Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 18:23

Une France Ambigüe !

De plus en plus Ambigüe !

A l’Enseigne des Trois Singes Chinois !

« Ne pas voir ! Ne pas entendre ! Ne pas dire ! »

(1)

&

Le Figaro du 19 avril 2024

4ème page

« Avec Rima Hassan, les Insoumis accusés de jouer la carte communautariste »

Richard Flurin

« La jeune activiste, qui  figure en septième position sur la liste de Manon Aubry, place la question palestinienne au cœur de la bataille électorale. »

Le journal précise en fin d’article :

«… La voix de l’activiste franco-palestinienne porte particulièrement dans la « campagne chorale » mise au point par les stratèges insoumis…. »

Grâce à la binationalité et à la complicité de LFI, la Palestine devient un des enjeux des élections européennes !

Le journal publie sa chronique en l’accompagnant d’une belle photo de la candidate :

« Rima Hassan lors de la Convention de l’Union populaire réunis par LFI à Villepinte  (Seine-Saint-Denis) le 16 mars »

Article plus photo font une demi-page du journal

Questions d’un citoyen encore Français ?

Le journal fait le choix de l’expression « La carte communautariste » plutôt que celle de la « carte nationale », alors qu’il s’agit bien de l’entreprise de démantèlement de la nation française en cours depuis plusieurs dizaines d’années.

Ne serait-il pas temps de remettre toutes nos pendules à l’heure et ouvrir un débat national sur la nationalité française pour savoir qui gouverne dans notre pays, et qui gouvernera puisque la France accorde très généreusement sa nationalité à aux habitants de toute la planète, ou presque ?

Depuis des années, nos gouvernants ferment les yeux, encouragent sans le dire le communautarisme pour le grand bonheur d’un mouvement politique fossoyeur de notre nation.

 Une nation « implicite » ! A faire, d’après Macron qui déclare « faire nation » !

Parler de communautarisme évite de parler de nation, notre nation est devenue implicite, sauf que les bi, tri nationalités se sont développées sans que les électeurs de France ne l’aient décidé !

Que se passerait-il en cas de conflit même entre pays de l’Union Européenne, entre l’Espagne et la France, avec les exemples d’un ancien Premier Ministre ou de la Maire actuelle de Paris ?

Qui gouverne ?

Encore plus grave, la débauche des binationalités avec les pays du Maghreb, notamment l’Algérie qui joue en permanence sur les deux tableaux !

C’est l’Algérie qui désignera nos Présidents de la République ?

Et nos Présidents, qu’ils s’appellent Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, ou Macron, ont fait ou font comme si le problème n’existait pas !

L’emblème de la France est devenu celui des trois petits singes chinois que nos avons choisis pour titre, je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, je n’ai rien dit !

Jean Pierre Renaud

  1. C’est l’image que j’ai choisie pour la couverture de mon livre « Supercherie coloniale » (2008), un livre qui dénonce une histoire postcoloniale fictive qui alimente les gros sous d’une propagande néfaste pour notre pays.
  2. Voir la critique Taguieff  « L’imposture décoloniale (2020) que j’ai publiée le 2 mars 2021
Partager cet article
Repost0
16 avril 2024 2 16 /04 /avril /2024 09:56

Où va le Sénégal avec son nouveau double Président?

Deux titres d’articles

« Le Canard enchainé » du 3 avril 2024 en page 7 »

« Bassirou Diomaye Faye »

« Lui c’est lui et moi c’est lui »

« Le nouveau président du Sénégal a été élu au premier tour le 24 mars. Mais beaucoup de ceux qui ont voté pour lui ont en fait soutenu un autre homme, empêché de se présenter »

Anne Sophie Mercier

« Le Figaro » du 5 avril 2024, en dix-septième page »

Interview Tanguy Berthemet

« Le Sénégal vit une révolution panafricaine, anticoloniale et conservatrice »

El Hadj Souleymane Gassama »

« Pour le journaliste El Hadj Souleymane Gassama, dit Elgas, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques, la radicalité souverainiste anticoloniale qui souffle sur l’Afrique de l’Ouest inspire aussi le nouveau pouvoir sénégalais. Mais ce dernier garde la porte ouverte avec Paris et prend ses distances avec la junte malienne et la Russie. »

Le Canard enchainé

Le journal satirique pose les bonnes questions sur l’ambiguïté du couple d’amis qui vont gouverner le Sénégal, avec des électeurs qui auraient voté en fait pour une « doublure » :

« Car « Diomaye » comme l’appellent ses partisans n’est rien d’autre qu’une doublure. Un joker qui a touché le gros lot. Celui sur qui tous les regards étaient braqués s’appelle Ousmane Sonko. Empêché de se présenter en raison de ses ennuis judiciaires, Sonko a dû désigner son bras droit. »

Le journal introduit son analyse en rappelant :

« C’est une vieille phrase qu’on aime prononcer au Sénégal, une vielle phrase pleine de finesse : « Le fauteuil présidentiel n’est pas une banquette. » Bref, le pouvoir suprême ne se partage pas, il n’y a de place que pour un seul….. »

« Coincé entre Sonko et une jeunesse qui attend du panache, de la croissance, des emplois et des miracles ; Bassirou Diomaye Faye a peut-être quelques idées en tête. Il vient de déclarer benoîtement qu’il n’y aurait finalement pas de poste de vice-président. Enfin, pas maintenant.

La banquette, le fauteuil, toujours la même histoire.il apprend vite le bougre. »

L’article évoque « la découverte récente d’importants gisements de pétrole et de gaz ».

Attendons la suite ….      Car cela explique peut-être tout…

Le Figaro

Tanguy Berthemet, le spécialiste, interviewe donc El Hadj Souleymane           Gassama, dit Elgas, un journaliste, né à Zinguinchor et vivant en Normandie, auteur de livres, le dernier signé Elgas et intitulé « LES BONS RESSENTIMENTS ESSAI SUR LE MALAISE-POST-COLONIAL »

Le Figaro – « Avez-vous été surpris par le raz-de-marée du Pastel et de Bassirou Domaye Faye, sorti vainqueur de l’élection présidentielle sénégalaise ?

« Oui, bien sûr, même si la victoire du Pastel semblait inéluctable, avec le parti de Macky Sall qui déclinait et les parasitages internes de la candidature d’Amadou Ba… Cela indique que le Pastel suscite un immense espoir, qu’il a réussi à réenchanter la politique pour les jeunes défavorisés, son bastion électoral, tout en ralliant une certaine élite et un électorat de campagne. .. »

&

Je ne me hasarderai pas à citer et à commenter un texte touffu à l’image des réflexions et appréciations de l’auteur, dans le contexte multiculturel volatil de l’Afrique de l’Ouest.

Je me contenterai de citer la dernière question et la dernière réponse :

« Paris doit-il avoir une chance de se rétablir en Afrique de l’Ouest ? »

« Il me semble qu’à l’Elysée on le perçoit ou on le souhaite. Macron a appelé le président élu et il n’a pas reçu de fin de non-recevoir. Il y a une chose qu’il ne faut peut-être pas exagérer. Restons prudents. Mais qu’un parti porté par la jeunesse ait été plébiscite et veuille insuffler un changement, cela peut être une bonne chose pour tous si c’est sincère. Pour la France, avoir un partenaire fiable qui ne représente pas une élite corrompue est une opportunité. D’autant que le Sénégal, on l’a dit, peut représenter le contre-exemple parfait de la fatalité des coups d’Etat. »           

Jean Pierre Renaud

PS : la question que l’on ne pose pas sur le Franc CFA et sur la CDEAO ?

La monnaie en question n’aurait-elle pas plus qu’un air de ressemblance avec l’ancienne piastre indochinoise qui alimenta beaucoup de trafics chez les bien placés et les bien informés ?

Autre question sur le journaliste : « El Hadj » ? C’est-à-dire a été en pèlerinage à La Mecque ?

Partager cet article
Repost0
26 mars 2024 2 26 /03 /mars /2024 19:04

Publications au cours des derniers mois…

 

3/12/2023

JO 2024 « Ouverture sur la Seine »
« Une folie de plus »

&

8/9/10/01/2024

« Histoire coloniale et post-coloniale à la dérive avec ou sans Pascal Blanchard « l’historien entrepreneur » postcolonial

La propagande coloniale avec l’Agence des Colonies, la vraie

1/03/2024

« Regards croisés des blancs et des noirs sur l’Afrique Occidentale (1890-1920) »

avec le sommaire de l’essai complet le 30/01/2024

3/03/2024  

« Un chinetoque »

Un bon échantillon des faux raisonnements postcoloniaux !

