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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 15:16

« Le colonialisme en question »

Frederick Cooper

« Syndicats, politique et fin de l’empire en Afrique française » (page 274 à 311)

Lecture 7

Le discours

            « Après avoir consacré la majeure partie de ce livre à des conceptions intellectuelles et à des arguments historiques d’une portée considérable dans l’espace et dans le temps, je vais maintenant examiner une série d’événements particuliers. Ils ne constituent qu’une petite partie d’une plus grande histoire, mais je vais les décrire avec une densité suffisante pour démontrer l’importance que revêt la confrontation avec les sources originales sur la politique de décolonisation et pour suggérer l’intérêt que présente l’étude des sujets connexes. Ces événements ne sont toutefois pas pris au hasard. Le contexte de la Seconde Guerre mondiale – d’un petit peu avant à toute la décennie qui a suivi – amena un changement définitif des formes politiques disponibles aux bâtisseurs d’empires. J’ai dit plus haut que la fin des empires a résulté non seulement de combats titanesques et violents entre un colonialisme implacable et des forces de libération nationale, mais aussi d’un processus interne au système, à savoir l’apparition dans les structures impériales et les discours impériaux, de fissures que des mouvements politiques et sociaux opérant à l’intérieur de l’empire purent élargir. Les récit que je propose va donc montrer comment les dirigeants syndicaux africains dans une relation de dialogue et de contestation avec les responsables européens, ont conduit les deux camps situés de part et d’autre du fossé colonial dans une situation que ni l’in ni l’autre, au milieu des années 1940, ne recherchaient. » (page 274)

            « Ce chapitre va décrire un exemple de contrôle impérial qui vola en éclats sur le territoire politique que le régime considérait comme le sien propre. » (page 276)

            L’auteur décrit donc les premières grèves de Dakar et des chemins de fer d’’AOF qui se déroulèrent successivement de décembre 1945 à février 1946 et d’octobre 1947 à février 1948 :

 Premières grèves : en décembre, celle des 2 800 dockers et ouvriers métallurgistes, qui dura une semaine, puis en janvier 1946, celle des employés de bureau, laquelle se transforma en grève générale. « Elle toucha la majorité des classes laborieuses, à l’exception des cheminots et des enseignants », et dura douze jours ; d’après l’auteur, elle toucha la majorité des 15 000 salariés de la ville de Dakar.

            Les revendications portaient sur l’égalité des rémunérations et des avantages sociaux, quelle que soit l’origine des salariés.

            « C’était une demande exigeante, non seulement parce qu’elle était coûteuse, mais aussi parce qu’elle constituait une percée conceptuelle : octroyer des allocations familiales à un fonctionnaire – qui n’était pas forcément un évolué – signifiait que les besoins d’une famille africaine étaient semblables à ceux d’une famille européenne et que l’Etat devait payer le coût de reproduction de sa fonction publique africaine. » (page 282)

            La grève s’arrêta grâce à un compromis salarial.

            «  Ce récit de la grève révèle avant tout le changement intervenu dans le conflit lui-même. En février 1946, la pensée coloniale française ne fut plus ce qu’elle était en décembre 1945, et cette mutation fut la conséquence de l’obstination d’un mouvement syndical. » (page 286)

            L’auteur évoque alors brièvement les débats qui ont marqué l’élaboration du projet de nouvelle constitution à l’Assemblée Nationale, avec la participation des députés africains élus, dont Senghor et Houphouët-Boigny, notamment quant à « l’égalité impériale ».

            En finale, « le législateur a voulu marquer par-là la parfaite égalité de tous dans la vie publique, mais non la parfaite identité des Français de la métropole et des Français d’outre-mer. » (note 30)

            Grève de Dakar et débats constitutionnels ont donc posé le problème de fond, à savoir égalité de tous, publique et privée, quels que soient la race, la religion, ou le statut civil.

            Deuxième grève :

            Et l’auteur de décrire la deuxième grève, celle des chemins de fer de l’AOF, qui débuta en octobre 1947, dura un peu plus de cinq mois dans certains territoires, et mobilisa 20 000 travailleurs et leurs familles.

            La revendication portait  sur la mise en place d’un « cadre unique ».

            Les politiques entrèrent dans le débat, notamment le RDA, le tout nouveau mouvement politique d’AOF, et en Côte d’Ivoire, c’est sur l’intervention d’Houphouët-Boigny que la grève prit fin début janvier 1948.

            « Epilogue : le rejet mutuel de la référence française » (page  302)

                « La puissante dynamique décrite dans les pages qui précèdent a conduit le gouvernement français et le leadership syndical ouest-africain des années 1950 en un endroit très différent de leur point de départ… Au milieu des années 1950, l’Etat français se retrouva coincé entre la notion d’équivalence citoyenne et celle d’indissolubilité de l’empire. Ne pouvant payer l’équivalence, il devait repenser l’empire. 

            Le leadership se retrouva lui aussi prisonnier de la logique de sa position. Les demandes faites au nom de l’équivalence ne cessaient de placer les salariés africains et français dans la même catégorie. Dans la mesure où ces demandes étaient satisfaites, le processus accroissait la distance sociale entre ces travailleurs et le reste de l’Afrique, alors même que le soutien de communautés plus larges avait été essentiel au succès des grèves de 1946 et 1947-1948. »

            Contradictions donc dans les deux camps, étant donné qu’à présent « la liquidation du colonialisme devait « occuper la place d’honneur avant la lutte des classes. » ( page 304)

            La solution française de ce problème fut la « territorialisation ».

            « Le nouvel Etat africain ne devait pas seulement se caractériser par des frontières de territoires coloniaux et par une forme d’autoritarisme crispé prenant le relais de l’autorité coloniale. Il fut façonné par la montée et le déclin d’une politique alternative dans laquelle différents mouvements politiques et sociaux, surtout syndicaux, ouvrirent un espace où purent être soumises, à l’autorité impériale des revendications qui se révélèrent trop coûteuses pour être acceptées par un Etat colonial et trop menaçantes pour que ses successeurs nationaux autorisent la perpétuation de ces mouvements. C’est le processus de décolonisation et non simplement l’héritage du colonialisme, qui façonna les formes prises par kes politiques postcoloniales…

Ce qu’obtinrent les Africains, ce fut la souveraineté. Elle n’était pas la seule demande qui émergeait des mobilisations politiques des années 1940 et 1950, mais elle fut celle, finalement que la France s’empressa d’accorder. » (page 309)

 

Questions

 

La lecture de ce chapitre a son importance, si le propos du début du chapitre a été bien compris :

« Après avoir consacré la majeure partie de ce livre à des questions conceptuelles et à des arguments historiques d’une portée considérable, je vais maintenant examiner une série d’événements particuliers politiques. »

Il s’agit donc de la démonstration supposée de la méthode d’analyse proposée par l’auteur, une démonstration sur le terrain colonial de l’AOF, qui aurait pour but de nous montrer comment a fonctionné, dans le cas des grèves sociales décrites, la relation « intégration-différenciation »,  quelles « limites » a rencontré le colonialisme, et dans quelles « fissures » du système colonial, les oppositions ont pu être efficaces.

