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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 14:08

« La France a-t-elle les moyens de faire la guerre sur trois fronts ? »

 

En première page du journal Le Monde des 16 et 17 novembren avec en page 8, une analyse utile intitulée «  Hollande : plus de guerres, moins de moyens » et la solution miracle de l’éditorial du même jour.

 

 

        Un bravo tout d’abord à ce quotidien qui appelle enfin un chat un chat, et qui parle donc de guerre, et pas d’interventions militaires extérieures qui ne disent pas leur nom, car l’appellation justifiée de guerre devrait beaucoup plus interpeller nos dirigeants et élus sur la gravité des responsabilités qu’ils prennent au nom de tous les citoyens.


            Responsabilité des parlementaires ou d’un Président qui dispose du droit exceptionnel d’engager la France dans une guerre, en annonçant au bon peuple de France : « J’ai décidé », et nos troupes ou nos avions de s’envoler vers le Mali, la Centrafrique, ou aujourd’hui l’Irak.

         La Constitution actuelle, modifiée en 2008 accorde, ce pouvoir arbitraire et non démocratique au Président, quitte pour le Parlement à voir ce qui se passe trois mois plus tard…et à continuer…


        L’éditorial met en cause la passivité de l’Union européenne « L’Union européenne n’a jamais connu un environnement aussi guerrier. Mais collectivement elle s’en moque. »


       Résultat : la France, endettée jusqu’au cou, se lance dans trois guerres qu’elle sera bien incapable de mener, sauf à faire craquer son armée, et une fois de plus son budget.


       Ecrire dans cet éditorial : « François Hollande mène une politique étrangère courageuse. Mais en a- t- il les moyens ? »


            Une bien curieuse façon de juger, d’autant plus curieuse que l’éditorial remet à la mode du jour une idée farfelue de Chirac, celle qui consisterait à défalquer de notre déficit national les frais engagés au nom de la défense de l’Europe !


       Une solution miracle donc, celle du cavalier seul militaire de la France avec l’augmentation de son déficit budgétaire, de plus en plus grand, et l’accroissement corrélatif de sa dette nationale !

           Une  pure folie !


        La solution passe évidemment par une réforme de la zone euro, avec l’institution d’un exécutif européen, une politique étrangère commune, et les éléments d’une force d’intervention militaire de nature européenne.


      Comment est-il possible en effet d’accepter que les soldats de la France puissent être considérés comme les nouveaux Suisses de l’Europe, comme les anciens, sous les rois de France ?


Jean Pierre Renaud

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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 10:30

L’histoire de la Françafrique racontée aux enfants et aux petits-enfants !

Le coup d’Etat du Burkina Faso

Avec Hollande, Abou Diouf et Blaise Compaoré

Avec le journal Le Monde (page 6) du 20 novembre 2014


 

       M. Abou Diouf, ancien Président du Sénégal de 1981 à 2000, termine son troisième mandat de Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, et il est interviewé dans le journal Le Monde.


         Le titre de cette interview :

           « Les peuples africains ne supportent plus que les mêmes restent au pouvoir trop longtemps »

       « Abou Diouf, le secrétaire général de l’OIF, souligne les avancées de la démocratie »


          Abou Diouf nous dit des choses fort intéressantes sur l’interprétation africaine qu’il convient de donner au coup d’Etat du Burkina Faso qui a chassé du pouvoir son ami Blaise Compaoré :


       Question du journaliste :

            « Pourquoi ne pas avoir suspendu le Burkina Faso, comme cela avait été le cas avec Madagascar ?

          « Au Burkina, ce n’est pas un coup d’Etat. Nous avions un Président qui, face à une contestation de la rue assez violente, a préféré démissionner. L’armée a comblé le vide, rétabli l’ordre et la sécurité. Elle a accepté de quitter le pouvoir dès que la charte constitutionnelle aura été adoptée et qu’aura été désigné le nouveau chef de la transition civile. »


        Curieuse lecture de l’histoire n’est-ce pas ? Avancée de la démocratie africaine, vraiment ?


       La Croix du 21 novembre propose une interprétation différente de cette crise, sous le titre :

       « Au Burkina Faso, l’armée garde la main sur la transition.

      & Le lieutenant- colonel Zida qui a pris le pouvoir après le départ de Blaise Compaoré le 30 octobre, a été nommé premier ministre par le président de la transition.


        & L’armée n’a pas renoncé à jouer un rôle central au Burkina Faso


         … Et dans le corps de l’article :

            « Aujourd’hui, cette charte apparait comme un habillage juridique – « un tour de passe-passe », selon un observateur à Ouagadougou – pour permettre à l’armée de garder la main sur le pays »


            Il n’est pas besoin  d’être à Ouagadougou pour porter ce jugement !


            Et la Francophonie dans tout cela, et la Françafrique dont on nous dit qu’elle est bel et bien morte ?


            Alors que dans la même interview, M.Diouf nous fait la confidence ci-après : 

            « … Ce n’est plus un secret que la préférence du Président Hollande était que Blaise Compaoré acceptât de venir me remplacer (à la tête de la francophonie). C’eût été magnifique : un homme habitué à gérer les crises aux côtés d’un administrateur chevronné et compétent, Clément Duhaime, qui continuait à gérer le quotidien de l’OIF et la coopération. »


            A lire cette dernière confidence, la Françafrique de Mitterrand, de Chirac, de Sarkozy, et de Hollande, est encore bien là.


            Est-ce que l’Organisation Internationale de la Francophonie ne mérite pas mieux que d’être présidée par un ancien officier, venu au pouvoir en 1987, à la suite d’un coup d’Etat ?


Jean Pierre Renaud

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24 novembre 2014 1 24 /11 /novembre /2014 09:38

Affaire Fillon-Jouyet, off et on, secret de l’instruction et secret des sources, déontologie des journalistes ?


 

            Inutile d’en rajouter dans un tel débat qui a alimenté et alimente encore les médias, mais j’aimerais simplement rendre public le courrier des lecteurs (in extenso) que j’ai adressé au journal Le Monde, le 9 novembre 2014 :


            « Bonjour,

            Je suis un vieux lecteur du journal et votre scoop du jour n’en grandit pas l’image. De plus en plus détériorée. Les deux détectives infatigables du Monde D et D (voir Tintin) font donc coup double 1) un scoop à justifier,2) la promotion de leur livre chez Stock. Sans quel caniveau êtes- vous tombé ?  De Valérie au journal Le Monde ! Et après, vous serez surpris de voir sur l’échiquier politique prospérer les extrêmes. Vous faites la pub du FN !


            Ce que je souhaite en ma qualité de citoyen, c’est que vous publiez in extenso les enregistrements dont il est question, afin que votre coup de pub soit démocratiquement et juridiquement justifié, pour autant qu’il puisse l’être. De la part d’un républicain coriace qui n’a pas d’actions chez Fillon ou Sarkozy, ou quiconque d’autre. Cordialement »

 

        Cette affaire a donné l’occasion au médiateur du journal de donner son avis le 18 novembre 2014 ( Eclairages, page 17) sous le titre « Aux sources de l’affaire Jouyet » en tentant de résumer les réactions des lecteurs et les explications du directeur des rédactions du journal et des deux journalistes :


          Dans la marge : « Une info sensible, une fois lâchée, vit sa vie indépendamment de son émetteur initial. »

       Dans le corps de l’analyse du médiateur, un sous-titre :

    « M.Jouyet n’a jamais été une source » et à ce sujet, citant une de mes phrases « Publiez in extenso les enregistrements, afin que votre coup de pub soit démocratiquement et juridiquement justifié », les deux journalistes répondent :

     « Mais il n’est pas question d’en publier l’intégralité, ni d’en accepter la saisie. Il y a dans cette conversation des propos divers et variés, dont certains relèvent du secret professionnel, d’autres de la vie privée. »


      Le médiateur continue :

      «  D’aucuns parmi nos contempteurs, citent Camus, arguant qu’ « un pays vaut souvent ce que vaut sa presse ». Le médiateur s’autoriserait-il à à invoquer Shakespeare : « Beaucoup de bruit pour rien » ! A l’interrogatif, cela va sans dire. Car la réponse appartient aux lecteurs. Comme toujours  »


      Comme toujours ? ?


Jean Pierre Renaud

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24 novembre 2014 1 24 /11 /novembre /2014 09:27

Humeur Tique : la tour Triangle et Mme Hidalgo : une très curieuse conception de la transparence démocratique, le vote secret !


 

          Mme Hidalgo a pris l’initiative de faire voter au scrutin secret le projet de construction  de la tour Triangle dans le Parc des Expositions de Paris, une initiative qui n’est pas du tout démocratique.


               Sur un sujet aussi important pour la capitale, un tel choix avait pour but d’éviter aux conseillers de Paris d’assumer leur responsabilité : courage, fuyons ! 


             Les électeurs de Paris n’auraient pas eu le droit de savoir qui était pour et qui était contre ce projet ?