&

                                                  1/01/2024

                                                 Vœux 2024

La France coincée de Macron

5/01/2024

« Prodiges de la Musique »

« Un cadeau pour la France »

24/02/2024

Crise de l’Agriculture Française ? Non crise de la Civilisation Française !

Printemps 2024

Russie Europe

Attention danger !

Tout est possible !

« L’ancien KGB Poutine gesticule dangereusement. »

&

Paris

26/01/2024

Mairie de Paris

« Le Catch Féminin Hidalgo Dati »

6/02/2024

« La Méthode Hidalgo »

« L’entourloupe politique »

21/01/2024

« Ma passoire thermique »

Benoit Duteurtre

15/01/2024

Avec le Pape François

Un témoignage de vie tout à fait exceptionnel

« Homosexualité et bénédiction chrétienne »

Jean Pierre Renaud

Partager cet article
Repost0
18 mars 2024 1 18 /03 /mars /2024 10:25

USBEK ET RICA

Série Actualités Humeur Tique

Avec Usbek et Rica

Sur les pas de Montesquieu

Dans la France de 2024

 

LE KGB à l’Assemblée Nationale…

Il est vrai que la Perse a bien changé avec les Ayatollahs de la pire espèce, mais je puis te dire Rica que la France aussi a bien changé…

            Il y a quelques jours, en zappant sur mon écran, tu connais ces écrans avec ces flux d’images qui envahissent la planète, je suis tombé sur un épisode judiciaire organisé par l’Assemblée Nationale sur les ordres de l’ARCOM, nouvelle autorité indépendante, chargée de garantir le pluralisme des chaines de la TNT, si j’ai bien compris...

            Je me suis cru revenu aux belles périodes d’une Union Soviétique qui savait faire rouler les procès et les têtes pour les punir de trahison ou de déviationnisme…

            Deux jeunes députés LFI s’étaient érigés en Procureurs chargés de débusquer les fautes, pour ne pas dire, les péchés contre le pluralisme démocratique, alors qu’ils appartenaient à un mouvement politique cultivant presque chaque jour des excès de comportement politique.

            Il s’agirait de savoir si la puissance publique, est habilitée à renouveler les autorisations d’émettre des chaines de la TNT en question…

 

SUS au Rassemblement National !

        SUS à l’extrême droite !

        Mais pas à l’extrême gauche ?

            Est-ce que la Macronie, sous la houlette d’un Président armé de sa baguette de chef d’orchestre quotidien, croit qu’il suffira de renouveler ce refrain pour neutraliser cet adversaire préféré ?        

Alors que ce type de pilonnage politique évite au Rassemblement National d’y répondre ! Pas besoin de faire de la propagande !

Dernière remarque, les électeurs de notre beau pays auraient-ils oublié que le Parti Socialiste n’hésita pas dans les années 1970 à s’allier avec un parti de l’Etranger : il s’agissait du Parti Communiste « Français » affilié, pour ne pas dire affidé à une URSS qui ne s’écroula qu’en 1989.

EN 1981, avec le Programme Commun, Mitterrand n’eut aucun scrupule politique à signer un Pacte de Gouvernement avec un parti de l’Etranger et à nommer des ministres communistes…

Pour les petits français qui ont la mémoire courte, un certain Chevènement fut alors un rédacteur inspiré de la bureaucratie communiste qui était promise  à mes hôtes.

               Jean Pierre Renaud

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 11:30

Oyez, Oyez, Français et Françaises !

Le 27 mai prochain, l’Assemblée Nationale est invitée à voter le suicide assisté de la Macronie, quelques jours avant les élections européennes !

La loi promise par un Président sous le sceau d’une mort choisie en toute « fraternité »… promue par une convention citoyenne tirée au sort…

La nouvelle Française des Jeux de la Macronie !

Le Président envisage-t-il d’organiser une cérémonie pour sceller cette nouvelle « fraternité » de notre devise nationale ?

Les évêques de notre beau, encore, pays condamnent cette « tromperie ».

Français, Françaises, saisissez l’occasion des Européennes pour procéder au suicide assisté de la Macronie, « en toute fraternité », naturellement !       

Jean Pierre Renaud, le 12 mars 2024

Partager cet article
Repost0
8 mars 2024 5 08 /03 /mars /2024 12:19

La France n’a plus confiance !

2017-2024

La France n’a plus confiance Monsieur le Président !

Votre hyperactivité médiatique et politique avec en permanence le tout et son contraire, vos têtes à queue politiques, votre goût pour le disruptif, ont contribué à rendre notre pays anxiogène…

Après les gilets jaunes et le Covid, l’Ukraine, et la flambée de violences urbaines de juin-juillet 2023, la France aspirait à retrouver l’équilibre des institutions, avec leur colonne républicaine, ce qui n’est pas le cas.

Vous nous donnez le tournis alors qu’avec  l’explosion des réseaux sociaux, leur pouvoir exorbitant, de plus en plus de nos concitoyens ne croient plus à rien !

Et pour ne rien ajouter une écologie de plus en plus anxiogène dans une ambiance des peurs millénaires de fin du monde !

Comment croire que le rythme endiablé des commémorations nationales que vous avez programmées suffiront à apaiser cette défiance nationale ?

Les Français vont finir par croire que ce type de gesticulation politique a pour but de pallier une carence au sommet …

                                                                           Jean Pierre Renaud

Partager cet article
Repost0
3 mars 2024 7 03 /03 /mars /2024 10:29

Intermèdes

Le Sens des Mots

Un « chinetoque »

Dans la France du jour, les n’importe qui et les pas n’importe qui peuvent raconter n’importe quoi !

Les stéréotypes de

« France 5 à 21.05 le 4 février 2024 »

« Inédit « Je ne suis pas un chinetoque – Histoire du racisme anti-asiatique »

Documentaire Société, Fra, 2023, Réal : Jessica Bagic, Emilie Tran Nguyen 1h 30

« Les Français d’origine asiatique subissent des insultes dès la cour de l’école. Renvoyés à leur couleur de peau, désignés comme un seul groupe, leurs histoires et parcours si différents sont souvent ignorés. Née d’une mère française d’origine algérienne et d’un père vietnamien, la journaliste Emilie Tran Nguyen a été confrontée à ces stéréotypes raciaux. »

Dans la France du jour, les stéréotypes de toute nature sont à la mode et servent à faire parler de soi, de sa famille, de sa communauté d’origine ou non…

S’agit-il de la communauté chinoise ou vietnamienne ?

Une chronologie et une statistique SVP !  

&

De quel chinetoque s’agit-il ? Qui ? Quand ? Où ?

Une petite anecdote chinetoque pour finir.

Il y a plusieurs dizaines d’années, dans mon entourage, à Sartrouville, une jeune fille croisait quelquefois un garçon qu’elle identifiait ainsi :

« Il est mignon ce petit chinetoque ! »

Sauf qu’il s’agissait d’un malgache, qu’elle épousa d’ailleurs plus tard !

Jean Pierre Renaud            Tous droits réservés

Voir les commentaires

Partager cet article
Repost0
3 mars 2024 7 03 /03 /mars /2024 10:20

Les merveilles de la PUB !

           Sur France 2 Chaine Publique

Avec Legrand.fr

Chaque jour, un apéritif d’imbécillité avant le Journal !

Un couple qui se tortille des fesses… comme un ver… une chorégraphie du court-circuit électrique ! Avant d’aller s’étendre …

De la Pub conne, la télévision vous en abreuve chaque jour…

Vous subissez ce matraquage que vous impose une chaine publique que vous financez !

Il n’y a plus de « pilote dans l’avion » !

Jean Pierre Renaud

Partager cet article
Repost0
1 mars 2024 5 01 /03 /mars /2024 16:09

Regards croisés des blancs et des noirs sur l’Afrique Occidentale (1890-1920)

 

Conclusions

 

« Ah ! il fallait pas, il fallait pas qu’il y aille

Ah ! il ne fallait pas, il fallait pas y aller

Mais il a fallu, il a fallu qu’il y aille

Mais il a fallu, il a fallu y aller »

 

Telle pourrait être la formule et le refrain la plus ramassée de mes réflexions sur la colonisation française !

