de la planète de leur « éminente dignité » par les peuples de couleur…C’est la mort du complexe d’infériorité. L’évolution du régime institutionnel du Togo et surtout du Cameroun fut suivie avec intérêt, comme une voie dans laquelle les territoires de l’AOF pourraient bientôt s’engager…

       Ce n’est que tardivement que les responsables prirent argument de l’indépendance des pays voisins pour revendiquer une évolution de la Communauté…

      Il y avait d’ailleurs peu de contacts entre les élites francophones et anglophones et leur démarche n’était pas la même…

      « Le style français n’est pas le style anglo-saxon parce que la réaction des peuples colonisés ne se présente pas toujours de la même apparence » (Doudou Thiam)

      C’est finalement l’attitude de la France qui fut déterminante dans la marche de l’AOF vers l’indépendance.

     Nous avons dit l’incapacité du Parlement français à réaliser en temps voulu les réformes nécessaires. Cette stérilité venait d’un manque réel d’intérêt, qui fut invoqué par les I.O.M pour créer leur mouvement : « Les partis politiques préoccupés de leurs propres problèmes, sont dans l’impossibilité de s’intéresser à fond aux problèmes des T.O.M, dont ils font facilement une monnaie de politique intérieure. (Brunschwig). Et l’on peut dire qu’il n’y a pas eu de politique coloniale en France entre 1945 et 1960, mais une suite de compromis imposés par les événements à la République toujours en retard sur une évolution qu’elle ne sut ni prévoir, ni orienter, ni même simplement percevoir. » (Siriex) (p,501)

      L’opinion publique, ignorante des réalités africaines, était sensible à l’argumentation de la revue « Entreprise », développée et orchestrée avec talent par Raymond Cartier : les impôts de la métropole servent à payer des allocations familiales à des fonctionnaires polygames, à construire des ponts sur des routes où ne passent pas de voitures, à doter d’hôpitaux somptueux des territoires moins peuplés que la Corrèze…

       Quoi qu’il en soit, l’opinion publique française, convaincue qu’il était impossible de canaliser la montée du nationalisme noir, n’était pas prête à accepter les conséquences d’une politique de solidarité et de fraternité à l’égard des populations africaines : «  Le creusement continu du fossé qui séparait les économies respectives de la Métropole et de ses colonies… n’aurait pu être comblé que par l’extension Outre-mer de la justice sociale, au prix d’une révolution dans les structures politiques, économiques et sociales de la Métropole elle-même »…(p,502)

      Mais quelle était la conviction profonde de l’ancien chef de la France Libre ? Il l’a exprimée plus tard avec franchise :

       « En reprenant la direction de la France, j’étais résolu à la dégager des astreintes, désormais, sans contrepartie, que lui imposait son Empire. Après un hommage aux gloires coloniales, il continuait : Nous avions à supporter sur de vastes étendues des frais croissants d’administration, de travaux publics, d’enseignement, de services sociaux, de soins sanitaires, de sécurité, en même temps que nous voyions grandir chez nos sujets une volonté d’émancipation qui leur faisait paraître notre joug comme pesant, voire intolérable… Quelques mélancolie que l’on ait pu ressentir, le maintien de notre domination sur des pays qui n’y consentaient plus, devenait une gageure où ; pour ne rien gagner, nous avions tout à perdre. » (Mémoires)

       La politique coloniale du général de Gaulle a été dominée par la volonté de régler le problème algérien. Il savait  qu’il ne pouvait donner moins à l’Algérie qu’aux T.O.M. Six semaines seulement après son retour au pouvoir, il l’exprimait clairement : « la place de l’Algérie est marquée dans cet ensemble (que sera la Communauté) et c’est une place de choix. »

        D’autre part, pour pouvoir retrouver sa véritable « grandeur » et jouer le rôle qui lui revenait en Europe, la France devait « larguer » le fardeau de ses colonies. Le président du Conseil le déclarait sans ambages au gouverneur Roland Pré, venu en août 1958, lui rendre compte des travaux du Comité Consultatif Constitutionnel :

         «  Il faut mettre un terme à cette vision tournée vers l’Afrique : c’est Bismarck qui a voulu nous détourner de l’Europe pour avoir les coudées franches… Il faut ramener la France dans la pure ligne de son histoire. «  Et certains dirigeants africains, virent, dans les nouvelles institutions, une confirmation de cette priorité accordée à l’Europe. » (p,504)

