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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 10:24
Lettre aux Psy, docteurs en histoire coloniale, postcoloniale, ou en journalisme

Adaptation libre, mais « savante », de la BD « Les psy » de Bedu-Cauvin, avec les docteurs Médard, Pinchart et Julie Clément

 

            Pour avoir lu beaucoup d’ouvrages ou de récits d’histoire coloniale ou postcoloniale, grande fut, trop souvent, ma surprise et ma perplexité, de  buter sur des mots qui relevaient, sans aucun doute possible, de la psychanalyse.

            De quelle maladie psychique pouvaient souffrir tous ces Français dont les «  psy » relevaient autant de de signes cliniques ? Qui étaient les malades ?

Le florilège savant des mots « psy », soi-disant symptômes de la maladie : les mots de la maladie

         La première fois, sans aucun doute, que j’ai rencontré ces mots psy fut, lorsque je m’attaquai à la lecture des ouvrages savants publiés par le collectif, non moins savant de chercheurs de l’équipe Blanchard and Co sur la culture coloniale ou impériale, à la suite d’un Colloque Images et Colonies, encore plus savant, tenu en janvier 1993, sur les images coloniales.

        Je me souviens de l’expression qu’une historienne bien connue de ce monde savant utilisait alors, à plusieurs reprises dans ses contributions, « l’inconscient collectif », aux côtés d’ailleurs d’une autre historienne spécialisée sur l’Afrique du Nord.

       De quoi s’agissait-il ? A quelle source faisaient-elles référence ? Comment mesurer cet inconscient ? Avec quels instruments historiques et scientifiques ?

       Madame Coquery-Vidrovitch faisait l’aveu qu’elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, en indiquant « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien ».

          Les chercheurs eux-mêmes de ce collectif faisaient appel à tout un ensemble d’expressions de type psy, au choix de quelques-uns d’entre eux.

            Dans « Culture coloniale : « … comment les Français sont devenus coloniaux sans le savoir … coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel…

          L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… Une culture au sens d’une imprégnation populaire… une culture invisible…dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux.

       Dans Culture Impériale, deux citations :

     « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale… Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’ a prise l’empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient des Français ».

            Dans La République coloniale, quelques-uns des mots psy choisis :

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale… de façon souterraine… Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial »

            Dans La Fracture coloniale :

            « les archétypes relatifs aux populations coloniales … les réminiscences restent palpables »

            Au Colloque de 1993, l’historien Meynier avait posé la question :

      «  Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière- plan lorsque l’on évoque les colonies :

   Imaginaire colonial et inconscient colonial

   Inconscient français et mythes colonisation : salvation et sécurisation »

   Plus de vingt ans plus tard, les docteurs psy n’ont jusqu’à présent apporté aucune réponse qui démontre la pertinence scientifique de leur discours psy.

        Le mémorialiste et historien Stora a, de son côté, lui-même contribué à renforcer l’audience de l’école des docteurs psy, notamment dans le petit livre « La guerre des mémoires ». (2007)

      Le journaliste Thierry Leclère commence à interroger M.Stora en faisant un constat : « La France est malade de son passé colonial », et M.Stora d’enchaîner sur « le deuil inachevé », le rôle d’une « Algérie centrale » », « une mémoire de vaincus », la « bataille mémorielle », « une grande blessure narcissique », « dans sa mémoire collective », « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale de leurs pères », « Mais c’est la guerre d’Algérie qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années », « cette mémoire blessée ».

            L’auteur note toutefois que « Vu d’Algérie » au sujet de Boudiaf : «  il est revenu d’un long exil ; les jeunes Algériens ne connaissaient pas son nom » .

            Et plus loin, « les mémoires bafouées », « ces saignements de mémoire », « des ruminations  secrètes »…

            Ne s’agirait-il pas de la maladie « narcissique » d’un enfant, pied noir d’Algérie, né à Constantine, qui fut rapatrié à l’âge de douze ans ?

          Les symptômes de la maladie ainsi décrite dataient de l’année 2007, mais un nouveau petit livre publié par l’intéressé a valu à son auteur un commentaire d’approbation, pour ne pas dire de bénédiction, de la part de M.Frappat, ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix.

         Cette critique était intitulée « Souvenirs longue portée » dans le journal La Croix du 31 décembre dernier (1).

         L’ancien journaliste et directeur de référence brode une critique qui fait appel aux mêmes signes cliniques de maladie postcoloniale que ceux de M.Stora.

         « Il y a un refoulé qui revient de loin », « l’effet retard du passé », « « Et sans le retour violent du refoulé comment expliquerait-t-on la haine que tant d’anciens peuples colonisés éprouvent à l’égard de tout ce qui peut rappeler le temps des colonies et de leur servitude ?...

