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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 16:11
Des bulles de champagne des époux Jouyet aux eaux troubles du port de Tanger !

 

 

            Bis répétita le journal Le Monde sème à nouveau le trouble !

            Le 3 octobre 2014, le journal a publié une chronique tout à fait intéressante intitulée « Les Jouyet un couple au pouvoir » sous la signature d’Ariane Chemin. (voir notre écho sur le blog du 16  octobre 2014)

            Aux dîners Jouyet de la rue Raynouard à Paris, se retrouvait le grand monde de notre bel establishment parisien et national, celui des rosés bleus ou des bleus rosés, cette sorte d’entre-deux monde politique qui gouverne le pays.

       Le 16 février 2016, le même journal a publié une autre chronique (Enquête Page 12) sous la signature d’Ariane Chemin et de Clarisse Fabre (avec Youssef Ait Akdim), consacrée à une nouvelle célébrité de notre vie politique, Audrey Azoulay, nommée ministre de la Culture.

        Une chronique sur une rencontre dans une autre sorte d’entre-deux monde, franco-marocain cette fois, et dans le port de Tanger, en bordure du Rif, que tout le monde connaît pour être la terre d’élection du shit marocain. 

        « …Septembre 2015, Mohamed VI (qu’André Azoulay ne conseille plus de manière aussi étroite que son père) reçoit pour un déjeuner très privé au Mirage, un restaurant chic de Tanger, le Président de la République française… »

            Tout est à déguster dans cette chronique bien renseignée, avec la description de ce déjeuner de réconciliation, auquel assistaient le roi du Maroc et le Président Hollande, accompagné de deux ministres « binationales » de la République Française, Mesdames Najat Vallaud-Belkacem et Myriam El Khomri, avec dans l’équipage, l’inévitable Rachida Dati (également binationale ?, et une suite composée de Tahar ben Jelloul, Jamel Debbouze, Jacques Lang.

         On  en sait effectivement un peu plus sur la filiation de notre nouvelle ministre, sur un père, installé à Essaouira, l’ancien Mogador colonial, lequel  a été le conseiller du roi Hassan II, tout en faisant fortune au Maroc.

         En lisant cette brillante chronique, il est difficile d’échapper à certaines associations d’images de films américains ou français qui avaient choisi pour décor les deux villes sulfureuses de Mogador et de Tanger, des images qui ont fait le tour du monde.

         Les cinéphiles ont conservé en mémoire les images du film Morocco tourné dans le décor arabe et colonial de l’ancienne Mogador avec Marlène Dietrich et Gary Cooper, dans la chaude ambiance de la légion et du sable chaud.

         Tanger, encore plus que Mogador a servi des dizaines de fois au décor de films dont les intrigues portaient le plus souvent sur des trafics de toutes espèces, armes, cigarettes, ou drogue…

        Tanger était-il vraiment le refuge international qui seyait pour cette rencontre ?

        Mais au fait, pourquoi ne pas avoir invité à ce déjeuner des deux mondes Monsieur   Mélenchon,  natif de Tanger ?

        Avec en arrière-plan, le dossier de la bi-nationalité que les pouvoirs publics, complices d’un establishment à composantes multinationales, ont pris soin de protéger comme un secret d’Etat, l’avenir de la République Française est loin d’être assuré.

         Jean Pierre Renaud

 

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7 mars 2016 1 07 /03 /mars /2016 09:43
« Dans le secret des archives britanniques
L’histoire de France vue par les Anglais 1940-1981 »

François Malye

Kathrin Hadley

Chez Calmann-Lévy

&

Lecture critique

 

Ou la décolonisation française racontée par deux journalistes, l’une de nationalité anglaise, l’autre de nationalité française

Les textes en gras sont de ma responsabilité

            Dans l’introduction, les deux auteurs donnent le ton, en écrivant qu’ils ont l’ambition de raconter, à partir de sources britanniques secrètes de nature diplomatique, l’histoire de France, telle que racontée par ces sources, avec deux objectifs principaux, la période de la deuxième guerre mondiale, et la décolonisation.

            « Deuxième période privilégiée : la décolonisation. Ce qui s’apparente à une retraite en bon ordre pour les Britanniques tourne à la catastrophe pour la France qui inscrit dans son histoire une page noire que deux chiffres terribles suffisent à résumer : 75 000 soldats sont morts en Indochine et en Algérie, ainsi que 800 000 Vietnamiens et Algériens, terrible bilan qui marque une différence difficilement contestable entre les politiques menées par nos deux pays. Si les Britanniques ont très vite pris conscience du fardeau qu’était l’empire, les Français restent aveuglés par leur ambition messianique et leur vision émancipatrice de la colonisation qui au final, mèneront la IV° République à sa perte… »  (page 10)

            Une citation intéressante pour au moins deux raisons :

            La première a naturellement trait à une formulation un peu trop caricaturale des décolonisations comparées anglaise et française.

            Quid des millions de morts de l’indépendance de l’Inde en 1947 ? Des révoltes de Malaisie, du Kenya, de la Rhodésie, des héritages « Colour Bar » de l’Afrique du Sud ?

            En ce qui concerne l’Inde, il vaut mieux se reporter au jugement de l’historien indien Sanjay Subrahmanyam qui écrit dans une des pages de son livre intitulé « Leçons indiennesItinéraires d’un historien » :

            « Le sous-continent indien et la région israélo-palestinienne partagent la même triste histoire : celle du départ expéditif et lâche des Britanniques dans un moment de brutale partition, celle de la guerre qui suivit immédiatement et d’un conflit persistant plus de six décennies plus tard. » (page 321)

            « Ambition messianique » de la France sûrement, rêve d’une assimilation impossible, alors que la Grande Bretagne n’avait jamais eu l’ambition de traiter les sujets d’un empire comme des citoyens, et dans un empire qui, à la différence du français, n’était pas un « fardeau ».

            Comment les Anglais auraient géré la question de l’Algérie, alors qu’une population d’origine européenne importante y habitait, sans commune mesure par exemple avec celle du Kenya ou de Rhodésie, deux territoires coloniaux au sein desquels des minorités de colons dominaient la population noire ?

            La deuxième raison a trait à la méthode de lecture des sources et à la présentation résumée qui est faite de l’ensemble des épisodes exploités.

            Il est difficile de ne pas interpréter cette méthode comme la volonté de démontrer  successivement tout le bien qu’il faut penser de la décolonisation britannique par rapport à la décolonisation française.

            Quelques chiffres pour situer les enjeux d’histoire : les chapitres consacrés à la décolonisation ne sont pas nombreux, et sur les 400 pages de texte, ils représentent une centaine de pages, dont la moitié concerne directement ou indirectement la guerre d’Algérie, comme si la question algérienne avait été l’alpha et l’oméga de la décolonisation.

            Massacres en Algérie (page 120)

         En ce qui concerne l’Algérie, les auteurs relèvent dans leur résumé de présentation :

         «  Nos attitudes très différentes vis-à-vis de nos territoires coloniaux pourraient créer des tensions entre nos deux pays, note ainsi un diplomate du Foreign Office, dès la 28 février 1945 (…) car tandis que nous encourageons le développement politique des autochtones dans nos colonies, en vue de leur ultime indépendance, les Français en Afrique du Nord et de l’Ouest ne cachent pas leur hostilité à l’égard du nationalisme des habitants. Le but des Français n’est pas l’émancipation, mais l’assimilation et de faire de leurs territoires coloniaux une partie intégrante da mère patrie. » ( Massacres en Algérie, 1945, page 120)

           Il est difficile de ne pas voir dans un tel résumé une vision par trop simpliste du sujet notamment sur le nationalisme existant alors en Afrique de l’Ouest, et sur les intentions de la France visant à « faire de leurs territoires coloniaux une partie intégrante de la mère patrie. »

           Il convient de noter que cette source tire en grande partie son origine d’une autre source américaine.

            Le nationalisme de l’Afrique de l’Ouest était dans les limbes, et la Deuxième Guerre mondiale avait scellé cette folle ambition d’assimilation coloniale, qui le plus souvent et pour les spécialistes du terrain, avait mué en ambition d’association.

        1947 : Révolte à Madagascar (page 143)

        « Le mardi 1er avril 1947, un télégramme tombe sur les bureaux du Foreign Office à Londres : durant la nuit du samedi au dimanche, Madagascar, le « Grande Île », s’est révoltée. La  dépêche, au texte hésitant, est signée de Peter Ivan Lake, consul Britannique à Tananarive, appelée aussi Antananarivo… »

          « Le 28 juin, Lake envoie une lettre au Foreign Office… Lake conclut en une formule qui vaudra pour tous les conflits à venir dans l’Empire français. Ici se trouve l’une des principales contradictions de la politique coloniale, en théorie si magnanime, mais en pratique souvent cruellement répressive…Il fallait faire un exemple. Afin que les autres possessions françaises de par le monde ne soient pas tentées de suivre l’exemple des rebelles indochinois ou malgaches. » (page 145)

           Notons simplement que Marius Moutet, le ministre de la France d’Outre- Mer, lequel donna le « la » de la répression à Madagascar fut un des grands dignitaires du Parti Socialiste, et qu’à l’époque du Front Populaire, en 1936, il s’illustra par son  immobilisme en matière d’attribution de la citoyenneté française aux milliers de Malgaches évolués, qui l’auraient mérité, dont Monsieur Jacques Rabemananjara, si je me souviens bien.

        Diên Biên Phu (page 173)

       « Avril 1954 : l’issue de huit années de guerre en Indochine se joue ans une cuvette du Haut Tonkin, au nord-ouest du Vietnam. 14 000 soldats du Corps expéditionnaire français en Extrême Orient (CEFEO) qui ont investi le site de Diên Biên Phû afin d’y constituer un verrou imprenable sont pris au piège. Le général Giap a réussi l’impossible : faire hisser, pièce par pièce, son artillerie au sommet des collines qui surplombent la position. « Qui tient les hauts tient les bas », c’est en vertu de l’adage du maréchal Vauban que, depuis le 13 mars, la garnison pilonnée par les obus du Vietminh, mène un combat désespéré et perdu d’avance. Qu’attendent les Alliés, Américains et Britanniques pour intervenir ?