             Les opérations ne se sont pas passées comme le voulait Mme Hidalgo, mais le propos de Mme la Maire «  Il y aura certainement un nouveau vote imposé par la justice car ce qui s’est passé n’est pas légal » est tout à fait étrange, car en annulant un vote secret ou public, la justice viendrait au secours d’une procédure non démocratique.

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17 novembre 2014 1 17 /11 /novembre /2014 11:43

« Algérie 1954-2014

L’anniversaire amer »

Le Monde du 31 octobre 2014


&


Petit exercice de critique historique des pages du journal sur la guerre d’Algérie avec une invitation à passer à la phase 2, c’est à dire :

Mesurer les mémoires dans « la guerre des mémoires- la France face à son passé colonial » de Benjamin Stora,  et son nouveau concept de « transfert de mémoire » (voir l’éditorial).

&

Avant-propos


            Pour avoir servi la France, et peut-être l’Algérie, pendant la guerre d’Algérie, au cours des années 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, et continué à y lire ce journal, quand il m’était possible de me le procurer, j’aimerais donner mon opinion sur une partie des textes qui ont eu l’ambition de donner une image fidèle de cette guerre, pendant et après l’indépendance de l’Algérie.

            Je me propose donc de passer au crible trois des documents publiés par Le Monde, en premier, la sorte d’éditorial du supplément, signé Christophe Ayad, intitulé «  Sortir du déni et du mensonge », qu’il convient de lire ainsi, sauf erreur, « déni » de la France, et « mensonge » de l’Algérie.

            En deuxième, l’éditorial lui-même du journal, intitulé « De la mémoire à l’histoire ».

            En troisième, l’analyse de l’enquête IFOP, intitulée « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie » par Thomas Wieder.

&

 

           En premier : « Sortir du déni (France) et du mensonge (Algérie) »


            Cette analyse n’est pas très convaincante.

            Les premiers paragraphes décrivant les débuts de cette guerre sont à la fois réducteurs, et inexacts : « Pour venir à bout de cette tactique mise en place par le FLN, l’armée française a mis au point et expérimenté la guerre contre-insurrectionnelle… L’armée américaine n’a rien inventé en Afghanistan ou en Irak. »

            Comme si Mao Tsé Toung n’avait pas mis en œuvre ce type de guerre en Chine, et comme si les guerres contre-insurrectionnelles, anglaise de Malaisie, puis française d’Indochine n’avaient pas non plus existé !

            Et rien sur la guerre fratricide entre le MNA et le FLN, avec ses plus de 20 000 victimes, pour ne pas citer l’autre guerre civile entre algériens pro et antifrançais, et pas plus sur la présence en Algérie de plus d’un million de pieds noirs.

           

        « Poids de l’histoire », l’auteur écrit :

            « La constante des guerres contre-insurrectionnelles, c’est qu’en cas de succès militaire, elles débouchent sur des désastres politiques. … «  Voire ! Lesquels ?

            L’auteur poursuit : « L’autre malédiction des guerres contre-insurrectionnelles est qu’elles inoculent leur venin à ceux qu’elles sont censées combattre. » et le tour est joué !

            L’armée française a inoculé son venin à l’armée du FLN, celle qui est « restée stationnée en Tunisie et au Maroc sans combattre » (et les batailles des frontières ?), celle qui a pris le pouvoir, et est donc responsable de ce qui s’est passé en Algérie jusqu’à nos jours.

          L’auteur ajoute : « De son homologue française sous la colonisation, l’armée algérienne a hérité du même mépris pour les civils, d’un goût prononcé pour les affaires politiques et d’un penchant certain pour la manipulation. Elle se conduit, à bien des égards, en force d’occupation de sa propre société. ».

            « Même mépris pour les civils » n’est-ce pas par trop caricatural, et même faux ? Et évidemment, par la voie de son armée, la France est à nouveau responsable ! C’est toujours la faute des Français ! Plus de cinquante ans après !


:           L’auteur évoque alors l’opération Serval au Mali et une nouvelle coopération militaire franco-algérienne « en catimini » :

            « Le poids de l’Histoire est sans doute trop fort. En France, l’oubli et l’ignorance ne sont qu’une autre forme du déni passé ; et en Algérie, la mémoire de la guerre est instrumentalisée et usée jusqu’à la corde… Ce n’est qu’en sortant du déni français et du mensonge algérien que l’on pourra justifier, auprès des opinions publiques des deux pays, une lutte contre le terrorisme pour une fois justifié et susceptible de remporter l’adhésion. »

            Un discours qui se situe hors de l’histoire réelle de notre pays, car les citoyens français ont eu beaucoup plus d’occasions d’être informés sur la guerre d’Algérie, que n’a l’air de le croire l’auteur de ce papier, y compris sur les aspects les plus noirs de la pacification, en particulier, par les soins du journal Le Monde.

         Comme de nombreux lecteurs de ce journal pendant la guerre d’Algérie, soldats appelés ou non, il m’est arrivé souvent de penser que le journal proposait trop souvent une information partisane, avec toujours la France en négatif.

        A la limite, il n’était pas interdit de penser que le « terroriste «  avait toujours raison, alors qu’il s’agissait au moins autant d’une guerre civile que d’une guerre franco-algérienne.


        En deuxième, le contenu de l’éditorial du 31 octobre 2014,

         Un contenu que je relierais volontiers à celui du sondage IFOP analysé plus loin sur la mémoire et l’histoire de cette guerre, et sur la grande ambiguïté que certains historiens entretiennent entre mémoire et histoire.

        Je cite :

     « Aujourd’hui encore, comment ne pas voir dans le refoulement de ce drame l’origine de ce que l’historien Benjamin Stora a appelé « le transfert de mémoire » : l’importation, en « métropole » d’une mémoire coloniale où se mêlent la peur du « petit blanc », son angoisse identitaire face à l’Islam, son racisme antimaghrébin et les  crispations identitaires antagonistes qui en résultent » :


     Rien de moins !

        Une nouvelle école mémorielle ou historique ? Après la guerre des mémoires, entre qui et qui, et avec quelle démonstration statistique ? Une nouvelle extension de la psychanalyse coloniale et postcoloniale grâce à un « transfert » jamais mesuré, et sans doute mesurable !

      Des historiennes et historiens se sont fait une spécialité d’une lecture de notre histoire coloniale à partir de concepts aussi étranges qu’une « mémoire collective », ici coloniale ou postcoloniale (voir Stora), jamais mesurée par voie d’enquêtes et de sondages, ou mieux encore d’un « inconscient collectif » toujours colonial ou post colonial ( voir Coquery-Vidrovitch et ), jamais non plus mesuré.

      J’ai déjà eu maintes occasions de dénoncer le discours idéologique et non « scientifique » de ces chercheurs, sans preuves.


        L’éditorial fait donc appel à un nouveau concept adopté par M.Stora « le transfert de mémoire ».


      Comme je l’ai demandé à maintes reprises sur ce blog, que ces grands lettrés aient le courage en effet de démontrer, statistiquement parlant, que les concepts d’explication avancés pour mieux connaitre la mémoire des citoyens, ont effectivement une réalité mesurée.


     Le 12 mars 2009, le journal Le Monde s’était prêté à ce même type d’explication, une affirmation sans fondement statistique, en s’associant à la Ville de Paris pour célébrer le slogan « Décolonisons les imaginaires », la vraie « propagande », celle-là !


    En troisième lieu, et enfin, Eurêka ! L’heureuse surprise d’une première mesure statistique de quelques-uns des aspects de la mémoire algérienne des Français, le journal propose à la page 9 les résultats d’une enquête d’opinion, intitulée :

« Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

Avec dans la marge :

« Rares sont ceux qui reprennent un vocabulaire de l’époque ou des qualificatifs symptomatiques d’une mémoire blessée »


      Cette enquête répond enfin, et  en partie, à cette demande de démonstration statistique.


            Sous le titre ambigu « Le poids de la mémoire pied-noire », le journal publie un graphique récapitulant le pourcentage de réponses à la question pour l’ensemble des français, et pour les sympathisants PS, UMP, FN :

        « Pour vous, personnellement, la guerre d’Algérie, c’est :

       L’arrivée des pieds noirs en France  (59% pour l’ensemble des Français), une guerre de libération pour un peuple colonisé (54% pour l’ensemble des Français),  le retour du général de Gaulle au pouvoir (41% pour l’ensemble des Français), une défaite pour la France (38% pour l’ensemble des Français), l’abandon des harkis (38% pour l’ensemble des Français).

        L’auteur de l’article fait état d’autres données statistiques qui ne figurent pas dans ces graphiques :

       « Acceptation globale. Autre preuve de ce regard distancé que portent aujourd’hui les Français sur ce conflit : l’acceptation de son dénouement par une assez forte majorité d’entre eux. Soixante-huit pour cent des personnes interrogées estiment ainsi que l’indépendance «  a été plutôt une bonne choses pour l’Algérie », tandis que 65% estiment qu’elle a été « plutôt une bonne chose pour la France ».