        « Lorsque les ressortissants d’Outre-mer durent s’en aller des Assemblées métropolitaines, d’aucuns avaient insinué que par cette réforme, le Premier ministre français allait au-devant du secret désir d’un grand nombre de ses compatriotes pour qui la réconciliation d’anciens ennemis héréditaires européens était préférable à une solidarité fraternelle contractuelle avec des partenaires de couleur, africains et malgaches. Ce que parurent confirmer certains  ergotages qui se firent jour parfois au cours des travaux de la Commission constitutionnelle à la veille du référendum. » (Mamadou Coulibaly)…

     Le choix auquel le général de Gaulle accula les Africains rejeta ceux-ci vers la nation africaine…

      Dès lors, l’indépendance apparaissait comme la seule solution honnête :         

« L’indépendance est une exigence du XXème siècle. Nous avons délibérément renoncé à être « habiles » pour pouvoir être intégralement « honnêtes ». Soyez sûr que c’est là un effort d’assainissement intellectuel très rude pour un « citoyen de pays colonisé », l’acte de colonisation provoquant automatiquement un réflexe mental de colonisé ». (Guèye) (p505)

       Et l’indépendance était justement le seul moyen de sortir définitivement de la condition de colonisés…

       «  Il y a des nations qui ont dû conquérir leur indépendance dans la haine et le sang. Quelle chance pour nous d’avoir évité cela » s’était écrié Lamine Gueye à l’aube du 20 juin 1960.

         Il faut en effet se féliciter de ce que la lutte armée pour la libération, avec son cortège de violence, de haine et de mort, ait été épargnée à l’Afrique noire française. Le combat que l’A.O.F a livré pour son indépendance l’a été par les notables usant d’armes politiques à l’intérieur même du système colonial, dont  ils n’ont pas tant contesté les structures que l’esprit.

          Une fois l’indépendance nominale acquise, le combat le plus dur restait à livrer. Il fallait décoloniser les esprits pour réformer les institutions politiques, économiques et sociales qui avaient été conçues selon le génie du colonisateur et en fonction de ses intérêts…

     Cette bataille est souvent plus longue et plus difficile que celle de la libération nationale. » (p,505)

Jean Pierre Renaud

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  1. (1) Les syndicats d'AOF

        Il n’est pas inutile de rappeler les forces en présence, c’est-à-dire quels étaient les effectifs syndiqués de l’AOF en 1948 (source de Benoist), concentrés au Sénégal et dans les capitales des futurs Etats, par rapport à une population de l’ordre de 16 millions d’habitants :

Effectifs :        public         privé          total

CGT              18 500       24 000   42 500

Autonomes      2 500        15 000   17 500

CFTC               1 500         7 000      8 500

FO                      néant      1 000      1000

Toute analyse historique ne peut faire l’impasse 1) sur le poids du syndicat CGT, 2) sur le lien satellitaire de la CGT africaine par rapport à la CGT métropolitaine, très fortement liée au Parti Communiste français, 3) sur l'influence des syndicats d'obédience capitaliste ou marxiste, 4) enfin sur le mélange des genres existant alors entre les nouveaux partis africains et les syndicats, fers de lance des revendications d’égalité sociale.

 

 

 

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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 11:09
« Anne Hidalgo s’attaque au statut de Paris »
Le Monde du 23 septembre 2015, page 7
Nouveau conflit historique en  perspective ?

 

            Le sujet est important, et j’ajouterais volontiers « capital ».

            Pour avoir servi l’Etat à Paris pendant de longues années, mis en application, à mon niveau, les deux lois importantes qui ont modifié le statut des collectivités parisiennes, et écrit deux livres sur le sujet, j’aimerais vous faire part des observations que suscitent les propositions ambitieuses de Madame Hidalgo.

            Citation du début de cette interview :

            « C’est « un très grand chantier », prédit elle. Anne Hidalgo veut fusionner la commune et le département de Paris en une seule collectivité et reconquérir la quasi-totalité des pouvoirs du préfet de police dans la ville. « A moi de porter une nouvelle étape dans l’histoire de la conquête démocratique de Paris, qui ne fasse plus peur à l’Etat central » confie au Monde la maire (PS) de la capitale. »

            Avant de faire un petit  rappel historique sur le statut de la capitale tiré du livre « Paris un Etat dans l’Etat ? » (1993), pourquoi ne pas se poser la question préliminaire de savoir s’il s’agit d’un problème de démocratie parisienne, de démocratie métropolitaine, ou plutôt de démocratie française, étant donné le rôle de la capitale dans le fonctionnement des institutions démocratiques de la France ?