 L’auteur propose donc : « un exemple de contrôle colonial qui vola en éclats sur le territoire politique que le régime considérait comme le sien propre. »

L’auteur précise : « C’est le processus de décolonisation, et non simplement l’héritage du colonialisme, qui façonna les formes prises par les politiques postcoloniales. »

L’auteur fait donc implicitement référence aux dialectiques « intégration –différenciation » et « connexions-limitations », qui animèrent, d’après lui, le processus de décolonisation, plus que l’héritage du colonialisme.

Passons sur l’utilisation de certains termes ou expressions plus ou moins appropriés en ce qui concerne l’AOF, des « combats titanesques », un « colonialisme implacable », « la pensée coloniale », ou encore l’appréciation, « un exemple de contrôle colonial qui vola en éclats", et passons immédiatement au fond des choses.

La question de fond que pose le choix de cet exemple est celle de sa valeur représentative sur le plan historique, dans le cas de l’AOF, et donc de sa valeur démonstrative des analyses de l’auteur, et à la condition que le même exemple rende compte des autres situations coloniales de la même époque, dans d’autres territoires coloniaux.

Ce choix soulève un certain nombre de réserves et de remarques :

La dialectique exposée met en scène deux sortes d’interlocuteurs africains, situés les uns à Dakar, les autres sur les lignes de chemin de fer.

Il est difficile de ne pas voir en arrière-plan historique, d’une part la situation coloniale de Dakar, capitale et composante dominante des fameuses quatre communes du Sénégal qui ont bénéficié du statut  des communes métropolitaines, en 1916, et d’autre part la position sociale du personnel des chemins de fer qui furent parmi les premiers à faire connaissance avec la « modernité » réelle ou supposée du chemin de fer, l’avant-garde des « évolués ».

Est-ce qu’il ne s’agit donc pas d’un test historique qui souffre, dès le départ d’un « biais » statistique et historique  ou d’un « bias » à l’anglaise, c’est-à-dire d’un parti pris ? Etant donné qu’il n’est pas raccordé à l’histoire de l’AOF.

Deuxième réserve méthodologique, qui tiendrait précisément au fait que ces salariés constituaient la « pointe » chronologique (après 1945) d’une modernité si bien décrite dans les œuvres d’Hampâté Bâ, celle des « blancs-noirs », les « évolués », très éloignés, pour ne pas dire coupés, avec l’urbanisation, de leur milieu paysan traditionnel, encore dominant à cette époque.

Et qu’il conviendrait alors de revenir au passé des évolués, les « blancs-noirs », à leur émergence dans les sociétés de l’Afrique de l’ouest, à leur rôle, et donc à la place qu’ils occupaient, dès l’origine dans la situation coloniale qui était la leur, en position de collaboration, de contestation, et aussi de pouvoir : il s’agirait donc beaucoup plus d’ « héritage colonial » que de « processus de la décolonisation »..

Le récit d’Hampâté Bâ sur les aventures de l’interprète Wangrin décrit assez bien les relations de pouvoir entre colonisateur et colonisé, qui ont existé tout au long de la période coloniale, et sur les « limites de pouvoir » auxquelles s’attache l’auteur.

L’administration coloniale a toujours eu à faire face, soit à de l’opposition (révolte contre la conscription en Haute Volta en 1916, fuite des travailleurs de la même colonie vers la Gold-Coast en réponse au travail forcé…), soit à de la coopération, mais elle n’a jamais pu se passer des « truchements » africains, chefs, marabouts, ou interprètes.

Et la situation décrite par l’auteur s’inscrit dans un déroulement historique identifiable, le contexte de l’après-guerre 1945 favorisant, l’expression presque normale, de nouvelles revendications.

Troisième remarque : comment ne pas noter en effet qu’en 1945, tout avait changé en France et dans les colonies avec la défaite de la France, le rôle des colonies dans la résistance française, la conférence de Brazzaville,  l’interventionnisme américain, puis rapidement la guerre froide.

Quatrième remarque : les grèves décrites marquent une forme de réussite du colonialisme, et non un échec, étant donné que les nouveaux « lettrés », les blancs-noirs, aspiraient à l’égalité républicaine, et que la 4ème République ne se crut pas en mesure de tenir les promesses verbales imprudentes de la 3ème République, alors  qu’elle avait fixé dès le départ la limite de ses engagements coloniaux.

En votant la loi du 13 octobre 1900, la Chambre des Députés avait posé un principe parfaitement clair, qui n’allait pas du tout dans le sens de l’égalité entre sujets et citoyens : « les colonies doivent pourvoir sur leurs propres ressources à la totalité de leurs dépenses de fonctionnement et de développement. »

Ce principe fut à peu près respecté jusqu’en 1939, et c’est dans le tout nouveau contexte international évoqué que le Fides, fonds d’investissement et de développement de l’outre-mer, fut créé en 1945, marquant la volonté de la France d’aider au développement des colonies fondues alors dans la nouvelle Union Française. Jusqu’en 1939, la République n’intervenait qu’en accordant sa garantie aux emprunts contractés par les colonies.

Le colonialisme a eu également pour résultat une certaine unification institutionnelle de l’Afrique de l’ouest caractérisée précisément par ces grèves syndicales et l’apparition de partis politiques.

La crise de citoyenneté, de revendication d’égalité ou d’équivalence, en AOF, marquait tout simplement la fin d’un rêve colonial, d’une hypocrisie républicaine qui avait duré trop longtemps. Certains y trouvaient naturellement leur avantage matériel.

Citoyenneté et droit civil ? Quid de la place de l’islam dans la société coloniale ? Comment marier droit civil français et statuts familiaux africains ?

Egalité entre Etats, sur le mode des déclarations américaines, ou égalité entre citoyens telle que revendiquée d’abord par les élites africaines ?