        L’auteur poursuit :

      « Frustration

       Restent un malaise et une frustration. Le malaise porte sur l’attitude de la France depuis la fin de la guerre d’Algérie…

     Et l’auteur note à cet égard une différence d’appréciation selon la couleur politique de gauche ou de droite,

     « Seule la question des harkis fait consensus, c’est-à-dire des Algériens favorables à l’Algérie française, fait consensus : à droite comme à gauche, plus de deux personnes interrogées sur trois estiment que « la France s’est plutôt mal comportée » à leur égard. 

            Quant à la frustration, elle porte sur la place accordée à la guerre d’Algérie dans l’espace public. De ce point de vue, les Français font une distinction  entre les médias et l’école. Dans les médias, cette place est jugée suffisante par 43% des personnes interrogées, mais insuffisante par 37% d’entre elles. A l’école, en revanche, 54% des personnes interrogées estiment qu’on n’en parle pas assez. Cette curiosité doit être vue comme une opportunité : combler cet appétit pour l’histoire est sans doute le meilleur remède aux plaies de la mémoire »


            Enfin une initiative positive ! Mais avec le souhait que Le Monde s’associe à nouveau à la Fondation Jean Jaurès pour passer à une autre étape de vérité, la mesure des mémoires dans la guerre des mémoires de M.Stora, du nouveau concept de « transfert de mémoire », et pourquoi pas ?

         Celle d’une soi-disant mémoire coloniale, algérienne et non algérienne, qui imprégnerait, encore, et au choix, la « mémoire collective » ou « l’inconscient collectif » des Français.


Jean Pierre Renaud

 

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15 novembre 2014 6 15 /11 /novembre /2014 09:46

« Les interventions militaires de la France »

La Croix du 31 octobre 2014 avec les points de vue de MM Boniface, de Villepin et Chevènement


 

            A plusieurs reprises sur ce blog, j’ai fait part de mes réserves sur les conditions des interventions militaires de la France, notamment en Afrique, et le 15 octobre dernier, j’ai proposé une lecture critique d’une chronique de M.Boniface intitulée «  Les conditions d’une intervention militaire » (La Croix du 29 septembre 2014) en concluant cette analyse par la suggestion d’y ajouter trois conditions supplémentaires :


          Dire guerre, de préférence à intervention, c’est-à-dire appeler un chat un chat.

         Dire sans mort car l’opinion publique aujourd’hui indifférente le serait beaucoup moins s’il y avait des morts.

         Dire avec l’ Europe, car la France, endettée jusqu’au cou, continue à faire cavalier seul, quitte à solliciter ensuite le soutien de l’Europe.


       Les trois chroniques citées ci-dessus proposent un éclairage complémentaire sur les conditions qui devraient, ou pourraient, être celles des interventions militaires de la France, ou « guerres ».

      M.Boniface, ancien collaborateur de M. Chevènement, conclut sa nouvelle analyse que je qualifierais de classique, parce qu’elle s’inscrit  dans la ligne gaullo-mitterrandiste traditionnelle, avec la recommandation de «  Renforcer la lisibilité de la politique française », titre de sa chronique.

     M.Chevènement s’inscrit également dans cette ligne classique et approuve ce type d’interventions, à partir du moment où elles répondent au droit international, et en faisant référence à la présence de la France au Conseil de Sécurité.

L’ancien ministre souligne toutefois que 1) « les moyens de la France ne sont pas illimités » et souhaite que ces moyens soient utilisés « de préférence dans les zones géographiques où la France exerce traditionnellement son influence. »


      Pourquoi classique, ou traditionnelle ?

     Parce ce que type d’analyse revêt à mes yeux une couleur du passé en ne tenant pas compte des changements d’échelle des puissances du monde qui se sont produits depuis trente ans, avec l’arrivée de nouvelles puissances, Chine, Inde, ou Brésil…

      Depuis de Gaulle et Mitterrand, le monde a bien changé !


     La France et l’Europe ont besoin d’une révolution stratégique et le discours du gaulliste de Villepin que je qualifierais volontiers de moins gaulliste que celui des deux autres signataires, est un discours novateur sur l’évolution du monde, la nécessité d’y adapter la France  par une nouvelle stratégie de la paix, avec un Commissaire européen à la paix, « une force militaire de réaction rapide sous drapeau de l’ONU», - j’écrirais volontiers de nature européenne-, « doublée d’une force de reconstruction étatique. C’est un savoir-faire de l’Europe. »


      Dernier commentaire sur ces contributions :

     Une grande discrétion sur la question des budgets de ces fameuses interventions militaires, mais surtout aucune remarque sur les pouvoirs exceptionnels d’un Président qui peut engager la France dans de nouvelles guerres, sans que le Parlement ne l’y autorise, dès le premier acte, c’est-à-dire, dès le « j’ai décidé » de déclarer la guerre !


      Comment ne pas relier enfin ce type d’analyse au succès européen de Philae à des centaines de millions de kilomètres de la myopie politique de nos dirigeants sur l’état de la puissance française et européenne ?


Jean Pierre Renaud

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6 novembre 2014 4 06 /11 /novembre /2014 11:14

« HISTOIRE COLONIALE, DEVELOPPEMENT ET INEGALITES DANS L’ANCIENNE AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE »

Thèse de Mme Elise Huillery

Sous la direction de Denis Cogneau et de Thomas Piketty

27 novembre 2008

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Thèse Huillery


Rappel de publication des notes précédentes : annonce de publication, le 10 juillet 2014 – avant- propos, le 27 septembre 2014 – Chapitre 1, les 10 et 11 octobre 2014 – Chapitre 3, le 5 novembre 2014

V


Chapitre 4

(page 179 à 267)

 

"The impact of European Settlement within French West Africa

Did pre-colonial prosperous areas fall behind?"

 

 

            Dans l’abstract de ce chapitre, l’auteure écrit :

           « this paper gives evidence that Europeans tended to settle in more prosperous pre-colonial areas and that the European settlement had a strong positive impact on current outcomes, even in an extractive colonial context, resulting in a positive relationship between pre and post-colonial performances… Rich and hostile areas received less European settlers than they would have received had they not been so hostile, resulting in lower current performances partly due to low colonial investments. Despite, the absence of a “reversal of fortune” within former French West Africa, some of the most prosperous pre-colonial areas lost their advantage because of their hostility; other areas caught up and became the new leaders in the region. “ (p, 179)


            Dans son introduction, l’auteure poursuit :

       « My central finding is that European settlement remains a positive determinant of current performances… As a result, the discriminated prosperous pre-colonial areas lost their advantage in the long run and other areas, less hostile towards colonial power, became the new leaders in the region.” (p,182)


       Il est évident que ce propos surprend si l’on fait référence aux chiffres de la population européenne en face de celui de la population indigène, et encore des superficies en jeu.

      Un propos qui surprend d’autant plus l’amateur d’histoire coloniale et postcoloniale qui, au fur et à mesure de ses recherches et de ses réflexions, a acquis la conviction « scientifique ? » que la colonisation française en Afrique noire aurait eu peu de résultats à son bilan, sans le « truchement » de ceux qu’on a appelé les « évolués ».

      Rien à voir avec les colonies anglaises de peuplement blanc !


     The pre - colonial context

     L’auteure donne quelques chiffres de l’année 1900 qui concernent cinq villes côtières, mais n’en propose aucun pour les cités que l’auteur classe parmi les  cités de transit commercial avec le désert, qui font partie des « pre-colonial prosperous areas », pas plus qu’elle ne propose d’évaluation du trafic interne : « internal trade was still more important than trade with the world overseas, as it had been in the period of slave trade » (p,185)

Le texte fait état d’une remarque intéressante de l’historien Curtin, mais sans évaluation.


      Compte tenu de l’accent mis sur la variable population, notamment l’européenne, qui aurait été déterminante dans les performances enregistrées, il est nécessaire de donner une récapitulation sommaire de ses effectifs :

      En 1929, son effectif était de 18 069 personnes, comparé à une population africaine de l’ordre de 14,2 millions de personnes, pour un territoire de 4 852 000 km2.

     Le Niger comptait 513 européens pour 1,28 millions d’habitants, la Haute Volta, 644 européens pour 3,14 millions d’habitants, le Soudan, 1.819 européens pour 2,63 millions d’habitants.

     La ville de Dakar (4.787 européens), et le Sénégal (4.650 européens) représentaient à eux seuls, 52% de la population de l’AOF. (Labouret, p,39)

    Noter que dans la Table 6 (p,228), il n’est pas précisé si la population de Dakar et Saint Louis est comprise dans la base calculée par mille habitants.