        Les Américains y sont largement favorables. Moins pour aider la France que parce qu’ils sont résolus à partir en croisade contre la menace communiste qui risque d’emporter toute l’Asie du Sud-Est s’étendant à la Thaïlande, la Birmanie et la Malaisie…(page 173)

        Le 21 avril 1954, Anthony Eden, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, qui subit les assauts incessants de Foster Dulles, son homologue américain, pour intervenir, reçoit le rapport d’un spécialiste de ce conflit, le lieutenant général Sir Charles Loewen, commandant de l’armée en Extrême Orient « qui a récemment fait une visite en Indochine » et arpenté la base de Diên Biên Phû au moment des premiers combats. « C’est maintenant une guerre civile, Vietnam contre Vietminh, nécessitant un commandement de guerre civile et une organisation politico-militaire adaptée au problème, tels qu’ils ont été nécessaires pour faire face à la crise en Malaisie… »

          Les Anglais refuseront d’intervenir en Indochine :

         « Une position ferme que Churchill confirme deux jours plus tard en recevant l’ambassadeur de France, René Massigli : «  Ne comptez pas sur moi (…) J’ai subi Singapour, Hongkong, Tobrouk. Les Français subiront Diên Biên Phû. » (page 176)

          L’exemple de Malaisie n’est pas une bonne comparaison avec l’Indochine, car la Malaisie n’avait pas de frontière commune avec la Chine communiste, ce qui n’empêcha pas d’ailleurs les Etats Unis de remplacer les Français dans un long conflit à l’issue tout aussi incertaine.

           Il est intéressant de noter qu’en Algérie, la France s’est inspirée des méthodes de contre-insurrection anglaises utilisées avec succès en Malaisie, sans trop de scrupules d’humanité, alors qu’à la différence de l’Algérie, les Anglais avaient plus l’ambition de sauvegarder des atouts économiques (le caoutchouc et l’étain)  qu’une population comparable à celle des Français d’Algérie n’existait pas, puisqu’il s’agissait essentiellement de Malais et de Chinois.

          « Kamerun », un titre qui rappelle naturellement l’histoire de la colonie allemande placée après la Première Guerre mondiale sous la tutelle de la SDN, puis de ONU, des Anglais et des Français, donc un statut sous contrôle international, comme celui du Togo.

          Les deux journalistes résument l’histoire de la révolte de l’UPC (années 1950-1960) contre la puissance coloniale en écrivant «  Car c’est dans ce pays d’Afrique, comme en Algérie, que se met en place l’ « école française de la contre-insurrection », comme l’expliquent les auteurs du remarquable ouvrage « Kamerun ».

           Je laisse le soin aux spécialistes  de nous dire s’il y a eu une filiation effective entre les deux stratégies de contre-insurrection en Algérie et au Cameroun dont les situations coloniales étaient complètement différentes, et à mon avis, non.

Les auteurs écrivent :

           « Pourquoi le Cameroun britannique n’a-t-il pas connu la même agitation que les territoires français pourtant si proches ? C’est toute l’histoire de la décolonisation des deux pays qui est posée ici. Les Britanniques ont rapidement compris que les colonies étaient un fardeau économique et ne pouvaient être conservées ou maîtrisées. L’éloignement et la taille du Kenya ou de l’Inde rendaient tout recours à la force impossible. La différence est également idéologique. Les Britanniques n’ont jamais vu dans la colonisation une « mission civilisatrice »comme les Français. Enfin, l’empire, de Brazzaville à Alger, capitale de la France libre, a été au cœur de la reconquête du pays durant le second conflit mondial…

           Les relations entre les deux pays au sujet du Cameroun vont se compliquer après l’échec de l’expédition de Suez en décembre 1956 (voir chapitre « Le piège de Suez ») le véritable point de divergence entre les deux façons de gérer les empires. Concernant le Cameroun, elles n’ont de toute façon jamais été faciles en raison de la différence de politique menée sur le terrain : «  Le contraste entre le progrès et la liberté politique dans les Cameroons britanniques et français est une source d’irritation permanente », écrit le Britannique M.Ryvie… »  (page 188)

             Curieuse façon d’écrire l’histoire : fardeau colonial pour les Britanniques ? La Malaisie était par exemple riche en étain et en caoutchouc.

         Eloignement et taille du Kenya, deux facteurs qui n’ont pas empêché les Anglais d’y lutter contre les Mau Mau ?

          En ce qui concerne le Cameroun britannique, de petite superficie par rapport au Cameroun sous mandat français,  il disposait d’une administration calquée sur celle de la Nigéria, sorte de protectorat au nord avec les émirats de l’ancien Bornou (de Rabah), et administration directe au sud.

         A la suite de l’indépendance du Cameroun français en 1960, un référendum fut organisé dans le territoire sous mandat anglais, et les territoires du nord refusèrent dans un premier temps de rallier l’ancien Cameroun français.

          Pour la petite histoire, les Anglais distribuèrent des bicyclettes pour encourager les électeurs des territoires du nord à refuser la solution de l’unification.

        Suez en 1956 : « Le véritable point de divergence entre les deux façons de gérer les empires » ?

        Lecture étrange de l’histoire : « Les Britanniques qui considèrent déjà l’empire comme un fardeau économique, choisissent de se replier pour ne pas attiser les feux de l’indépendance qui couvent partout dans le monde. » (page 205)

        Vraiment ? Alors que ce sont les Anglais qui poussaient à la roue, entre autres pour sauver le canal de Suez qu’ils avaient anglicisé, au détriment des Français, et que c’est le gouvernement anglais qui s’est dégonflé en cours de route sur la pression du Président Eisenhower ?

        Le chapitre consacré à « Le piège de Suez » (page 204 à 213) n’en apporte pas la démonstration.

      Je préfère le compte-rendu, historique, celui-là, qu’en a fait Robert Murphy dans son livre « Un diplomate chez les guerriers » (Robert Laffont), chapitre XXVI « La crise de Suez (1956) » (page 395 à 414)

         Une des questions majeures qui pourrait être posée est celle du choix de la date de cette opération : l’opération fut lancée le 31 octobre 1956, alors que l’URSS était en face de l’insurrection du peuple hongrois qui avait débuté quelques jours auparavant.

        A la vérité, et dans la lecture de ce livre, je préfère les anecdotes sur la vie politique française, quelques-uns des jugements de diplomates anglais sur De Gaulle, Mitterrand,  Chaban-Delmas, ou Pineau, ou enfin le tour de France de l’ambassadeur du Royaume Uni Sir Olivier Harvey au printemps 1950 qui jugeait le journal  Le Monde « le principal apôtre du défaitisme, le journal Le Monde » (page 167), ou qui s’extasiait sur le souvenir que les habitants du Sud- Ouest avaient conservé de l’histoire anglaise :

         « Ici, à ma grande surprise, l’ « occupation » est synonyme de l’occupation anglaise, et on en parle encore aujourd’hui.» (favorablement bien sûr, comme indiqué dans son rapport)

En résumé, il s’agit d’un livre dont l’intérêt est tout à fait limité, en tout cas en ce qui concerne la décolonisation, farci d’erreurs et de jugements partisans à l’emporte- pièce, qui utilise comme appât son titre : « Dans le secret des archives britanniques »

Jean Pierre Renaud

Tous droits réservés

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 09:43

« Emmanuel Macron, les Feuillants et le libéralisme »

Par Vincent Giret

Le Monde du 26 février 2016, page 7

Ou sur quelle planète vivent ces gens-là ?

 

          Dans cette critique bien rédigée du livre de Jean-Marc Daniel,  économiste, et « adepte assumé du social-libéralisme », un livre intitulé «  Valls, Macron : le socialisme à la française. Pour un manifeste feuillant », le lecteur a le droit et le devoir de se poser une ou deux questions de base :

          « feuillant » qu’est-ce à dire pour un Français d’aujourd’hui ? Qui connait ce terme appelé en renfort pour éclairer la situation politique de la France ?

          Comment ne pas se demander si cette catégorie d’intellectuels (en compagnie de l’illustre Régis Debray)  a quitté le siècle de la Révolution, et ne continue pas à irriguer des courants politiques qui n’ont rien compris, ou qui ne veulent pas comprendre, que le « grand jeu » économique et social, et encore plus politique ne se joue plus, et se joue de moins en moins « à domicile ».

         Marché ou non, offre ou non, demande ou non, la question préjudicielle à poser et à laquelle il convient de répondre est celle de savoir comment il est possible de prendre des décisions, dans l’univers flottant du monde actuel, sans qu’une autorité de régulation, dans chacun des nouveaux univers de l’économie mondiale, ne contribue à mettre ou à remettre un peu d’ordre dans le désordre social et économique que nous connaissons.

               Qui prend ou devrait prendre les décisions stratégiques, dans le cas de l’Europe et d’une Union qui n’existe pas, ou qui contribue à alimenter ce désordre, faute pour les pays de la zone euro d’avoir eu le courage de la doter d’institutions politiques, économiques et militaires, capables de peser sur les décisions du monde, en n’acceptant pas n’importe quoi, et donc d’adopter et de mener une politique qui corresponde à sa puissance.

             Le contenu de ce livre ainsi que sa brillante critique illustre tout à fait le fait que dans une certaine élite ou intelligentsia qui nous gouverne, en tournant le plus souvent en rond, de droite ou de gauche, beaucoup trop de ses membres n’ont pas véritablement changé de siècle, si l’on peut s’exprimer ainsi, car nous ne sommes plus en 1789.

            Comment ne pas relever aussi que le monde politico-médiatique tourne en rond, obsédé par le court terme, et dans le cas présent les élections présidentielles ? Depuis 2015, ils ne pensent qu’à ça !

            C’est à se demander si tous ces gens-là ont véritablement quitté l’ancien monde de la Révolution française, et ne devraient pas faire partie d’une association hors du temps, très bien décrite par Fred Vargas dans son dernier roman, où l’intrigue met en scène précisément une association qui cultive le souvenir de Robespierre et de ses amis, mais naturellement avec une dose de meurtres à l’appui.

Jean Pierre Renaud

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24 février 2016 3 24 /02 /février /2016 10:49
Anthropologues nous voilà !
« Un anthropologue en déroute » de Nigel Barley ?
Une anthropologie en déroute ? Pourquoi pas ?

            Monsieur Amselle, anthropologue politique, a une nouvelle fois, dans le journal de référence, dit Le Monde, le 22 février dernier, page 13, commis une tribune intitulée :

            « Laissons tomber le principe de nationalité !

 Avec en marge :

            « La conception raciale de la nation continue de dominer le champ intellectuel et politique »

Et en conclusion :

        « Ce n’est pas la déchéance de nationalité pour quelque catégorie de Français que ce soit qu’il faudrait introduire dans la Constitution, mais bel et bien envisager la suppression, d’un principe de nationalité à plus ou moins longue échéance et quel que soit le pays concerné »

       De l’anthropologie visionnaire vraiment ! Et qui plus est scientifique !

       A titre de commentaire, pourquoi ne pas proposer tout simplement la lecture du 4ème de page de couverture du livre cité plus haut dans la Petite Bibliothèque Payot ?

            « Pourquoi diable Nigel Barley s’est-il mis un jour en tête de devenir anthropologue ? Pour sa thèse il avait choisi les Anglo-Saxons mais, tout plan de carrière impliquant une mission d’étude, c’est finalement une modeste tribu montagnarde du Nord-Cameroun, les Dowayo, qui lui échoit.

