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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 11:06

Réflexions d’un citoyen sur la politique étrangère de la France

 

L’actualité arabe met le projecteur sur la politique étrangère de la France, et il est bien dommage que les citoyens français, directement, ou par la voix de leurs représentants à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, n’aient jamais l’occasion de débattre de ces sujets, et de donner leur avis.

Chacun sait en effet qu’elle est le plus souvent entre les mains de hauts fonctionnaires, en poste à l’Elysée, plus ou moins talentueux, et à mon humble avis, trop souvent, ignorants de l’histoire des relations entre la métropole et ce qu’il était convenu d’appeler « l’empire français »

Première réflexion donc, relative au fonctionnement des pouvoirs de la Cinquième République actuelle : qui décide ? Qui porte la parole de la France ? Le Conseiller spécial du président lorsqu’il signe une tribune dans le Monde ?  Le Secrétaire Général de l’Elysée lorsqu’il donne ses instructions? L’ambassadeur de France à Madagascar lorsqu’il prit la parole, au mois de décembre, pour accréditer le discours d’un président d’une haute autorité provisoire, toujours provisoire depuis plus de deux ans, laquelle a accédé au pouvoir grâce à un coup d’Etat ?

A Madagascar, est-ce que la voix de la France n’aurait pas été plutôt, et clairement, celle de la condamnation du coup d’Etat et de son engagement déterminé en faveur d’un retour au fonctionnement normal des institutions, à la suite d’élections libres organisées sous le contrôle international, en plein accord avec les puissances régionales d’Afrique ?

Quelle image de la démocratie de notre pays donne-t-il ainsi à la jeunesse de ce pays en cautionnant un coup d’Etat, et en entretenant un rôle très ambigu de la France dans le processus actuel de retour à la « démocratie » malgache ? Mais il est vrai que la plupart des Français ne savent pas grand-chose sur Madagascar, pour autant d’ailleurs qu’ils sachent même situer la grande île sur la carte !

Deuxième réflexion de la part d’un citoyen qui dispose d’une assez bonne connaissance de notre histoire coloniale, relative au fonctionnement institutionnel de la Cinquième République très semblable à celui de la Troisième République.

En partant à la conquête de la terre entière, Jules Ferry et sa petite équipe de « colonialistes » ont incontestablement ouvert la voie pérenne des méthodes de travail de la petite équipe de notre belle Françafrique, dans le silence, la manipulation, et pourquoi ne pas le dire, dans la corruption et le mélange des genres !

Seule différence, et elle est capitale, la Chambre des Députés se saisissait alors du sujet, consacrait des séances entières au Soudan, au Tonkin, ou à Madagascar, alors qu’à ma connaissance la politique étrangère de la France dans ces anciens territoires français n’est jamais évoquée  et encore moins débattue à l’Assemblée.

Est-il nécessaire de rappeler que le gouvernement de Jules Ferry est tombé sur les affaires du Tonkin ?

Que les personnes les mieux informées nous disent quand la position de la France en Côte d’Ivoire ou à Madagascar a été l’objet de questions et de débats à l’Assemblée ? Quand l’Assemblée Nationale a-t-elle approuvé la politique de la France dans ces deux anciennes colonies ?

Et c’est là qu’est le fond du problème, étant donné que la politique étrangère de la France n’est jamais sérieusement débattue et approuvée par la représentation nationale.

Et donc en parallèle, et impunément, de grands notables français, politiques, économiques, ou universitaires, avec le concours de je ne sais quelles officines, mènent on ne sait jamais quelles missions, et au service de qui et de quoi !

Troisième réflexion, liée au débat ouvert par la tribune du groupe de diplomates « Marly », celle du positionnement de la diplomatie française dans le monde. La France n’a plus les moyens d’une grande puissance, et combien de fois faudra-t-il le répéter !

Pourquoi ne pas dire que cette diplomatie souffre des mêmes défauts qu’une certaine politique française en général, celle d’avoir des ambitions qui, depuis longtemps, ne sont plus à la portée de notre pays ? Pourquoi ne pas oser dire que notre réseau d’ambassades est surdimensionné, même si en définitive son coût global n’est pas exagéré, car il faut faire des choix : comment ne pas se poser la question de la compatibilité de ce réseau avec celui que l’Europe met en place actuellement ? Afin de résumer ma pensée, j’userais volontiers d’une maxime bien connue des temps passés, en Franche Comté, dans un langage beaucoup plus vert !

Le grand journal Le Monde n’aurait-il pas, par hasard, le même type de problème, celui de la réadaptation de son réseau mondial à ses moyens ?

Quatrième réflexion, corrélative de la précédente : est-ce que la France a su trouver les moyens d’adapter le métier d’ambassadeur à la révolution internet, à l’explosion mondiale des communications et des médias, révolutions de nature à bouleverser l’exercice du métier ?

Et la même réflexion pourrait sans doute être faite pour les métiers de souveraineté, préfectorale et justice y compris.

Cinquième réflexion, celle de l’indépendance de notre politique étrangère à l’égard de notre ami puissant, les Etats Unis, pour autant que cette indépendance puisse de toute façon exister. Il est évident, et le fait a été souligné, que le retour de la France dans l’OTAN a limité les marges de liberté que le pays pouvait avoir auparavant, mais sans en exagérer toutefois les possibilités réelles.