L’administration coloniale s’était d’ailleurs fait fort de respecter les « coutumes », et la France avait donc accepté un statu quo ambigu, la coexistence entre droit civil français et coutumes, mais il est évident que le problème n’était pas réglé, et de nos jours, certains observateurs diraient sans doute qu’avec l’immigration africaine, ce problème n’est toujours pas réglé.

Comment ne pas noter par ailleurs que ce chapitre ne fait aucunement référence au marxisme, à des relations de « connexion » qui ont pu exister entre les mouvements syndicalistes et politiques marxistes de métropole et ceux d’Afrique de l’ouest, notamment la CGT ?

 

Mais je voudrais faire un dernier commentaire sur la distinction que fait l’auteur entre héritage du colonialisme et processus de décolonisation, distinction à laquelle il parait accorder une certaine importance.

Processus ou évolution dans le temps des relations de dominant à dominé, de centre à périphérie, ou inversement ?

 L’analyse de cette évolution s’inscrit à mes yeux dans une autre dynamique, celle des « dispositions » et des « positions » de type stratégique, avec une propension des nations, des armées, ou des hommes, à entreprendre ou non, à mener des actions, des opérations ou pas, si bien décrites par un sinologue tel que François Jullien, ou par des stratèges tels que Sun Tzu ou Clausewitz.

Bonnes ou mauvaises positions et dispositions qui permettent à l’eau, le cours des choses, cours national ou international, de couler ou de s’arrêter sur des obstacles.

Dans son introduction, l’auteur salue l’importance du contenu d’un article de Georges Balandier, intitulé  « La situation coloniale », paru en 1951.

« Situation coloniale », ou « disposition coloniale », ou encore « position coloniale », pour faire appel à des concepts stratégiques ?

A la fin du 19ème siècle, il existait une propension des choses et des hommes à la conquête coloniale, mais les acteurs de cette conquête prirent très rapidement conscience des limites rencontrées par cette propension, notamment en Afrique de l’ouest, limites de toute nature, notamment géographique, un trop « plein de continentalité," d’autant plus grandes que la France s’était interdite, comme nous l’avons rappelé, d’accorder toute aide financière à la gestion et au développement de ces nouveaux territoires.

Dès l’origine, il existait donc une propension à la décolonisation, et des administrateurs africanistes tels que Delafosse ne se faisaient déjà aucune illusion sur le destin de l’Afrique.

Il notait dans son livre « Le Broussard » (1922), à l’occasion d’une conversation avec un interlocuteur qui évoquait l’explosion d’une bombe à Hanoï, que la même chose pouvait se produire un jour en Afrique.

-       «  Nous parlions d’un événement qui avait mis en émoi l’Indochine : un Annamite quelque peu détraqué avait lancé une bombe sur un groupe d’Européens assis à la porte d’un établissement public.

-       Ce n’est pas dans votre Afrique, dis-je à mon ami Broussard, que de paisibles consommateurs, prenant le frais et l’apéritif à la terrasse d’un café, auraient à redouter l’explosion d’une bombe intempestive ?

-       Assurément non, me répondit-il, ou du moins l’instant ne semble pas encore venu d’appréhender de tels faits divers ; mais ce n’est qu’une affaire de temps. » (page 12)

 

  A la Chambre des Députés, les conquêtes ont soulevé dès l’origine l’opposition d’une partie des députés de la gauche radicale de Clemenceau et de la droite, fixées sur la ligne bleue des Vosges.

Pour caractériser la même évolution dans le temps colonial, il serait possible de recourir aux images d’un feu qui a couvé lentement, qui a provoqué un grand incendie après la deuxième guerre mondiale, mais un  incendie assez facilement circonscrit en définitive, en AOF en tout cas.

Certaines sources font état par ailleurs des discours, ou plutôt des chants des griots, les porteurs des traditions africaines, qui, dès le début de la conquête, ne manquaient pas de critiquer, de ridiculiser le « blanc » colonisateur, sans que ce dernier, le plus souvent ignorant des langues locales, ne puisse s’en apercevoir.

Il serait intéressant d’avoir, de la part des historiens africains, le résultat des travaux qui ont sans doute été effectués à partir de ces sources orales, ce que certains chercheurs baptisent du nom d’histoire « vue par le bas ».

Il s’est donc agi, beaucoup plus, d’une évolution dans le temps colonial, de la gestion d’un héritage effectivement colonial, que du résultat d’un processus de décolonisation, étant donné que les fameuses « limites » de connexion ou de déconnexion étaient posées dès l’origine.

 

Indiquons enfin pour avoir une idée des enjeux économiques et financiers coloniaux de l’AOF, et éventuellement du caractère représentatif du cas ci-dessus traité, que son commerce extérieur avec la France ne représentait guère plus de 3% en 1939.

 

Les caractères gras sont de ma responsabilité

 

La semaine prochaine, conclusions!

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10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 09:48

De l’humour turc

« Sublimes paroles et idioties » de Nasr Eddin Hodja ( Phébus)

Un échantillon

            « On aimait bien embarrasser Nasr Eddin avec des questions oiseuses, ou carrément impossibles à trancher. Un jour, on lui demande :

-       Nasr Eddin, toi qui est versé dans les sciences et les mystères, dis-nous quel est le plus utile du soleil ou de la lune.

-       La lune, sans aucun doute. Elle éclaire quand il fait noir, alors que le soleil luit quand il fait jour. » (page 40)

 

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 17:39

Ingérence de la Françafrique dans les affaires intérieures de la République Malgache

Ou pour les lecteurs qui bénéficient d’un petit ou d’un grand vernis de culture coloniale, les  nouveaux « faits accomplis coloniaux » du XXI°siècle »

 

Après Gallieni à Madagascar et Archinard à Ségou et Kankan, Guéant et Châtaignier sur le Rova (la colline royale) ?

 

            Petite définition du fait accompli: le « fait accompli » peut être défini comme un acte d’insubordination à une autorité légitime politique ou publique, par exemple d’un préfet ou d’un général à leur gouvernement légitime. Une sorte de voie de fait politique, militaire, ou administrative, en dehors de toute règle de droit, un fait qui prime tout droit.

            Dans le cas considéré, il s’agirait de la violation de traités internationaux, de la politique étrangère de la France, ou des instructions gouvernementales, s’il y en a.  

Le fait accompli de Gallieni

En 1897, le général Gallieni tira parti des délais et aléas de communication avec le gouvernement pour déposer la reine Ranavalona III, alors qu’un câble avait été posé dans le canal du Mozambique, mais il fallait encore un certain temps pour rendre compte.