           Une sinécure ? Si l’on veut… non que les Dowayo se montrent hostiles, mais insaisissables plutôt, et imprévisibles. Barley se voit transformé tour à tour en infirmier, banquier, chauffeur de taxi, exploité jusqu’à l’os par une tribu hilare. Il finira par comprendre que l’objet d’observation, en fait c’était lui. »

          Et pourquoi ne pas rappeler à mes lecteurs une des Pensées d’un Pascal qui nourrit mes réflexions au cours de mes études, dans un lointain passé déjà :

        « Les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres »

        (Editions Garnier Frères, Pensées, Article Premier, Différence entre l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse, page 73)

        Ou pour être plus opérationnel, Oh ! Anthropologie politique ! Quelles bêtises ne dit-on pas en ton nom !

Jean Pierre Renaud

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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 14:56
Chronique de la « France d’en bas »
Selon la mode des « histoires postcoloniales d’en bas »
N°2
Le Tour du Monde d’un Président

 

            Dans le Parisien du 19 février 2012, page 6, une grande nouvelle :

              « Périple au bout du monde » pour le Président qui s’envole le 20 février pour un petit tour du monde de 46 000 kilomètres : Tahiti, Wallis-Futuna, à nouveau Tahiti, Pérou, et Argentine.

           Le Président entend ainsi être fidèle à une de ses promesses de campagne 2012, - il y en a  eu beaucoup d’autres non réalisées - celle d’aller visiter tous les territoires d’outre-mer habités.

         Un voyage opportun, alors que la situation française n’est pas bonne, pas plus que celle de l’Europe et du monde ?

        La France souffre et le Président se ballade.

          Il y a au moins une chose qui est sûre, c’est qu’une des promesses de ce Président sera remplie, avec un petite question : combien cette tournée va-t-elle coûter à la France en niches fiscales ou subventions supplémentaires ?

        C’est à se demander pourquoi  le Président n’a pas attendu 2017 ?

        Jean Pierre Renaud

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 11:00
Chroniques de la « France d’en bas »
Numéro 1

Pourquoi cette expression « La France d’en bas » ? Parce que des écoles d’histoire  postcoloniale à la mode se sont inscrites dans la découverte des mondes d’en bas, avant tout coloniaux ou postcoloniaux, ceux qui n’appartenaient pas aux anciennes ou nouvelles nomenclatures coloniales.

 

« Monsieur Bricolage », tel est le titre de la première page du Parisien du 12 février 2016 !

           

            Un sacré remaniement, c’est sûr, avec le retour des Verts Ecolos, pour élargir à nouveau la majorité du Président, qui n’existe plus depuis longtemps, ni dans son camp, ni dans le pays, et encore moins chez les écolos, de moins en moins fréquentables !

            Le chômage continue à progresser, et le Président, contribue à sa résorption en portant l’effectif de son gouvernement de 32 à 38, dont 18 secrétaires d’Etat ! Excusez du peu ! Un geste fort, comme ils disent, dans notre belle intelligentsia ! Avec en prime, la nomination de nombreux apprentis ministres, une contribution qui répond sûrement à l’ambition du plan chômage –apprentissage !

            En surexploitant le pouvoir exceptionnel, pour ne pas dire anormal dans une démocratie, que la Constitution de la 5ème République accorde aux Présidents de la République, le Président actuel, privé de toute majorité, ne met-il pas en péril, avec de tels bricolages, notre Constitution ?

            Nouvel exemple de ce bricolage, l’ouverture d’une soi-disant majorité avec des Verts prêts à tout pour obtenir des maroquins, grands spécialistes des vaticinations politiques !

          Un petit bricolage digne des calculs politiques les plus subalternes mixé avec un projet de référendum démagogique pour l’aérodrome de Notre Dame des Landes, summum de la démission de l’autorité de l’Etat et de la négation de l’intérêt général et d’une utilité publique depuis longtemps déclarée !

            Il serait bien dommage de ne pas faire profiter les lecteurs du commentaire qu’a fait de ce « bricolage », Monsieur Colombani, ancien directeur du journal Le Monde, grand artisan de sa déconfiture politico-financière, dans Direct Matin du 15 février, LE BLOG NOTE, page 3, sous le titre :

            « L’art de saisir le bon moment » avec une photo du Président, sous-titrée «  Le remaniement de la semaine dernière illustre la volonté de rassembler l’ensemble de la gauche en vue de 2017 »

            Vraiment ? N’est-ce pas se moquer du monde ?

            Ces gens-là vivent effectivement dans un autre monde !

Jean Pierre Renaud

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 09:32

 

Le Japon et le fait colonial -1
L’Asie du Nord-Est coloniale – Années 1880-1920
Lecture critique : deuxième partie

 

« Hokkaidö, An Zéro » par Noémi Godefroy (p,105)

“Changement des rapports de domination et septentrion japonais à la fin du XIXème siècle »

         « Avant d’être une colonie du Japon moderne, puis un élément à part entière de son territoire national, l’actuelle île d’Hokkaidō, désignée avant 1869 par le nom d’Ezo, était déjà inscrite depuis longtemps dans un jeu complexe et changeant de rapports de domination à l’avantage de Honshū. »

          Il s’agit de l’île située au nord du Japon d’une superficie de 79 000 km2 comparée à la superficie du Japon de 360 000 km2, anciennement peuplée par une population aux mœurs primitives, les Aïnous, convoitée aussi bien par les Russes que par les Japonais,  dès les XVII° et XVIII siècles.

          Afin de bien comprendre la situation coloniale de cette île, il est indispensable de conserver en mémoire sa position géographique, et donc sa position stratégique, et son poids géographique à la fois sur le plan de sa superficie et de sa population, 17 000 aïnous, sa population indigène, et 60 000 japonais (p,118).

« La nécessité grandissante d’un nouveau type de domination » (p,108) 

         Sa proximité avec l’archipel, une de ses composantes, son importance stratégique pour le Japon ne pouvait que l’encourager à en prendre le contrôle.

       Cette île était historiquement convoitée par les russes, et le Japon s’en empara définitivement en 1869 :

       « La fonction de l’ïle d’Ezo est de servir de porte nord de l’empire » (p113)

         Le Japon créa une Mission au Défrichement et au peuplement dont le but était à la fois de coloniser l’île, de l’exploiter, de la développer, et de « japoniser » les quelques dizaines de milliers de ses habitants indigènes, et à lecture de cette chronique, on comprend bien que le Japon mit en œuvre les méthodes de pacification violente et de conquête des terres que les Américains ont utilisées pour la conquête du Far West, à la différence près que les échelles géographiques n’étaient pas du tout les mêmes.

        Les Japonais considéraient cette île comme une « terra nullius », et sur ce point leur regard n’était pas très différent de celui de la plupart des puissances coloniales qui, à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud, avaient tendance à faire valoir le même concept, de bonne ou mauvaise foi, à partir du moment où une terre n’était pas exploitée ou peu peuplée.

         A plusieurs reprises, l’auteure fait référence à l’exemple américain choisi pour imposer leur modèle de colonisation.

         Le conseiller américain Horace Capron a « préconisé pour la gestion aïnous les mêmes mesures que celles utilisées à l’encontre des nations indiennes »  (p,123)

       « L’annexion (1869) va permettre au gouvernement japonais de tester l’établissement sur le territoire nouvellement acquis d’une autorité propre et relativement indépendante, concrétisée par l’instance administrative spécifique qu’est la Mission au défrichement. Celle-ci s’appuie sur des conseillers américains pour élaborer une politique coloniale qui s’articule autour de trois grandes lignes de force ; la prise de possession administrative de l’île ; l’organisation du défrichement en vue d’une exploitation économique du territoire ; l’instauration de mesures d’assimilation concernant les indigènes. » (p,133)

       Il s’agissait bien plus d’une politique d’assimilation forcée, avec l’interdiction de coutumes traditionnelles (les tatouages, la mise à feu des maisons des morts, et le port de la barbe), que de la politique d’extermination pratiquée dans certaines colonisations de type anglo-saxon.

 

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Les débuts de l’emprise économique japonaise en Corée coloniale 1900-1919  par Alexandre Roy (page 135 à 187)

 

               La lecture de cette analyse m’a plongé dans un abîme de perplexité pour plusieurs raisons, notamment celle liée aux réserves méthodologiques dont l’auteur fait état à plusieurs reprises, sur les statistiques coloniales utilisées, (celles, très abondantes, citées dans de nombreux tableaux et graphiques), des réserves, notamment dans sa page de conclusion, dont je cite un extrait, dont l’interprétation ( monétaire, financière et économique) est de nature à susciter beaucoup de questions sur la pertinence scientifique des concepts utilisés :

          « Se pose donc la question du regard et du discours portés par la documentation utilisée ici. On voit que le gouvernement général aime à se présenter comme si la Corée était un Etat indépendant, jouissant de réelles prérogatives commerciales, comme s’il existait encore, après 1910, un « Etat » en Corée dont l’on pourrait analyser le déficit public et la balance commerciale. Mais ces notions ont elles un sens en contexte colonial ? En effet, que représentent  des « prêts » accordés par la métropole au gouvernement général de Corée, en réalité hypothéqués sur la richesse coréenne et servant à raffermir l’appareil colonial ? Celui-ci évidemment ne « remboursait » jamais la métropole, si ce n’est les investisseurs : il s’agissait d’un jeu bien compris dans lequel les valeurs monétaires et financières ne circulaient que dans un seul sens. De même, la question du rôle de la Banque coloniale de Corée qui, comme la Banque d’Indochine, dans le cas français, servit surtout de tremplin régional aux investisseurs de métropole, se pose quand l’on veut analyser le  secteur financier de la Corée coloniale. » (p,170)

          Perplexité aussi sur le choix de la période 1900-1919, sans tenir compte, semble-t-il, notamment dans sa présentation, en tout cas historique, sur le plan monétaire et financier, du choc de la Première guerre mondiale, «  le boum de la Grande guerre » (p,137) dont l’auteur souligne à plusieurs reprises, les effets importants, notamment en matière de spéculation financière, et tout autant d’érosion monétaire vraisemblable.

      Toutes les statistiques produites sont en yen et ne facilitent pas une tentative de comparaison avec des statistiques produites dans d’autres valeurs monétaires, livres, dollars ou francs.

       Pourquoi ne pas regretter en effet que l’auteur ne se soit pas attaché à esquisser une comparaison plus développée entre la colonisation française en Indochine et japonaise  en Corée, hors celle citée plus haut qui rend compte de façon tout à fait imparfaite du rôle des deux banques dans leur domaine colonial ou la description des relations commerciales fondées sur l’importation de riz ?

        Leur histoire avait certains points communs en ce qui concerne leur situation stratégique par rapport à la Chine et leur régime politique (Empire ou Royaumes), mais l’Indochine n’avait évidemment pas, pour la France, l’intérêt stratégique de sécurité  de la Corée pour le Japon.