Sixième réflexion, un excellent spécialiste du monde arabe, M.Laurens a eu l’occasion d’exprimer une opinion tout à fait intéressante à l’émission animée par M.Elkabach à la bibliothèque Médicis, le 26 février, une opinion susceptible de consoler beaucoup d’observateurs : la diplomatie française a été, comme toutes autres, aveugle sur les événements qui allaient agiter le monde arabe, et c’est tant mieux, car au moins, ces pays ne pourront pas accuser les occidentaux d’avoir allumé les incendies démocratiques de Tunisie, d’Egypte, et d’ailleurs.

M. Elkabach avait organisé un débat très intéressant, original, parce que transversal entre un écrivain égyptien célèbre, M.Khaled Al Khamissi, le ministre actuel des Affaires étrangères d’Algérie, M. Mourad Medelci, et le professeur Laurens, spécialiste reconnu du monde arabe, dont l’objet était le devenir des révolutions arabes en cours, avec le rôle majeur de la jeunesse de tous ces pays, incontestablement une des clés de leur évolution.

Avec, en finale, le constat du tout est possible !

Comment ne pas terminer ces réflexions en regrettant que l’ambassadeur de France en Tunisie n’ait pas été rappelé illico presto dans son pays?

La France n’a pas fini de payer son verbe imprudent et impudent, comme elle a mis longtemps à payer auprès de la Chine la perte de « face » que le Préfet de Police lui a infligée à l’occasion du passage de la flamme olympique à Paris !

Jean Pierre Renaud

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26 février 2011 6 26 /02 /février /2011 15:32

Le Postcolonial ex ante ?

Le « Tiers Monde »

Sous-développement et développement

Georges Balandier

Cahier n°27

Notes de lecture 2

Le texte ci-dessous n’a pas d’autre ambition que de proposer une lecture résumée, et toujours d’actualité, d’une partie des analyses de la revue « Le Tiers Monde», avec citations des auteurs

(Notes 1 sur le blog du 11/02/11)

La mise en rapport de sociétés « différentes » et le problème du sous-développement –G.Balandier

(pages 119 à 135)

            Le rappel historique des relations entre sociétés « différentes » au cours des âges, a montré que les effets de domination ont toujours existé, à partir du moment où des sociétés fermées, immobiles, en équilibre interne supposé, sont entrées en contact avec d’autres, plus puissantes ou plus mobiles.

            A la période moderne du déclin d’un certain colonialisme, car depuis beaucoup d’autres se sont manifestés sous d’autres formes qui ne disaient pas leur nom, l’équipe Balandier  a donc porté son attention sur ce type de relations inégales, en approfondissant le concept et la situation de « sous-développement ».

            Le lecteur aura remarqué que cette analyse est effectuée en dehors de tout apriori idéologique, sur un plan que je qualifierais volontiers de technique.

            Mais il est évident que certains pourront contester, au travers de la grille des tests de sous-développement que proposait Claude Lévy dans la même revue, la notion même de sous-développement :

            Forte mortalité et notamment mortalité infantile

            Fécondité physiologique dans le mariage

            Hygiène rudimentaire

            Sous-alimentation, carences diverses

            Faible consommation d’énergie

            Forte proportion d’analphabètes

            Forte proportion de cultivateurs

            Condition inférieure de la femme

            Travail des enfants

            Faiblesse des classes moyennes

Echelle des sociétés (une collection de communautés)

I - La mise en relation des sociétés « différentes »

            « Toute société vivant en état de quasi-isolement, disposant donc intégralement de la marge de liberté que lui laisse l’adaptation au milieu qui la porte, serait toujours capable de maintenir ses points d’équilibre et d’évoluer selon sa propre « logique ». Elle aurait la possibilité de maintenir une harmonie qui lui est spécifique, puisque selon l’expression de CL.Lévi-Strauss, « elle serait, en quelque sorte, une société en tête-à-tête avec soi ». Ce n’est qu’une hypothèse. La mise en rapport intervient toujours, même entre sociétés considérées comme primitives ; elle joue en affirmant la pression des unes et en développant, au sein des autres, des discordances et des déséquilibres plus ou moins menaçants….

            On pourrait dire que la reconnaissance des problèmes du sous-développement est liée, pour une part, à la découverte de ces déséquilibres graves que crée la mise en rapport de sociétés inégales en puissance. G.F.FHudson l’affirme, en écrivant à propos des pays asiatiques : « Le véritable facteur de crise en Asie n’est pas la pauvreté sans espoir des masses – ce qui n’est pas nouveau - mais la désintégration sociale qui durant deux générations, a été le résultat des contacts entre l’Asie et l’Occident. Les études de « communautés » telles qu’elles se sont réalisées en Afrique, et surtout en Asie, ont associé en fait la prise de conscience du retard économique à l’état de « crise » conséquent aux rapports établis avec les puissances dominantes. » (page 120)