     Delavignette propose une autre série de chiffres qui ne manquent  pas d’intérêt pour bien apprécier le rôle de la population européenne :

    En 1934,  les européens étaient concentrés dans les villes, 10.250 à Dakar,  999 à Saint Louis, 620 à Kaolack, et 810 à Thiès, et d’une façon générale dans les centres :

     Au Sénégal : 14.500 européens dans 14 centres, au Soudan : 1.400 dans 5 centres ; en Guinée : 1.750 dans 4 centres, en Côte d’Ivoire : 1.850 dans 5 centres, au Dahomey : 530 dans 2 centres, au Niger : 240 dans 2 centres.

    Total : 20.270 européens dans 32 centres comptant au moins 100 européens. (Delavignette, p, 51)

      Ces seuls chiffres montrent que le Sénégal, à lui seul comptait plus de la moitié des centres de plus 100 habitants et de la population européenne de l’AOF.

       Nous verrons plus loin le sort que l’analyse réserve au Sénégal.


Questions : l’investissement colonial inégal du chapitre 3,  ou la ville, facteur de changement ? Ou la population européenne elle-même ? Ou tel autre facteur de changement ? Est-il possible, compte tenu de la disproportion des chiffres entre eux de pouvoir considérer que la dite corrélation statistique puisse avoir une signification scientifique ?

       Noter par ailleurs que les pourcentages qui concernent les européens (page192) : « They represented on average 2% of districts populations in 1910, 3% en 1925… » ne paraissent pas exacts.

      Ou encore, pourquoi ne pas poser la question capitale de la localisation des districts par rapport aux côtes et aux voies de communication : les trois graphes 13, 14, 15  décrivant la corrélation existant entre la variable setllement,  et les trois variables, éducation, santé et infrastructure ne traduirait-elle pas une corrélation d’une géographie économique axée sur les côtes ?


      Plus loin, l’auteure propose une mesure de la prospérité du temps pré-colonial :

     « The question is how to measure the pre-colonial economic patterns. The main variable that I use to capture economic prosperity is the density of population” (p,186)

       L’auteure fait référence à des chiffres de l’année 1910, mais pour qui connait les difficultés que l’administration coloniale rencontrait pour “capturer” la population, il est possible de mettre en doute leur fiabilité, d’autant plus que les guerres coloniales contre Ahmadou, Samory, et Tieba avaient complètement bouleversé, à la fin du siècle, la démographie du bassin du Niger, de même que la pacification violente de la Côte d’Ivoire dans les années qui, précisément, ont précédé la première guerre mondiale.

       Il convient également de se poser la question de savoir si la densité de la population est un critère pertinent de prospérité :  quid du Fouta-Djalon par exemple ?

      Il conviendrait de toute façon d’affiner ce type de recherche car la carte 2 de la page 221 ne fait pas apparaître les districts qui auraient bénéficié d’une prospérité précoloniale, c’est-à-dire ceux situés sur les circuits d’échange avec le désert.


II   Colonial expérience et European settlement


    La thèse s’intéresse de près à la variable hostilité compte tenu de son importance supposée, d’attraction ou de répulsion pour la population européenne en exploitant les rapports annuels des administrateurs entre 1906 et 1960, un travail sophistiqué de classement par catégorie très ambitieux, compte tenu de la relativité des comptes rendus de ces administrateurs en fonction de leur personnalité ou de la difficulté à décrire le même phénomène supposé entre 1906 et 1960.

     Il est possible tout d’abord de douter de la fiabilité d’une corrélation qui aurait pu exister entre l’effectif de la population européenne et les résultats de la colonisation elle-même, comme nous l’avons déjà souligné.

    Nourrir l’ambition de vouloir corréler l’hostilité de la population africaine et la  population européenne nous parait donc superfétatoire.

    Il faut avoir connu la réalité de la rédaction d’un rapport d’activité pour manifester la plus grande suspicion à ce sujet, plus encore dans les conditions de travail des administrations coloniales des différentes époques situées entre 1906 et 1960.

   L’administration coloniale elle-même n’aurait sans doute pas été capable de dresser le tableau de la page 195.


    L’auteure écrit à la page 196 : « I test this expected correlation between European settlement, pre-colonial economic prosperity and hostility by running ordinary least squares regressions of the form”

      Pourquoi pas ? Tout en laissant aux spécialistes le soin de valider ce type de corrélation sur le plan technique, mais en m’interrogeant sur la validité des variables elles-mêmes, la variable hostility, ainsi que la variable pre-colonial economic prosperity, laquelle, sauf erreur n’a fait l’objet, ni d’un listing, ni d’une évaluation économique.


     Au surplus, et dans cet exercice très sophistiqué d’économie mathématique, l’auteure  fait une soustraction surprenante, et introduit donc un biais important :

     “Note that Dakar and Saint Louis are excluded from the sample because of the lack of data on political climate in these two specific districts.” (p,196)

    En 1934, Dakar représentait plus de la moitié de la population européenne, et la lecture de la petite presse locale aurait sans doute montré que ces districts étaient plutôt calmes.

     Il n’empêche que l’auteure en tire la conclusion suivante : « panel A show that the dissuasive impact of hostility was large and significative. “(p,197)


Question: la carte 3 (page 222) fait apparaître les districts plus ou moins marqués par leur hostilité au pouvoir colonial, et cette carte ne ferait-elle pas ressortir la concordance existant entre districts ouverts ou fermés aux échanges atlantiques ?

   S’agissant des cas d’hostilité identifiés sur les côtes, en Casamance, en Côte d’Ivoire de l’ouest, ou au Dahomey, et dans ce dernier cas, la possibilité d’une alliance avec un roi local mieux disposé à l’égard de la France que son rival voisin, ce ne sont pas des cas, s’il s’agit de ceux-là, qui accréditent la démonstration de l’auteure.

      Est-ce que les calculs du computer sur ce type de corrélations n’apporterait pas la confirmation, qu’au-delà du facteur hostility, que les districts favorables au settlement étaient précisément les districts dont il était possible, en tout état de cause, d’irriguer leurs échanges par les ports et les voies de communication nouvellement créées ?


III The impact of European settlement on current performances (p,199)

  1. A.   Data on districts current performances

     L’auteure fait tourner le computer entre les bases énoncées plus haut et ce qu’elle appelle les current performances :

     « Data on current performances from national household survey in Senegal, Benin, Mali, Niger, Guinea, Mauritania, Upper Volta and Ivory Coast. The total number of districts is 112 but I exclude Dakar and Saint Louis from the sample since there is no data on political climate in these two particular districts…. This enabled me to compute statistics on districts current performances. “ (p,199)

   “Table 5, panels A et B give evidence that European settlement had a very strong positive impact on current performances” (p,200)


            Questions:

    S’agit-il des performances des années 1995, après l’immense “trou noir” de la période 1925-1995 ?

    Ces calculs sont-ils fiables compte tenu de l’autre impasse faite sur Dakar et Saint Louis, alors que l’auteure note par ailleurs à la page 201 :

    « In 1925 for instance, half of districts have less than 23 european setllers “, une information qui confirme les chiffres que nous avons cités plus haut.

      L’auteure fait intervenir d’autres variables:

     « Facing the challenge to find a random source of variation of European settlement, it is least more cautious to use hostility over 1906-1920 than more classical instruments such as geographic features.” (p,204)

     « To conclude on the impact of European settlement on current performances, my estimates provide support to the fact that colonized areas that received more European settlers have better performances than colonized areas that received less Europeans settlers.” (p,204)


Question:

     Pour qui a une petite connaissance de l’histoire coloniale de l’AOF, du fait qu’elle fut longtemps une terre climatique et sanitaire hostile, qu’elle mit du temps à rompre son isolement géographique, il est évident que la population européenne se concentra longtemps dans les villes côtières, et que les statistiques qui auraient été produites sur les current performances auraient sans doute démontré qu’elles étaient effectivement plus élevées, à la fin des années coloniales, dans la proximité des districts urbains que dans les zones désertiques ou forestières.


            IV.  Why did European settlement play a positive role ? (p,205)

            Il est évident qu’à la différence de certains territoires de colonisation anglaise qui furent des colonies de peuplement, rien de tel n’était possible en Afrique occidentale. Les Britanniques y rencontrèrent le même type de difficulté.

            L’auteure pose la question du choix entre les facteurs qui furent à l’origine du current development, à savoir entre le settlement et les institutions, et note tout d’abord :

     « There is no measure of the quality of institutions at the infra-national district level.

      Cette absence de mesure n’a pas empêché l’auteure d’attribuer un rôle important dans l’investment policy des districts aux administrateurs coloniaux.

     Elle écrit plus loin sur une possibilité d’arbitrage entre variables, c’est-à-dire entre institutions et settlement :

     « The question here is thus why European settlment had a positive impact on current development conditionally to their extractive strategy. We could be surprised that the impact of European settlement was positive given the bad nature of the institutions they implemented. “ (p,205)


     Nous avons souligné le jugement négatif.


Question : est-ce que ce ne sont pas au contraire les institutions, le système colonial mis en place avec le début de construction d’une certaine forme unitaire d’Etat dans les colonies et dans la fédération, plus que la population européenne, faible en nombre, surtout composée de bureaucrates, qui ont été à l’origine de l’« impact » ?