         Indiquons que l’Indochine avait une superficie de 736 000 km2 pour une population lors de l’ordre de 15 à 20 millions d’habitants, et la Corée, une superficie de 220 000 km2 pour une population de l’ordre de 14, 15 millions d’habitants.

Un petit rappel historique tiré de l’analyse de M.Vié citée plus haut :

        En 1904, le Japon occupe militairement la Corée, et en 1905, le Japon place les trois royaumes de Corée sous son protectorat, un protectorat aussi fictif que celui de la France en Indochine sur l’empire d’Annam, grâce à un échange international de bons procédés, Corée contre Philippines.

         En 1910, le Japon annexe purement et simplement la Corée, décrite par Michel Vié sous le sous-titre «  La Corée comme muraille ». (p,57)

         L’auteur décrit avec force détails, les efforts que le Japon a effectués au cours de cette période dans le domaine des infrastructures et de la banque.

         Notons simplement que les lignes de chemin de fer construites avaient d’abord un objectif militaire, et que le total des lignes construites en 1918 était de 1.220 km, et de 2.026 km en Indochine, alors que l’objectif était autant économique que militaire.

        La démonstration financière laisse sur la faim, car elle n’embrasse pas la totalité du problème, en termes de description du système monétaire, financier et économique, des flux et des grandeurs analysées en monnaie constante.

      Certaines formulations financières paraissent surprenantes :

«  Une des raisons de l’effacement des subventions métropolitaines[1] était qu’en réalité la métropole ne donnait plus mais vendait son argent à l’administration coloniale. Cette dernière contracta des emprunts toujours plus importants assurant une rente permanente aux souscripteurs japonais, point sur lequel il faudrait se pencher davantage pour analyser l’expropriation coloniale. » (p,147)

       … « Remplir le tonneau percé des finances coloniales était lucratif pour la métropole, c’était aussi et surtout un moyen supplémentaire de dominer la péninsule. (p,147)

          Voire ! Compte tenu de l’évolution monétaire évoquée par l’auteur, marquée par la spéculation, donc le phénomène de l’érosion monétaire qu’a provoqué la guerre dans l’économie mondiale.

        L’auteur fait un constat, assez classique dans ce processus  d’équipement :

         « Sur l’ensemble de la période, le mouvement commercial extérieur de la Corée a été déficitaire. «  (p,148)

         Il était évident que le mode de financement du développement de ce type de territoire au début du vingtième siècle ne pouvait être que l’emprunt.

         Anglais et Français en avaient d’ailleurs fait un principe de base, le self-suffering anglais et la loi de 1900 française.

         En Indochine, ce fut l’emprunt, ou plutôt les emprunts qui permirent le démarrage économique du pays, comme en Afrique noire.

        La situation  déficitaire du commerce extérieur colonial (p,148) dans des territoires dépourvus de richesses ou encore en friche n’était pas une singularité de la Corée ; quasiment toutes les colonies françaises étaient affectées de la même faiblesse structurelle.

         L’historien Jacques Marseille a publié de bonnes analyses sur cette matière, applicables aussi à l’ancienne Afrique Occidentale Française, même si Elise Huillery a tenté de s’inscrire en faux sur le même sujet.

          Quant à la remarque faite sur « l’expropriation coloniale », une curieuse expression, elle mériterait d’être rigoureusement démontrée dans ce type d’analyse.

       « De la Banque n°1 à la Banque Coloniale de Corée » (p,148)

      Le processus décrit bien le processus de développement du système bancaire avec son rôle économique, le passage d’une banque privée à une banque centrale, et à son amarrage dans le système du yen en 1910, le même processus que celui suivi dans d’autres territoires coloniaux :

       « En dehors de l’infrastructure ferroviaire et de la structure administrative, la seule institution japonaise d’importance établie en Corée dès les débuts de la colonisation était la Banque n°1 de Shibusawa EIIchi. » (p151).

        Cette banque joua un rôle important dans les investissements du  Sud Est asiatique, compte tenu du nombre des antennes qu’elle y entretenait, 33 en 1918. (p,151)

       L’auteur porte alors son attention sur « Les structures de la production : entreprises et « industrie », à leur répartition, et à « une approche par le capital » (p,152), une analyse statistiquement très détaillée, en notant :

« l’agriculture représentait tout au long de la période la quasi-totalité (85%) de la production économique matérielle coréenne. » (p,152)

   Etrangement, l’auteur analyse le fait colonial, tout en déclarant :

        « Par ailleurs, nous intéressant au phénomène colonial, nous ne traiterons pas des entreprises étrangères. La raison en est que ces dernières constituaient des structures très particulières : bien que très peu nombreuses (dix en 1910) leur poids en capital dépassait celui des entreprises coréennes. » (p,152)

   Plus loin :

    « Qu’en était-il des entreprises métropolitaines ?

    Le capital engagé dans ces dernières était sans commune mesure avec celui des entreprises péninsulaires : cinquante fois plus important, bien qu’elles fussent cinq fois moins nombreuses… «  (p154)

      La description économique que fait l’auteur montre bien comment fonctionnait l’économie coloniale animée par une banque centrale pas uniquement tournée vers la Corée, quelques entreprises importantes du capital, et un tissu de petites entreprises chargées de fournir à la métropole denrées (le riz), ou matières premières (le fer ), (« La capture commerciale du riz et du fer » (p160) :

      « L’emballement de la fin des années 1910 reposa donc sur le développement commercial et industriel. Autrement dit, comme on le voit, les statistiques construites par le gouvernement général de Corée dessinent assez clairement le schéma d’une colonisation économique « réussie », avec des débuts marqués par l’initiative politique, l’importance des entreprises publiques ou semi-publiques (banques et chemin de fer) et un développement assez rapidement marqué par l’importance du secteur privé, l’industrie et le commerce. » (p,157)

     Il est possible de s’interroger en ce qui concerne l’expression utilisée par l’auteur sur les statistiques que j’ai soulignée, et si tel était le cas, comment concilier l’observation sur le poids de l’agriculture (85%) et cette colonisation économique « réussie » ?

      En ce qui concerne le riz : « … le riz coréen s’imposa face au riz indochinois, birman et chinois. Cela à la faveur de la guerre…Ainsi, entre 1914 et 1917, les riz coloniaux japonais représentaient presque 80 % du volume importé. «  (p,163)

      La réorientation des importations de riz créa beaucoup de difficultés dans l’économie indochinoise qui avait de plus en plus besoin d’exporter son riz en métropole.

       Comme je l’ai écrit dans le livre « Supercherie coloniale », la mention qu’y fait une historienne du collectif Blanchard and Co, sur le riz dans nos assiettes, le riz indochinois bien sûr, ne correspondait pas à la réalité : l’Indochine avait besoin que la France importe du riz d’Indochine, un riz subventionné, et qui allait, ,non pas dans nos assiettes, mais dans nos poulaillers.

       L’auteur note l’importance qu’a eue le fer coréen dans le développement de la sidérurgie japonaise, en particulier en raison de la guerre :

    « Cette crise suscita au Japon un « boum de la fièvre sidérurgique » entre 1917 et 1918. » (p,167)

   Et l’auteur de conclure :

« L’économie coloniale de la Corée à la fin de la Première guerre mondiale : de la spéculation à l’impasse » (p,168) :

      « La politique menée en Corée entre 1905 et 1918-1919 était une impasse économique et sociale. Le lendemain, deux jours avant que l’ex-roi coréen Kojong fût inhumé, un peu plus d’un an après le discours du Président Wilson sur le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… un groupe d’intellectuels militants coréens se réunit dans la capitale coréenne pour déclarer en public l’indépendance de la Nation et appeler au soulèvement. Ce fut comme une étincelle sur une plaine d’herbes sèches : la société toute entière réagit, le Mouvement du 1er mars » était lancé, ébranlant la domination coloniale. » (p,169)…

         « En ce sens précis, l’échec de la politique de développement des années 1910, puis le Mouvement du 1er mars 1919, amenèrent à une autre politique économique dans la colonie qui allait autrement complexifier la structure de la Corée coloniale, ainsi que les rapports entre colonisé et colonisateur. » (p,171)

         Avant de conclure cette lecture inévitablement imparfaite, deux questions se posent à mes yeux :

      La première : est-ce que la première guerre mondiale, plus que la question coloniale, n’a pas caractérisé les relations entre le Japon et la Corée ?

       La deuxième se rapporte au silence auquel l’auteur s’astreint sur  la répression coloniale qui a eu pour but de casser le mouvement du 1er mars, et sur le nombre des victimes, des précisions qu’il faut aller chercher dans la contribution Souyri, intitulée « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » (p,189)

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« Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » par Pierre-François Souyri (pages 189 à 236)

 

         Cette analyse se situe dans une chronologie différente des autres analyses de la même revue.

        En se situant dans l’histoire des idées, cette analyse manque à la fois de cadrage historique et d’évaluation des effets des  « trois courants anticoloniaux » qu’elle décrit , le courant « moral », le courant « économiste », et celui d’ « une critique du système au sein même de l’université japonaise »

            Le cadrage historique : il parait difficile de ne pas situer  ces courants dans le système de gouvernement japonais, pas moins que dans la chronologie politique de la même époque, une époque relativement longue.

            Il parait tout de même difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de ces « courants anticoloniaux », sans avoir plus de précisions sur leur effet dans l’opinion publique, ou dans leur représentation politique.

            L’auteur écrit :

            « Le colonialisme antirépressif et réformiste des démocrates japonais des années 1920 et 1930 peut paraître aujourd’hui désuet. Qu’on ne s’y trompe pas. D’une part, bien rares étaient ceux qui, en Grande Bretagne ou en France, par exemple, dénonçaient vers la même époque aussi clairement les abus du colonialisme. Les critiques japonais du colonialisme japonais sont, de ce point de vue, tout à fait remarquables. Par ailleurs les radicaux indépendantistes étaient alors minoritaires dans les colonies japonaises. En effet, une partie des nationalistes coréens ou taïwanais pensaient sincèrement – à l’instar des démocrates japonais – que le système colonial était réformable » (p,234)

            J’ai envie de dire les « démocrates japonais » ? Combien de divisions ?

            « Bien rares étaient ceux qui, en Grande Bretagne ou en France, dénonçaient… ?

            Est-ce si sûr alors qu’aucune comparaison historique n’est proposée ?

            Et sans être méchant, pourquoi ne pas recommander quelques-unes des lectures françaises qui ne cachaient pas grand-chose des abus du colonialisme français ?