            « Mais l’aspect relationnel nous intéresse d’une autre manière, dans la mesure où il a constitué cette prise de conscience déjà évoquée. Les sociétés que nous disons « traditionnelles » ne maintiennent leur équilibre qu’à l’occasion d’une relative fermeture – ou tout au moins, à la faveur d’une activité d’échange n’opérant qu’à courte distance et dans un champ assez homogène. Il est devenu banal de constater que « le temps du monde fini » a commencé. Les déplacements de personnes, multiples et accélérés, l’animation toujours croissante de l’économie mondiale, l’efficacité accrue des communications établies par la radio, la presse et le cinéma sont parvenus à briser les frontières socio-culturelles les plus lointaines. L’exemple des nations industrielles, et à haut niveau de vie, s’impose jusqu’aux peuples les plus « périphériques » ; il suggère une modalité de l’existence qui n’aurait jamais pu être imaginée, par ces derniers, il y a moins d’un demi-siècle. La pauvreté est ancienne, mais la découverte qu’il y des remèdes à cette pauvreté est récente. C’est la constatation que fait le Dr Ambedkar à propos des populations de l’Union indienne ; et il ne manque pas de considérer l’événement comme ayant en soi une portée révolutionnaire. » (page 122)

            Les marxistes considéraient qu’au-delà de la lutte des classes, à l’intérieur des nations capitalistes, il existait une lutte des classes entre pays dominants, les impérialistes, et les pays dominés, les colonisés, mais ils ne cachaient pas que la lutte contre l’impérialisme aurait aussi pour résultat de détruire les structures socio-économiques anciennes, la condition sine qua non du progrès, notamment dans le cas de l’Union indienne

II – La nature des relations entre sociétés inégalement développées.

Balandier écartait l’explication simpliste d’après laquelle il existerait une loi naturelle d’expansion, mais posait la question de savoir si le développement des sociétés les plus avancées n’entraînait pas obligatoirement leur pression sur les sociétés les plus faibles.

Et l’auteur de citer la thèse de l’économiste S.H.Frankel quant au fonctionnement de la colonisation :

« La colonisation n’est rien de plus, ni de moins, que le procès de développement économique et social à l’échelle du macrocosme et du microcosme. »…

 « La colonisation est le procès par lequel ces structures nouvelles (économiques et sociales) sont appelées à l’émergence. » (page 125)

Il y a donc dans cette analyse une identification directe entre colonisation et croissance économique (economic growth), procès de colonisation et procès de changement structurel.

Mais Balandier souligne la nécessité de réintroduire la question des frontières des sociétés globales :

« Nous sommes ainsi conduits à introduire des considérations d’ordre spatial et des considérations d’échelle. » (page 126)

Les sociétés sous-développées ne disposent pas de de limites économiques bien défendues, et donc :

« De ces faits, nous avons la manifestation dans la politique récente de certaines sociétés « attardées », qui aspirent à se créer des frontières presque étanches à l’abri desquelles elles conserveraient la maîtrise de leur développement économique. » (page 126)

« Le fait du décalage d’échelle doit être souligné. Les sociétés les plus avancées techniquement et qui sont en même temps organisées à plus grande échelle – nations, puis fédérations et confédérations – n’entrent en rapport avec les sociétés « moins développées » que sur un pied d’inégalité ; elles tendent à inscrire ces dernières dans les limites de leur espace économique et politique. De ce point de vue, le procès de colonisation paraît révélateur : il conduit à l’aménagement d’ensembles sociaux de grandes dimensions, sur la base d’une différenciation économique et d’une inégalité entre éléments préexistants ; mais il ne fait que manifester un type de relations dont on ne saurait sous-estimer le caractère durable. (Page 127)

« Il faut maintenant revenir à une observation faite au début de l’étude : les sociétés dites développées et celles dites sous-développées, lorsqu’on les compare, apparaissent hétérogènes au plus haut degré. Ceci se comprend aisément puisque ces diverses sociétés, au cours de leur histoire, ont excellé dans des secteurs très différents de l’activité humaine ; elles révèlent toutes une avance considérable en quelque domaine et un retard en quelque autre. Les études des anthropologues, au cours des dernières décennies, se sont employées à lutter contre l’ethnocentrisme (cette habitude que nous avons de classer les sociétés en fonction de nos seuls critères) et à manifester la valeur particulière de toute société (d’une certaine manière donc les points où elle se révèle « en avance »…

« La réciprocité n’intervient que lorsque il, s’agit de sociétés situées approximativement au même niveau technico-économique. »

A l’occasion des rencontres entre sociétés inégales :

« Ce sont non seulement des rapports inégaux qui s’établissent à l’occasion de cette rencontre, mais encore des transformations importantes qui interviennent au sein du système le plus faible.

La conjonction de ces deux caractéristiques constitue une partie de la définition du sous-développement. » (page 128)

III Les problèmes que posent les relations actuelles entre « développés » et « sous-développés » (page 129)

Balandier rappelait tout d’abord un des propos de Marx dans sa préface du Capital, d’après lesquels les pays les plus avancés dans leur équipement industriel  donnaient aux pays « attardés » une image de leur avenir, et en soulignait l’ambigüité.

L’auteur relevait que :

 1) les incitations au progrès technique et économique étaient pour une large part d’ordre externe, et imposaient aux pays récepteurs une discontinuité brutale par rapport aux moyens traditionnels de production, par rapport aux relations sociales que ces derniers impliquaient.