Tout au long de la période des conquêtes coloniales, les officiers de marine ou des troupes de marine pratiquèrent la politique du fait accompli, en profitant des très longs délais qui étaient nécessaires pour échanger instructions et comptes rendus  entre autorités centrales, ministres et gouvernements, et autorités locales (gouverneurs ou officiers).

C’est ainsi que l’amiral Dupetit-Thouars prit possession de Tahiti, en 1843, sans en référer à son gouvernement, que le contre-amiral Rigault de Genouilly fit de même en Cochinchine, en 1859, et que le colonel Archinard prit Ségou en 1890, et Kankan, dans le fief de Samory, en 1891, dans les mêmes conditions..

Le colonel Archinard fut un grand adepte du fait accompli colonial, mais le concept de fait accompli colonial n’a jamais été clair, à partir du moment où des communications télégraphiques existaient, car avec la complicité d’un ministre du gouvernement, dans le cas d’Archinard, il s’agissait d’Etienne, le fait accompli militaire et colonial était souvent, et également  un fait accompli politique.

Et pour ramener cette problématique de la communication coloniale à celle de la guerre, il suffit de lire les analyses de Keegan sur la guerre de 1914-1918, pour prendre conscience de la fragilité de tout système de communication, qu’elle ait des causes techniques ou politiques, et donc de l’écheveau toujours complexe des lignes de commandement.

Toujours est-il que les déclarations de l’ambassadeur Châtaignier, à Antananarivo, sur la situation politique de la grande île, ressemblent fort aux fameux faits accomplis coloniaux du XIX°siècle !

De deux choses l’une :

- Ou l’ambassadeur a agi « proprio motu », et c’est de l’ingérence ou du fait accompli dans les affaires intérieures de la République malgache, à la manière Archinard,

- Ou l’ambassadeur a agi sur instruction du préfet Guéant, et cela ressort tout à fait de ce que faisaient certains ministres de la III° République, à la manière Etienne.

Et en sous-titre: est-ce que, par la voix "Chataigner" la France espère tirer les "marrons" du feu?

Jean Pierre Renaud

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 10:42

Humeur Tique : Paris Plage et Paris Neige ? Incapacité et irresponsabilité du Maire de Paris et du Préfet de Police

Pour les parisiens !

            Ce n’est pas la première fois qu’il neige à Paris, mais il y a sans doute longtemps que la météo n’avait pas annoncé des chutes de neige aussi importantes.

            Les autorités publiques ne semblent avoir pris aucune mesure de prévention et de préparation afin d’éviter le pire, sinon de façon « invisible ».

            En ce qui concerne les trottoirs, est-il possible de rappeler au maire et au préfet de police qu’il existe dans leur arsenal juridique la possibilité d’imposer aux riverains des trottoirs, et d’abord aux commerçants, une obligation de nettoiement de leur trottoir riverain, en cas de chute de neige ?

            Alors, c’est vrai qu’il est plus facile pour un maire de s’exposer à un Paris Plage qu’à un Paris Neige !

            Et en ce qui concerne le préfet de police, une incapacité égale à celle manifestée à l’occasion de l’accueil parisien de la flamme olympique chinoise, marquée par une ignorance abyssale de la culture chinoise !

            Et pour ne pas évoquer les propos consternants du ministre de l’Intérieur !

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 16:14

Madagascar et la Françafrique de l’ambassadeur de France Châtaignier

 

Il y a quelque chose de «  pourri » dans la politique étrangère de de la République Française, ou en tout cas dans les déclarations, interventions, et interférences de l’ambassadeur de France, à Madagascar, dans les affaires intérieures de cette République.

D’après Madagascar Tribune.com du 8 décembre 2010, l’ambassadeur Châtaignier aurait déclaré le 7 décembre : « Le référendum est un fait politique à considérer. », et  « Il faut reconnaître ce qui se passe lorsqu’on est dans une logique de sortie de crise ».

Si tel est bien le cas, il n’est même pas besoin d’un WikiLeaks pour connaître la politique de la France et ses secrets, et donc son immixtion dans les affaires intérieures de la République Malgache.

De deux choses l’une, ou l’ambassadeur dit et « dicte » la politique de la France, et nous sommes effectivement en pleine Françafriqiue ,

Ou cet ambassadeur outrepasse ses instructions, et la République Française doit le rappeler.

De toutes les façons, le mal est fait pour tous les Malgaches et les Français qui avaient encore quelques illusions sur la politique de la France à Madagascar, et sur la réserve qu’un ambassadeur de la France doit respecter.

Jean Pierre Renaud

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 09:20

Humeur Tique : La Côte d’Ivoire et Gbagbo, le  nouveau Napoléon

            La Côte d’Ivoire est enfin entrée dans l’histoire de France et de l’Afrique, telle est la réponse donnée par le nouveau Napoléon,  en contradicteur de tous les historiens célèbres ou non, et chercheurs de toutes catégories,  qui ont reproché à la France coloniale, et à juste titre, d’avoir longtemps, trop longtemps, enseigné à ses « enfants » des colonies la formule « nos ancêtres les Gaulois »

Enfin un grand sage d’Afrique de l’ouest qui se prévaut d’un de ses ancêtres gaulois !

Et à ceux qui reprochaient à juste titre au président Sarkozy d’avoir eu une formule malheureuse de non-culture sur l’entrée de l’Afrique dans l’histoire, le nouveau Napoléon de l’Afrique de l’ouest apporte, à sa façon, qui n’est sûrement pas la bonne, sa contribution.

Sarkozy avait en effet déclaré à Dakar, en 2007, « le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire »

Question indiscrète toutefois, est-ce que le nouveau Napoléon de Côte d’Ivoire ne bénéficierait pas déjà de la nationalité française ?

 

Elections présidentielles et connivence politico-médiatique

Plutôt fidèle des émissions de télévision publique, avec quelques « zappings » sur les chaînes privées, il est frappant de constater qu’il existe une véritable obsession « présidentielle », avec successivement, le défilé de tous les candidats socialistes, et il y en a beaucoup !.

Sur France 2, dimanche, longue interview du Xème candidat déclaré ou non  du parti socialiste aux élections de 2012, il s’agissait de François Hollande.

