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19 mai 2020 2 19 /05 /mai /2020 15:05

Le grand emprunt de redressement national de 100 milliards d'euros

        Cette proposition a été faite sur ce blog le 25 avril dernier. La France a les moyens de remettre d'aplomb  son système de santé, sans en laisser le soin aux institutions européennes pour au moins deux raisons :
       - Les Français ont le devoir civique de prêter l'argent  qui dort dans leurs tirelires du Livret A.
       - "La fraude sociale, c'est 30 milliards d'euros par an" d'après Charles Prats, ancien magistrat de la Délégation nationale de la lutte contre la fraude, aujourd'hui délégué de l'APM : il estime que 2,5 millions d'individus "fantômes" bénéficieraient de 30 milliards de prestations sociales indues.
              Il  y a donc du grain à moudre !
                  JPR    MCRV
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18 mai 2020 1 18 /05 /mai /2020 09:29

Déposition du général Gracieux,  Audience du 19 mai 1962 (page345)

            Le nom du général Gracieux me rappelle évidemment deux souvenirs :

     - l’Opération Jumelles en Petite et Grande  Kabylie, au cours de l’été 1959 : il commandait les troupes de cette grande opération et après le parachutage de ses hommes, il avait implanté son PC à la cote 1621, eu dessus de la forêt d’Akfadou qui jouxtait la SAS de Vieux Marché, sur un des contreforts du massif de Djurdjura. - Cette grande opération fut un des succès militaires de la pacification, J’ai déjà rappelé ce souvenir plus haut.

            - le témoignage des officiers de Chasseurs Alpins qui furent invités à un briefing du général Crépin Commandant en Chef, le  14 ou 15 juillet 1960, en mission d’inspection dans mon secteur militaire.

            Les échos de son passage laissaient croire encore aux officiers que la France continuait à défendre ses couleurs en Algérie.

&

       M. le général Gracieux. – «  Les liens qui m’attachent au général Salan sont en effet très anciens. J’ai connu le le général Salan en 1937, au ministère des Colonies. Je l’ai connu ensuite à Dakar en 1941-1942, à Alger en 1943, et c’est à partir de 1944 que ma carrière s’est faite, si je puis dire, à l’ombre de celle du général Salan et sous sa houlette.

            En 1944 en effet, je suis parti comme chef d’état- major du 6°R.T.F que commandait le général Salan, régiment formé en Algérie, mixte, Sénégalais et en grande partie un personnel pris parmi les réservistes de l’Afrique du Nord, d’Algérie particulièrement.

            Le colonel Salan, si en tant qu’inférieur, je puis me permettre de le juger, a été un chef de corps remarquable en tant que conducteur d’hommes. Je puis dire que nous l’aurions suivi n’importe où et de fait je pense que nous l’avons suivi dans beaucoup d’endroits. Je voudrais y insister, quand je dis nous, je je ne parle pas des officiers de l’état-major seulement, je parle de tout son régiment. Le colonel Salan était réputé, soit dans les périodes d’action, soit dans les périodes de repos, pour être au plus près de la troupe, sans aucun geste théâtral, sans aucun geste de démagogie, mais toujours présent là où il fallait. »

            Le témoin expose comment sa carrière a été liée souvent à celle du général Salan et qu’il l’a toujours vu tant en Indochine qu’ailleurs attaché à rester dans le cadre des directives qui lui étaient  données.

            M. le général Gracieux – « Du moment qu’il estimait ne plus pouvoir servir en Indochine, il a demandé sa relève, je l’ai suivi d’ailleurs, et il est totalement rentré dans le rang, sans faire, je pense, absolument  aucune objection spectaculaire ou aucun geste contre la discipline.

            Après avoir servi en métropole en dehors du général Salan, je l’ai retrouvé en Algérie, où j’ai servi sous ses ordres en 1957 et 1958, jusqu’au moment où il est rentré en métropole.

            En 1957, j’ai fait un séjour comme adjoint  de corps d’armée, et  ensuite comme adjoint de la 9ème Division parachutiste. En 1958, je commandais une zone, la zone d’Orléansville, et à cette époque j’ai eu évidemment de fréquents contacts avec le général Salan, j’ai eu l’occasion de vivre toute la période du 13 mai, et  j’ai donc eu aussi, en 1957-1958, l’occasion de voir ce que je peux appeler l’engagement total de l’armée en Algérie, engagement total dans le domaine de la lutte contre les fellaghas et dans le domaine de la pacification.