2) ces incitations aux progrès sont plus contraignantes dans le cas des sociétés « attardées » qu’elles l’étaient, au cours des deux siècles passés, dans le cas des sociétés européennes, « une sorte «  de marche forcée » au progrès »

3) les sociétés en cours de transformation « accèdent à l’activité économique moderne à un moment où le marché mondial est structuré. On conçoit donc que la solution soit loin de dépendre d’elles-mêmes." (page 131)

4) il est nécessaire d’accorder la plus minutieuse attention aux conditions culturelles et sociales auxquelles le développement est associé.

Le développement entraîne donc des conséquences importantes sur les sociétés « attardées », mais il en également sur la nature des relations avec les pays développés, et l’auteur de citer la thèse d’un auteur américain, d’après lequel, si les Etats Unis ne peuvent concevoir de contrarier l’industrialisation des pays attardés, ils ont néanmoins le souci de maintenir leur « leadership industriel ».

« L’empire américain » de Fréderick Cooper ?

Balandier notait en conclusion :

« On comprend ainsi que le problème du sous-développement, s’il exige, pour être résolu, une transformation des structures internes, requiert tout autant un réaménagement des relations internationales. » (page 132)

Les caractères gras sont de notre responsabilité

Jean Pierre Renaud

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24 février 2011 4 24 /02 /février /2011 15:17

Mayotte, bienvenue à bord !

Mayotte, quel avenir pour le 101ème département français, à compter du 1er mars 2011 ?

            Un titre du Monde, journal du 10 février 2011, page 13 :

            « Mayotte : un mineur sans papiers affilié à la Sécurité sociale ;

            Une juridiction contraint l’Etat à prendre en charge les soins aux immigrés clandestins. »

            Il s’agit d’une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de Mayotte du 17 décembre 2010.

            Et l’article de préciser : « Le mineur, aujourd’hui âgé de 10 ans, est originaire de l’archipel des Comores, comme la plupart des immigrés sans papiers qui débarquent sur l’île à bord d’embarcations de fortune. Un nombre qui a crû au fil des ans, puisqu’on estime que les clandestins représentent environ un tiers des 186 000 habitants de Mayotte. »

            Seul hic, Mayotte n’est pas Bahreïn, alors que la densité de sa population est déjà la moitié de celle de la riche Bahreïn, de l’ordre de 500 habitants au kilomètre carré, au lieu de   1 000 dans cette île du golfe Persique, autrement plus riche ! Avec une proportion importante d’accouchements, à Mayotte, de femmes « sans - papiers » venues des autres îles des Comores!

            Et pour l’instant, la seule rente sur laquelle peut compter Mayotte est celle de l’Etat français, c’est-à-dire de ses contribuables, ou celle de sa « démographie », et non celle du pétrole !

            Qui aura le courage politique de reconnaître que, sans modifier en profondeur nos règles de droit, le nouveau département court à la catastrophe ?

            Est-ce que M.Bayrou n’avait pas en tête quelque chose de voisin, dans une déclaration qu’il aurait faite en 2007, à Saint Denis de la Réunion : une «  nationalité française qui ne soit plus automatique » ?

Jean Pierre Renaud

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 10:25

DSK, l’invité du Journal de 20 heures à France 2, le 20 février 2011 : un journal consternant !

           

Consternante et désespérante, cette interview sur notre chaîne publique, beaucoup plus mondaine  que citoyenne !

Dans la ligne des échanges de sourires, de paroles qui marquent généralement  les interviews d’acteurs ou d’actrices de cinéma.

            Que de contorsions physiques, verbales, et médiatiques, un journaliste à l’affût, épaules droites ou en oblique, corps et regards en mouvement, en empathie conquérante et désir de séduction, pour croire qu’on va pouvoir confesser l’invité, le Directeur du FMI, être donc le journaliste du scoop du « siècle »!

Ils en rêvent tous, chaque jour !

            Tout cela est bien dommage, car les téléspectateurs auraient pu avoir l’occasion d’entendre le responsable du FMI  leur expliquer, de façon pédagogique, les enjeux financiers, économiques et sociaux du monde actuel, et présenter les solutions qu’il propose pour notre pays, l’Europe, et la planète.

            Car un des problèmes de fond posé à notre pays n’est pas celui de savoir qui va être le nouveau président, dans un contexte international où ses pouvoirs d’initiative sont de plus en plus réduits face à l’Europe et au monde, mais quelle France est encore possible et jouable dans le nouveau monde, car de cela beaucoup de Français n’en n’ont pas une claire et bonne perception.

            Et pour ce faire, la France a besoin de beaucoup de pédagogie ! Car les enjeux de pouvoir se trouvent aujourd’hui à Bruxelles, New York, ou Pékin, plus qu’à Paris !

            Et pourquoi ne pas dire, en cohérence avec ce propos, que le responsable actuel du FMI est beaucoup plus utile dans ses fonctions actuelles que dans le «  petit quartier » français de ce monde nouveau, si les idées que lui prêtent à loisir ses supporters et thuriféraires sont effectivement les siennes.

Jean Pierre Renaud

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 10:36

Very Cold Trip: un film finlandais

de Dome Karukoski

Very, very, too very cold trip indeed!

 

            Les lecteurs du blog ont l’occasion de lire, de temps en temps, un écho sur un film vu, généralement un film choisi pour son dépaysement géographique et culturel.

            Je suis donc parti à la découverte cinématographique de la Finlande exotique, théoriquement bien disposé intellectuellement par la lecture des livres pleins d’humour d’Arto Paasilinna,  notamment « Le lièvre de Vatanen », mais j’avouerai tout de suite que l’humour de ce film, s’il en contient quelque brin, ce dont je ne suis pas sûr, risque peu de mettre en danger le lièvre de Vatanen.