Ainsi que le disait la chanson militaire bien troussée, intitulée « Le tambour miniature » !

 

 

            Mon ambition était de tenter de retracer les premiers échanges entre blancs et noirs, les premiers regards croisés, et d’examiner toutes les questions qui allaient se poser, au moment où la France installa définitivement son pouvoir colonial, en tout cas certains de ses enfants le croyaient-ils, en Afrique de l’ouest, une entreprise hardie, et sans doute impossible.

            Il s’agissait pour moi de mieux comprendre le processus colonial de la première phase de la colonisation, celle des années 1890-1914, et je serais sans doute imprudent d’en conclure que tel a été le cas.

 

            J’ai tenté de répondre à une des questions qui me taraude depuis la date de mes études, le pourquoi des conquêtes coloniales, le pourquoi de ma première vocation, très courte, qui fut celle du service de la France d’Outre- Mer, et le pourquoi du large échec de la colonisation.

 

            Tout feu, tout flamme, à cette époque de ma jeunesse, le rêve d’un service au service des autres, les Africains, avait effectivement bercé mes études, alors que je n’avais pas eu le temps, ou pris le temps de me pencher sur l’histoire détaillée de nos conquêtes coloniales et sur la connaissance que nous avions du continent africain. J’en savais toutefois, déjà assez, pour ne me faire aucune illusion sur la pérennité de notre présence coloniale en Afrique, mais je croyais qu’il était encore possible de fonder une nouvelle communauté de destins entre la France et ses anciennes colonies, ce qui n’a pas été le cas, et en tout cas pas sous la forme caricaturale de la Françafrique. 

            S’il est vrai que la conquête coloniale de l’Afrique de l’ouest fut, par bien de ses aspects, et de ses exploits, une sorte de saga militaire qui vit souvent s’opposer de grands adversaires, les couples Gallieni-Ahmadou, puis Archinard-Ahmadou, puis Archinard-Samory, fusse souvent avec la supériorité de notre armement, les premiers pas de la colonisation s’effectuèrent dans une paix civile relative, toute nouvelle, facilitée par la destruction des grands empires du bassin du Niger, celui d’Ahmadou, en pleine déliquescence, celui de Samory, en pleine puissance, et l’installation d’une nouvelle paix civile, celle de l’ordre public colonial,.

 

            Quelles conclusions tirer de notre analyse ?

            Les temps courts de la colonie

            Les temps de la conquête et de la colonisation ont été des temps courts, une trentaine d’années au maximum, pour la conquête et l’installation du nouveau pouvoir colonial, 1880/1890 – 1910/1914, une vingtaine d’années pour la « belle » période coloniale, 1920/1940, et moins de vingt années après la fin de la deuxième guerre mondiale, 1945/1960, alors que l’AOF était déjà entrée dans un autre monde, qui n’était plus celui de la colonisation.

            Ajoutez à cela que deux guerres mondiales avaient interrompu ou perturbé gravement les processus coloniaux : après le retour des anciens tirailleurs de la guerre de 14-18, le Blanc n’était déjà plus l’homme « miracle », et après la défaite de la France, en 1940, les changements intervenus chez les maîtres du monde, la toute puissance des Etats-Unis, le cours de l’Afrique devait inévitablement prendre un cours nouveau.

 

            La colonisation française se développa donc dans un temps historique très court, une période « utile » de l’ordre de cinquante années, interrompue par les deux guerres mondiales, et débouchant sur un après 1945, un nouveau monde, celui du déclin de l’Europe, de la tout puissance des Etats-Unis, et rapidement de la guerre froide, d’une Quatrième République dont l’objectif N°1 était la reconstruction du pays.

 

            Il est indispensable d’avoir ces données temporelles à l’esprit quand on a l’ambition de vouloir apprécier les tenants et aboutissants de la colonisation française, sinon ses résultats, car elles sont historiquement capitales.

 

            Des yeux plus gros que le ventre, toujours plus gros que le ventre, hier comme aujourd’hui, « la politique de grandeur » de la France.

            Les gouvernements de la Troisième République ne manquaient pas d’air pour se lancer dans de grandes expéditions coloniales en Afrique, en Asie, et à Madagascar,  alors qu’ils ignoraient tout, ou presque tout des peuples de ces nouvelles colonies, et qu’ils n’avaient jamais arrêté de politique coloniale.

            Il y a beaucoup d’anecdotes qui démontrent la grande ignorance que nos hommes politiques avaient du domaine colonial, et cela jusqu’à la décolonisation.

            C’est une des raisons, parmi d’autres qui me font répéter, que le peuple de France n’a jamais été concerné par les colonies que de façon marginale, lorsqu’il y eut de la gloire à glaner, celle que Montesquieu avait déjà mise en lumière comme une des caractéristiques de la psychologie des Français, ou inversement lorsqu’il fut nécessaire de lutter contre les révoltes violentes des peuples qui revendiquaient une indépendance tout à fait légitime.

            Dans le conflit indochinois, la Quatrième République se garda bien de mobiliser le contingent et fit appel aux éléments professionnels de son armée, décision qui marquait bien sa volonté de tenir le peuple à l’écart, et lorsque la même République envoya ses appelés en Algérie, mal lui en a pris, puisque la présence massive du contingent a plutôt été un facteur d’accélération de l’indépendance algérienne.

            Vous imaginez l’inconscience, la légèreté, la démesure, dont il fallait faire preuve, à la fin du dix-neuvième siècle, pour lancer la France dans de grandes expéditions militaires sur plusieurs continents, en Asie, à plus de dix mille kilomètres de la France, ou en Afrique, à quatre ou cinq mille kilomètres, même en tenant compte du saut technologique qui en donnait la possibilité théorique, la quinine, la vapeur, le câble, les armes à tir rapide, et le canal de Suez.

            La légèreté ou l’inconscience politique pour avoir l’ambition de conquérir des millions de kilomètres carrés sous n’importe quel climat, sans savoir par avance ce qu’on allait bien pouvoir en faire !

            Pour former ces expéditions, les gouvernements de la Troisième République se sont bien gardés de faire appel aux soldats de la conscription, mais déjà aux éléments professionnels de son armée, et surtout aux fameux tirailleurs sans le concours desquels aucune conquête n’aurait été possible.

            Le summum de cette folie fut l’expédition de Fachoda, en 1898, la France nourrissant l’ambition de contrer les Anglais dans la haute Egypte, alors que notre pays avait abandonné l’Egypte aux Anglais, quelques années auparavant, et que Kitchener remontait le Nil avec une armée moderne, des milliers d’hommes avec vapeurs, canons, et télégraphe. En face, une dizaine de Français, avec à leur tête le capitaine Marchand, pour y  planter notre drapeau, alors qu’il fallait faire des milliers de kilomètres dans une Afrique centrale encore à découvrir pour ravitailler la mission Marchand à Fachoda.

 

            Les premiers regards croisés

            Au cours de la première phase de contact entre les deux mondes, et hors période d’affrontement militaire, les premiers blancs, en tout cas ceux que nous avons cités, et qui nous ont fait partager leurs récits, leurs carnets d’expédition ou de voyage, n’ont pas porté un regard dépréciatif sur les sociétés africaines qu’ils découvraient, plutôt un regard d’étrangeté.

            Les lecteurs connaissent le débat qui a agité au dix-neuvième siècle le monde intellectuel et politique quant à la question des races et d’une supériorité supposée de la race blanche, nous avons déjà évoqué le sujet, mais sans introduire le critère racial, il est évident qu’un officier de marine français ou anglais, car les officiers de marine ont très souvent été les artisans des conquêtes coloniales, ne pouvait manquer d’éprouver un sentiment de puissance extraordinaire - tout devait leur sembler possible -  quand ils débarquaient sur les côtes africaines à partir de leurs monstres d’acier, car il faut avoir vu des images des parades des flottes militaires de l’époque, à Toulon, à Cherbourg, ou à Cronstadt, pour en avoir conscience.