Après tout pourquoi pas ? Mais alors, il faut aider les Français à mieux comprendre les enjeux du siècle et obliger ces candidats à répondre sérieusement sur des sujets sérieux, tels que les ghettos urbains, l’avenir de notre protection sociale, le futur de l’école, l’enchevêtrement des structures administratives locales, la dépendance, la compétitivité internationale de la France, les délocalisations, l’euro, l’élargissement ou non de l’Union, le rôle de l’Europe dans le monde, la mondialisation, etc…

A dire la vérité, le téléspectateur a plutôt l’impression que le journaliste et le politique ne font que se mettre mutuellement en scène.

Croyez-vous sincèrement que les Français sont véritablement intéressés par les prochaines présidentielles ? Et sur le plan où les médias les situent ? La course des égos, beaucoup plus que celle des idées et des projets.

 

Le Point est-il encore un hebdomadaire d’information sérieux ? La réponse est non !

            A lire la page de couverture du numéro paru le 18 novembre 2010, la réponse est franchement non !

A lire les mots choisis pour appâter le chaland : exclusif – révélations- secret- mystère.

 

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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 15:57

Un nouveau film de Jacques Perrin

 «  L’Empire du Milieu du Sud »

Ombres chinoises, françaises, ou américaines?

 

       Nous nous faisions une joie, ma « première concubine préférée » et moi, d’aller voir la nouvelle œuvre cinématographique de Jacques Perrin, une grande joie, car au moins deux de ses films avaient réjoui à la fois notre regard et notre "intellect", « Le peuple migrateur » et « Océans », et d’autant plus, que nous semblions partager, avant spectacle, la même attirance pour ce peuple  de la péninsule indochinoise, son histoire tourmentée, sa grande culture, et ses paysages.

            Nous avions beaucoup regretté l’absence de mots, de désignation des superbes volatiles du « peuple migrateur » si superbement filmés, mais à l’occasion de son nouveau film, le réalisateur a pris sa revanche, sans avoir peur des mots, une avalanche de mots.

Il n’est pas sûr du tout que sa nouvelle cinématographie y ait vraiment gagné.

            Gare aux mots exprimés, et au moins autant, gare aux mots cachés !

            Un flux incessant de mots, et d’images, c’est vrai, souvent d’images très belles, mais noyées dans un déluge verbal qui submerge tout, une vague de mots digne d’un cyclone des mers de Chine.

            Est-ce une fiction, un documentaire géographique, un film à ambition historique ? Difficile à dire, car la seule image intellectuelle qui domine dans ce film est celle de la grandeur de l’ancienne civilisation de l’Empire d’Annam, aux prises séculaires avec des envahisseurs, chinois ou « barbares », les Français puis les Américains. Alors, me direz-vous ? Ce n’est déjà pas si mal !

            Sur ce constat, aucune objection, mais l’histoire des relations entre les « barbares » et les vietnamiens est plutôt caricaturale, avec une grande pauvreté de repères historiques rigoureux, une sorte de magma ou de méli-mélo historique, avec la guerre, toujours la guerre, et l’émergence du véritable héros de la tragédie indochinoise, le grand Hô Chi Minh, pourquoi pas ? Mais il aurait fallu peut être dire aussi qu’à partir de la guerre froide, c’est-à-dire 1949, la donne avait complètement changé.

            Des Blancs montrés en figuration ! Des ombres ! Aucun n’a été dénommé à ma connaissance, à l’exception de l’amiral Thierry d’Argenlieu, et sauf erreur, je n’ai entendu, ni les noms de de Gaulle, ni ceux de Leclerc, ou de de Lattre, lesquels initièrent la dernière phase des combats entre les « barbares » et les sujets de l’Empire du Milieu du Sud.

            Dans le flot des images et des mots, les ombres chinoises m’ont particulièrement séduit, peut-être parce qu’elles exprimaient cette fois le silence et la beauté des gens, peut-être aussi, parce qu’à mes yeux, ce film ressemble à un théâtre d’ombres chinoises, pour ne pas revenir sur l’ombre des mots.

            Et pourquoi vous cacher que cette fois, j’aurais préféré plus de silence et moins d’ombres historiques !

            Jean Pierre Renaud

Avec un premier petit codicille de ma « première concubine préférée » :

            « Un film aux commentaires pédants où la grandiloquence le dispute à la misère des mots.

            Un film qui déroule le drame de la population vietnamienne meurtrie par la colonisation française, la guerre, la scission du nord et du sud, les violences des combats contre les américains avec un enrobage d’images dignes d’un show hollywodien.

Un film à ne pas voir si l’on aime le Vietnam et ses habitants et si on a un minimum de pudeur à l’égard de ce peuple. »

Précisons que pour avoir aimé ce pays au cours d’un voyage de découverte touristique, ma « première concubine préférée » ne s’est jamais plongée dans l’histoire de ce pays.

            Et un deuxième petit codicille qui éclaire incontestablement le premier, étant donné qu’il est tiré du Canard Enchaîné (un extrait), dans la rubrique :

 Les films qu’on peut voir cette semaine (journal du 29 novembre):

            « Etrange film que cette lente méditation… Mais ce documentaire d’allure poétique peut vous perdre dans ses méandres, dignes du Mékong, car le commentaire tisse des textes littéraires, vietnamiens et occidentaux, sans citer ses sources. On ne sait pas qui parle, ni exactement ce qu’on voit, ni de quand ça date. C’est solennel et assez frustrant. »

            Donc effectivement, d’autres ombres, celles des voix !

 

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 16:15

WikiLeaks et la protection française des sources des journaux : cohérence ou pas au journal Le Monde?

 

            A lire ou à écouter les informations que les journaux écrits ou télévisés publient sur la nécessaire protection des sources d’information des médias, et donc sur les plaintes déposées auprès des tribunaux à ce sujet, et à constater ce qu’il en a été de l’exploitation par les médias, de sources privées,  dans l’affaire Bettencourt par exemple, ou aujourd’hui, à l’occasion de la publicité donnée par des journaux sérieux à des rapports secrets du Département d’Etat : il est possible de s’interroger sur le contenu, la valeur et la portée de la déontologie des médias, même supposés sérieux.

Il y a de quoi en effet être très perplexe sur ces pratiques « déontologiques », d’autant plus surprenantes que les médias français ont respecté, pour la plupart, sur des sujets d’intérêt national, et jusqu’à présent, la règle du silence, de « l’omerta », quant au respect de la vie privée d’hommes ou de femmes de la scène publique, même lorsque cette protection de la vie privée (avec des années d’écoutes privées) coûtait très cher au contribuable, en faisant référence naturellement à la double vie, « protégée » de M.Mitterrand.