Very Cold Trip donc, un film plus que glacial, de la nuit polaire et de la neige plein les yeux, avec toutefois de beaux scintillements des lumières des cités, avec des explosions continuelles de farces et attrapes, ou d’invraisemblances.

Pour une fois, pas du tout d’accord avec la critique cinématographique souvent juste du Canard qui classait le film dans la catégorie des films qu’on peut voir, et concluait même «  Mission comique impossible : accomplie ! »

 Pour moi, mission annulée ! Ce film n’a pas de quoi, vraiment, de quoi vous prendre, même aux tripes !

Une histoire à dormir debout ou assis dans un fauteuil de cinéma, à condition qu’il soit confortable !

Jean Pierre Renaud

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 09:13

Justice, « Plein Com, Plein Pot »! Pauvre Justice Française !

 

            L’actualité récente a mis en lumière les raisons de la crise profonde de la Justice Française, d’abord la misère des moyens, et en même temps, l’avalanche des lois – à peine lue, une autre la remplace ou la complète ! – mais d’autres causes, souvent clandestines, celles-là, empoisonnent le quotidien des juges, en tout cas dans les grandes juridictions, « le plein com plein pot »  des ministres, de leurs cabinets, et des hiérarchies judiciaires placées sous leurs ordres.

            Beaucoup de magistrats passent plus de temps à faire des compte -rendus à leur hiérarchie qu’à traiter leurs dossiers, car les autorités veulent toujours plus de com et toujours plus de servilité de la part des magistrats.

            « Le plein pot plein com » s’est saisi de la machine judiciaire !

Il a pour résultat, au mieux, de développer un esprit de résistance tout à fait  légitime, et au pire, de développer au sein d’autorités judiciaires chargées de poursuivre les actes de harcèlement moral des comportements de harcèlement professionnel et moral qui prospèrent dans un climat de servilité de plus en plus répandu.

            Il est difficile de ne pas être frappé par la place qu’occupe aujourd’hui dans la haute fonction publique l’avidité du « toujours plus » d'argent et de pouvoir, et la servilité du « toujours moins » de dignité, étrangers à l’esprit de service public qui a longtemps fait la force de notre administration.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 17:43

Humeur Tique : les jurys populaires de Sarkozy – le nuage de verre de LVMH dans le nuage de passe-droit de l’Assemblée Nationale

Les jurys populaires de Sarkozy

 Est-il vraiment sérieux de proposer l’institution, toutes autres affaires cessantes, naturellement, de jurys populaires dans les tribunaux correctionnels ?

            Alors que le ministère de la Justice est déjà incapable de payer régulièrement tous ses personnels vacataires, et que le budget de la justice française occupe une des dernières places de la justice européenne !

            Et qu’au surplus, l’Etat n’a pas encore fait connaître le coût de cette belle opération « .com » !

 

Le nuage de verre de la fondation LVMH dans le nuage de passe-droit de l’Assemblée Nationale ! (voir blog du 8/02/11)

D’après le Monde du 17 février 2011 : « L’amendement de quatre lignes a été glissé à 22 heures 30, ce mardi 15 février. Les députés achevaient la discussion d’une proposition de loi sur le prix du livre numérique….Puis vint cet amendement abscons, traitant, semble-t-il de la délivrance d’un permis de construire accordé à paris, sujet largement étranger à ce qui précédait…

En moins de trois minutes, sans même que les auteurs prennent la peine d’en expliquer le contenu, les députés approuvaient ce texte commun qui derrière un habillage impersonnel, déclarait d’utilité publique la Fondation Louis Vuitton pour l’art contemporain. Ils passaient ainsi outre une décision de la justice administrative qui venait d’annuler le permis de construire du bâtiment dans le bois de Boulogne. »

Un amendement de « connivence », de « consensus », ou de « collusion », au choix, de MM Gaymard (UMP Savoie) et Rongement (PS Ile et Vilaine) !

Un amendement de collision juridique  aussi !

Etant donné que la procédure juridique fixée par les textes attribue ce pouvoir de reconnaissance de l’utilité publique au pouvoir Exécutif, par décret en Conseil d’Etat, donc sous le contrôle de cette haute assemblée !

L’Assemblée Nationale ne sortira pas grandie de son nuage de passe-droit !

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 10:29

Le paradis fiscal du Nouveau Centre !

Indépendance des Centristes ou crédibilité politique des discours centristes ?

Un article très intéressant sur DirectMatin du 2 février 2011 (page 13), intitulé :

Comment les partis du centre  se financent ?

 

            « Liberté de parole et de proposition », comme l’a déclaré M.Boorlo, président du Parti radical, alors que son petit parti ne pourrait quasiment pas exister sans le financement de l’UMP ?

            En 2009, « le PR est sous perfusion financière de l’UMP à hauteur de 77% ». (budget PR = 1,3million)

            Deux petits partis, le Parti chrétien démocrate de Mme Boutin, et la Gauche moderne de M.Bockel émargent auprès de l’UMP pour le tiers de leur budget, c’est déjà beaucoup mieux, mais avec un nombre faible d’adhérents.