            Dans l’introduction de ce livre :           

          … « Il se pose beaucoup de questions, souvent très simples, pourquoi la capitale a-t-elle eu un maire si tard, ou pourquoi un maire élu dans une capitale d’Etat ?

         Qui commande à Paris ? le Président de la République, le Maire ou le Préfet ?

         Le pouvoir local est-il vraiment un Etat dans l’Etat, comme beaucoup le disent ou l’écrivent ?...

       Paris est-elle une ville comme les autres ? » (p,8)

       Dans le chapitre 1, « Aperçu historique des institutions parisiennes », j’esquissais les caractéristiques historiques des institutions parisiennes :

       « … prédominance de l’Etat sur la longue durée historique, ambiguïté des conflits entre Paris et l’Etat, difficultés intrinsèques des solutions institutionnelles, spécificités historiques des institutions et enfin, à partir du deuxième empire, inadéquation de plus en plus grande des institutions à la démographie. » (p,13)

        « … Jusqu’au XXème siècle, l’emprise de l’Etat est restée très forte sur les affaires de la capitale, que ce soit sous la monarchie, l’empire, ou la république, avec des périodes plus ou moins longues d’emprise complète de l’Etat sur la capitale. »  (p,14)

          Avec au moins six épisodes successifs de crise au cours des siècles, su XIVème siècle au XXème siècle dont le plus connu est sans doute celui de la Commune en 1870, mais ces crises trouvaient naturellement leur source dans l’ambiguïté inévitable des pouvoirs à Paris, capitale de la République française, dont tout gouvernement ne peut accepter que son pouvoir soit contesté par la rue.

        «  III - « Difficultés des solutions :

         « … Les analyses qui précèdent ont montré que les gouvernements successifs, quels qu’aient été leurs fondements, n’ont jamais trouvé la bonne solution institutionnelle, le juste équilibre entre un pouvoir d’Etat qui ne peut être contesté dans sa capitale, et un pouvoir local exprimant une volonté parisienne. Le fait « Capitale » l’a toujours emporté sur le fait « Paris », sauf depuis une période récente. » (p,25)

        «  IV – Les spécificités historiques :

         Depuis l’origine jusqu’à nos jours, c’est-à-dire à partir du choix capétien de Paris comme capitale au XIème siècle, les institutions parisiennes sont singulières à un quadruple titre :

         L’Etat s’est toujours réservé des responsabilités prépondérantes dans les affaires de la capitale, et dans les structures actuelles il conserve encore un poids qui n’est pas négligeable.

         Le pouvoir central a toujours veillé à conserver la haute main sur l’ordre public au sens large, qu’il s’agisse de sûreté d’Etat ou de sûreté locale. Le Préfet de Police en est le symbole et il est le successeur des lieutenants de police de la monarchie.

       Les pouvoirs publics centraux ont quasiment toujours eu deux représentants dans la capitale, un  pour l’administration, un pour la police…

       Enfin, et depuis 1800, les collectivités locales parisiennes ont une double nature… » (p,32)

Les institutions actuelles
      La ville de Paris est dotée de deux collectivités de droit commun, une commune,             avec un  maire élu par le Conseil, et un département, avec un Président qui est également le maire de Paris, avec la spécificité d’une seule assemblée qui délibère pour le compte des deux collectivités.

       Le Préfet n’exerce plus qu’un contrôle de légalité a posteriori des délibérations des deux collectivités, mais à côté de lui existe toujours un Préfet de Police dont les pouvoirs sont importants en matière de police générale et d’ordre public.

      Il existe vingt arrondissements, que la loi Paris Lyon Marseille du 31 décembre 1982 a dotés d’un Conseil issu du suffrage universel, lequel élit lui-même le maire. Ces arrondissements de taille très différente ont des pouvoirs assez réduits.

       « Est-ce que la démocratie locale s’est trouvée renforcée par cette réforme ?... Il semble toutefois que les nouveaux arrondissements aient un peu rapproché les administrations de leur gigantesque administration centrale, encore napoléonienne  à beaucoup d’égards, et contribué à mettre de l’huile dans ses rouages, un peu plus d’humanité dans ses relations. » (p,47)

      1964 : Paris devient ville-département

       1975 : une loi donne à Paris un maire à part entière, et le département est également aligné sur le droit commun. Comme chacun sait, Chirac fut le premier maire de la capitale.