Ou qu’elle faisait peser une suspicion sur la conduite des affaires publiques, en raison des fameux conflits d’intérêts dénoncés par Martin Hirsch !

Comment ne pas penser en effet sur le même sujet aux « concubinages » cachés entre journalistes et politiques, ou entre avocats et magistrats,….

Car il y aura inévitablement des dégâts, parce que l’affaire Wikileaks  entérine une déontologie relative à chaque cas : qui appréciera la nécessité démocratique de la protection légale des sources d’information ? Les tribunaux ou les journaux ?

J’avouerai que dans une affaire de cette importance, ma conscience de lecteur et de citoyen est gravement troublée.

Et je dois dire que la conclusion du débat résumé par la médiatrice du Monde (5,6/12/10) n’est pas encourageante :

« Rappelons que la charte des devoirs et droits du journaliste précise qu’il ne doit « pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ». Il est vrai qu’elle a été signée à Munich en 1971, bien avant internet. »

Les journalistes du Monde n’auraient donc pas encore découvert internet ?

Est-ce que cela ne s’appelle pas botter en touche ?

Jean Pierre Renaud

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 15:36

« Le colonialisme en question »

Frederick Cooper

Troisième partie

« Les possibilités de l’histoire » (page 205 à 311)

« Etats, empires et imaginaire politique » (page 205 à 274)

Lecture 6

 

Le discours

            « Dans ce chapitre, je montrerai que la manière dont les dirigeants des Etats-empires percevaient leur Etat et les formes prises par la contestation  politique reflétaient une « pensée en termes d’empire ». Trouver l’équilibre entre les deux pôles de l’intégration (les sujets de l’empire appartiennent à l’empire) et de la différenciation (des sujets impériaux différents sont gouvernés autrement) était affaire de débats et des stratégies changeantes. Les équilibres furent régulièrement bouleversés par les actions des populations coloniales. Loin d’être un anachronisme politique dans l’« ère moderne », cette perspective impériale vaut pour la France, la Grande Bretagne et d’autres Etats importants des XIX° et XX°siècles…

            J’affirmerai que les politiques impériales – « anciennes » et « nouvelles » – constituaient un système dans lequel tout prétendant sérieux à une influence géopolitique devait penser et agir comme un empire. (page 206)

Et avant de revenir sur le contenu de ce chapitre, allons  à la conclusion du même chapitre :

            « Le point central de ce chapitre est aussi le plus simple : jusqu’à un passé très récent, les empires ont eu une importance fondamentale dans l’histoire mondiale. Nous devons examiner en profondeur ce que signifiait pour un Etat penser comme un empire, conjuguer intégration et différenciation, affronter les problèmes liés à l’extension sur de grandes distances et reconnaître les limites du contrôle de populations nombreuses et diverses. Penser comme un empire n’était pas la même chose que penser comme un Etat-nation et, si, les conceptions territoriales et culturelles de « la nation » furent dans certains cas plus fécondes – et eurent parfois des effets dévastateurs -, l’impératif d’agir comme un Etat-empire au sein d’un système global d’Etats-empires limitait drastiquement les possibilités d’action. (page 269)

            « Le fait le plus important concernant les empires est qu’ils ont disparu. Une composante autrefois ordinaire de la vie politique est devenue une impossibilité politique. Réfléchir sur les circonstances qui ont conduit à cette impossibilité permet d'apprécier les limites du pouvoir lorsqu’il prend ses dimensions extrêmes, la capacité des peuples à trouver des niches et des fissures dans les systèmes de contrôle et de contrainte, le conservatisme des Etats les plus progressistes et l’adaptabilité de peuples soi-disant traditionnels. (page 273)

            L’analyse de ce chapitre propose une vue panoramique de la plupart des empires qu’a connus l’histoire mondiale depuis l’Antiquité et nous propose de creuser les concepts d’empire et de nation, d’Etats-empires et d’Etats-nations, et relève en ce qui concerne les empires coloniaux du dernier siècle :

« Les empires ont commis des violences parce qu’ils étaient forts et parce qu’ils étaient faibles. La tactique de la terreur –massacres à grandes échelle durant les conquêtes et, par la suite, châtiments collectifs de villages et de groupes parentaux – fut la marque distinctive de la colonisation et la caractéristique durable de ses méthodes de contrôle, qui allièrent technologies nouvelles et tactiques séculaires…

Les vieux empires durèrent des siècles, tandis que les nouveaux – les colonies africaines françaises, britanniques et belges – durèrent seulement quelques décennies. Au premier abord, les nouveaux empires disposèrent de technologies et d’organisations plus efficaces pour exercer et maintenir leur pouvoir. Ce qui frappe dans ces comparaisons, c’est l’incapacité des Etats européens « modernes » à exercer ce pouvoir en Afrique. La domination coloniale fut un empire au rabais ».  (page 210)

Dans la description qu’il fait des différentes situations impériales, l’historien fait un certain nombre d’observations qui concernent l’histoire de France :

« La France ne devint un Etat-nation qu’en 1962, lorsqu’elle renonça au dernier élément vital de sa structure impériale, l’Algérie. » (page 209)

« Les grands courants des historiographies française et britannique ont longtemps traité les colonies comme des choses situées « là-bas », marginales pour une histoire avant tout nationale, ou comme des extensions de la culture et du pouvoir nationaux. » (page 229)

« Je vais d’abord décrire la conception impériale des sociétés britannique et française…La France s’est construite à partir de Saint Domingue, des conquêtes et des pertes françaises en Amérique du Nord, de l’aventure napoléonienne, et plus tard, de l’Algérie, de l’Afrique et du Sud-Est asiatique. Et le pouvoir d’imposer des limites à ses révolutions et ses réactions ne fut pas uniquement situé à Paris. (page 230)

« Tout examen d’une société impériale doit se mener en référence à la colonisation se déroulant sur le terrain. Dans les pages qui suivent, je prendrai l’exemple de l’Empire français pour illustrer les ambiguïtés de la citoyenneté au niveau impérial, et celui de l’Empire britannique pour illustrer l’ambiguïté du lien entre impérialisme et capitalisme. » (page 232)

« Dans la société impériale française, la qualité de sujet coexistait avec la citoyenneté – catégorie accessible en théorie, mais refusée dans la pratique. La notion de citoyenneté impériale, affinée en France pendant plusieurs décennies, contenait en puissance une notion restrictive, culturellement spécifique, de la francité, et une autre notion, davantage centrée sur l’Etat et concernant les droits et les responsabilités au sein d’une société complexe. Si l’Etat pouvait avoir besoin d’invoquer la citoyenneté, il pouvait également se trouver face à des revendications pour exiger cette même citoyenneté.