 

            Pour faire appel à une comparaison anachronique, la perception des choses que pourrait avoir le commandant d’un paquebot de croisière, à l’ancre à Pointe à Pitre, une sorte d’immeuble de grande hauteur, en apercevant de son neuvième ou dixième étage, un piéton sur le quai.

            Dans un de ses romans, Amadou Hampâté Bâ, parlait des monstres d’acier, les vapeurs du Niger qu’il avait vu dans son enfance, mais qu’aurait-il pu dire alors s’il avait vu les autres grands monstres d’acier, avec leurs cheminées monstrueuses, qu’étaient les cuirassés ou les croiseurs des flottes anglaises, françaises, russes, ou japonaises.

            Tout a commencé à changer quand le système colonial à la française s’est mis en place, lorsque le colonisateur a voulu, pour des raisons de facilité et de simplicité évidentes, administrer les Noirs sur le même modèle, établir le nouvel ordre colonial en usant soit de la palabre, soit, et plus souvent de la violence, comme nous l’avons vu en Côte d’Ivoire.

            Du côté africain, nous avons tenté de proposer un aperçu des regards qu’ils pouvaient porter sur ces premiers blancs, avec le sentiment que les Africains trouvaient encore plus étranges ces blancs que les blancs ne pouvaient les trouver eux-mêmes étranges, sortes de créatures venues d’un autre monde, familières de leur propre monde imaginaire.

 

            Dans les apparences, un grand bouleversement des sociétés africaines en peu de temps, avec une grande immobilité au-dedans des mêmes sociétés africaines.

            Ce serait sans doute ma première remarque sur les changements intervenus dans cette région du monde, des changements qui furent souvent de vrais cataclysmes pour beaucoup de sociétés africaines repliées jusque-là sur elles-mêmes, souvent aux prises avec des voisins prédateurs, des sociétés qui vivaient d’une certaine façon en dehors du temps, dans leur propre temps, mais en même temps capables de se refermer sur elles-mêmes comme des huitres.

            Dans les pages qui précèdent le lecteur aura pris la mesure de l’écart considérable qui pouvait exister entre le fonctionnement de ces sociétés, le contenu de leurs cultures et croyances, et la société française de la même époque, un écart que seuls les bons connaisseurs du monde africain avaient pu mesurer tout au long de la période coloniale.

            Nous avons fait appel à des témoins compétents et non « colonialistes » dans le sens anachronique que certains leur prêtent, pour éclairer le lecteur sur les caractéristiques de cette société africaine, ou plutôt de ces sociétés africaines, tant elles étaient variées, des caractéristiques religieuses et culturelles qui compliquaient la tâche du colonisateur, pour ne pas dire, la rendait impossible.

            Un bouleversement immense, peut-être plus en surface, dans les organes politiques apparents, les circuits d’un commerce encore faible, qu’en profondeur, alors que le monde noir vivant restait souvent à l’abri, très résistant dans ses convictions magiques et religieuses.

            Les témoignages de Delafosse, Labouret, Delavignette, et Sœur Marie Saint André du Sacré Cœur illustrent bien cette situation paradoxale et marquaient bien les territoires de la pensée et des croyances africaines qui échappaient à la colonisation, et ils étaient fort nombreux.  

            Ces grands témoins étaient lucides, et comment ne pas citer à nouveau ce qu’écrivait Delafosse dans le livre « Broussard », paru en 1922, longtemps avant le temps des indépendances, quant à la possibilité qu’une bombe explose à Dakar, comme elle avait déjà explosé dans un café d’Hanoï.

 

            L’ouverture au monde

            Aucun historien africain sérieux ne viendra contester, je pense, le fait que la colonisation française a marqué l’Afrique de l’ouest par son ouverture au monde.

            Richard-Molard avait relevé qu’un des handicaps majeurs de cette région d’Afrique était son « trop plein de continentalité ».

            Il ne fallut pas vingt ans pour que la nouvelle Afrique s’ouvre vers la côte atlantique, tourne en grande partie le dos à son économie continentale, tournée vers le désert, le bassin du Niger, une économie de traite assez anémique, grâce à: quelques ports, quelques lignes de chemin de fer, quelques milliers de kilomètres de routes, quelques lignes de navigation sur les fleuves Sénégal et Niger, et sur la lagune de Côte d’Ivoire, et la construction d’un réseau de lignes télégraphiques. Ces dernières avaient, sans doute, et en partie, rendu obsolète l’usage du tam-tam pour communiquer.

            La réorientation des circuits d’échanges humains et économiques fut une vraie révolution, même si elle ne toucha pas en profondeur, jusqu’en 1914, le fonctionnement des sociétés africaines. Tout changea avec le travail forcé que le colonisateur mit en place pour assurer les travaux d’équipement du pays, mais aussi pour fournir de la main d’œuvre à des colons.

            Il convient toutefois de noter que l’effectif des colons fut faible, sinon inexistant dans la plupart des colonies d’Afrique occidentale

            Aujourd’hui, il est de bon ton de condamner le travail forcé, alors qu’on s’était félicité d’avoir supprimé l’esclavage, mais cette forme de travail n’était pas très éloignée de celle qui était encore pratiquée dans les villages sous l’autorité des chefs, et de notre vieille servitude communale de corvées, un jour remplacée par une taxe communale. Il y eut toutefois beaucoup d’abus, qui furent condamnables, d’autant plus quand cette exploitation humaine fut mise au service de certains intérêts privés.

            La solution du travail forcé est une des contradictions de la colonisation française, une de plus. On veut moderniser, on veut civiliser, mais comme on n’en a pas les moyens, on revient à une des vieilles et bonnes méthodes du pays. En y ayant recours, la plupart des administrateurs n’avaient sans doute pas l’impression qu’ils « transgressaient » une loi morale, d’autant moins que la plupart d’entre eux avaient en mémoire les pratiques de nos corvées rurales.

 

            Quelle solution les bonnes âmes devaient-elles apporter pour financer les travaux collectifs, alors que l’impôt n’existait pas, ou quasiment pas, et que, dès 1900, la Chambre des Députés avait formellement exclu que la métropole subventionne les belles colonies dont elle s’était dotée?

 

            La réponse serait sans doute celle qui aurait aujourd’hui ma faveur : il ne fallait pas y aller ! Puisque la France n’en avait pas les moyens, que l’Afrique occidentale n’était décidemment pas un nouvel éden, et qu’au bout du compte, le motif qu’a donné le grand historien Brunschwig pour expliquer la ruée coloniale de la France, c'est-à-dire donner un exutoire au nationalisme français après la défaite de 1870, y trouvait chaque jour ses limites. D’autant plus qu’il nous détournait de la fameuse « ligne bleue des Vosges », chère entre autres à Clemenceau !

 

            Une politique coloniale inexistante et une politique indigène impossible à définir et à appliquer

            Pour qui part à la recherche de la politique coloniale de la France, au cours de la période examinée, court le risque de n’en trouver aucune.

            Les débats de la Chambre des députés qui ont entouré les expéditions du Tonkin, en 1885, et de Madagascar, en 1895, ont été on ne peut plus confus, animés souvent par des députés qui n’avaient aucune connaissance de l’outre-mer, et n’ont apporté aucune clarté sur le contenu de la politique coloniale française, au-delà des grands mots.

            Que voulait la Chambre ? Personne ne le savait vraiment, alors qu’elle hésitait toujours entre une grande politique d’assimilation, qui flattait son amour propre, alors qu’elle était irréalisable sur le terrain, et une politique d’association, mais avec quel pouvoir local, puisqu’en Afrique de l’ouest, pour citer cet exemple, on avait refusé toute coopération avec les grands souverains locaux qu’étaient Ahmadou, Samory, ou Tiéba.

            A Madagascar, lorsqu’il a été question de savoir si la France jouait le jeu de la monarchie, avec la formule du protectorat,  ou établisse une nouvelle colonie « républicaine », Gallieni imposa un choix républicain, le sien.

            Dans la pratique, les affaires coloniales étaient entre les mains des spécialistes, les experts, souvent issus de la marine ou du grand commerce maritime des ports du Havre, de Bordeaux, ou de Marseille.