     1982 : le Maire de Paris remplace le Préfet comme exécutif du Conseil Général.

     Le Préfet de Police

        «  Le Préfet de Police est planté comme un monolithe de l’Etat dans le paysage institutionnel parisien depuis près de deux siècles et a traversé  quasiment sans encombre, sauf un court intermède sous le régime de Louis XVIII où le ministre de la Police était tout à la fois Préfet de Police et Directeur Général de la Police, toutes les péripéties de l’histoire riche et mouvementée des institutions de la capitale.

       Les fondements de l’institution reposent sur la loi du 28 Pluviôse an VIII (17 février 1800) et sur l’arrêté du 1er Messidor an VIII (1er juillet 1800) ayant valeur législative, textes qui ont conservé à la fois leur valeur et leur vigueur, puisqu’ils règlent toujours le fonctionnement de cette puissante et ancienne institution.

       Ces actes consulaires ont donné deux types de compétences au Préfet de Police, des pouvoirs normaux de police d’Etat chargés de la sûreté de l’Etat, et des pouvoirs exceptionnels de police municipale normalement dévolus aux maires, tournés vers la préservation de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité de la capitale commune….

        Précisons que le Préfet de Police dispose de deux budgets, un budget alloué par l’Etat pour l’exécution de ses missions d’Etat, et un budget voté par le Conseil municipal pour l’accomplissement des tâches municipales.

       Ajoutons enfin que contrairement à ce que beaucoup pensent, le Préfet de Police n’est pas uniquement placé sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, mais sous l’autorité immédiate des ministres pour les objets qui dépendent de leurs départements respectifs.

       Au titre de la police d’Etat, le Préfet de Police est le garant de l’ordre public de la capitale, manifestations, cortèges, grèves, sécurité des lieux publics, des sièges des pouvoirs publics, des ambassades, lutte contre la criminalité, mais de façon plus prosaïque, il exerce la police des cultes, des livres et des spectacles, des armes, des étrangers et des prisons.

       Au titre de la police municipale, ainsi que l’indique le texte, il procurera la liberté et la sûreté de la voie publique, celle du commerce, et plus généralement, il assumera toutes les attributions attachées à la circulation sur la voie publique, à la sécurité publique notamment en matière d’incendie, à la tranquillité publique, en ce qui concerne le bruit et la sécurité dans les établissement publics, ils sont nombreux dans la capitale, à la salubrité des denrées, à l’hygiène des établissements publics.

     Immeubles de grande hauteur et installations classées (ateliers et usines) relèvent également de ces compétences de police municipale.

     Il est évident que la réforme des institutions parisiennes, en donnant des pouvoirs de droit commun au Conseil de Paris, a créé inévitablement certaines difficultés de relations entre les deux types de pouvoir…

    La situation actuelle est politiquement plus confortable, puisqu’elle leur permet de faire endosser par l’Etat une grande partie des difficultés d’ordre public qui sont indissolublement attachées aux fonctions d’une grande capitale, ville lumière avec son corollaire inévitable d’ombres….

      La Préfecture de Police constitue le dernier rempart de l’Etat dans la capitale… «  (p,48,49,50,51)

 

La pertinence historique, politique, juridique des propositions Hidalgo

 

            Du simple au composé !

            Fusionner les deux budgets de la commune et du département parait plutôt simple avec les moyens informatiques qui existent de nos jours, sauf à bien articuler les recettes et les dépenses respectives, et en matière de contrôle, à veiller à ce qu’il ne s’agisse pas de vases communicants non fondés. Dans le passé, les services de la ville et du département ont manifesté beaucoup d’ingéniosité dans ce domaine.

        Dans le livre intitulé « La méthode Chirac »,  j’ai eu l’occasion de mettre en lumière quelques exemples de manipulation budgétaire que la juxtaposition de budgets soumis à la même autorité pouvait faciliter.

        Supprimer un certain nombre d’arrondissements compte tenu de leur poids démographiques, pourquoi pas ? Mais à la condition de poser une organisation administrative qui sauvegarde les acquits réels de démocratie locale que les institutions actuelles ont permis de réaliser.