Les régimes coloniaux eurent besoin de la collaboration de « notables locaux », de personnel et surtout de soldats coloniaux…

Dans les années 1920, le gouvernement français tenta d’enrayer le processus de citoyenneté en mettant en avant un autre mythe : l’empire était la réunion de cultures et de nationalités différentes, toutes placées sous l’égide impériale garantissait la paix et la préservation de la diversité des cultures et des traditions. (page 235)

L’auteur cite Alice Conklin (note 64) : « la vision dominante était que les Africains vivaient et appartenaient à des tribus primitives et distinctes.

« Un point plus important est l’ancienneté des empires sur la scène mondiale : dans les années 1870, l’Europe n’était pas une Europe d’Etats-nations, mais une Europe d’empires – de vieux empires et d’aspirants    au titre d’empire. (page 244) »

« Nous sommes maintenant face au paradoxe central de l’histoire du colonialisme, à savoir les limites rencontrées par les puissances colonisatrices ayant apparemment la plus grande capacité d’action et la plus grande confiance en leur propre pouvoir transformateur. Les administrations coloniales, y compris celles de l’Etat britannique, n’étaient pas très fournies : elles avaient besoin de légitimité et de la capacité coercitive des autorités locales pour collecter les impôts et regrouper la main-d’oeuvre, et manquaient de connaissances du terrain… La structure de la domination accentua et rigidifia l          a distinctivité des unités politiques subordonnées au sein des empires. Le colonialisme favorisa l’ethnicisation de l’Afrique ».(page 246)

« La bestialité et les humiliations qui allaient de pair avec l’incapacité des régimes coloniaux à transformer en routine le contrôle et l’autorité coexistèrent difficilement avec l’autre pôle de l’impérialisme, à savoir l’idée que l’empire était une entité politique légitime dans laquelle chacun de ses membres trouvait un intérêt…

Tant en Afrique française qu’en Afrique britannique, la Première Guerre mondiale fut suivie d’une tentative visant à faire rentrer les génies de l’appartenance impériale dans les lampes tribales… (page 249)

« Expliquer l’échec de cette entreprise (de développement) nécessite un examen non seulement de l’évolution du capitalisme durant l’après-guerre (après 1945) – et en particulier du rôle prépondérant des Etats Unis – mais aussi de l’incapacité des puissances coloniales, malgré la croissance économique considérable durant la décennie de l’après-guerre, à transformer le développement colonial en un projet politiquement durable dans les colonies africaines. «  (page 251)

« En Afrique, ce qui s’effondra en premier fut non pas le colonialisme en tant qu’édifice rigide et immuable, mais le colonialisme dans sa dimension interventionniste. (page 252)

« Cette section a examiné le domaine le mieux étudié dans la multitude de travaux récents sur les sociétés coloniales : les empires ultramarins « modernes ». L’intérêt tout particulier de ces travaux est qu’ils se sont concentrés sur la manière dont l’Europe s’est définie et a défini les espaces colonisés dans une relation mutuelle. Ils montrent comment les régimes coloniaux ont perçu les Africains comme des corps à remodeler de manière qu’ils soient intégrés au monde moderne, comme des corps porteurs d’un moi racialisé, sexué, qu’il fallait fondre dans une niche particulière de l’ordre économique et social colonial, ou comme des corps incarnations de l’altérité. » (Page 254)

L’auteur ne peut esquiver le cas de l’empire américain qu’il évoque sous le sous-titre « L’empire malgré lui : les Etats-Unis »

Enfin, le chapitre traite brièvement (quatre pages et demie) un sujet plein d’intérêt, celui des « Réseaux et imaginaires intra, trans et anti-impériaux » (page 264)

Questions

Elles seraient naturellement innombrables tant les sujets abordés sont variés, complexes, et polémiques aussi, mais nous allons nous limiter aux plus importantes, à nos yeux, en tout cas.

La première :

Il est tout d’abord très difficile de situer ce type d’analyse dans l’une ou l’autre des disciplines de pensée telles que l’histoire, la sociologie, la philosophie des idées, ou l’histoire des idées, et je serais tenté de la classer dans l’une ou l’autre de ces dernières catégories, car elle passe sous silence l’histoire classique de relation des faits (dans un contexte déterminé), ainsi que l’histoire quantitative, financière et économique, celle des quantités et flux mesurables.

Est-ce que dans beaucoup de cas « coloniaux » (français et hors Algérie), il ne s’agissait pas de grandeurs marginales ? Avec des problèmes de grandeurs comparables ou non, d’échelles aussi ? Que pesait le commerce extérieur de l’AOF par rapport au commerce extérieur français ? A quelle échelle se situait le commerce extérieur de l’Indochine par rapport à celui de l’Inde ?

La deuxième :

Colonialisme, colonisation, empires, états-empires, états-nations, tout un ensemble de concepts d’analyse brassés au cours des siècles et sur tous les continents, pourquoi pas ? Mais au risque de ne plus identifier l’objet d’une recherche historique, sa chronologie et son contexte.

L’historien compare la longévité de trois empires, ottoman, austro-hongrois, et russe à la brièveté de vie des deux empires coloniaux britannique et français, mais ces situations historiques sont- elles comparables ? Sans tenir compte de la continuité géographique et des temps historiques ? L’empire américain serait sans doute une meilleure référence avec sa course vers l’ouest et le sud, dans la même continuité territoriale.

Dans un empire intercontinental, les communications revêtaient en effet un intérêt stratégique majeur : ni « colonialisme, ni empire sans communications ».

L’historien Brunschwig  a écrit quelque part que sans télégraphe, il n’y aurait pas eu de conquête de l’Afrique occidentale.

« Les empires coloniaux des puissances de l’Europe occidentale occupent une place relativement petite dans le paysage historique. » (page 270)

Effectivement, et à beaucoup de points de vue !

A un moment donné de son analyse, l’auteur recommande aux chercheurs de ne pas oublier le terrain, mais à le lire, on a plutôt l’impression qu’il ne respecte pas lui-même  cette belle recommandation, car à la lecture de nombreux récits de conquête coloniale et d’administration coloniale, le récit colonial concret, celui du terrain, ne fonctionnait pas comme il le décrit.