         René Maran dans « Batouala » Prix Goncourt 1921), André Gide dans « Voyage au Congo », le scandale des grandes concessions forestières (1927) , Albert Londres, dans « Terre d’ébène » (1929), le scandale du Congo Océan, Louis Roubaud dans « Viet Nam » (1931) la tragédie de Yên Baï,  Augagneur avec son livre «  Erreurs et brutalités coloniales » (1911), Vigné d’Octon avec « La gloire du sabre » (1900) ou « Les crimes coloniaux de la Troisième République » (1911),  etc, etc…

        Pourquoi ne pas demander à Monsieur Pierre-François Souyri, pourquoi il n’a pas cité le même type de livre anticolonialiste au cours de la période étudiée, un vrai test de crédibilité ?

        Enfin, et dans la même veine,  une autre affirmation qui mériterait d’être étoffée :

        « Contrairement à une légende tenace, le colonialisme japonais n’a pas été plus brutal que les autres », un propos qui mériterait d’être confirmé par des spécialistes, deuxième guerre mondiale y comprise ?

         Dans le « d’avant 1945 » ? Et au fil des périodes historiques ?

       Sur ce blog, le 20 août 2015, j’ai publié un petit exercice de critique historique qui concerne le même auteur dont je reproduis le texte ci-après.

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Petit exercice de critique historique ?

Ou la « contextualisation » du fait colonial ?

Publié le 20 août 2015

            Au fil des pages, et avant d’être en mesure de commenter les deux tomes tout à fait intéressants consacrés à l’ambitieux sujet traité, j’ai noté dans le chapitre intitulé « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » de Pierre-François Souyri, Université de Genève, une sorte de curiosité d’écriture d’histoire postcoloniale, un mélange tout à fait étrange entre histoire et prise de position politique.

            « Mais il faut quand même contextualiser le discours de Yanagi et, même si l’homme n’était pas exempt de défauts, il n’en a pas moins contribué à faire connaître une céramique largement mésestimée. Après tout, où sont les esthètes français capables de monter en Algérie un musée des arts populaires algériens ? » (page 209)

            « Contextualisons » donc un tel discours :

            Convient-il de rappeler qu’en Extrême Orient,  l’Ecole d’Extrême Orient a été créée en 1898, et installée à Hanoï en 1900, que l’Ecole Nationale des Beaux- Arts d’Alger a été créée en 1888, et la villa Abd-El-Tif en 1906, pour ne pas citer encore la création de l’Académie Malgache en  1902 ?

Jean Pierre Renaud

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12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 10:11
« Le Japon et le fait colonial – 1
L’Asie du Nord-Est coloniale – Années 1880-1920 »
Cipango
Cahier d’études japonaises - Année 2011
Avant- propos

 

            Il n’est peut-être pas superflu de rappeler quelques-unes des caractéristiques essentielles du cadre géographique et historique, et donc sécuritaire et stratégique, dans lequel ce type d’analyse se développe.

            Les côtes des territoires les plus proches convoités par le Japon sont situées à une distance de l’ordre de 200 kilomètres pour la Corée, à l’ouest, et de l’ordre de 40 kilomètres pour l’île de Sakhaline, au nord.

            Cette situation géographique est évidemment un des éléments de toute explication historique.

            Les récits qui seront commentés se situent dans une dynamique de conquêtes impériales en Chine, avec pour fond de décor, la décomposition de l’Empire de Chine, avec ses territoires associés, une décadence qui avait commencé il y a bien longtemps.

       Les épisodes les plus récents en avaient été la première guerre de l’opium menée par l’Angleterre en Chine, dans les années 1839-1842, et par la deuxième guerre de l’opium engagée avec le concours de la France, des Etats-Unis et de la Russie, dans les années 1856-1860.

            Ces deux guerres se conclurent par l’ouverture de ports au commerce international, des concessions territoriales, et le paiement d’indemnités.

            La deuxième guerre de l’opium « s’illustra » par le « Sac du Palais d’Eté ».

            A partir de 1854, les Etats-Unis, nouvelle puissance du Pacifique, ont contraint le Japon à ouvrir ses ports au commerce international, et poursuivi leur conquête des îles du Pacifique, en direction de l’Asie.

            Un mot enfin sur l’Asie du sud-est.

            Les Anglais avaient mis la main sur le joyau de l’Empire des Indes et de ses territoires accolés, mis en place une ligne de communication stratégique avec la route des Indes, une succession de ports anglais en direction de Hong Kong, devenu anglais.

        D’autres puissances, les Pays Bas en Indonésie, et la France en Indochine, s’étaient établies comme nouvelles puissances coloniales.     

        La question que nous nous sommes posée en permanence en rédigeant cette lecture critique est celle d’une comparaison possible ou non avec les autres « colonialismes » ou « impérialismes » de la même époque historique.

         La revue Cipango traite un sujet d’histoire « coloniale » intéressant pour un Français plus habitué à se documenter et à analyser l’histoire coloniale occidentale, avant tout celle de la France ou de la Grande Bretagne qu’à tenter de la comparer à l’histoire coloniale du Japon, de la Russie ou de la Chine.

        Le lecteur français sera peut-être étonné de ne pas voir évoqué dans cette chronique intéressante, même de façon marginale, le cas de l’Indochine, qui occupait alors, par rapport à la Chine, une position très voisine de celle de la Mandchourie ou de la Corée.

            Autres remarques préliminaires, la première relative à la durée de la période étudiée, 40 ans de 1880 à 1920, un choix chronologique qui fait question, et la deuxième, relative à l’intitulé choisi « Le Japon et le fait colonial ».

            Nous verrons qu’au cours de cette lecture critique, se pose en effet  la question de l’appellation « colonial » dans cette phase de domination historique, qui concerne autant la Chine, la Russie, ou le Japon, que la Grande Bretagne, les Etats-Unis ou la France, et dans le cas de la Chine, avec la superposition de plusieurs types de domination.

            A plusieurs reprises, l’auteur, Michel Vié, pose d’ailleurs, et à juste titre, la question de ce type de qualification, une vraie question : dans quel registre historique ce type d’analyse de la domination se situe-t-il ? Expansion territoriale du type américain vers l’ouest, ou russe vers l’est ? Expansion de type impérial sur le mode international telle que pratiquée en Chine ? Expansion de type impérial telle que mise en œuvre en Asie du Sud-Est par les Anglais ou les Français, aux Indes ou en Indochine ? Expansion coloniale avec immigration européenne telle que pratiquée par les Anglais dans le Pacifique ou en Afrique du Sud, et par les Français en Algérie ?

            Difficile à dire !

.

            Le titre de la première chronique « La : Mandchourie et la « Question d’Extrême Orient » 1880-1910, par Michel Vié illustre bien à mes yeux la sorte d’ambiguïté qui pèse sur le mot colonial, équivalent à Question d’Orient ou des Balkans ?

            Deuxième chronique : « Un autre regard La Mandchourie des photographes pictorialistes japonais »  par Sandrine Dalban-Tabard, une chronique que nous avons laissée de côté par incompétence.

          Troisième chronique : « Hokkaido, An Zéro » Changements des rapports de domination et septentrion japonais à la fin du XIXème siècle », par Noémi Godefroy, une contribution dont le contenu pourrait être assimilé à ce qu’on entend souvent par histoire de la colonisation.

            Quatrième chronique : «  Les débuts de l’emprise économique japonaise en Corée coloniale 1900-1919 » par Alexandre Roy.

            Cinquième chronique : « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » par Pierre-François Souyri.

            A noter que la période proposée dans cette chronique est différente de celle indiquée dans le titre.

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            A cette occasion, je rappelle quelques-unes des chroniques de ce blog, lesquelles donnent quelques éclairages chronologiques et géographiques, de type latéral, sur les sujets traités : Japon, Indochine, et Chine :

« Choc des cultures, des civilisations, des religions » 1868 L’incident de « Sakai »

A partir du livre d’Ôgaï Mori

L’ouverture forcée par l’Occident d’un pays fermé comme une huître

Blog du 23/09/2011

« Gallieni et Lyautey, ces inconnus »

Au Tonkin  (1892-1896), blog du 20/04/2012

Le colonel Gallieni chez le maréchal Sou, blog du 22/06/2012

Politique des races au Tonkin et à Madagascar, blog du 14/09/2012

Gallieni et son « bain de cerveau », blog du 1/10/2013

Edward Saïd et Victor Segalen, Regards sur la Chine, blog du 10/02/2011

« Les branches esseulées : trafic de femmes vietnamiennes en Chine », blog du 8/03/2013

       Par ailleurs, et à l’occasion de l’analyse que je proposerai sur l’Algérie, avec la Révolte du général Challe, puis une esquisse de comparaison entre le type de guerre contre-révolutionnaire en Malaisie, et en Algérie, avec le roman d’Han Suyin, « Et la pluie pour ma soif ».

         Enfin, je publierai une petite analyse critique d’un article de Lionel Babicz  paru dans « Le Japon et le fait colonial – II », intitulé « Japon-Corée, France-Algérie Réflexions sur deux situations coloniales et postcoloniales » en posant la question : s’agit-il de situations coloniales et postcoloniales » comparables ?

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La Mandchourie et la « question d’Extrême Orient » 1880-1910 (p,19)

            Conquête, domination, annexion, colonisation militaire, humaine, économique, ou impérialismes ? Avec des impérialismes en concurrence, en coopération, ou en « cohabitation », et aussi des impérialismes superposés ?

            A lire cette étude intéressante, le lecteur retire l’impression d’une histoire inextricable face à la très grande complexité des facteurs historiques examinés, une sorte d’entrelacs où il n’est pas toujours facile de se repérer.

            Le titre choisi axe l’analyse sur la Mandchourie.

            Il s’agit d’une histoire au moins autant impériale que coloniale, avec l’enjeu de la conquête de la Mandchourie par les trois puissances voisines, les deux puissances terrestres de Russie et de Chine, et la troisième puissance maritime, le Japon,  une histoire marquée par deux guerres, la sino-japonaise en 1895, et la russo-japonaise en 1905, couronnées, toutes les deux, par les victoires du Japon.

  I - « La Mandchourie et les trois empires » (p,25)

            La remarque que fait l’auteur sur la nature de ces guerres est à citer, car elle pose à nouveau la question du « colonial » :

    « C’est pourquoi, il nous semble impossible d’expliquer la genèse et l’histoire des guerres sino-japonaise et russo-japonaise dans les schèmes de « la grande colonisation » (p,31)

       « La Mandchourie qui nous intéresse ici, peu connue au XIX siècle, est devenue vite célèbre au XXème  siècle comme lieu de réussite d’une industrialisation volontaire, peu fréquente en situation coloniale…. Mais quand la Mandchourie  entre dans l’histoire internationale, aux confins des XIX et XXème siècles, ce n’est pas la modernité économique qui en est le moteur, mais une modernité militaire qui se manifeste par les événements des deux grandes guerres sino-japonaise (1894-1895) et russo-japonaise (1904-1905). » (p,23,24)

        Les batailles livrées si loin, sont bien plus modernes, au point de vue technique que celles qui ont eu lieu, à la même époque à Cuba, aux Philippines (guerre hispano-américaine), au Transvaal, voire dans les Balkans. Forteresse russe assiégée pendant quatre mois (1904), Port Arthur devient aussi célèbre que l’avait été Sébastopol en Crimée. Mais ce sont les flottes de combat qui révèlent le mieux le niveau technologique des guerres. » (p,24)

        « Ainsi nous verrons que l’entrée de la Mandchourie (spécialement le Liaodang à l’extrémité duquel se trouve Port Arthur) dans l’histoire commence par des guerres qui ne sont pas du tout du type des guerres coloniales, mais qui préfigurent plutôt l’avenir immédiat de l’Europe. » (p,25)

        La Mandchourie était alors aux prises avec trois prédateurs, les trois empires de Chine, de Russie, et du Japon.