    Sans évoquer le rôle d’une nouvelle langue d’unification, c’est-à-dire le français !

    Est-ce que ce ne sont pas les « évolués » des colonies qui ont été le véritable facteur de développement  de leur pays, comme je l’ai exposé dans les chroniques que j’ai publiées sur ce blog.


    Sans « truchement indigène » pas d’impact !

     L’historien Henri Brunschwig avait dit «  Sans télégraphe, pas de colonisation ! »


B  The role of private and public investments (p,206)

    L’auteure note:

    “… the key of the positive impact of European settlement could be the investments themselves rather than the incentives to invest created by a more favorable institutional environment. “

       Pourquoi pas ? Mais les investissements privés n’ont fait l’objet d’aucune évaluation.

Plus loin, l’auteure répète son propos, en partant des graphs qu’elle a calculés :

      «  the purpose of this paper, which to explain why a higher of European setllers in 1925 are more developed today.” (p,207)


    Plus loin encore :

    « To conclude, I can only argue the positive influence of European settllement on current performances is partly explained by colonial public investments in education, health and infrastructures. This explanation leaves space to other additional channels that I am not able to measure, like variations in private investments (very likely) or de facto institutions. “ (p208)


     A prendre connaissance de toutes les interrogations que soulève la lecture de ce texte, on ne peut qu’être sceptique à la fois sur le « path » de recherche suivi, sur les variables examinées et retenues, et donc sur les conclusions.


VI  .Conclusion

     L’auteure écrit:

    “ The main result of the paper (1) European settlers preferred prosperous areas within West Africa, which is consistent with  Acemoglu, Johnson and Robinson (2002) premises since the general colonial policy was “extraction”. European thus tended ro reinforce pre-colonial inequalities by settling in prosperous areas (2) This preference towards prosperous areas was discouraged by hostility towards colonial power. Hostility actually dissuaded Europeans from settling and the consequence is that riche but hostile areas thus received less Europeans settlers than rich and not hostile areas. When hostility was really severe in a prosperous area, Europeans preferred to settle in a calm neighboring area even it was less prosperous (3)…. The impact of European settlement was thus positive even in an “extractive” colonization context, working partly through colonial public investments: the higher the number of European settlers, the higher the level of colonial investments in education, health and infrastructures. (4) The distribution of prosperity within former French West Africa did not reverse…. Differences in hostility towards colonial power thus explain why some changes in the prosperity distribution occurred within former French West Africa. It Throws light on the emergence of new dynamic areas like Cotonou, Niamey, Bassam, Abidjan, Dakar, Konakry, Port Etienne, Bamako, Thies or Kaolack, and the relative decline of some of the most pre-colonial dynamic areas like Porto-Novo, Abomey, Fuuta-Dhalo, Kankan, Agadez, Timbuku, Casamance, Waalo, Funta Toro, Macina or Hausa land. “ (p,211)


   Même en utilisant, avec beaucoup de talent et de hardiesse, une belle technique économétrique pour démontrer que la colonisation a été la cause des inégalités constatées plus de 30 ans après les indépendances, que le facteur du settlement, associé à l’investissement dans la santé , l’éducation, les infrastructures, a été principalement la cause de ces inégalités, un settlement qui, confronté au facteur important aussi d’une hostilité existant ou pas, cette démonstration ne  convainc pas.

   L’auteure a fait l’impasse sur le facteur majeur des infrastructures  financées par la Fédération de l’AOF, a fondé son analyse sur l’importance de la population européenne dont les effectifs n’avaient rien à voir avec ceux des colonies anglaises de peuplement, et dont la composition aurait sans doute mérité un peu d’attention.

    En 1925, le settler était avant tout un fonctionnaire ou un commerçant, ce qui voudrait dire que c’est plus le facteur urbain que le facteur européen, qui aurait pu constituer la bonne variable de démonstration.

    Et dans la brousse, le settler était le commerçant de traite syro-libanais.

    Enfin, pourquoi ne pas avoir livré les cartes géographiques que l’auteur a établies à partir des nombreuses caractéristiques des districts mises dans le computer, afin de voir si par hasard la carte des fameux districts qui envers et contre tout, avaient bénéficié des meilleurs performances, plus de 60 ans après, n’étaient pas les districts côtiers, ceux des ports, des grandes voies de communication, ou des nouvelles capitales administratives ?

     Pour reprendre la liste des citées énumérées à la page 211, celle des « new dynamic areas » les onze premières, 6 étaient des ports nouveaux, 2 des cités du Sénégal, et  2 de nouvelles capitales administratives.

     Parmi la liste des « most pre-colonial dynamic areas », les onze citées, plus de la moitié étaient d’anciennes capitales politiques, et les autres des cités de transit commercial avec le désert.

     Pour ne citer qu’un exemple, celui de Tombouctou, il n’est qu’à lire les récits de la découverte qu’en ont fait les premiers explorateurs pour juger de l’importance tout relative de cette cité au dix-neuvième siècle, ne serait-ce que celui de René Caillé (avril 1828)..


     Pour résumer ma pensée, et en laissant d’autres chercheurs aller plus loin dans l’analyse, je dirais qu’à mon avis, la vraie démonstration, plus historique que politique, montrerait sans doute que la distribution inégalitaire des districts s’inscrirait sans doute dans une géographie urbaine et une économie du développement assez conforme à la théorie des pôles de développement chère à  François Perroux, selon un modèle très inégalitaire jusqu'en 1945, et beaucoup moins après 1945, avec le FIDES.


Jean Pierre Renaud

 

Annonce de publication

 En décembre 2014, je publierai mon analyse du chapitre 2 intitulé " Le coût de la colonisation pour les contribuables français et les investissements publics en Afrique Occidentale Française"

    ainsi que mes conclusions générales de lecture de cette thèse

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5 novembre 2014 3 05 /11 /novembre /2014 11:10

« HISTOIRE COLONIALE, DEVELOPPEMENT ET INEGALITES DANS L’ANCIENNE AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE »

Thèse de Mme Elise Huillery

Sous la direction de Denis Cogneau et de Thomas Piketty

27 novembre 2008

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales


Rappel de publication des notes précédentes : annonce de publication, le 10 juillet 2014 – avant- propos, le 27 septembre 2014 – Chapitre 1, les 10 et 11 octobre 2014

&

IV

Chapitre 3

“History matters : the long term impact of colonial public investments in French West Africa”

Chapitre 4

“The impact of European settlement within French West Africa

Did Pre-colonial prosperous areas fall behind ? “

&

 « Modèle colonial » ou modèle capitaliste ?

Essai d’astrophysique historique aux confins des « trous noirs » des planètes coloniales ?

 

Avant-propos


Le 10 juillet 2014, sur ce blog,  j’annonçais la publication de mes notes de lecture, en écrivant à la fin :

« Avec deux énigmes historiques à résoudre :

La première : avec ou sans « concession » ? 

La deuxième : avec quelles corrélations ? »


Nous allons examiner la deuxième énigme.

 

            Dans le premier chapitre, nous avons vu que l’auteure s’était fixé comme objectif, à partir de la « littérature » existante, d’évaluer le bilan de la colonisation française en général,  et celle de l’Afrique Occidentale Française en particulier.

            L’objectif non dissimulé de cette thèse était d’affirmer que les Africains de l’Ouest avaient financé eux-mêmes la colonisation française, sans toutefois faire le distinguo historique nécessaire entre l’avant 1945 et l’après 1945, date de la création du FIDES.

            Dans les deux derniers chapitres rédigés en anglais, l’auteure a eu pour objectif de démontrer que la source des inégalités constatées dans les années 1995, dans les mêmes territoires, est due essentiellement aux inégalités constatées dans les investissements publics coloniaux effectués au cours de la période 1910-1928, donc une source d’inégalité à responsabilité coloniale.

            Avant d’analyser le contenu de ces deux chapitres qui font la démonstration d’une très grande vélocité technique dans le maniement des outils économétriques et statistiques, avec force cartes, tableaux et graphiques, souvent en couleur, j’aimerais introduire ma lecture critique en soulevant la question de la représentativité des bases statistiques retenues pour la période de référence (1910-1928) au cours de laquelle les structures de la colonisation étaient encore fragiles et inégales selon les régions, et en posant l’autre question des « trous noirs » qui affectent ce type d’analyse historique.

            A titre d’exemple de base de corrélation, est-ce qu’il est possible de considérer comme une base statistique fiable, la densité de population qui aurait été celle de l’Afrique de l’Ouest en 1910, telle qu’elle est représentée dans la carte 2 de la page 221 ?

            Il est permis d’en douter pour de nombreuses raisons.


            Par ailleurs, il parait tout de même hardi de proposer un saut historique de quatre-vingt-cinq ans, de 1910 à 1995, en faisant l’impasse sur la période coloniale qui s’est terminée en 1960, et sur l’histoire quelquefois chaotique de quelques-uns des territoires concernés, sans oublier la démographie qui parait hors sujet.