      Revoir la répartition des compétences du maire et du préfet de police, pourquoi pas ? Mais en n’oubliant pas :

  •               L’histoire de la capitale de la France et de son rôle dans notre histoire, deux histoires souvent confondues qui militent pour la préservation d’une Préfecture de Police solide.
  •          Que la nouvelle répartition des compétences, s’il y en a une, et il peut y en avoir une, soit faite au cas par cas, après un examen rigoureux des intérêts de l’Etat, du pays, et de tous les habitants de l’Ile de France.

Qu’en sera-t-il par exemple de la préservation des intérêts de la sécurité de l’Etat, à proximité du Parlement, des grandes cours de justice, des ambassades, etc ?

  •       Que les transferts opérés, sur le terrain de la police municipale, soient cohérents, ce qui veut dire que Mme Hidalgo doit proposer une vraie organisation de police municipale, financée sur le budget communal, comme c’est d’ailleurs déjà le cas, et assumer les charges et devoirs de cette police municipale, en lieu et place du Préfet de Police. Il est évident que cette police municipale pourra, en tant que de besoin d’ordre public dans la capitale, être mise à la disposition du Préfet de Police.
  • &

            Telles sont les réflexions que suscitent actuellement les propositions connues sous le titre : « Anne Hidalgo s’attaque au statut de Paris », mais pourquoi n’a-t-elle pas évoqué un autre sujet très sensible l’indépendance de la Justice dans la capitale ?

       Ses idées auraient été d’autant plus intéressantes, que dans son corps d’origine de l’Inspection du Travail, elle fut à même d’expérimenter la problématique souvent délicate des relations juridiques entre inspecteurs et préfets.

       Au cours de ma carrière, j’ai eu maintes occasions de vérifier la susceptibilité souvent légitime des inspecteurs du travail, quant à la défense de  leur périmètre d’inspection.

       A Paris, la police judiciaire est placée sous un double commandement, le Procureur et le Préfet de Police, ce qui veut dire concrètement que le Préfet de Police est aussitôt informé de toute affaire de justice sensible, les sources les mieux informées diraient avant même le Procureur, et dans la pyramide, le ministre de l’Intérieur avant même le Garde des Sceaux.

&

        Quelles que puissent être les réformes du statut de la capitale, il va de soi que les gouvernements de la République  doivent se réserver un droit de substitution entière ou partielle dans les pouvoirs du Maire et de son Conseil, en cas de crise nationale.

Jean Pierre Renaud

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3 novembre 2015 2 03 /11 /novembre /2015 15:44
« Français et Africains ? »
« Frederick Cooper »
&
Les situations coloniales avec les témoignages
6 a
Le témoignage Delafosse : les « humanistes » et  la bombe d’Indochine !

 

            Premier témoignage, celui de l’Africaniste Maurice Delafosse :

 

               A titre d’illustration de la problématique coloniale posée en 1945, celle des « premières fissures » et celle de la citoyenneté politique et sociale, plusieurs textes sont proposés, le premier de l’africaniste Delafosse, aujourd’hui un peu décrié par certains spécialistes, deux autres rédigés par Sœur Marie André du Sacré Cœur « La condition humaine en Afrique Noire » (Grasset 1953) et par Gaston Bouthoul dans son livre « La surpopulation » (Payot 1964), ces deux autres témoignages seront publiés ultérieurement en 6 c.

            A la question ou aux questions souvent posées sur les raisons qui ont incité la France à décoloniser dans les années 1960, les réponses sont multiples, d’autant nombreuses et contrastées que leurs auteurs ont souvent de la peine à se démarquer d’un regard partisan ou idéologique.

          La raison sans doute la plus simple de la décolonisation serait celle d’une marche du monde assez conforme à l’analyse taoïste du cours des choses, du constat qu’une fois épuisés les effets des dispositions favorables à la colonisation, à la domination, ce que d’aucuns ont dénommé le colonialisme, il était inévitable que des dispositions inverses se  manifestent, d’un sursaut plus ou moins fort, pacifique ou violent, des peuples dominés vers de nouvelles formes de liberté et de souveraineté.

        Certains interpréteraient volontiers ce type de mouvement comme un des résultats positifs du « colonialisme ».