 

            Quant à la politique indigène, mieux vaut ne pas trop s’interroger sur la connaissance qu’en avaient les gouvernements de la République, car ils laissèrent leurs gouverneurs et administrateurs s’en débrouiller, avec les deux ou trois outils qu’ils leur avaient procuré, les lois au gré des proconsuls qu’étaient les gouverneurs, le code de l’indigénat pour simplifier et faciliter l’administration des vastes territoires conquis, et le travail forcé des indigènes, seul capable, faute d’épargne locale suffisante, d’assurer la réalisation de grands équipements, notamment le réseau routier, une des ambitions de la république coloniale.

 

            Une exception toutefois dans le dispositif, celle des quatre communes du Sénégal, dont les habitants se virent reconnaître le statut de citoyens français grâce à l’action déterminée du député Diagne pour soutenir l’effort de guerre de Clemenceau.

            La définition d’une politique indigène était de toute façon une tâche impossible, tant étaient différentes et variées les sociétés africaines de l’Afrique de l’ouest, tant en niveau de développement, qu’en termes de mœurs, de croyances, de culture.

            Quoi de commun entre les Peuls de Bandiagara, les Malinkés de Kankan, les Baoulés ou les Gouros de Côte d’Ivoire ? Entre les ethnies islamisées du bassin du Niger ou les ethnies fétichistes de la forêt tropicale ?

 

            Delavignette notait :

« Le Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française promène ses administrateurs de l’âge de pierre à l’âge du pétrole. Le danger, c’est qu’ils établissent une hiérarchie entre les différents pays et qu’ils jugent ceux de l’âge du pétrole supérieurs à ceux de l’âge de pierre. » (p,70)

            Et de noter plus loin :

            « Sur la Côte Occidentale d’Afrique vous ne vous associerez avec des anthropophages que s’ils assimilent un autre régime carné, et au Sahel vous n’assimilerez les Touareg et les Maures que si vous les fixez comme des sédentaires – et s’ils n’en meurent pas. La réalité échappe aux catégories dans lesquelles nous prétendons l’enfermer. Et ces catégories mêmes, qui paraissent claires et commodes, ne sont pas ou ne sont plus des méthodes de connaissance. Elles immobilisent l’esprit. » (p,88)

 

            Vaste programme !

            C’était dire la difficulté, sinon l’impossibilité qu’il y avait déjà à vouloir définir une politique indigène et conduire les noirs à l’assimilation proposée par des rêveurs, des idéalistes, pour ne pas dire quelquefois des menteurs, car ce n’était pas sérieux.

            Les témoignages auxquels nous avons fait appel pour mieux comprendre l’état religieux et culturel de l’Afrique ont permis de relever la somme des obstacles que la colonisation française aurait dû franchir pour avoir la prétention de construire d’autres Frances noires, sur le modèle de notre République.

            Encore, un seul exemple, comment aurait-il été possible d’organiser des élections, alors que la population n’avait pas fait l’objet d’un recensement sérieux, qu’elle était illettrée à presque 100%, et que le concept d’élection était complètement étranger au monde culturel et religieux du pays.

 

            Alors tous les discours anachroniques que l’on a l’habitude d’entendre des deux côtés de l’Atlantique sur cette République coloniale qui n’a pas tenu ses engagements de citoyenneté, de scolarisation, de développement économique, sonnent faux, à partir du moment où l’on prend le temps de se renseigner, de se documenter, pour pouvoir se former une opinion sérieuse.

            La vraie question n’est pas celle du procès qu’il est possible de faire à la France « Coloniale » ou « Colonialiste », au choix, pour avoir abusé, enfreint telle ou telle loi, ou telle ou telle promesse, mais celle d’un rêve éveillé complètement fou, celui d’une supposée civilisation denrée d’exportation, ou d’une assimilation que les bons connaisseurs de l’Afrique ont su rapidement impossible, et ce fut le cas d’un bon africaniste comme Delafosse, comme nous l’avons vu.

 

            Et pour en terminer, j’aimerais évoquer deux sujets, le premier, un instrument on ne peut plus familier aux bons petits Français d’un passé encore récent, la charrue, le deuxième, une des philosophies d’Asie, le tao.

 

            La charrue

            Pourquoi la charrue ? Parce que cela fut un bon instrument de l’approche de la société rurale africaine, une bonne pierre de touche de leur capacité de résistance et de progrès.

            Labouret, un de nos grands témoins de l’Afrique coloniale, a écrit un livre remarquable sur les « Paysans d’Afrique Occidentale », et à la fin de cet ouvrage, il évoque longuement l’emploi de la charrue, véritable instrument de progrès :

 

            « En fait, il s’agit d’amener en quelques années les sédentaires africains, possesseurs de bœufs, mais ignorant l’emploi de la roue, du stade de la culture au bâton à enfouir et à la houe à celui de la charrue. Cela suppose un dressage préalable des animaux, l’achat d’appareils nouveaux, leur emploi par les indigènes qu’il faut instruire à les utiliser, par conséquent un changement complet d’habitudes et de techniques pour des populations entières. L’exploitation du sol, basée aujourd’hui sur le nomadisme agricole, pratiqué dans un parcours donné, impose la culture extensive avec ses effets ordinaires : la possession p)lus ou moins précaire, l’existence de droits particuliers que nous avons indiqués…

            Les bœufs étant considérés par les habitants de ces pays comme une marque vivante de richesse, on imagine aisément la résistance ouverte ou sournoise, opposés à l’administration par les propriétaires de ces animaux, qui se refusent à les livrer aux instructeurs agricoles, chargés de les dresser. »

 

            Et Labouret de conclure :

            « Ces initiatives diverses ont contribué à rénover les méthodes archaïques de l’agriculture et de l’élevage, à implanter dans l’esprit des indigènes des notions nouvelles. Ils semblent acquis désormais à la technique de la charrue, mais ils ne pourront la mettre tous en œuvre avant de longues années. » (page,240)

 

            Delavignette, également bon connaisseur du paysannat noir, partageait cet avis, et rappelait :

            « En Guinée, en 1913, le gouverneur Poiret – Père de la charrue africaine – introduisit deux charrues. En 1938, l’AOF en a plus de 30 000 sans compter les herseuses et les semoirs. Et des bœufs sont dressés. Œuvre plus remarquable qu’il n’y parait. Il est plus facile d’apprendre à un Noir à conduire un camion qu’à pousser la charrue ; c’est que le bœuf n’est pas une mécanique et la vie rurale une affaire de robot. » (p.202)      

            Ces observations soulignent à juste titre l’importance des mœurs et de la culture dans la compréhension des comportements.

 

            Dans son livre « Tour du monde d’un sceptique » (1926), Aldous Huxley notait au cours de son voyage en Inde des traits de civilisation très comparables :

            A Jodhpur,

            « L’après-midi touchait à sa fin quand nous passâmes en voiture devant le palais de Justice. Les affaires quotidiennes étaient expédiées et les balayeurs étaient à l’œuvre, nettoyant tout pour le lendemain. Devant l’une des portes du bâtiment se trouvait une rangée de corbeilles à papier pleines à ras bord ; comme si c’était des mangeoires, deux ou trois taureaux  sacrés s’y approvisionnaient en mangeant lentement et majestueusement. Quand les paniers étaient vides, des mains obligeantes venaient les remplir d’une nouvelle ration de papier déchiré et barbouillé. Les taureaux continuaient à brouter : c’était un festin littéraire. » (page 79)

 

            Le tao

            Pourquoi le tao ?

            Tout d’abord parce que je pense que la philosophie asiatique du tao rend assez bien compte du mouvement du monde, d’un mouvement qui échappe le plus souvent à l’autorité de quiconque, religieuse, politique, ou culturelle, avec à sa source le moteur de changement ou de progrès, un autre âge de modernité.

            Il est possible de disserter à longueur de temps sur le colonialisme ou sur le capitalisme, ou sur le communisme qui a pour le moment disparu de la planète, car son expression chinoise ou vietnamienne est le bel habillage idéologique d’une nouvelle sorte de capitalisme.

            L’Afrique noire n’existait pas à la fin du dix -neuvième siècle, on l’ignorait, et on ne la connaissait pas. Comment était-il possible de croire qu’elle pouvait échapper au courant du monde moderne, fait à la fois de curiosité, de convoitise, mais avant tout d’une toute nouvelle puissance technologique ?

            L’Afrique noire ne risquait pas d’échapper à cette nouvelle modernité ravageuse et puissante des nouvelles technologies qui offrait à ses détenteurs, et dans tous les domaines, des bottes de sept lieues. Dans leurs premiers regards, certains africains ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, en pensant rencontrer les fantômes d’un autre monde.