            Il convient en effet de revenir brièvement sur la citation que j’ai faite d’un propos  tenu par le directeur de cette thèse,  M.Cogneau dans un article de M.Philippe Fort paru dans Look@sciences intitulée « Le lourd héritage colonial en Afrique de l’Ouest ».

     « Et si le modèle colonial français expliquait le retard des pays francophones d’Afrique de l’Ouest ? C’est à cette question que s’est intéressée Elise Huillery, enseignante et chercheuses à Sciences Po. L’origine des inégalités de développement observées au sein même de l’ancien « pré carré » français en Afrique résiderait, selon elle, pour une large part, dans les logiques de l’investissement public colonial…. 

      « En analysant les données des archives coloniales à l’échelon du district où étaient concentrés les pouvoirs effectifs, explique Elise Huillery, j’ai constaté l’existence de liens entre les investissements réalisés alors et des indicateurs de l’état de développement actuel : taux d’accès à l’école primaire, à l’eau potable, à l’électricité ou aux soins médicaux…

      Cette étude permet de sortir d’une impasse.

      « Il existe un trou noir sur les investissements publics entre l’indépendance dans les années 1960 et les années 1990 » constate Denis Cogneau, professeur associé à la Paris School of Economics et directeur de recherche à l’IRD. «  Cela rend extrêmement difficiles les comparaisons directes entre investissements pré et post coloniaux. » Le choix du district comme échelon de l’étude permet de surmonter cette difficulté. En effet, en offrant un vaste échantillon de données très précises, il rend possible l’analyse des politiques d’investissement de plusieurs zones de colonisation qui disposaient au départ, d’un potentiel similaire. Au terme de son analyse, l’héritage colonial est la seule explication des inégalités de développement observées au sein même de l’ancien « pré carré » français en Afrique. Elise Huillery l’affirme : « la colonisation a bouleversé la carte économique de l’Afrique de l’Ouest »…

        Dans le mode d’organisation colonial français, le choix des investissements est du ressort des administrateurs locaux…

     L’étude montre bien que le niveau de développement régional actuel dépend des investissements coloniaux initiaux. Elise Huillery cite notamment l’exemple du Bénin :        

« Le choix colonial français a été de privilégier Cotonou, aujourd’hui capitale administrative et économique du pays, au détriment de Porto Novo, hostile à la présence étrangère. Cotonou, après l’indépendance du Bénin, a ensuite continué à attirer la plupart des investissements et est aujourd’hui  largement plus développée. »


    En ce qui concerne le Bénin, sur les statistiques duquel l’auteur a fait, sauf erreur, l’impasse, il est évident que l’une ou l’autre des deux cités était située sur la côte, donc dans un pôle possible de développement.

    Déclarer que la colonisation française a bouleversé  la carte économique de l’Afrique de l’Ouest est une évidence, comparable à ce qui s’est passé ailleurs à l’époque des empires coloniaux.

    Les bases statistiques retenues, celles des années 1910-1928 mériteraient d’être, dans chaque cas de district, confrontées à leur histoire factuelle, compte tenu de tous les événements qui les ont affectés :

   1910- 1914 : dernières opérations de pacification ou de mise en place de l’administration coloniale,

   1914-1918 : conséquences de la première guerre mondiale, et dans certains districts, révoltes contre la conscription,

     1918-1928 : retour à une certaine stabilité politique,

    Faute de cette périodisation et d’une analyse classique des faits enregistrés dans chacun des districts mis dans le computer, il parait difficile de ne pas faire preuve d’une grande suspicion scientifique.

 

Chapitre 3


History matters : the long term impact of colonial public investments in French West Africa

 

L’analyse elle-même: ou la pertinence des “History matters”

 

   Dans son abstract, l’auteure écrit : « this paper gives evidence that early colonial investments in education, health and public works had large and persistent effects on current outcomes… I show that a major channel for the long term effect of early investments is a strong persistence of investments: regions that got of a specific type of investment at early colonial times continued to get more of this particular type of investment.” (p,123)

      Introduction

En ce qui concerne the French West Africa, l’auteure écrit:

 “ This region exhibits a noticeable homogeneity  regarding to its geographical, anthropologic, cultural and historical characteristics. Moreover, it was colonised by France (which allows us to control for the coloniser’s identity), at the same period (from the last quarter of Nineteenth century to 1960.” (p,125)

      L’auteure a l’ambition de démontrer que  les investissements publics et inégaux faits dans les cent vingt districts de l’AOF, entre les années 1910 à 1928, importants ou non, selon les districts,  ont projeté les mêmes inégalités dans les années 1995.

    « Colonial times introduced important differences between districts of former France West Africa. Colonial investments in education, health and infrastructures were indeed very unequal among districts. “ (p,126)

     “Results show that colonial public investments have been a strong determinant of current districts’s development. Colonial investments in a certain type of public goods (education, health or infrastructures) between 1910 and 1928 explain about 30 % of the corresponding current performances.” (p,127)

       Il est tout à fait intéressant de constater que ce type de calcul tendrait à valoriser le raisonnement des économistes de l’utilité marginale ou du coût marginal, le raisonnement dont nous avons fait état au début de notre lecture, à une réserve près, celle d’un immense « trou noir » historique.


Questions:

     Les observations et premières conclusions de l’auteure soulèvent déjà quelques questions :

    Est-il possible de partir du postulat de la « noticeable homogeneity »  de l’AOF dans la première période de référence 1910-1928 ? A mon avis, non, alors et après, car ce postulat ne peut être démontré sur le plan géographique, religieux, politique, culturel, ou économique…

     Quoi de commun par exemple entre les districts animistes ou fétichistes, découpés dans la forêt de la nouvelle Côte d’Ivoire, et ceux dessinés dans les territoires qui firent partie de l’ancien Empire Islamique et Peul du Macina sur le Moyen Niger ?

     Est-il possible de considérer que la période 1910 -1928 est une bonne référence chronologique de base, en faisant l’impasse sur la première guerre mondiale, et sur la période des années 1910-1914, au cours de laquelle le pouvoir colonial était à peine installé ? Non

     A titre d’exemple, la France menait encore des opérations de pacification violente et systématique, avec la destruction de villages et leur regroupement, sous l’impulsion du gouverneur Angoulvant, dans la zone forestière d’une Côte d’Ivoire, à peine née,  dans les années qui ont précédé 1914.

     Autre exemple, au cours des années 1915 et 1916, les opérations de recrutement de troupes en AOF, menées sous la houlette du ministre Diagne, provoquèrent des révoltes en Haute Volta, dans l’est du Haut Sénégal, et sur le Niger : plus de cent villages cassés, des grosses pertes parmi les insurgés, à la suite de l’intervention d’une colonne militaire de plus de 2.000 hommes :

     « Ce fut, semble-t-il, la plus importante révolte qu’ait connue l’Afrique noire française durant la période coloniale, plus grave même que les troubles qui affectèrent le Constantinois pendant la guerre pour les mêmes raisons. » (p,362, Essai sur le colonisation positive, Marc Michel)

       Ajouterai-je que jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, toute la zone géographique au sud du Niger entre Bissandougou et Sikasso, jusqu’au nord de la Côte d’Ivoire, étendue sur plus de six cents kilomètres de long et de l’ordre de 300 kilomètres de large, fut ravagée à la fois par les guerres « fratricides » entre l’Almamy Samory de Bissandougou et  le Fama Tiéba de Sikasso, et par les opérations de conquête coloniale que la France menait contre Samory.

     Enfin, pourquoi ne pas mettre en doute, non pas le travail de l’auteure à ce sujet, mais le véritable exploit statistique qu’a pu constituer le recueil d’autant d’informations statistiques, considérées comme fiables, au niveau des districts, pour qui a une certaine connaissance du travail souvent aléatoire des administrateurs coloniaux sur le terrain ?

  1. I.              Historical background : French colonisation

      L’auteure décrit l’organisation de l’AOF en relevant le rôle important des « French administrators » :

     The administrative organization was thus officially centralized but effectively decentralized. French districts’s administrators could manage their local policy in almost independent way thanks to physical distances and lack of means of communication. Neighbour districts could therefore experiment different colonial policy.” (p,130)

     “Colonial administration invested in three public goods: education, health and infrastructures. Every year French administrator had to define precisely how many teachers, schools, doctors, hospitals they needed and how much money they wanted for public works so as to elaborate the annual budget… Finally, they decided how much financial resource they need to cover their infrastructures expenses; roads, wells, tracks, buildings, bridges’ reparations and constructions. A very precise “plan de campagne” was established annually to describe all the works to be performed in each locality.” (p,131)…

    The influence of administrators on investments policy was thus certainly very high. “ (p,131)


Questions

    La description faite parait presque irréelle, sauf à mettre en face des dates et des lieux,  et à définir exactement les pouvoirs que les commandants de cercle exerçaient réellement, lesquels n’avaient, dans beaucoup de cas, rien à voir avec cette description idyllique du monde administratif colonial, qui n’était pas celui des années 1910-1928, de toute façon.