     « Dernier exemple en date : la mémoire de la guerre d’Algérie… l’effet retard du passé. D’abord nous avons été interloqués d’apprendre que beaucoup de terroristes qui, depuis des mois, ont entrepris de saigner la France étaient des jeunes Français vivant parmi nous depuis leur naissance »…,

     « Ce lien est peut-être la persistance, dans l’âme française, d’une question  non résolue, d’un traumatisme non digéré qu’est la guerre d’Algérie »

        En oubliant sans doute la guerre civile des années 1990 qui a ensanglanté ce pays et qui a incité de nombreux Algériens à venir en France, et qui a succédé, plus de trente ans plus tard, à une autre guerre civile, qui ne disait pas son « nom » !

       Il convient de rappeler que M.Stora a évoqué aussi le camp des « Sudistes » qui existerait dans notre pays : après le rapprochement avec la mémoire de Vichy, notre mémorialiste national n’hésite pas à trouver une comparaison historique, non moins hardie, avec le Vieux Sud des Etats Unis, le Sud esclavagiste.

        L’ancien journaliste de référence note toutefois plus loin :

       « De l’autre côté de la mer, de l’autre côté des peuples, on connait mal les effets de la mémoire de la guerre d’Algérie sur les populations de ce pays »,  avec une phrase de conclusion effectivement explosive : « Les mémoires sont parfois bourrées d’explosifs. »

      Comment ne pas être étonné que l’honorable Monsieur Frappat mette les attentats de Daech sur le compte de la mémoire coloniale, ou plutôt algérienne ?

Le diagnostic de la maladie, par les Psy, docteurs en histoire ou en journalisme.  

     Ce diagnostic vaut largement celui des médecins de Molière !

     « Serais-je devenu médecin sans m’en être aperçu ? »  - « Sganarelle, dans Le médecin malgré lui  »

       Dans quel domaine sommes-nous ? Médecine ? Psychanalyse ? Journalisme ? Littérature ? Histoire ? Idéologie ?  Politique ? Repentance religieuse ?

       Quelles sont les preuves de la maladie psy ainsi décrite ?

       Avez-vous effectué des enquêtes statistiques sérieuses qui vous permettent d’accréditer votre diagnostic sur la maladie dont la France souffrirait ?

       A les écouter : « Je suis malade, complètement malade » pour reprendre un refrain populaire des années 1970, de Serge Lama, mais de quoi précisément suis-je malade ?

      De quelle maladie les Français souffrent-ils ? Quels Français ? Quels peuples anciennement colonisés ? Les docteurs Psy eux-mêmes ou les Français en général ?

     Une maladie tout à fait étrange qui n’a pas dissuadé beaucoup de maghrébins, dont une grande majorité d’Algériens, et d’Africains, de venir émigrer massivement dans une France qui s’est transmise clandestinement les poisons du colonialisme, pour autant qu’ils aient toujours et partout existé.

      Cette immigration régulière et irrégulière n’a pas été négligeable, même si les spécialistes ont de la peine à se mettre d’accord sur les vrais chiffres.

       Monsieur Stora cite ses propres chiffres : «  la France se découvre aujourd’hui avec cinq à six millions de musulmans »

      Des immigrés masochistes à ce point ?

      Ou plus vraisemblablement des docteurs Psy effectivement masochistes, toujours prêts à sacrifier à leurs exercices habituels d’autoflagellation nationale, d’une repentance de nature ambiguë, des adeptes d’une nouvelle congrégation de flagellants ?

      Je suis issu d’une famille de l’est de la France qui a connu trois invasions allemandes en moins d’un siècle, une invasion, dont les ambitions et la réalité ne soutenaient aucune comparaison avec la colonisation, j’espère que les docteurs Psy en conviendront. Je n’ai jamais entendu dans ma famille ce type de discours mémoriel, à l’égard de nos amis allemands, un discours que je classe donc dans la  catégorie de la toute nouvelle propagande « made in France », une nouvelle propagande tout à fait subversive.

          Je crois avoir démontré ailleurs que la propagande coloniale n’a jamais eu l’importance et l’efficacité faussement décrites dans les ouvrages du collectif Blanchard and Co.

          Cela fait des dizaines d’années que ma famille prône la réconciliation de la France et de l’Allemagne, sans rien demander.

      J’ai donc le droit de me poser la question du bien-fondé de ces discours psy de nature mémorielle, indépendamment du fait que jusqu’à présent personne n’a eu le courage de vérifier si des enquêtes statistiques sérieuses sur la ou les fameuses mémoires existaient et avec quel contenu ?

         Mon propre diagnostic repose plutôt sur l’ambition qu’ont ces docteurs psy de complaire à une partie par trop « apatride » de notre bel establishment, à un électorat que les politiques cherchent à séduire, ou à un public éditorial qui raffole de l’autoflagellation nationale, au prix de mettre en danger notre unité nationale sacrifiée à un cosmopolitisme propre à encourager toutes les anarchies, et la prospérité d’une « multinationale » française que personne n’a le courage de contrôler.