            Alors, il est possible d’accuser les puissances coloniales de tous les défauts de la terre, de tous les péchés, mais le vrai problème est plutôt celui du péché de l’ignorance des mondes noirs, d’orgueil d’une nation française, venue récemment à la République, dirigée par une élite aventureuse, qui s’est voulue porteuse fantasmagorique d’un nouvel ordre colonial à la française, une France officielle qui rêvait donc toute éveillée, d’une République coloniale.

            Le rêve des « technocrates » politiques de la Troisième  République, un rêve dont se moquait bien le peuple français.

            Mais en définitive, la colonisation n’a pas eu que des effets négatifs en Afrique occidentale. Comme l’a noté Hampâté Bâ, elle a laissé une langue commune en héritage à ses peuples, qui jusque- là n’étaient pas en mesure de communiquer entre eux.

            Elle a laissé aussi un autre héritage dont personne ne parle jamais, celui d’une véritable encyclopédie écrite et illustrée de l’Afrique occidentale, dans ses âges successifs, cette Afrique que les blancs ont découverte, décrite, et souvent appréciée.

                 Jean Pierre Renaud      Tous droits réservés

Partager cet article
Repost0
1 mars 2024 5 01 /03 /mars /2024 15:32

 Chapitre 16

 

Un monde noir qui échappe

 

                        Afin de mettre en lumière les raisons pour lesquelles la colonisation française de l’AOF ne pouvait réussir à transformer en profondeur cette vaste région géographique et humaine, composée d’une myriade de peuples et de villages, en autant de petites ou grandes Frances,  assimilées et républicaines,  il n’y a pas de meilleure solution que de se reporter aux témoignages savants de quelques spécialistes de l’AOF, lesquels consignèrent observations et réflexions dans les livres qu’ils ont publiés.

            Une fois de plus, les témoignages de Delavignette, Richard-Molard, et Labouret, seront précieux, auxquels nous ajouterons celui de Sœur Marie André du Sacré Cœur.

            Il est évident que ces témoignages datent d’une époque révolue, mais il serait très intéressant que des lettrés africains nous disent à leur propos ce qu’ils en pensent : des témoignages aujourd’hui dépassés ? Est-ce si sûr ?

  Richard-Molard écrivait :

            « Le langage est un autre facteur de diversité en AOF. Delafosse y recensait 126 langues principales. Les dialectes différents se comptent par centaines. Dans bien des régions du sud, les habitants de deux villages voisins ne s’entendent pas… Cet émiettement linguistique est lié à l’instabilité matérielle et politique des peuples de l’Afrique occidentale. Il correspond à d’incessants déplacements, à de nombreuses migrations. » ( p.72 et 76)

« Tant de facteurs, naturels ou humains, si divers, entrent en jeu dans la formation des peuples de l’AOF (ou mieux des groupes ethniques) et interfèrent entre eux selon une infinité de combinaisons possibles, que l’on finit par ne plus voir l’Afrique occidentale que dans un fantastique kaléidoscope. Nulle partie du monde ne mériterait mieux d’être qualifiée, selon la formule célèbre, d’« agrégat inconstitué de peuples désunis. » (p.88)

A la veille de la Révolution française, Mirabeau déclarait que la France était « un agrégat inconstitué de peuples désunis »

            Plus loin, le même auteur parlait de « poussière ethnique ».(p.113)

            Labouret, de son côté, soulignait la caractéristique du « morcellement » de l’AOF. (p.49)

            Et il n’existait alors, au début de la colonisation, ni état civil, ni cadastre, et cette dernière, pour les raisons que nous allons évoquer, allait rencontrer les plus grandes difficultés,  au fur et à mesure de son développement, pour aborder les grands territoires de la culture africaine, liés :

            - à l’exercice du pouvoir africain, les chefs,

            - à l’organisation de la famille et de la société, et à la définition d’une politique « indigène »,

            - au statut de la terre et de ses paysans

            - aux croyances

                                       Qui exerçait réellement le pouvoir dans cette Afrique ?

             La France avait mis hors-jeu presque tous les grands chefs de l’Afrique traditionnelle, en tout cas ceux des grands empires et royaumes, les Ahmadou, Samory, Tiéba, ou Béhanzin, mais elle ignorait quasiment tout des règles de fonctionnement de ces grands pouvoirs africains. La puissance coloniale allait se retrouver face à une myriade de pouvoirs locaux, petits ou grands, et ses administrateurs furent confrontés à cette délicate question : qui exerçait réellement le pouvoir dans un village ? Car le village était la structure angulaire de la société africaine, et donc des confédérations, des royaumes, et des empires.

            Les chefs de village, structure capitale

            Les deux administrateurs que furent Labouret et Delavignette l’expliquent fort bien dans leurs écrits.

            Labouret écrivait :

            « On a pu dire avec raison que le village africain est un groupement « fonctionnel » constitué en vue d’accomplir un certain nombre de tâches agricoles, réalisées par le concours des habitants. Ceux-ci sont embrigadés et guidés par des personnes répondant à des types coutumiers et nécessaires dont nous citerons les principaux.

            A sa tête le chef politique « apparent », porte-parole de la population, chargé de transmettre les ordres de l’administrateur, c’est très souvent un individu sans importance, paravent du véritable chef, vieillard astucieux et prudent, qui fait tenir sa place par un client ou un affranchi.

            A côté de lui, le maître de la terre  est aussi le prêtre du village, responsable, comme nous l’avons dit de la prospérité du lieu et de ses occupants. Il a dans toutes les langues un nom qui ne figure pas d’ordinaire dans les recueils de coutumes ni dans les dictionnaires, et des fonctions qui seront indiquées plus loin.

            Parfois ce personnage est aussi prêtre totémique, il est alors souvent doublé par un autre fonctionnaire sacré, qui procède aux cérémonies magico - religieuses exigées par le culte.

            Dans chaque agglomération, le chef politique véritable est assisté d’une sorte de concilium propinquorum qui se réunit pour discuter les questions municipales et tous les autres problèmes que pose l’existence villageoise… Mais l’existence de ces derniers souligne le caractère démocratique des institutions négro-africaines en général. » (p.131)

            Chef apparent ou chef réel, intrication du laïc et du religieux, démocratie villageoise, ces trois caractéristiques n’ont pas toujours été bien comprises par la colonisation.

             Chefs de paille ?

            Plus tard, Delavignette abondait dans le même sens :

            « Mais le village exige de l’administrateur une curiosité plus personnelle. Qui est le chef, le véritable chef avec son véritable nom. ? La précision a son importance ; nous le montrerons au chapitre des chefs de villages. Quelle est la nature de son pouvoir, sa race et sa religion ? Quelles sont les races et religions du village ? Y-t-il des quartiers et des chefs de quartiers ? Combien de chefs de famille et de quel genre est la famille ? Voilà pour la politique. «  (p.82)

            « Les chefs de paille »

            « Les chefs comme celui que je vis la première fois dans le village où je fis école ; ce sont en quelque sorte des hommes de paille, et je les appellerai les chefs de paille.

            Ils jouent le rôle qui serait assigné, dit-on, dans certains grands magasins à un employé préposé aux réclamations des clients grincheux. A chaque exigence administrative, impôt, prestations, recrutement, recensement, culture nouvelle, mise à l’essai – le chef de paille est délégué. Sur lui tombera la colère d’un commandement aveugle… Le chef est l’homme essentiel à la vie du pays. Est-il incompris du commandement : elle se rétracte ; est-il humilié : elle souffre ; accablé : elle s’éteint. Montrer le chef, c’est désigner et dénuder avec imprudence et impudeur la parcelle sacrée où le corps peut être frappé à mort….

            Qui connaît le village connaît l’Afrique éternelle.

            Une telle simplicité nous échappe. Aucune différence de pouvoirs (entre petits et grands). Le chef les possède tous. Dans la même heure comme dans la suite des générations, il est chef d’armée, juge, souverain politique et maître domestique. Nous pensons qu’il mêlait tout ; nous ne pouvons-nous faire à cette idée qu’il était tout. Confie-t-il ses pouvoirs ? C’est en bloc et souvent à un esclave. Apercevons-nous des ministres autour de lui ? Ce sont  des dignitaires et qui n’ont pas d’attributions clairement réglées à nos yeux. » (p.127)

            Et nous verrons plus loin que les chefs de village avaient le plus souvent un rôle religieux.