       Encore conviendrait-il, à la base de ces postulats, donner les ordres de grandeur des budgets dont pouvaient disposer les commandants de cercle par rapport à ceux du budget de la colonie, maître d’ouvrage,  ou de la fédération !

  1. II.            Data and summary statistics

     L’auteure note :

    In 1995…”The inequalities between countries are thus consequent. But the greatest inequalities in former French West Africa do not arise at the state level but at the district level. District level data on current development used in this paper come from national household surveys implemented in the 1990’s.” (p,133)

    L’auteure s’intéresse à trois sortes d’investissement, les écoles, la santé et les infrastructures, et livre le calcul de ces trois indicateurs pour les années 1910-1928, sans tenir compte du Bénin (p,133), comme déjà indiqué, une des colonies alors les mieux dotées.

« Le trou noir » ? Un saut historique, et une impasse statistique !


     L’auteure fait tourner son computer de corrélation à partir des trois bases d’investissement retenues, entre les années 1910 -1928 et les années 1990 -1995, en faisant l’impasse sur la période 1960- 1995, comme le notait le directeur de thèse dans la deuxième citation du début de notre analyse.

    Cette thèse nous invite donc à effectuer un véritable « saut historique » entre la période 1910-1928 et la période 1995, en faisant l’impasse sur l’histoire des districts étudiés pendant plus de 60 ans, avant et après l’indépendance des colonies.

    Il aurait été intéressant de proposer le même type de corrélation avec les années 1955-1960 afin de tenir compte des effets de l’investissement colonial massif du  FIDES créé en 1945 dans les districts corrélés.


     Comment par ailleurs proposer des corrélations sans tenir compte des évolutions démographiques des territoires étudiés, pour ne pas dire des révolutions, ou des coups d’Etat ?

    .L’auteure a rencontré des difficultés pour saisir des chiffres convaincants dans le domaine des infrastructures :

    « Data on large-scale public works financed on federal resources are not included for two reasons: first, il would have required the collection of federal budgets data in addition to local ones, which represents an important additional effort, second, federal budgets do not decompose investments neither at the district level nor at state level, which would make any repartition between district very hypothetical. This exclusion produces actually an understatement of colonial investments inequalities : large scale public works financed on federal resources were mostly devoted to main towns ot main axes of each colony, those which already advantaged by local budgets. Actual colonial inequalities in infrastructures were thus probably larger than measured here.” (p,135)


Questions

  Il est dommage que l’auteure n’ait pas  donné le chiffre des investissements d’infrastructures réalisées par la fédération, comparé à celui réalisé par les colonies, car cette comparaison aurait sans doute montré que l’écart était considérable, et qu’il était de nature à affaiblir très sensiblement le raisonnement statistique proposé.

    Il n’aurait pas été choquant de calculer une moyenne de ce type d’investissement par colonie et donc par district, étant donné que ces infrastructures de ports, de chemins de fer, de routes, concernaient tout autant l’ensemble des districts, dans le cadre d’une politique de développement qui passait par l’ouverture d’une Afrique de l’ouest, jusque-là fermée, vers l’Atlantique,  avec une répartition des rôles entre fédération et colonie.

    Il s’agit d’une impasse d’autant plus surprenante que l’on sait que le budget fédéral a financé d’importants travaux d’infrastructures, notamment par emprunts, avant la deuxième guerre mondiale.

     Dans le cas du Bénin, mis hors- jeu, il est évident que la création d’un port et d’une ligne de chemin de fer allant vers le nord, concernait l’ensemble du territoire, mais avec des effets atténués dans l’hinterland, à supposer que les districts de référence y fussent situés.

     Avec pour conséquence logique:

: « It is clear that colonial investments policy were unbalanced : Upper-Volta and South-Est of Niger have been disadvantaged in terms of human capital investments, investments in infrastructures were more concentrated in coasts areas of Senegal, Guinea and Ivory Coast and that reflects the structure of French colonial economic system based on trade with European countries. In addition to regional discriminations, it is noticeable that many neighbour districts received very different colonial treatments.” (p,135)


     La méthodologie utilisée fait appel alors à un concept de neighbour districts, un concept qui pourrait être intéressant à condition de le définir et d’afficher les districts qui répondaient à cette définition : quels étaient les districts (les cercles) qui partageaient le même neighbourhoud,  des  données qui ne figurent pas, sauf erreur, dans le document lui-même.

     Dans le cas de figure cité plus haut, comment ne pas rappeler que les districts de la page 135 étaient coupés de toute communication extérieure moderne avant la création des grandes infrastructures de l’AOF, une ligne de chemin de fer et des routes dans la cas de la Haute Volta, et la création d’une autre ligne de chemin de fer au Dahomey, faute de pouvoir utiliser la grande voie fluviale du Niger dont les chutes interdisaient l’utilisation vers l’aval ou vers l’amont,  et négocier un droit de passage avec la Grande Bretagne ?

      Dans les années 30, le géographe Weulersse notait, à l’occasion de son passage à Kano, dans le nord de la Nigeria, que les coloniaux français  empruntaient la ligne de chemin de fer Ibadan Kano pour rejoindre leur poste au Niger ou au Tchad.

    L’auteure cite bien ce type de facteur, mais sans lui accorder une importance plus grande qu’à celle accordée aux trois investissements retenus, les écoles, la santé, et les infrastructures de district, avec la réserve capitale que nous avons faite sur leur interprétation.

    

     Afin d’apprécier la situation précoloniale des districts, l’auteure introduit dans ses calculs d’autres variables dont il est possible de discuter la pertinence :

     « initial population density » : des chiffres improbables, compte tenu des difficultés du recensement à l’époque considérée, des difficultés que l’administration coloniale rencontra pour le faire, quasiment jusqu’aux indépendances, pour la raison simple qu’ils commandaient l’assiette de l’impôt de capitation.

       « the existence d’un « centralised political power (« state societies ») as opposed to stateless societies. », une analyse qu’il était possible de faire de l’est à l’ouest et du nord au sud ? En 1928, il aurait été possible de classer l’ensemble des cercles selon ce type de critère ? En l’absence des connaissances anthropologiques et historiques utiles ?

     Autres variables : la résistance against French colonial power (Second), la variable « local chiefs indemnities as control (Third), et enfin la variable Early European setllment, des concepts statistiques difficiles à établir et à manipuler, tels qu’ils pouvaient exister concrètement dans cette Afrique de l’ouest en construction.


     Il convient de noter enfin que la variable de la population européenne, effectivement chiffrée, n’a sans doute pas été un facteur de changement très actif, compte tenu de son très faible effectif, mis à part le cas de Dakar et de Saint Louis, en tout cas pour la période de référence 1910-1928.

     Nous reviendrons sur le sujet à l'occasion du chapitre 4.

  1. III.          Basic correlations : OLS Estimates
    1. A.   Empirical Strategy

         « I compare districts development performances according to colonial investments they received between 1910 et 1928 by running ordinary squares of the form: …(p,139)

       Je laisse le soin aux économistes statisticiens de faire tourner modèles et machines, mais il est évident, indépendamment de la pertinence de la formule elle-même sur laquelle je n’ai pas la capacité de me prononcer, que la démonstration économétrique recherchée repose entièrement sur la pertinence des bases et variables historiques qui ont appelé maintes réserves de notre part.


      « I therefore prefer to drop out Dakar and Saint Louis from the sample » (p,140)

Impasse identique à celle du Bénin !

      Le raisonnement que tient l’auteure en ce qui concerne la situation de Dakar et de Saint Louis est tout à fait surprenant : la colonisation française de l’AOF ne pouvait avoir que des résultats inégaux, étant donné qu’elle l’était, dès l’origine, un « modèle » de développement inégal, le « sample » même d’un Dakar, pôle de développement principal de l’AOF avec son port, ses lignes de chemin de fer, et le rôle d’animation politique de la fédération..

      Sortir Dakar et Saint Louis du logiciel, compte tenu de leur poids dans le système colonial de l’AOF, revient donc à introduire un biais capital dans ce type d’analyse de l’histoire économique de l’AOF.

  1. B.   Results

     L’auteure écrit :

    « Table 2 et Table 3 report OLS estimates of the impact of 1910-1928 colonial investments on 1995 performances….” (p,140)

    “The general picture that emerges from these tables is that districts which received more investments over 1910-1928 have significantly better performances today. “

“We can finally notice that explanatory variables in this paper account for about 40 % of the variation in 1995 health performances, 50% of the variation in 1995 school attendance and 70% of the variation in 1995 access to infrastructures. More importantly, each specific colonial investment alone accounts for about 30% of the variation of the corresponding 1995 performance.” (p,141)


     Question: comment ne pas admirer ce travail d’économie mathématique qui survole presqu’un siècle, qui fait l’impasse sur au moins deux « trous noirs » ceux des années 1928-1960 et des années 1960-1995, et qui, à partir de bases et de variables, dont la pertinence historique est mal assurée,  conclut à l’existence de corrélations historiques effectives entre des investissements coloniaux au niveau des 120 districts de l’AOF, dont la définition mériterait d’être vérifiée, et des « current performances » des années 1995 ?