Le Nouveau Centre a un financement théoriquement autonome, mais tout à fait exotique, et en définitive étrange : grâce à un montage avec un petit parti tahitien et à un régime juridique différent de celui de la métropole, il a pu recevoir une contribution de 1,4 million.

Et comme l’indique le même article : « un montage qui est légal mais qui contourne « l’esprit de la loi ».

Il vaut donc mieux que le Nouveau Centre ait un discours discret, le plus discret possible sur le financement des partis politiques, et sur son indépendance..

Conclusion, le seul parti centriste indépendant financièrement est le Modem de M.Bayrou, avec une réserve qui n’a pas été levée à notre connaissance, celle d’un trésorier, actuellement ministre de la Justice de M.Sarkozy.

Les quatre autres partis « centristes » ont donc toutes les caractéristiques des petits partis politiques de la Cinquième République qui ont servi de plastrons au parti  « gaulliste » dominant, pour autant que cette appellation « gaulliste » ait conservé, après Pompidou, son sens originel.

Dans les années 1970, le Centre Démocratie et Progrès (CDP) de la troïka Fontanet, Duhamel, Pleven, en a été une des illustrations, avec pour trésorier un certain Antoine Veil, époux de Mme Veil. En faisaient, entre autres, partie, les Méhaignerie, Barrot et Stasi…

Jean Pierre Renaud

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 09:25

Humeur Tique : Football et salaires faramineux, Eva Joly et DSK aux présidentielles, déontologie au ministère de la Justice ?

 

Football, traders et CAC 40 : beaucoup de citoyens, modestes salariés, quand ils ne sont pas chômeurs, sont stupéfaits par le montant faramineux des salaires, primes, contrats ou autres friandises que gagnent les joueurs internationaux de foot.

            Ils soutiennent bien la comparaison avec les rémunérations de PDG de grandes sociétés ou des traders qui alimentent la chronique quotidienne.

            Dans Libé des 12 et 13 février 2011, dernière page consacrée au joueur Sagna, à Arsenal : « malgré l’insistance du fiston émargeant à plus de 200 000 euros par mois (ce qui est correct sans plus pour un joueur international) en Premier League – note modestement le journaliste ! – sa mère est toujours employée de mairie dans les écoles et son père monteur ajusteur chez MC technologies… »

            Tout est dans la manière ! Eva Joly et DSK

            DSK fait dans le soft silence présidentiel, l’allusif, l’indirect… Il laisse faire le boulot de communicant par son écurie qui croît de plus en plus au destin de l’imam caché, et plus récemment par son épouse. Il serait donc le meilleur candidat du PS, même s’il n’a pas encore manifesté ses intentions !

            Eva Joly applique elle la maxime d’près laquelle on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et elle a donc déclaré au « Grand Jury RTL – LCI – Le Figaro » : Que les choses soient claires, Nicolas  Hulot est le bienvenu. Nous sommes deux candidats de valeur, il y abondance de biens, je pense que nos débats seront intéressants pour le public. »

            En citant cette intervention, le Figaro du 14/02/11, page 4 a commis un lapsus révélateur peut-être dans le titre : « Joly : « Nous sommes deux candidats de valeurs. »

            Alors valeur ou valeurs ?

            Et dans le même numéro de ce journal : à quel degré de déchéance est tombée la déontologie du ministère la Justice ? !

            « Laetitia, l’Inspection souligne une succession d’erreurs…

            Le rapport de l’Inspection générale des services judiciaires parvenu sur le bureau du ministre, que s’est procuré Le Figaro, révèle que… »

            Fin de citation !

            Alors chers petits français, même Le Monde n’aura plus besoin d’un Wikileaks dans notre beau pays ! Nous avons déjà ce qu’il nous faut en matière de violation, et du secret de l’’instruction, et de la déontologie politique, judicaire, et journalistique !

 

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 16:30

  Le Post-colonial ex ante?

Le Tiers Monde

Avant-propos

De nos jours, certains chercheurs, des deux rives de la Méditerranée ou de l’Atlantique, feignent d’ignorer les leçons historiques du passé, et donnent la préférence à un passé composé, trop souvent « recomposé », jonglant à travers les époques, les concepts, les histoires d’en haut, d’en bas, ou d’à côté.

On ne peut qu’être méfiant, très méfiant, à l’écart du tout médiatique, et des goûts du jour, aujourd’hui plutôt humanitaristes, avant qu’une nouvelle mode historique ne vienne les chambouler.

Le texte qui suit, est consacré à l’analyse du contenu d’une revue intitulée « Le Tiers Monde », publiée en 1956, portant sur la problématique et la thérapeutique tout à fait bien posée du développement de pays qualifiés au choix, et selon les dates, de sous-développés, d’attardés, aujourd’hui d’émergents.

Le lecteur constatera que les analyses de l’équipe Balandier allaient bien au-delà de celles dont fait état, notamment, Fredrick Cooper.

Le blog publiera trois contributions successives sur ce sujet, dont la première ci-dessous.

Le « Tiers Monde »

Sous-développement et développement

Ouvrage réalisé sous la direction de Georges Balandier

Préface d’Alfred Sauvy

INED - Cahier 27 – 1956

Notes de lecture

Notes 1

           

            Le blog a publié une série de notes de lecture consacrées à deux livres, “L’orientalisme” d’Edward Said, (sur le blog du 20 octobre 2010) et « Le colonialisme en question » de Frederick Cooper, ouvrages souvent mis en avant pour démontrer toute la vitalité du « postcolonial ».