 Est-ce que l’administration coloniale française, en AOF, avec ses cent dix- huit commandants de cercle (exactement, et théoriquement) a pu réellement gouverner les 50 000 villages de l’époque en appliquant les méthodes dénoncées par l’auteur ? Partout, et en tout temps, et alors qu’ils ne séjournaient que quelques années dans leurs postes ?

La troisième :

Citoyenneté de l’empire ou de la république, c’était effectivement un vrai problème, mais comment était-il possible de le résoudre en dehors des rêves fous de quelques discours parisiens de la 3ème République ? Avec des populations en grande partie paysannes, très différentes les unes des autres, en particulier selon qu’elles habitaient en forêt, sur la côte ou dans le Sahel, et selon aussi leur appartenance à l’univers musulman, animiste ou fétichiste, alors que la grande majorité de leurs membres ne connaissait pas le français, et alors qu’aucune langue locale « dominante » ne s’imposait réellement ?

La quatrième :

L’auteur constate que l’historiographie française avait tendance à considérer les colonies comme un « là-bas », mais c’était effectivement le cas, car la population française ne s’est jamais sentie concernée par ce « là-bas » colonial, sauf pendant les deux guerres mondiales, et lorsque la guerre d’Algérie a débuté. On a bien vu alors dans quel sens allait alors le peuple français.

Une analyse qui parait donc trop abstraite, trop synthétique, en dépit de la pléthore de sources sur lesquelles elle s’appuie, et j’ai envie du dire que la micro-histoire, celle du terrain n’a pas fonctionné comme la macro-histoire des idées de l’auteur. Et le distinguo conceptuel entre centre et périphérie aurait été sans doute un outil mieux adapté au sujet.

La cinquième :

De plus, et comme nous l’avons déjà relevé, il est difficile d’analyser tous ces phénomènes, leur évolution en faisant l’impasse sur le quantitatif, et les idées les plus intéressantes esquissées par l’auteur, celles de l’importance des réseaux, des connexions, appelleraient incontestablement à la fois des analyses détaillées et des évaluations, c’est-à-dire des chiffres.

Influence de la révolution d’Haïti sur les destinées de la France ? Ecrire que  « la France s’est construite à partir de Saint Domingue… «  (page 230) est une appréciation qui étonnera sans doute plus d’un lecteur !

Il serait intéressant d’en savoir plus sur l’écho que cette révolution a eu dans l’opinion des Français de l’époque, vraisemblablement peu importante, compte tenu de l’état de la « nation » naissante du début du 19°siècle.

De même, citer en références les relations transsahariennes ou transocéaniques sans jamais proposer d’évaluations de ces relations parait notoirement insuffisant.

La sixième :

L’historien porte des jugements polémiques sur les situations coloniales, pourquoi pas ?

Mais est-ce qu’il n’est pas un tant soit peu réducteur, à la fois sur le plan intellectuel et rédactionnel, d’écrire : « Le colonialisme favorisa l’ethnicisation de l’Afrique » (page 246), ou, « Tant en Afrique française qu’en Afrique britannique, la première guerre mondiale fut suivie d’une tentative visant à faire rentrer les génies de l’appartenance impériale dans les lampes tribales. »  (page249)

Le sujet mériterait beaucoup mieux, car s’il a été quelquefois, par ignorance ou par calcul politique, instrumentalisé par la puissance coloniale, il l’a été beaucoup plus ensuite par certains politiciens africains.

La septième :

Quant aux pensées que l’auteur prête aux dirigeants politiques de la France et à la société française en général,  « la vision dominante », « la société impériale française », et sa conclusion qui proposerait « ce que signifiait pour un Etat penser comme un empire », ce type de réflexion nous laisse rêveur, très rêveur.

Je fais sans doute partie des ignorants de notre histoire coloniale, mais mes recherches et mes lectures ne m’ont pas véritablement convaincu qu’il y ait jamais eu de politique coloniale ou impériale en France, que le peuple français se soit beaucoup intéressé aux colonies, et c’est peut-être là qu’était le vrai problème, alors prêter à la société impériale française un « penser comme un empire », parait tout à fait imaginaire.

Et c’est bien dommage parce que l’auteur appâte le lecteur en mettant dans le titre de ce chapitre l’imaginaire politique, alors qu’il n’y consacre que quelques pages !

L’auteur esquisse quelques réflexions sur l’existence de connexions, de réseaux transnationaux, de limites au pouvoir colonial, et c’est sur ce terrain que la réflexion et la recherche aurait pu être la plus novatrice, mais le lecteur doit rester sur sa faim.

Empires ou non, états-nations ou non, imaginaire colonial ou non, en tout cas non démontré, la colonisation française n’a pas fonctionné de la façon abstraite décrite.

&

La France et l’Afrique n’ont jamais été en mesure de relever le challenge de la citoyenneté républicaine pour de multiples raisons, dont les deux principales sont celles des deux guerres mondiales : après 1918, une France saignée à blanc qui n’avait plus les moyens de ses ambitions coloniales, pour autant qu’elle en ait eu ; après 1945, une France encore plus affaiblie, et l’arrivée des Etats Unis, de la guerre froide qui a redistribué toutes les cartes.

Est-ce que le FIDES aurait pu exister sans le plan Marshall, financé par les Etats Unis ?

Les caractères gras sont de ma responsabilité

 

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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 22:26

Humeur Tique : Jeux Olympiques d’hiver au Quatar et Lang, La Côte d’Ivoire : Lang le démocrate socialiste  chez son ami Gbagbo, démocrate et socialiste

Dernière Heure :

 

Jeux Olympiques au Quatar !   

Les Jeux Olympiques d’Hiver, en l’an 2018 ou 2022, - quelle Importance ! – auront lieu en définitive au Quatar ! Grand triomphe de l’esprit olympique !

Démocratie en Côte d’Ivoire :

 Lang au secours de son ami démocrate et socialiste? Sur le blog du  10 novembre dernier, la présence de Lang à un des meetings du socialiste et démocrate Gbagbo avait été signalée à nos aimables lecteurs.

            L’éminent socialiste avait salué chez son grand ami Gbagbo:

      " Laurent Gbagbo est le candidat du cœur. Laurent Gbagbo est le candidat de l’amitié. Laurent Gbagbo est le candidat de la fidélité », s’est exclamé Jack Lang, député PS, lors d’un meeting du président sortant, le 17 octobre à Bouaflé (centre du pays), où il avait été transporté dans l’avion privé du candidat."

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