          N’existerait-il en effet pas d’autres explications sur les raisons des malaises sociaux dont la France souffrirait ? Une immigration mal contrôlée qui bouleverse les conditions de vie dans certains de nos territoires ? L’arrivée d’un Islam dont les Français ignoraient tout de son existence ?

          Quant à « notre ancien outre-mer », encore plus malins seraient les docteurs psy qui pourraient décrire les souffrances de leur mémoire coloniale, pour autant qu’ils connaissent mieux leur histoire coloniale que les Français !

       M.Stora citait le cas de Boudiaf pour l’Algérie, mais quand Chirac, dans la même veine de mémoire, est venu à Madagascar, en 2004,  pour y faire entre autres, repentance de la répression violente de  1947, les observateurs les plus objectifs ont pu noter que ce type de couplet avait fait un grand flop !

        Ma conclusion sera que les docteurs psy, en tout genre, et de tout acabit, parce qu’ils sont les véritables responsables du type de mémoire décrit mais jamais évalué, d’une mémoire d’autoflagellation, ont fait prendre un véritable risque national à notre pays, celui d’une autoréalisation, quelquefois « explosive » de cette mémoire trafiquée parmi certains jeunes de France.

      Pourquoi ne pas constater en effet, avec de la tristesse, en effet qu’un des représentants de notre bel establishment, l’honorable Monsieur Frappat a prêté sa voix à ce nouveau chœur de « repentants» ?

       Un establishment qui marie paradoxalement son goût de la grandeur passée, (voir Libye, Mali, Centrafrique, Syrie…), la France gendarme du monde ou centre du monde, au choix, et son penchant psy pour un passé encore inexplicable et inexpliqué pour les ignorants.

      Alors oui, pourquoi ne pas revenir au grand Molière, une valeur sûre, et terminer mon propos par une citation « médicinale » tirée de Monsieur de Pourceaugnac ?

     « Second médecin

     « A Dieu ne plaise, Monsieur, qu’il me tombe en pensée d’ajouter rien à ce que vous venez de dire ! Vous avez si bien discouru sur tous les signes, les symptômes et les causes de la maladie de Monsieur ; le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il  le devint, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait »

Molière, Monsieur de Pourceaugnac, Acte I, Scène VIII »

          Et pour mot de la fin du fin, les docteurs psy n’auraient pas pu s’emparer d’un  tel sujet, notamment dans le cas de l’Algérie, si les Accords d’Evian n’avaient pas acté que les crimes de guerre, donc commis dans les deux camps, seraient amnistiés ! En ouvrant tout grand le champ de toutes les hypothèses, même les plus scabreuses !

Jean Pierre Renaud

Tous droits réservés

  1. Ci-après le texte du courrier que j’ai adressé au journal La Croix le 31 décembre 2015 :

      «  Bonsoir, il est sans doute dommage de commencer la nouvelle année, mais je voudrais dire à Monsieur Frappat tout le mal que je pense de sa chronique sur les souvenirs longs et sur ses références aux écrits Stora, et encore plus sur le rapprochement très douteux qu’il propose entre Daech et la guerre d’Algérie, pour ne parler que de ce conflit.

         Monsieur Frappat ferait bien de suggérer ou de financer lui-même une enquête de mémoire collective sérieuse sur le passé colonial et sur le passé algérien, dont s’est emparé son auteur de référence, car, jamais, sauf erreur, Stora n’ a accrédité sa thèse en fournissant la moindre preuve statistique de sa thèse mémorielle. Récemment la Fondation Jean Jaurès associée à un journal que Monsieur Frappat a dirigé un temps, a proposé une enquête sur ce type de sujet, mais une enquête très mal ficelée statistiquement, avec une batterie de questions très imparfaite.

         Je dirais volontiers à monsieur Frappat que ce sont plutôt, à l’inverse de ce qu’il croit et écrit, des gens comme Stora qui ont accrédité auprès de certains jeunes l’existence les souvenirs de longue portée dont il parle.

        Il s’agit d’un sujet que je crois connaître assez bien, celui d’une nouvelle propagande beaucoup plus insidieuse que la propagande coloniale, quand elle exista, la nouvelle propagande de l’autoflagellation historique et de la repentance : non, Monsieur Frappat, tous les petits Français qui ont servi la France en Algérie ne furent pas de petits ou grands salauds, des colonialistes de tout crin, pour ne parler que de ceux qui luttèrent, nombreux, pour que la paix revienne dans une Algérie nouvelle, celle de l’indépendance.      Quant au bouquin de Monsieur Jenni sur l’art de la guerre, je dirais qu’il sue par toutes les pores de ses lignes d’écriture talentueuse le même type de discours sirupeux. Bonne année pour une enquête mémorielle enfin sérieuse que pourrait lancer notre beau journal assomptionniste."

 

 

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