        Après la deuxième guerre mondiale, les mouvements de libération et de décolonisation trouvèrent un appui puissant dans l’évolution du contexte international, la propagande des Etats Unis pour la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, une revendication  qui n’était pas toujours dénuée d’intérêts, de même qu’en parallèle, en opposite, l’Union Soviétique faisait miroiter l’avenir glorieux du marxisme international.

         Les nouvelles puissances du tiers monde, notamment l’Inde, vinrent apporter leur concours et leur souffle idéologique à ce mouvement de libération des peuples colonisés. 

         Comment ne pas rappeler également que de nouvelles élites, dites « les évolués », nées avec la colonisation, avaient également l’ambition de diriger leur propre pays ?

        Nombreux sont les récits ou les faits qui ont illustré historiquement le mouvement des peuples africains vers de nouvelles formes de souveraineté, ne serait-ce qu’à l’occasion des résistances qui furent opposées aux nouveaux conquérants, les colonisateurs.

Quelques faits :

              Sans revenir sur la lutte des chefs de guerre que furent les El Hadj Omar,  Ahmadou, Samory, ou Béhanzin, ou sur celle des mandarins du royaume d’Annam et de leurs alliés pirates du Tonkin, le cours de la colonisation ne fut pas partout celle d’un long fleuve tranquille : révolte africaine en Haute Volta contre la conscription. des années 1914-1918, fuite devant la taxe de capitation ou le travail forcé dans beaucoup de régions de la brousse africaine, révolte sanglante de Yen Bai en Indochine en 1930.

Le témoignage de l’africaniste Delafosse :

            Delafosse avait été administrateur colonial en Côte d’Ivoire pendant plusieurs années, dans une Côte d’Ivoire qui venait de voir le jour comme première forme d’un Etat colonial, rappelons-le, et avait fait le choix de l’étude des sociétés africaines, de leurs langues, de leurs mœurs et de leurs cultures.

Il était en quelque sorte devenu un expert des politiques indigènes qu’il était possible de mettre en œuvre en Afrique noire.

           En 1922, il publiait un livre intitulé « Broussard », et son diagnostic était le suivant.

         Il posait ce diagnostic précoce, à l’aube de la deuxième phase de la colonisation, c’est-à-dire les années 1920-1940, en partant du principe que les hommes, blancs ou noirs, étaient les mêmes, en Europe ou en Afrique, mais cela ne l’empêchait pas de proposer une politique indigène qui ne fut jamais celle de la France.

        Il écrivait au sujet de l’instruction : « Considérant simplement le bien ou le mal que peut retirer l’indigène africain d’une instruction à la française, je crois sincèrement que la lui donner constituerait le cadeau le plus pernicieux que nous pourrions lui faire : cela reviendrait à offrir à notre meilleur ami un beau fruit vénéneux « (p,111)

       Plus loin, il fustigeait les humanistes :

       « Les humanistes entrent en scène. Pour ces singuliers rêveurs, l’idéal de l’homme est de ressembler à un Parisien du XXème  siècle et le but à poursuivre est de faire goûter à tous les habitants de l’univers, le plus tôt possible, les joies de cet idéal » (p,114)

La bombe d’Indochine

      «  Nous parlions d’un événement qui avait mis en émoi l’Indochine ; un Annamite quelque peu détraqué  avait lancé une bombe sur un groupe d’Européens assis à la porte d’un établissement public.

         Ce n’est pas dans votre Afrique, dis- je à mon ami Broussard, que de paisibles consommateurs prenant le frais et l’apéritif à la terrasse d’un café, auraient à redouter l’explosion d’une bombe intempestive.

        Assurément non, me répondit-il, ou du moins l’instant n’est pas encore venu d’appréhender de tels faits divers ; mais ce n’est qu’une question de temps. » (p,112)

     Et plus loin encore :

      « Félicitez- vous en pour eux aussi, pendant qu’il est temps encore. Mais s’ils ne sont pas mûrs actuellement pour se servir d’engins explosifs, soyez sûr qu’un jour ou l’autre, si nous continuons à nous laisser influencer par les humanitaristes et les ignorants, les nègres nous flanqueront à la porte de l’Afrique et nous ne l’aurons pas volé. » (p,118)

           Reconnaissons à cet égard qu’en dehors du Cameroun, la décolonisation de l’Afrique noire française a effectivement échappé aux engrenages de violence connus ailleurs, et c’est un des constats de Frederick Cooper qui fonderait une partie de son discours.

Jean Pierre Renaud

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