  1. IV.           Ecometric issues : selection et causality
  2. A.   Historical Evidence on Selection during colonial times

      L’auteure poursuit la même ambition de prouver les corrélations existant entre les investissements coloniaux  locaux (c’est-à-dire dans les districts) avec les performances constatées en 1995, et dans ce but elle se propose : « First, using historic data and qualitative evidence from African historians…. Second I use a “ natural experiment approach that consists in comparing neighbour districts only. Results from matching strategy confirm the OLS estimates.” (p,143)

        Dans cette partie, l’auteure teste la validité des corrélations qui peuvent exister entre les « colonial investments » des années 1910-1928 et les « current performances » des années 1995, et des différentes variables pouvant affecter les résultats des calculs, la densité de population, l’existence de « societies politically well-structured », la « distance from coast », et à cet égard, l’auteure estime :

       « In particular, it is too weak to use distance from the coast as a valuable instrument for colonial investments. » (p144)


Questions :

       Est-ce que la méthodologie utilisée, à savoir ne retenir qu’une partie des investissements coloniaux, au niveau des districts, en écartant les grands investissements de la fédération ou des colonies, ne conduit pas inévitablement à faire biaiser le modèle ?

      Nous verrons plus loin la définition que donne l’auteur de ce  concept comparatif novateur de neighbour districts.

     La réponse à ces deux questions permettrait de valider l’évaluation faite du facteur distance de la côte.


     Les « top-down interventions » :

    Faute de pouvoir accorder une bonne causalité aux différents facteurs examinés, l’auteure propose de prendre en compte les « top-down interventions », c’est-à-dire le rôle des administrateurs coloniaux.

     « The specific personality of the administrators was therefore a strong determinant of the policy they implemented in particular at the beginning of colonial times (in the 1900s and 1910s) because administrators stayed long enough in specific districts to implement long term projects (after the World War I, they had relatively shorter tenures, typically 3 years.)”


     Remarque surprenante, alors qu’une des difficultés de l’administration coloniale fut précisément la trop grande mobilité des titulaires des commandements, au maximum trois ans, pas plus !

    Il convient de noter par ailleurs qu’après avoir privilégié comme facteur de changement l’investissement colonial au lieu des institutions,  l’auteure réintroduit par la fenêtre le facteur institutionnel, grâce aux « administrators ».

  1. B.   Matching estimates.

      “The strategy that I pursue is to use a matching approach that consist in comparing neighbour districts only…. In the case of French West Africa, there are good reasons to think that neighbor districts were very similar before colonial times… This lead me to assume that the neighbor districts shared similar unobservable characteristics. This assumption can be interpreted as the fact that unobservable characteristics are geographically distributed and that districts borders were sufficiently exogenous to make differences between neighbour districts unobservable characteristics not salient.” (p,145)

       A la page 146 et dans  Appendix 2 (p,177) , l’auteure tente de définir le fameux concept de neighbourhood :

       « I define a neighbourhood as a cluster of three districts that share a common border and assume that neighbourhood fixed effect is similar within but not between clusters. This leads to divide districts map in disjointed neighbourhoods which sets of three districts sharing a common border. Appendix 2 gives further details on matching procedure. (p,146)


Question :

       Dans les pages qui précèdent, nous avons soulevé un certain nombre de réserves sur la méthode utilisée, sur la définition et sur l’établissement des bases des corrélations proposées, sur le volume des investissements coloniaux réalisés dans les districts entre 1910-1928, ainsi que sur la pertinence de calculs de corrélation effectués entre 1910 et 1995, mais nous nous interrogeons cette fois sur la pertinence du concept volatil de neighbourhood.

      Est-ce qu’il ne s’agit pas d’une trop belle sophistication de méthode de recherche économétrique qui dépasse très largement la réalité historique des terrains coloniaux dont la nature et les caractéristiques ont changé au cours des âges, de 1910 à 1995 ?

     L’auteure consigne ce doute dans une sorte de conclusion provisoire :

    « In the end, we may think that the long term impact of early colonial investment is too large to be due uniquely to the early colonial investments themselves. Since these results do not take into account what happened later, they may reflect the relationship between early colonial investments and something caused by them. We therefore need to explore what happened in the interval.” (p,147)

    C’est décidément y perdre son latin!

    Précisons que je n’ai pas trouvé dans la thèse qui a été publiée la liste des clusters de districts avec leur localisation, une information qui permettrait de se faire une idée sur la pertinence géographique et historique de cette clé d’explication.

   Sans doute le directeur de cette thèse et les membres du jury en ont-ils eu communication !

  1. V.           Why do early colonial investments still  matter ?

    “Previous results establish large and robust differences in current performances due to differences in colonial public investments. Why are long term returns to investments so large? In this section, I want to give some potential answers to this question “ (p,149)

    

     Après avoir émis un doute sur les résultats publiés quant à la corrélation de base entre les investissements coloniaux des années 1910-1928 et les performances des années 1995, l’auteure propose une analyse sur ces fameuses performances, une comparaison historique « improbable », même dotée des outils économétriques les plus sophistiqués.

  1. VI.          Conclusion

      « This paper thus contributes to explicit the mechanism through which spatial inequalities arise and persist, and gives evidence that even in the long run inequalities do not vanish because there are increasing returns to the adoption of a practice and because both starting point and accidental events can have significant effects on the ultimate outcome. “(p,153)

 

   Notre propre conclusion :

   Récapitulons nos objections, ou questions au minimum:


    Nous ne reviendrons pas sur les objections que nous avons déjà formulé quant à la pertinence d’une analyse économique historique qui est établie à partir de bases historiques contestables établies à partir de trois critères, les médecins, les enseignants, les travaux publics dans les cercles (1910-1928), qui sont corrélés, plus de soixante ans après, avec des indicateurs qui ne tiennent aucun compte des situations historiques intermédiaires, en faisant l’impasse d’au moins deux « trous noirs » majeurs, la période 1928-1960 et la période affichée comme « noire » par le directeur de la thèse lui-même, celle postérieure à 1960, sauf à faire remarquer aussi que l’histoire politique et économique de l’Afrique Occidentale Française de la première période (post-bases) n’a pas été celle d’un fleuve tranquille et continu.

    Cette démonstration comporte beaucoup d’incertitudes de toute nature sur la nature des « public works » comparés à ceux de la fédération, sur le rôle des administrateurs coloniaux, sur le concept de districts «  neighbour » et son application géographique.

    Pourquoi ne pas avoir donné la localisation des fameux « clusters » de trois districts, afin de se faire une idée sur la signification de ce concept, et de pouvoir comparer cette localisation d’effets économiques avec celle issue du développement des pôles de changement de l’AOF, sur le modèle des pôles de François Perroux ?

     Enfin, pourquoi ne pas s’interroger sur le sens que l’auteure donne au concept d’investissement public ? Il s’agit moins de formation de capital fixe, ou d’investissement matériel, mis à part la catégorie des « public works », que d’investissements immatériels, ceux de l’école et de la santé, mais alors comment évaluer ceux de la construction d’un Etat colonial, et du coût des animateurs de ce nouvel Etat, c’est-à-dire les administrateurs coloniaux ?

    En définitive, toute la question est de savoir si les inégalités enregistrées dans les années 1990 en Afrique de l’ouest sont le résultat d’un modèle de développement colonial « inégal », parce que « colonial », au niveau des districts,  ou du modèle classique de pôle de développement, c’est-à-dire de type capitaliste,  à partir des ports, des routes et des lignes de chemins de fer, réorienté après 1945 avec l’intervention du FIDES .

    Si tel était le cas, les conclusions de l’auteur correspondraient à une sorte de lapalissade historique !


   Jean Pierre Renaud


   Avec une note d’humour !

     Je viens de revoir avec plaisir le film « Le dernier métro » de François Truffaut, avec une intrigue portant sur une pièce de théâtre intitulée « La disparue ».

      A l’occasion d’un dialogue amoureux entre Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, alors jeunes acteurs, l’actrice déclare : « Ce n’était pas des mensonges, mais des trous noirs. »


Fin de citation ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 09:16

            Non le Mistral ne doit pas être livré à Poutine, un potentat qui ne respecte aucun traité international.

         Et la France respecterait un contrat?

         La politique étrangère de la France ne doit pas être l'otage du tout "fric"!

 

           Que cette livraison éventuelle soit soumise au vote de l'Assemblée Nationale et que chaque député dise où est son honneur !

        Jean Pierre Renaud

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1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 09:16
Non le Mistral ne doit pas être livré à Poutine, un potentat qui ne respecte aucun traité international.
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