          Des familles monogames ou polygames, une société hiérarchisée et religieuse : un monde très éloigné du modèle familial et social de nos villages, bourgs et villes de la même époque

   Sœur Marie-André du Sacré Cœur a fort bien décrit la famille africaine des années 50, encore bien vivante dans ses traditions, après cinquante ans de colonisation française :

            Un père tout puissant

            « Le père – aïeul ou bisaïeul - est le centre de cette famille ; tous les descendants per masculos sont sous sa dépendance ; il exerce sur tous et chacun un pouvoir absolu : pouvoir de maître, de prêtre, de juge, de père ; ce qui est acquis par les personnes soumises à sa puissance lui appartient ; car lui seul peut posséder un patrimoine. C’est une monarchie domestique, qui porte d’ailleurs un nom spécial en droit romain : la patria potestas. Son chef le pater familias, règne sur sa domus, comme plus tard, le roi régnera sur le peuple, car la famille, en s’étendant, deviendra la tribu ; et l’union des tribus formera le royaume…. Pour les Africains, comme pour les anciens Romains, l’axe institutionnel de la famille est la lignée unilatérale… mais la familia romana était monogame, tandis que la famille africaine admet la pluralité des épouses. Cette polygamie augmente le nombre des collatéraux, entre lesquels des liens de parenté naturelle sont renforcés par la parenté juridique, l’appartenance à la famille. (p.50)… A chaque génération, le cercle de la famille s’élargit, mais ne se rompt pas. C’est la gens romaine, le clan africain qui ne comprend que des hommes d’origine libre… Le chef de clan, père, grand-père, oncle ou grand-oncle paternel ou maternel, exerce son pouvoir non seulement sur ses descendants directs (comme le faisait le pater familias romain), mais aussi sur tous les collatéraux. (p.52)…

            Mais le « père juridique » (ou père coutumier) dont le pouvoir est incontesté, ne l’exerce généralement pas seul, ni de façon arbitraire…

             Le chef de clan est encore le grand-prêtre qui, au nom de tous, offre les sacrifices aux ancêtres. Car la lignée se perpétue dans l’au-delà où les « pères » continuent à exercer leurs fonctions de paternité ; il convient de leur rendre un culte de respect et d’honneur…Les rites agraires tiennent une place importante dans la vie religieuse et familiale, car l’Afrique noire compte 90% de cultivateurs. Ils sont, dans la savane, tributaires du régime des pluies pour leurs récoltes….

            Dans la famille ainsi constituée, le chef de famille a seul la personnalité juridique complète, c’est lui qui décide des actes principaux concernant la famille, et chaque individu en particulier. Qu’il s’agisse de fréquentation scolaire, du choix d’une carrière, de l’engagement d’un tirailleur, d’un mariage, le chef de clan, usant de son droit souverain, désigne tel ou tel des membres de la famille qu’ils soient ses propres enfants, ceux de ses frères, ou les descendants d’anciens esclaves… Sur la côte, il en va différemment. (p.55,56,57). »

         Et le même auteur de décrire le mariage coutumier :

            « Le chef de clan, chargé d’assurer le bien-être et la pérennité de son groupe a donc le devoir de procurer des épouses aux hommes jeunes du clan. Il les demande dans des familles amies, honorables, qui se sont distinguées dans l’histoire locale…. Et c’est lui qui, toutes choses mûrement pesées, décide ensuite des mariages, sachant bien que les intéressés ratifieront sa décision par une acceptation pure et simple. » (p.65)

            Labouret notait qu’il existait alors des familles étendues ou indivises qui pouvaient compter plus de cent personnes 

:          Des communautés taisibles, comme dans l’ancien droit

                        « Le premier des groupements de parenté qui doive retenir notre attention est la famille étendue, de l’Afrique tropicale et d’ailleurs. Comme on l’a déjà remarqué, c’est la communauté taisible de notre ancien droit, formée sans contrat et fondée sur la parenté. On y retrouve, comme dans le Nivernais au siècle dernier, comme dans les zadruga actuelles de la Vieille Serbie, un maître, des parçonniers, dont la réunion forme une société, une compagnie, ou mieux une « fraternité », puisque tous vivent comme des frères « à pot et à sel », sur un bien commun et indivis. » (p.139)

       Une société hiérarchisée

            «  Avec les castes, les classes (d’âge), les corporations de métier, nous avons considéré un autre aspect de la vie paysanne, qui parait si simple à l’observateur superficiel et se montre si complexe à qui s’inquiète d’en pénétrer les éléments. La société rurale est avant tout hiérarchisée, avec ses nobles, ses hommes libres, ses esclaves, ses spécialistes, tous divisés et subdivisés en catégories superposées et antagonistes. (p.131) »

            Dans son livre Amkoullel, Hampâté Bâ racontait que lors de son admission à l’école des Blancs, il s’était fait rappeler à l’ordre pour avoir laissé la place à un camarade issu d’une famille de prince.

              Une société hiérarchisée, mais également religieuse

            « Une promenade au hasard dans le village permet de discerner ses différents types humains ; mais il en est d’autres qu’il faut une certaine habitude pour déceler et surtout pour observer dans l’exercice de leurs fonctions, le mot n’est pas trop fort. Il s’agit du Magicien, du Diseur de Choses cachées, du guérisseur, du marchand de philtres.

            Le magicien collabore étroitement avec le prêtre  pour le bien de tous. Parfois il est prêtre lui-même, car il est souvent difficile d’apprécier dans les actions de l’un ou de l’autre la part exacte qui revient à la religion et celle qu’il faut attribuer à la magie. Ses interventions sont réclamées d’ordinaire dans les cas graves, par exemple quand il faut appeler ou chasser la pluie. On le voit alors, près d’un foyer dégageant une épaisse fumée, accomplissant des rites étranges pour éloigner un orage menaçant, capable de faire pourrir les semences ou de compromettre la récolte sur pied. S’il s’agit au contraire de faire tomber l’ondée bienfaisante sur la terre desséchée et fendue par l’ardeur du soleil, le magicien se fait suppliant ; il s’efforce d’attirer la pluie par des gestes sympathiques, en répandant l’eau autour de lui. Les paroles qu’il prononce, les rites manuels qu’il accomplit ont pour but d’asservir les éléments… Le Magicien agit de même à l’égard de tous les fléaux qui menacent les habitants, leurs champs, ou leurs troupeaux. Périodiquement il préside à l’expulsion des chenilles, des vers, des larves qui compromettent la croissance des plantes alimentaires.

            Mais son occupation quotidienne consiste à fabriquer et à consacrer des protecteurs efficaces pour le village, les maisons, les champs, les animaux et les personnes. Les plus apparents sont suspendus aux portes ou devant elles, leurs formes sont innombrables… leur fonction est partout la même. Ils écartent les influences mauvaises qui menacent les hommes et leurs biens…

            La population villageoise se trouve donc entourée de périls divers contre lesquels elle entend se protéger. Mais pour cela, il faut qu’elle soit renseignée. Des spécialistes vont l’aider dans ce but. Ce sont les « Diseurs de Choses Cachées », qui tiennent dans la communauté une place officielle. Leur rôle est de fournir en toute circonstance des avis pour orienter et aussi détourner les activités religieuses, sociales et économiques du groupe. Responsables, en quelque matière, de la prospérité ou du malheur de la collectivité, leur autorité est assez grande pour arrêter les travaux agricoles certains jours reconnus néfastes, pour les faire commencer au contraire sur des emplacements choisis, inaugurer les chasses, les pêches et les fêtes saisonnières. Le Diseur des Choses Cachées intervient encore pour découvrir ceux qui ont pêché contre la coutume et irrité les dieux ; aucun mariage ne se conclut sans qu’il soit consulté. Il est le fidèle conseiller de tous. C’est un fonctionnaire à attributions sacrées dont personne n’osait mépriser les avis il y a peu d’années…

            Dans tous les grands centres existe aussi le marchand de philtres ou d’amulettes à buts particuliers, qui vendent des charmes de prospérité et surtout des charmes sexuels propres à favoriser l’amour et le mariage, à écarter les rivalités, à assurer virilité et fécondité, à maintenir la constance, à provoquer les réconciliations, à faciliter grossesses et accouchements. (p.136) »