       « Ainsi, si l’on en juge d’après ses habitants, la Mandchourie en 1880-1890, la Mandchourie  n’est pas encore une terre chinoise »… Elle commence seulement à le devenir. La transformation en cours est due à une colonisation de peuplement rendue récemment possible…Seule la Chine put mener à bien ce type de colonisation. Seule, elle disposait du « trop plein » démographique indispensable, renforcé par une plus grande proximité. La Russie et le Japon auraient voulu parvenir à ce résultat ? Mais ils n’en eurent jamais les moyens. » (p,26,27)

        « Enjeux et stratégies de la constitution des empires face à la Mandchourie » (p,28)

         Face à des enjeux et stratégies variés et entremêlés, il n’est pas toujours facile d’y voir clair :

       «  Malgré d’incontestables interactions, il nous semble pertinent d’opérer deux distinctions. L’une tout d’abord d’ordre géographique, en séparant la Chine « proprement dite » et l’Asie du Nord-Est. L’Etat chinois est présent dans les deux cadres. Mais il est objet de colonisation de la part des pays occidentaux. Il est lui-même acteur de colonisation en Mandchourie et en Corée. L’autre distinction s’applique aux causes des guerres. Est-ce du fait de l’actuelle domination des paradigmes de l’économie de marché et des aspirations qu’elle suscite (goût du lucre, consumérisme, etc.) ? Il semblerait que, bien souvent, on ait du mal à percevoir, de nos jours, d’autres causalités que celles relevant du plan économique. Or les trois puissances ont des projets à long terme, voire résolument permanents qui sont surtout sécuritaires. » (p,29)

       Effectivement :

      « C’est pourquoi, il nous semble impossible d’expliquer la genèse et le déroulement des guerres sino-japonaise et russo-japonaise dans les schèmes de la « grande colonisation »

       L’auteur ne dit pas qui dit le contraire.

     « II – Coexistence ou incompatibilité des impérialismes  (1890-1901) » (p,32)

         L’auteur examine ensuite les problèmes de coexistence ou d’incompatibilité des impérialismes entre 1890 et 1901, et cet examen montre bien que l’impérialisme collectif a toujours su gérer ses intérêts, soit qu’il se soit tenu en dehors des conflits, soit qu’il en ait profité :

       « Globalement, le domaine reconnu à l’impérialisme collectif est volontairement tenu à l’écart des conflits, et de même, la région de Pékin, parce que la dynastie mandchoue y est le garant de la légitimité des traités. » (p,33)

       Une remarque tout à fait intéressante parce qu’elle donne la mesure du pouvoir de l’imaginaire impérial chinois, celle d’un Fils du Ciel complètement entre les mains de cet impérialisme international.

            La première guerre sino-japonaise est un exemple d’impérialisme collectif à la fin du siècle, parce ce qu’il juxtapose plusieurs interventions étrangères de nature tout à fait différente.

          Elle trouve sa conclusion dans le traité de Shimonoseki (17 avril 1895) avec l’intervention diplomatique de trois puissances (23 avril 1895) (p,37), la Russie, l’Allemagne, et la France.

            Le traité de paix imposé à la Chine contenait quatre catégories d’exigences :

    1) reconnaître l’«indépendance » de la Corée,

    2) payer une indemnité de guerre,

    3) faire bénéficier le Japon de la clause de la Nation la plus favorisée, de l’usage de plusieurs ports jusqu’ici non ouverts aux étrangers… Par ces dispositions, le Japon fait son entrée dans le système colonial collectif… ce qui conduit le Royaume Uni à adhérer à la paix de Shimonoseki.

   4) la remise par annexion de trois dépendances territoriales jusqu’alors chinoises : Taïwan, le petit archipel voisin des Pescadores et, en Mandchourie, la péninsule de Liandong dans sa totalité … Tous ces territoires mentionnés sont occupés par l’armée japonaise. » (p,37)

       « L’indépendance de la Corée » dura peu de temps. Le Japon se vit reconnaître l’annexion de trois territoires, Taïwan, encore revendiqué par la Chine, les Pescadores, îles à nouveau disputées de nos jours, avec une entrée officielle en Mandchourie.

    Et le démantèlement de la Chine continua :

    « Il est bien connu que de 1896 à 1899, la Russie, la France, l’Allemagne, le Royaume Uni ont obtenu de la Chine, des transferts de droits régaliens en leur faveur. Un peu plus tard, l’Italie et le Japon se sont engagés dans cette voie. » (p,41)

      « L’épisode des Boxers (1901-1902) » (p,46)

            « L’épisode des Boxers est un moment bref mais décisif. Il confirme la Chine dans sa fonction d’ « eldorado commercial ». Il rend presqu’inévitable la guerre russo-japonaise, à cause de ses effets sur la Mandchourie… «  (p,46)

            L’intervention militaire avait curieusement autant l’objectif d’imposer la domination de l’étranger que de conforter l’Etat Chinois.

         « Le danger le plus redouté est l’effondrement de l’Etat chinois, clef de voûte du colonialisme commercial. Une Chine souveraine et faible est une formule satisfaisante pour tous : Royaume Uni, Allemagne, France, Etats-Unis et Japon. La fragilité du système demeure, mais qui voudrait le frapper d’un coup mortel ? » (p,46)

    « En 1900, lorsqu’éclate, contre la colonisation occidentale, l’insurrection des Boxers, des questions graves demeuraient alors sans réponse :

       - La Chine a-t-elle un avenir comme Etat ?

        - Jusqu’où l’expansion de la Russie ?

        - Quel est, en Extrême Orient, le vrai statut international de la Mandchourie ?

       Cette insurrection apporte en quelques mois les réponses. «  (p,46)

     Cette intervention ressemble fort aux interventions militaires que l’on classe habituellement dans la catégorie coloniale, à la grande différence près qu’elle fut multinationale.

        «  Le traité de paix (Protocole des Boxers, 7 septembre 1901) représente le triomphe du colonialisme financier et commercial. L’Etat chinois est à la fois confirmé et complètement dépendant des banques occidentales auxquelles il doit emprunter pour payer les indemnités dues aux puissances colonisatrices. Les garanties militaires jointes au traité sont collectives…(huit grandes puissances (Etats-Unis, Japon et six Etats européens )» (p,48)

     Et le démantèlement continua !

     « L’inaptitude des coalisés à mentionner ou à résoudre le problème de la présence militaire massive des Russes en Mandchourie est le trait – négatif- essentiel du Protocole des Boxers. C’est par son « côté russe » (non pas chinois) que l’épisode des Boxers bouleverse la question d’Extrême Orient. Sous trois aspects : 1) le rôle des armées de terre en plus de celui des flottes ; 2) l’entrée de la Mandchourie entière dans les conflits ; 3) l’opposition insoluble entre Russie et Japon. » (p,48)

     L’auteur décrit alors l’épisode de III  « La colonisation militaire russe (1896-1904) » (p,50), puis les problématiques de conquête et de sécurité du Japon.

       « IV Les dilemmes de la politique sécuritaire du Japon (1894-1905) » (p,53)

     « Parmi les trois empires qui aux confins des XIX° et XX° siècles constituent l’Asie du Nord d’Est – la Chine, la Russie, chacune pour une petite partie de leur immense territoires, le Japon, pour la totalité de son espace insulaire – seul ce dernier, le moins puissant, entreprend une guerre contre l’un, puis l’autre de ses grands voisins. Le pouvoir central japonais n’ignore pas les dangers de telles guerres (sino-japonaise en 1894-95, russo-japonaise en 1904-1905). Mais il affronte ces risques précisément au nom de la sécurité. Ces guerres sont considérées comme liées à sa survie. Le problème ici sera celui de la manière dont le Japon s’est représenté l’environnement. » (p,54)

        « La sécurité par la guerre », « La Corée comme muraille »

     L’analyse montre bien l’importance qu’a eue la stratégie sécuritaire du Japon, mais les guerres du Japon ont couvert aussi d’autres stratégies de type colonial, qu’explique à la fois la nouvelle puissance de son empire et le cadre géographique et stratégique de l’archipel.

       « Le point de départ du raisonnement est un postulat : la valeur de défense de l’insularité japonaise est insuffisante au niveau de Tsushima, excluant une défense uniquement maritime. Deux solutions s’offrent : l’une, guerrière, par envoi d’une armée sur le continent, l’autre, pacifique, par neutralisation de la Corée sur le modèle idéalisé de la Suisse. » (p,55)

       Il est possible de noter que la Grande Bretagne a eu historiquement le même type de problème de sécurité sur ses côtes européennes, avec la Hollande et la Belgique.

       « V La guerre russo- japonaise (1901- 1904-1905) » (p,56)

      « … Traits originaux de l’affrontement russo - japonais :

        En plus de sa modernité évidente qui résulte, tant des effectifs engagés que de la puissance de feu produite, l’originalité de cette guerre ressort de trois aspects : la modération des alliances, le financement international, la précision des projets stratégiques. Tous les trois en font un conflit qui, bien que local, est à la fois fortement encadré et soigneusement préparé  du côté japonais. »

      Il est évident que le Japon poursuivait des objectifs multiples, de sécurité bien sûr, mais tout autant d’impérialisme économique, qu’il s’agisse de la Mandchourie ou de la Corée.

        Au terme des épisodes diplomatiques et militaires racontés par l’auteur, La place forte de Port Artur capitule le 1er janvier 1905, et les 27 et 28 mai 1905, « la flotte russe venue de Baltique est coulée ou contrainte à la reddition. Il n’y a plus ensuite de grandes opérations si ce n’est l’occupation complète de Sakhaline. » (p,65)

      Le désastre maritime russe de Tsushima eut des échos dans toute l’Asie du Sud Est, notamment dans l’Indochine française, dans les milieux nationalistes, car il s’agissait du premier signe éclatant du réveil de l’Asie.

      Un traité de paix est signé entre la Russie et le Japon, le 5 septembre 1905.