Comme nous l’avons vu, ce dernier livre cite les travaux de Georges Balandier, en faisant référence à son concept de « situation coloniale ».

Nous avons proposé une lecture historique et stratégique de ce concept, mais l’analyse des thèses de Frederick Cooper, souvent très abstraite, nous a incité à revenir à certains fondamentaux de la connaissance « coloniale » qui existaient déjà dans les années 1950, dans les travaux de l’INED et de Balandier, et notamment dans le Cahier N°27.

La publication de cette revue venait au terme de la période coloniale française, d’un « colonialisme » en déclin, « le jumeau malfaisant des Lumières » d’après Cooper, et il parait donc intéressant d’examiner les réflexions, analyses, et propositions de l’équipe de chercheurs qu’animait Georges Balandier, dans ce contexte encore « colonialiste »..

La revue comprenait 380 pages, avec une préface Sauvy, une introduction Balandier (13 à 21), une première partie consacrée à la « Reconnaissance du problème » (de 23 à 135), une deuxième partie intitulée « Analyse du problème » (135 à 225) , et une troisième partie intitulée » Recherche d’une solution » (225 à 369).

Certaines de ses contributions avaient un contenu très technique, lié à l’évolution de la démographie et de l’investissement, mais nous nous intéresserons d’abord aux trois textes proposés par Balandier, le premier « La mise en rapport des sociétés « différentes » et le problème du sous-développement » (119 à 135), le deuxième « Le contexte socio-culturel et le coût social du progrès » (289 à 305), et le troisième « Brèves remarques pour conclure » ( 369 à 381).

La préface Sauvy - En démographe compétent et convaincu, Sauvy soulignait les problèmes que soulevaient les grandes divergences d’évolution entre la démographie favorisée par le progrès des soins et de la médecine, et le développement économique.

Il se posait une des bonnes questions de base :

« Devant ces risques (destructions, dislocations social, le coût social décrit par Balandier), certains se demandent s’il y a vraiment lieu de rechercher, à toute force, ce développement meurtrier et s’il ne vaudrait pas mieux les choses évoluer, sans rien précipiter. « Des différences de civilisation n’ont-elles pas existé, depuis des milliers d’année, disent-ils ? Or, les dommages n’ont guère résulté que des interventions qui s’exerçaient sur elles. Laissons donc chacun suivre son chemin. » (page 10)

L’introduction Balandier - Balandier soulignait que le Cahier 27 était le fruit d’un travail de recherche interdisciplinaire sur le sous-développement, d’« une œuvre collective », d’«une approche totale ».

Balandier notait que ce type de recherche était difficile, pour au moins deux raisons, le manque de statistiques fiables disponibles et la notion même du sous-développement, qu’on ne pouvait aborder uniquement sous l’angle économique.

Il recommandait de rester sur ses gardes quant à « deux sortes de sollicitations ».

« On envisage les pays économiquement « attardés » plus en fonction des caractéristiques internes que des types de rapports qu’ils entretiennent avec l’extérieur. C’est méconnaître ce sur quoi leurs peuples révoltés insistent le plus : les « effets de domination » subis, le sentiment d’une dépendance économique qui peut rendre illusoire la liberté politique retrouvée….

La seconde tentation est celle qui consiste à envisager toutes les questions en fonction de notre expérience, de notre passé, de nos préférences. Elle implique un jugement de valeur, qui nous est évidemment favorable, et relève de cette tradition d’ethnocentrisme des Occidentaux que les anthropologues (R.Linton) se sont attachés à dénoncer. » (page 16)

« Nous avons choisi d’analyser les problèmes majeurs qui s’imposent à toute réflexion envisageant l’avenir des pays économiquement « attardés ». Les résultats obtenus sont applicables, de manière concrète, à chacun de ces derniers. » (page 17)

Dans la première partie « Reconnaissance du problème », Jacques Mallet brossait « L’arrière-plan historique » du problème examiné.

Il notait dès le départ :

« Mais le phénomène lui-même, la solidarité de fait entre « civilisation » et « barbarie » (pour employer des termes sommaires, mais commodes) a constamment existé. Une esquisse, même rapide, d’histoire économique et sociale, abordée dans cette perspective, peut nous en convaincre : directement ou non, les pays-sous-développés ont joué un rôle dans l’économie mondiale de leur époque ; l’équilibre du monde, à tout moment de l’Histoire, ne peut être compris si l’on néglige leurs rapports avec les régions plus évoluées. Seule la forme de ces rapports a varié, selon le degré d’évolution des deux facteurs et les conditions générales de l’époque considérée. » (page 23)

« Le système colonial »

« Le système colonial, aujourd’hui stigmatisé sous le nom du « colonialisme » a étendu son emprise pendant plus d’un siècle sur un bon tiers du globe. Il s’est assujetti près de 700 millions d’hommes sur une population mondiale de 2 milliards d’habitants). Il n’est donc pas sans intérêt d’en rappeler les caractéristiques et d’en décrire les formes les plus répandues…