                                                            La terre et ses paysans

 Démesure

            Allons d’abord à l’essentiel avec une citation de Richard-Molard :

            « Le monde noir d’Afrique occidentale est un paysannat, sous toutes les latitudes, des oasis sahariennes à la forêt guinéenne. Il est réparti là l’eau permet l’agriculture, par l’irrigation au Sahara, les grands fleuves au Sahel septentrional, la pluie au sud…. Chefs nobles et marabouts dans les sociétés les plus évoluées répugnent à tout travail. Encore leurs femmes et leurs captifs doivent compenser leur oisiveté…

            Il n’y a certainement pas d’illusions à se faire quant aux possibilités économiques de l’agriculture d’AOF, notamment dans les immensités soudaniennes…. L’on dit que le monde tropical ne convient pas aux Blancs. Est-on certain qu’il convienne beaucoup mieux aux Noirs ? L’homme est aux prises avec des terres de démesure. Lui qui est la mesure de toutes choses dans un pays de calanques méditerranéennes, il n’est ici la mesure de rien et fait de sa soumission une religion… (p.118,128)

Une terre à base religieuse

            Labouret décrivait la complexité des relations religieuses existant entre le fondateur d’un village, d’un clan, Maître du sol, et ses représentants, les grands prêtres, la terre et ses paysans. Il confirmait le rôle des grands prêtres :

            « Mais le rôle du grand prêtre est plus étendu encore. Il contrôle la plupart des fêtes locales, en impose l’ordonnance, et fixe l’époque de chacune d’elles. A ce titre, il détermine, avec le conseil des anciens, les périodes au cours desquelles se dérouleront les cycles d’initiation, qui donneront à la communauté des cadres instruits de leurs croyances et de leurs devoirs sociaux. Son action déborde donc assez largement sur le plan politique lié, ici, dans une certaine mesure, à la religion, sans être pourtant dominé par celle-ci comme on a pu le croire.

            Le grand prêtre est en outre le président du tribunal qui juge et châtie au nom des dieux, puisque toute infraction à la morale locale, c'est-à-dire aux habitudes admises et à la technique de la vie dans le pays, doit susciter le courroux des puissances surnaturelles, du totem ou des ancêtres. (p.57,68)

            « Le village « centre d’autonomie et d’énergie » fonde ses droits fonciers sur la religion qui impose aux habitants une étroite solidarité, entraînant pour eux la responsabilité collective de culte et de droit. » (p.66)

            «  A la fin de cet exposé, on peut résumer à peu près ainsi les principes du droit foncier en Afrique tropicale française.

            a) Partout il a une base religieuse indéniable. Le maître de la terre qui en jouit  remplit encore aujourd’hui un rôle capital que les autorités locales n’apprécient pas toujours comme il devrait l’être….

            b) Très souvent, comme nous l’avons dit, le maître de la terre est aussi le chef politique du groupement, mais il n’est pas rare de voir, à côté du premier, qui garde toutes ses attributions religieuses et foncières, un autre chef ayant des fonctions uniquement politiques…

            c) A la maîtrise du sol et à l’autorité politique locale s’est superposée parfois une autorité étrangère conquérante, capable de réclamer des redevances aux usagers du sol…. » (p.77)

               Le paysannat de Delavignette

            Delavignette avait publié, en 1931,  un livre intitulé » « Paysans noirs ». L’ouvrage montrait toute l’importance des villages du monde noir et surtout de ses paysans, et dans son nouveau livre « Service africain » (1946), il pouvait déjà noter les effets de la colonisation. Il notait :

            « Tout n’est pas dit avec ce simple mot de paysan noir. L’argent, la route, l’armée, l’école, la Croix ont désagrégé le cadre social où les cultivateurs s’étaient tenus et en quelque sorte retranchés jusqu’à ces dernières années. » (p173)

             Et l’auteur de proposer de solutions pour aider les paysans à « amortir le choc colonial ».

         Misérable outillage et étrange manière de cultiver

            Delavignette relevait qu’à l’orée de la colonisation, la paysannerie restait « invisible et opprimée ».

             « Deux choses surtout nous faisaient douter qu’il fût un véritable paysan : c’étaient son misérable outillage et son étrange manière de cultiver… »

« Quant à la manière de cultiver, elle nous déroutait complètement. En réalité, sous l’apparente collectivité, il existait une propriété familiale et dans l’apparente indivision de cette famille, un système de biens personnels…

Dans les manières indigènes de cultiver, il n’était pas que la possession du sol qui nous fût inintelligible, il y avait son façonnage. Le travail communautaire de jeunes gens du même âge, venus de plusieurs villages voisins dans le même champ, les filles d’un côté, les garçons de l’autre, et tous rangés en ligne, courbés sur leur houe, sautant à reculons, sous le commandement d’un griot pour donner le coup de houe entre leurs jambes et tracer ainsi, à croupetons, un sillon multiple, cela nous paraissait un spectacle d’ethnologie et non un acte d’agriculture…

            Dans ses formes familiales comme dans ses méthodes communautaires soufflait une âme religieuse qui ne nous semblait faite que de superstition. Pas de propriété sans sacrifices rituels et pas de travail sans prières et conjurations. L’animal le plus utile à l’agriculture indigène n’est pas une bête qui tire, mais une bête qu’on tue pour savoir sur le champ est bien choisi, le travail possible, la récolte conjurée. « (p.181)

               Le divin, les croyances  

            Delavignette intitulait curieusement le chapitre VII de son livre « Dans le champ du divin »

            C’est sans doute le domaine culturel et social qui a échappé le plus aux Blancs, aussi bien au début de la colonisation, que pendant, et en lisant des récits publiés de nos jours par de grands auteurs comme Hampâté Bâ ou Kourouma, j’avoue que ce monde de croyances, de superstitions, de magie aussi, m’est encore complètement étranger, comme il le serait sans doute pour beaucoup de Français.

,           Richard-Molard relevait :

            « On imagine sans peine qu’il n’est point facile à un Noir de se tirer d’affaire dans un monde où pullulent les forces, les esprits, comme autant de de menaces possibles pour lui. Il a un rituel sacré et fixé de vie à apprendre et à respecter, parfois d’une extrême complexité. Ce rituel est notamment destiné à la conservation des forces, celles par exemple des ancêtres dont le vivant est à la fois le continuateur, le support matériel et le représentant, en sorte que le monde noir est fait de bien plus de morts que de vivants. Aussi n’y a-t-il pas, sauf influences extérieures, de coupure entre le spirituel et le temporel et le gouvernement social fonctionne-t-il comme une sorte d’église : une communauté religieuse.

            C’est sous cet angle qu’il faut comprendre, probablement, la valeur primordiale du groupement familial dans les sociétés noires, celui-ci s’entendant au sens large, vraie « communauté taisible » sous l’autorité d’un pater familias prêtre, conservateur du culte des mânes, gérant (non propriétaire) du patrimoine collectif (‘d’une collectivité qui compte toujours plus de morts que de vivants. ( p.80)

            « Même quand l’islamisation parait réussir, ce n’est jamais en supprimant le fond animiste, mais bien en l’associant en dépit des contradictions les plus foncières et en constituant une sorte de syncrétisme qui ne laisse guère à l’Islam que ce qui est extérieur. » (p.85)

            Il serait sans doute possible d’ajouter que le christianisme  a rencontré les mêmes problèmes d’adaptation.

            « Il y a en Afrique occidentale un pullulement de « marabouts » dont beaucoup ne sont que de modestes aventuriers, faisant commerce de quelque baraka particulière, de talismans miraculeux ou du prestige acquis auprès d’un maître renommé. » « (p.80)

                         Jean Pierre Renaud                    Tous droits réservés

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de eh-tique-media-tique.over-blog.com
  • : Faire partager les réactions de bon sens d'un citoyen et "honnête homme" du vingt et unième siècle, sur l'actualité du jour, face aux dérives des médias, aux discours politiques ou économiques tendancieux, aux images tronquées ou truquées, aux articles ou livres suspects d'idéologie, notamment pour tout ce qui touche à l'histoire coloniale.
  • Contact

Recherche

Liens