      « La situation militaire »

      « Aucune des deux puissances ne peut plus espérer rationnellement parvenir à une victoire complète. L’espace confère à la Russie la certitude de l’invulnérabilité. Cette particularité était connue des dirigeants japonais avant qu’ils n’entrent en guerre. Mais à la suite des escadres russes, le Japon bénéficie d’une invulnérabilité équivalente. La marine japonaise est devenue maîtresse des mers environnantes. Il ne demeure donc dans cette guerre d’autres perspectives que la conquête (ou pour les Russes, la reconquête) de territoires. La grande victoire du Japon est d’avoir obtenu l’invulnérabilité. A partir de Tsushima, une sorte de  réciprocité sécuritaire encadre les batailles à venir, qui toutes ne peuvent être que terrestres, et a priori localisées en Mandchourie. » (p,66)

     Invulnérabilité ? Voire !

     Toujours est-il que le Japon a empoché deux autres territoires, la Corée et la Mandchourie du Sud !

      Curieusement, ce sont les Etats Unis qui se sont entremis pour faciliter un accord de paix, « l’accord Katsura-Taft l’illustre bien. Il met en cause la Corée et les Philippines sous la forme d’un échange. » (p,67)

       Cette observation est tout à fait intéressante, car on oublie trop souvent que non seulement les Etats Unis étaient partie de cet impérialisme collectif décrit par l’auteur, mais que dans le sud-est asiatique, ils venaient de faire la conquête coloniale des Philippines.

         « Avec les Etats-Unis, la question pourrait être plus complexe. En fait, ce que Taft propose à Tokyo, c’est seulement une entente de non-intervention militaire réciproque en Corée japonaise aux Philippines où depuis la fin de la guerre hispano-américaine (décembre 1898, traité de Paris), se déroule une violente conquête coloniale. Entre l’armée américaine (portée à un effectif de cent vingt- six mille hommes) et le mouvement indépendantiste d’Emilio Aguinaldo, l’affrontement est extrême. Le contraste entre les chiffres des victimes des deux camps – quatre mille deux cents américains, deux cents trente mille Philippins, soit un rapport de 1 à 50 est caractéristique d’un conflit colonial. Pierre Chaunu explique les méthodes de combat américaines par leurs expérimentations antérieures sur le territoire même des Etats - Unis, contre les tribus indiennes et, entre autres, comme « techniques d’extermination de la frange pionnière. » (p,71)

           Une observation : la conquête du Tonkin qui a mobilisé des forces militaires comparables n’a pas eu pour résultat, et de loin, le même écart entre les chiffres des victimes.

         Et pendant ce temps-là, le Japon met en œuvre en Corée une politique coloniale de protectorat sur les trois royaumes de Corée, laquelle cache une prise en mains directe de ce pays.

        « Dans le sud de la Mandchourie conquis sur les Russes et où il continue de contrôler et d’administrer ainsi la population chinoise, le Japon est loin d’obtenir une consolidation politique aussi décisive qu’en Corée. » (p,72)

        Les interventions multiples des nombreuses puissances qui se sont lancées dans l’exploitation coloniale de la Chine se sont tellement entremêlées qu’il est difficile d’y voir clair, d’autant plus que la Mandchourie est devenue un immense chantier pour des investissements privés de toute nature et pour une nouvelle colonisation chinoise, sous contrôle japonais, un des signes les plus manifestes étant la construction de lignes de chemin de fer.

        Le Japon mit en œuvre une méthode de colonisation qui ressemblait à celle du Congo Belge, en confiant tous les pouvoirs à une compagnie financière privée dénommée de « Mantersu » qui unit capitalisme d’Etat et une ouverture sur le capital privé.

        « La pacification de l’Asie du Nord-Est est un fait régional acquis en 1907…. Dans le Pacifique, Japon et Etats-Unis sont face à face. Mais des obstacles matériels les empêchent de s’affronter… » (p,76)

      L’auteur conclut :

    « Sans la guerre civile en Chine à partir de 1911 et la crise balkanique de de 1914, rien ne pouvait interdire d’imaginer comme durable la paix et l’ordre établis en Extrême Orient continental. C’est donc dans ce cadre que la Mandchourie cessant de n’être qu’un espace commence alors à devenir pour la société et l’économie mondiale une  réalité tangible dans l’Histoire. » (p,78)

         Avec un grand H ou un petit h ? Est-ce que cela ne mériterait pas d’être démontré ? Alors que la Chine était de plus en plus en décomposition ?

          Pour résumer les points forts de cette chronique :

        Son mérite est d’ouvrir les yeux sur d’autres mondes impérialistes ou coloniaux que ceux auxquels on est trop souvent confronté en France, avec la place sans doute exagérée de l’Afrique.

      La Chine de la « Porte ouverte », une Chine considérée comme un nouvel eldorado économique et financier, mais une Chine en décomposition, dont les puissances prédatrices prennent soin de préserver une « face » impériale tout fictive.

    Un impérialisme collectif, international, en action, mélange de guerre, de coopération, de coexistence,  de cohabitation, mais tout autant de conquêtes territoriales de la part des trois empires.

      Une Chine décadente qui continue à tenter de protéger ses frontières glacis.

      Une Russie qui continue sa conquête de l’Est, comme les Etats-Unis l’ont fait pour leur Ouest, en éliminant les tribus ou nations indiennes.

       Avec l’ouverture d’une nouvelle ère, dite de « Meije », un Japon en pleine modernisation, et en pleine phase de puissance nouvelle, dont l’ambition est faite d’un mélange de stratégie de puissance régionale, de sécurité, et de conquête de nouveaux territoires.

        Les Etats Unis, nouvelle puissance du Pacifique, laquelle a obligé le Japon à ouvrir ses ports au milieu du siècle, laquelle s’associe aux autres puissances pour participer au nouveau partage des richesses.

         Cette analyse mériterait d’être confrontée, au cas par cas, et période par période, aux analyses qui ont été faites sur les autres impérialismes qui ont  développé leurs initiatives notamment en Afrique ou dans l’Océan Indien.

       Indiquons pour notre part, qu’à l’exception de l’Afrique centrale belge et sud-africaine, et à des époques comparables, les impérialismes français et anglais n’inscrivaient pas leur action avec l’ampleur des impérialismes de l’Asie du Nord-Est.

     La conquête de la Chine se fit au moyen de techniques de prédation qui ont peu changé au cours des ans,  obligation à la « Porte ouverte » au commerce par l’installation de concessions territoriales dans les ports, paiement d’indemnités souvent souscrites par emprunt auprès des prédateurs, et compte tenu des incidents de remboursement, contrôle des douanes.

        La souscription d’emprunts par les puissances colonisées a constitué une méthode de domination utilisée dans d’autres cas de figure, tels que l’Egypte, ou la Tunisie.

 

Jean Pierre Renaud

Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 11:34
Au feu ! Au feu ! Au feu ! Ou la déchéance de nationalité !

 

Un problème mal posé n’est jamais résolu, au lieu du proverbe « Un problème bien posé est déjà à moitié résolu »

Tout à fait le cas du débat actuel qui ravit les faux ou vrais intellectuels de tout bord, les politiques ou les journalistes en mal d’affection qui n’ont pas le courage de jouer cartes sur tables, quelle que soit leur couleur !

C’est-à-dire d’ouvrir complètement le dossier en donnant toutes les statistiques nécessaires, avec dans chaque cas de situation nationale, un  inventaire des droits et obligations respectives des citoyens français qui ont plusieurs nationalités.

Egalité ! Egalité ! Mais pour qui ?


 

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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 10:24
Lettre aux Psy, docteurs en histoire coloniale, postcoloniale, ou en journalisme

Adaptation libre, mais « savante », de la BD « Les psy » de Bedu-Cauvin, avec les docteurs Médard, Pinchart et Julie Clément

 

            Pour avoir lu beaucoup d’ouvrages ou de récits d’histoire coloniale ou postcoloniale, grande fut, trop souvent, ma surprise et ma perplexité, de  buter sur des mots qui relevaient, sans aucun doute possible, de la psychanalyse.

            De quelle maladie psychique pouvaient souffrir tous ces Français dont les «  psy » relevaient autant de de signes cliniques ? Qui étaient les malades ?

Le florilège savant des mots « psy », soi-disant symptômes de la maladie : les mots de la maladie

         La première fois, sans aucun doute, que j’ai rencontré ces mots psy fut, lorsque je m’attaquai à la lecture des ouvrages savants publiés par le collectif, non moins savant de chercheurs de l’équipe Blanchard and Co sur la culture coloniale ou impériale, à la suite d’un Colloque Images et Colonies, encore plus savant, tenu en janvier 1993, sur les images coloniales.

        Je me souviens de l’expression qu’une historienne bien connue de ce monde savant utilisait alors, à plusieurs reprises dans ses contributions, « l’inconscient collectif », aux côtés d’ailleurs d’une autre historienne spécialisée sur l’Afrique du Nord.

       De quoi s’agissait-il ? A quelle source faisaient-elles référence ? Comment mesurer cet inconscient ? Avec quels instruments historiques et scientifiques ?

       Madame Coquery-Vidrovitch faisait l’aveu qu’elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, en indiquant « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien ».

          Les chercheurs eux-mêmes de ce collectif faisaient appel à tout un ensemble d’expressions de type psy, au choix de quelques-uns d’entre eux.

            Dans « Culture coloniale : « … comment les Français sont devenus coloniaux sans le savoir … coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel…

          L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… Une culture au sens d’une imprégnation populaire… une culture invisible…dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux.

       Dans Culture Impériale, deux citations :

     « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale… Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’ a prise l’empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient des Français ».

            Dans La République coloniale, quelques-uns des mots psy choisis :

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale… de façon souterraine… Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial »

            Dans La Fracture coloniale :

            « les archétypes relatifs aux populations coloniales … les réminiscences restent palpables »

            Au Colloque de 1993, l’historien Meynier avait posé la question :

      «  Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière- plan lorsque l’on évoque les colonies :

   Imaginaire colonial et inconscient colonial

   Inconscient français et mythes colonisation : salvation et sécurisation »

   Plus de vingt ans plus tard, les docteurs psy n’ont jusqu’à présent apporté aucune réponse qui démontre la pertinence scientifique de leur discours psy.

        Le mémorialiste et historien Stora a, de son côté, lui-même contribué à renforcer l’audience de l’école des docteurs psy, notamment dans le petit livre « La guerre des mémoires ». (2007)

      Le journaliste Thierry Leclère commence à interroger M.Stora en faisant un constat : « La France est malade de son passé colonial », et M.Stora d’enchaîner sur « le deuil inachevé », le rôle d’une « Algérie centrale » », « une mémoire de vaincus », la « bataille mémorielle », « une grande blessure narcissique », « dans sa mémoire collective », « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale de leurs pères », « Mais c’est la guerre d’Algérie qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années », « cette mémoire blessée ».

            L’auteur note toutefois que « Vu d’Algérie » au sujet de Boudiaf : «  il est revenu d’un long exil ; les jeunes Algériens ne connaissaient pas son nom » .