La domination de la métropole se manifeste à la fois sur le plan politique et économique…Il convient aussitôt d’ajouter que la colonisation offre des visages très divers, selon les territoires et leur degré d’évolution, selon les tempéraments, les traditions des colonisateurs… Cartésien, légiste et démocrate, le Français est imbu, non de supériorité raciale, mais d’universalisme culturel. La pente naturelle de son esprit l’incline vers une assimilation de l’indigène, sous l’égide d’une administration directe…(page 36) »

L’historien décrivait l’évolution de l’opinion du « public cultivé », les questions qu’il se pose quant à la valeur de sa propre civilisation :

« Les historiens de la colonisation font connaître au public cultivé tout ce qu’il ignorait ou ne voulait pas savoir : les abus de tous ordres qui l’ont accompagnée. Et si les Britanniques restent à peu près imperméables à de telles considérations, si la majorité des Français conservent sur ce point « bonne conscience », une sorte de « complexe de culpabilité » apparaît chez beaucoup d’intellectuels, socialistes ou chrétiens. De la colonisation, ils ne voient plus que la face d’ombre. Le voyage au Congo d’André Gide reflète assez bien cet état d’esprit, nourri des principes mêmes sur lesquels avait prétendu se fonder l’entreprise coloniale. » (page 41)

« Ainsi les Empires demeurent-ils assez solides pour traverser sans trop de mal – en s’entourant de barrières douanières- la grande crise de 1929. Les marchés coloniaux permettent d’atténuer ses effets sur l’économie britannique et française. A la vielle de la guerre, l’esprit « colonial » semble avoir retrouvé toute sa vigueur. C’est alors que le mot Empire se répand dans l’opinion française. Les colonies se serrent autour de leur métropole. On eût dit que rien ne s’était passé depuis 1913.

Les méthodes nouvelles. Mais ce n’était là qu’illusion : les Empires débordés, de toutes parts, sont investis, battus en brèche. (page 43)

«  Une première conclusion s’impose d’ores et déjà : c’est l’universalité du fait colonial et de sa permanence. Celui-ci n’est pas lié à une époque, pas davantage à un système économique. (Lénine l’avait reconnu).

« En fait, remarque M.G.Le Brun Keris, le problème colonial dépasse largement la situation du même nom, il se pose partout où s’affrontent des populations d’âge économique et culturel différent… Si bien que la forme de leur rencontre –colonisation avouée, colonisation occulte, ou même apparente égalité, a moins d’importance que cette rencontre elle-même. Celle-ci partout où elle se produit crée la situation coloniale, fût-ce au détriment de peuples prétendus indépendants. » La crise actuelle de la colonisation n’annonce donc en rien la disparition des « effets de domination » décrits par F.Perroux. Car « la vraie question coloniale », note encore G. Le Brun Kéris, c’est un monde occidental dont le niveau de vie jusque dans ses classes les plus déshéritées est cinq fois supérieur à celui des autres continents. C’est surtout que les peuples défavorisés ont conscience de ce dénivellement. Fait capital : il domine la période contemporaine. » (page 45)

« Il est singulièrement grave de constater que les rapports entre la race blanche et les peuples de couleur recouvrent pratiquement les relations entre pays modernes et pays arriérés. » (page 46)

L’historien citait les propos de M.Bennabi dans son livre « Vocation de l’Islam » : « on ne colonise que ce qui est colonisable : Rome a conquis la Grèce, mais ne l’a pas colonisée, l’Angleterre a conquis l’Irlande, mais ne l’a  pas colonisée. » Page 48)

Commentaire :

-       L’ensemble des citations ci-dessus montre donc que les chercheurs des années 1950 avaient une vision historique du passé colonial qui n’a pas vraiment changé depuis, parce qu’elle était très lucide.

-       En « banalisant » le colonial historique, en le « réduisant » à ses effets séculaires de domination, l’analyse historique mettait le doigt sur le point sensible, celui des relations existant entre peuples différents, à des âges différents, les uns dominants, les autres « subordonnés » : elle s’interrogeait donc à la fois sur le diagnostic qu’il était possible de faire dans les années 1950 sur ces relations entre pays qualifiés de « modernes » et pays qualifiés d’« arriérés", sur la nature du sous-développement et des solutions proposées pour le réduire, pour autant que l’on choisisse la voie du « progrès ».

« La grande tâche du XX° siècle, disait F.Perroux, sera celle de la combinaison pacifique et féconde des inégalités entre groupes humains. » (page 55)

Commentaire :

            L’histoire récente montre que les choses ont bien avancé depuis, en Asie et en Amérique du Sud, mais pas beaucoup en Afrique.

Dans cette première partie, figuraient également un article intitulé « L’approche actuelle du problème du sous-développement » par F.T., un autre signé H.Deschamps, intitulé « Liquidation du colonialisme et nouvelle politique des puissances », et enfin un dernier article dont le titre était « La valeur de la différenciation raciale » de J.Sutter.

Cette dernière contribution mettait naturellement un point final à la fameuse querelle pseudo-scientifique de la supériorité de telle ou telle race qui avait animé depuis trop longtemps déjà,  le monde intellectuel et politique.

A lire ces analyses et à en comparer le contenu avec celui du livre « Le colonialisme en question » de Fréderick Cooper, il est donc possible, et encore plus, de se poser une fois de plus la question de la valeur ajoutée de ce livre.

Les caractères gras sont de notre responsabilité

Jean Pierre Renaud

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