            Et plus loin, « les mémoires bafouées », « ces saignements de mémoire », « des ruminations  secrètes »…

            Ne s’agirait-il pas de la maladie « narcissique » d’un enfant, pied noir d’Algérie, né à Constantine, qui fut rapatrié à l’âge de douze ans ?

          Les symptômes de la maladie ainsi décrite dataient de l’année 2007, mais un nouveau petit livre publié par l’intéressé a valu à son auteur un commentaire d’approbation, pour ne pas dire de bénédiction, de la part de M.Frappat, ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix.

         Cette critique était intitulée « Souvenirs longue portée » dans le journal La Croix du 31 décembre dernier (1).

         L’ancien journaliste et directeur de référence brode une critique qui fait appel aux mêmes signes cliniques de maladie postcoloniale que ceux de M.Stora.

         « Il y a un refoulé qui revient de loin », « l’effet retard du passé », « « Et sans le retour violent du refoulé comment expliquerait-t-on la haine que tant d’anciens peuples colonisés éprouvent à l’égard de tout ce qui peut rappeler le temps des colonies et de leur servitude ?...

     « Dernier exemple en date : la mémoire de la guerre d’Algérie… l’effet retard du passé. D’abord nous avons été interloqués d’apprendre que beaucoup de terroristes qui, depuis des mois, ont entrepris de saigner la France étaient des jeunes Français vivant parmi nous depuis leur naissance »…,

     « Ce lien est peut-être la persistance, dans l’âme française, d’une question  non résolue, d’un traumatisme non digéré qu’est la guerre d’Algérie »

        En oubliant sans doute la guerre civile des années 1990 qui a ensanglanté ce pays et qui a incité de nombreux Algériens à venir en France, et qui a succédé, plus de trente ans plus tard, à une autre guerre civile, qui ne disait pas son « nom » !

       Il convient de rappeler que M.Stora a évoqué aussi le camp des « Sudistes » qui existerait dans notre pays : après le rapprochement avec la mémoire de Vichy, notre mémorialiste national n’hésite pas à trouver une comparaison historique, non moins hardie, avec le Vieux Sud des Etats Unis, le Sud esclavagiste.

        L’ancien journaliste de référence note toutefois plus loin :

       « De l’autre côté de la mer, de l’autre côté des peuples, on connait mal les effets de la mémoire de la guerre d’Algérie sur les populations de ce pays »,  avec une phrase de conclusion effectivement explosive : « Les mémoires sont parfois bourrées d’explosifs. »

      Comment ne pas être étonné que l’honorable Monsieur Frappat mette les attentats de Daech sur le compte de la mémoire coloniale, ou plutôt algérienne ?

Le diagnostic de la maladie, par les Psy, docteurs en histoire ou en journalisme.  

     Ce diagnostic vaut largement celui des médecins de Molière !

     « Serais-je devenu médecin sans m’en être aperçu ? »  - « Sganarelle, dans Le médecin malgré lui  »

       Dans quel domaine sommes-nous ? Médecine ? Psychanalyse ? Journalisme ? Littérature ? Histoire ? Idéologie ?  Politique ? Repentance religieuse ?

       Quelles sont les preuves de la maladie psy ainsi décrite ?

       Avez-vous effectué des enquêtes statistiques sérieuses qui vous permettent d’accréditer votre diagnostic sur la maladie dont la France souffrirait ?

       A les écouter : « Je suis malade, complètement malade » pour reprendre un refrain populaire des années 1970, de Serge Lama, mais de quoi précisément suis-je malade ?

      De quelle maladie les Français souffrent-ils ? Quels Français ? Quels peuples anciennement colonisés ? Les docteurs Psy eux-mêmes ou les Français en général ?

     Une maladie tout à fait étrange qui n’a pas dissuadé beaucoup de maghrébins, dont une grande majorité d’Algériens, et d’Africains, de venir émigrer massivement dans une France qui s’est transmise clandestinement les poisons du colonialisme, pour autant qu’ils aient toujours et partout existé.

      Cette immigration régulière et irrégulière n’a pas été négligeable, même si les spécialistes ont de la peine à se mettre d’accord sur les vrais chiffres.

       Monsieur Stora cite ses propres chiffres : «  la France se découvre aujourd’hui avec cinq à six millions de musulmans »

      Des immigrés masochistes à ce point ?

      Ou plus vraisemblablement des docteurs Psy effectivement masochistes, toujours prêts à sacrifier à leurs exercices habituels d’autoflagellation nationale, d’une repentance de nature ambiguë, des adeptes d’une nouvelle congrégation de flagellants ?

      Je suis issu d’une famille de l’est de la France qui a connu trois invasions allemandes en moins d’un siècle, une invasion, dont les ambitions et la réalité ne soutenaient aucune comparaison avec la colonisation, j’espère que les docteurs Psy en conviendront. Je n’ai jamais entendu dans ma famille ce type de discours mémoriel, à l’égard de nos amis allemands, un discours que je classe donc dans la  catégorie de la toute nouvelle propagande « made in France », une nouvelle propagande tout à fait subversive.

          Je crois avoir démontré ailleurs que la propagande coloniale n’a jamais eu l’importance et l’efficacité faussement décrites dans les ouvrages du collectif Blanchard and Co.

          Cela fait des dizaines d’années que ma famille prône la réconciliation de la France et de l’Allemagne, sans rien demander.

      J’ai donc le droit de me poser la question du bien-fondé de ces discours psy de nature mémorielle, indépendamment du fait que jusqu’à présent personne n’a eu le courage de vérifier si des enquêtes statistiques sérieuses sur la ou les fameuses mémoires existaient et avec quel contenu ?

         Mon propre diagnostic repose plutôt sur l’ambition qu’ont ces docteurs psy de complaire à une partie par trop « apatride » de notre bel establishment, à un électorat que les politiques cherchent à séduire, ou à un public éditorial qui raffole de l’autoflagellation nationale, au prix de mettre en danger notre unité nationale sacrifiée à un cosmopolitisme propre à encourager toutes les anarchies, et la prospérité d’une « multinationale » française que personne n’a le courage de contrôler.

          N’existerait-il en effet pas d’autres explications sur les raisons des malaises sociaux dont la France souffrirait ? Une immigration mal contrôlée qui bouleverse les conditions de vie dans certains de nos territoires ? L’arrivée d’un Islam dont les Français ignoraient tout de son existence ?

          Quant à « notre ancien outre-mer », encore plus malins seraient les docteurs psy qui pourraient décrire les souffrances de leur mémoire coloniale, pour autant qu’ils connaissent mieux leur histoire coloniale que les Français !

       M.Stora citait le cas de Boudiaf pour l’Algérie, mais quand Chirac, dans la même veine de mémoire, est venu à Madagascar, en 2004,  pour y faire entre autres, repentance de la répression violente de  1947, les observateurs les plus objectifs ont pu noter que ce type de couplet avait fait un grand flop !

        Ma conclusion sera que les docteurs psy, en tout genre, et de tout acabit, parce qu’ils sont les véritables responsables du type de mémoire décrit mais jamais évalué, d’une mémoire d’autoflagellation, ont fait prendre un véritable risque national à notre pays, celui d’une autoréalisation, quelquefois « explosive » de cette mémoire trafiquée parmi certains jeunes de France.

      Pourquoi ne pas constater en effet, avec de la tristesse, en effet qu’un des représentants de notre bel establishment, l’honorable Monsieur Frappat a prêté sa voix à ce nouveau chœur de « repentants» ?

       Un establishment qui marie paradoxalement son goût de la grandeur passée, (voir Libye, Mali, Centrafrique, Syrie…), la France gendarme du monde ou centre du monde, au choix, et son penchant psy pour un passé encore inexplicable et inexpliqué pour les ignorants.

      Alors oui, pourquoi ne pas revenir au grand Molière, une valeur sûre, et terminer mon propos par une citation « médicinale » tirée de Monsieur de Pourceaugnac ?

     « Second médecin

     « A Dieu ne plaise, Monsieur, qu’il me tombe en pensée d’ajouter rien à ce que vous venez de dire ! Vous avez si bien discouru sur tous les signes, les symptômes et les causes de la maladie de Monsieur ; le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il  le devint, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait »

Molière, Monsieur de Pourceaugnac, Acte I, Scène VIII »

          Et pour mot de la fin du fin, les docteurs psy n’auraient pas pu s’emparer d’un  tel sujet, notamment dans le cas de l’Algérie, si les Accords d’Evian n’avaient pas acté que les crimes de guerre, donc commis dans les deux camps, seraient amnistiés ! En ouvrant tout grand le champ de toutes les hypothèses, même les plus scabreuses !

Jean Pierre Renaud

Tous droits réservés

  1. Ci-après le texte du courrier que j’ai adressé au journal La Croix le 31 décembre 2015 :

      «  Bonsoir, il est sans doute dommage de commencer la nouvelle année, mais je voudrais dire à Monsieur Frappat tout le mal que je pense de sa chronique sur les souvenirs longs et sur ses références aux écrits Stora, et encore plus sur le rapprochement très douteux qu’il propose entre Daech et la guerre d’Algérie, pour ne parler que de ce conflit.

         Monsieur Frappat ferait bien de suggérer ou de financer lui-même une enquête de mémoire collective sérieuse sur le passé colonial et sur le passé algérien, dont s’est emparé son auteur de référence, car, jamais, sauf erreur, Stora n’ a accrédité sa thèse en fournissant la moindre preuve statistique de sa thèse mémorielle. Récemment la Fondation Jean Jaurès associée à un journal que Monsieur Frappat a dirigé un temps, a proposé une enquête sur ce type de sujet, mais une enquête très mal ficelée statistiquement, avec une batterie de questions très imparfaite.

         Je dirais volontiers à monsieur Frappat que ce sont plutôt, à l’inverse de ce qu’il croit et écrit, des gens comme Stora qui ont accrédité auprès de certains jeunes l’existence les souvenirs de longue portée dont il parle.

        Il s’agit d’un sujet que je crois connaître assez bien, celui d’une nouvelle propagande beaucoup plus insidieuse que la propagande coloniale, quand elle exista, la nouvelle propagande de l’autoflagellation historique et de la repentance : non, Monsieur Frappat, tous les petits Français qui ont servi la France en Algérie ne furent pas de petits ou grands salauds, des colonialistes de tout crin, pour ne parler que de ceux qui luttèrent, nombreux, pour que la paix revienne dans une Algérie nouvelle, celle de l’indépendance.      Quant au bouquin de Monsieur Jenni sur l’art de la guerre, je dirais qu’il sue par toutes les pores de ses lignes d’écriture talentueuse le même type de discours sirupeux. Bonne année pour une enquête mémorielle enfin sérieuse que pourrait lancer notre beau journal assomptionniste."

 

 

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