            On a dit beaucoup de choses sur le 13 mai et  la période qui a suivi. On a surtout beaucoup parlé d’Alger, des manifestations de masse sur le forum. Je  voudrais, moi, parler de ce qui s’est passé dans le bled. Je pense en effet que lorsqu’on cherche les mobiles de ce qui a pu faire agir le général Salan, c’est un problème extrêmement important ; je pense même que c’est le problème numéro un, et que c’est le cas de conscience dont on a tant parlé pour beaucoup de colonels en Algérie. Le  général Salan devait se le poser en premier, puisqu’il avait été le chef suprême à l’époque.

            On a tendance depuis quelque temps, à faire passer ce mouvement  d’émotion de 1958 comme une erreur monumentale ou comme une gigantesque mascarade. Sous la foi du serment, je peux assurer qu’il y a eu vraiment de la part des masses musulmanes un mouvement d’espoir et de confiance totale envers la France.

            En résumé, connaissant  le général Salan et  l’aimant comme le chef qu’il a toujours été pour moi, j’estime que le mobile de ses actes est un mobile noble, et  absolument pas, comme on a voulu le dire aussi, un mobile d’esprit d’aventure et d’ambition. »  (pages 345, 346)

&

Déposition du général Valluy  Audience du 17 mai 1962 (page 85)

        Camarade de promotion de Saint Cyr, le général Valluy eut maintes occasions de servir sur les mêmes théâtres d’opérations que le général Salan.

      M. le Général Valluy – «  Lorsque j’évoque le 13 mai, tout cela est si peu en correspondance avec son sort actuel qu’il nous faut découvrir le choc extérieur qui a, à un moment donné, bouleversé cet homme et qui a fait de lui le chef d’une organisation secrète.

     Sentiment de frustration ? Au cours de notre dernier et bref entretien qui date déjà de plus de deux ans, j’avais eu, en effet le sentiment d’une grande amertume que j’ai retrouvée, du reste, neuf mois après chez le général Challe et pour les mêmes raisons, l’amertume de bons ouvriers experts et consciencieux qui n’ont pas pu, qu’on n’a pas laissés achever leur besogne, cette pacification qu’ils avaient si bien commencée.

     Frustration individuelle, personnelle ?...

    Non le général Salan a, en soldat, comme la plupart d’entre nous, éprouvé cette révolte naturelle qui, à un moment donné, s’est extériorisée en France contre les perspectives d’abandon d’une fraction du sol national et des gens européens ou musulmans qui y habitaient… » (page 186)

&

Juillet 1960 : les flottements de la politique du Général de Gaulle : Algérie Française ou largage ?

Guerre d’Algérie

Souvenirs personnels de juillet 1960

            Après l’Ecole Militaire de Saint Maixent d’octobre 1958 à mars 1959, je fus affecté dans les SAS. Je rejoignis la SAS de Vieux Marché (arrondissement de Sidi Aïch) en avril 1959, une SAS « pourrie » dans le douar « pourri » des Béni Oughlis, en Petite Kabylie, dans la belle vallée de la Soummam.

            Après la grande opération Jumelles, la pacification avait battu son plein, la paix civile était quasiment revenue dans le douar, et j’avais la possibilité de me rendre à pied dans tous les villages de la SAS avec mon seul garde du corps, un ancien fel formidable.

            La situation politique semblait complètement retournée.

            En septembre 1959, le Général avait pris l’engagement d’un référendum d’autodétermination avec trois options, 

            Ce référendum avait commencé à troubler le monde des officiers de même que celui des pieds noirs, d’autant plus que l’on connaissait l’existence de pourparlers secrets avec le FLN.

            Le climat politique avait changé et beaucoup d’officiers se posaient des questions sur la politique du Général, d’autant plus qu’à la fois le général et son entourage continuaient à prodiguer leurs encouragements à l’armée française en Algérie.

            Sur le terrain, j’ai moi-même eu des échos très précis sur les consignes que le général Crépin, Commandant en Chef, donna aux officiers présents de mon secteur militaire, lors de sa tournée d’inspection de juillet 1960.

            Le général Crépin avait été nommé en remplacement du général Massu Commandant en Chef de l’Armée en Algérie le 25 janvier 1960.

                        Chemini, le 15 juillet 1960

            « … Je rentre de la popote. C’est vraiment dramatique !

            Longue discussion à la suite de la visite du général Crépin, Commandant en Chef en Algérie. … il a dit à peu près ceci (propos répétés).

            Alors ces villages ! Lesquels sont pour vous, lesquels sont contre vous ?

            Nous ne savons pas. La plupart continuent sans doute de payer les fellouzes.

            Qu’est-ce que vous attendez pour descendre ceux qui ne veulent pas être pour vous. Cela fait trop longtemps que dure ce petit jeu !

            Votre Compagnie ne sert à rien. Depuis trois mois combien de fellouzes au tapis ? Zéro ! Je veux des bilans ou je retire les troupes. »

            En juillet 1960, et alors que l’armée française avait repris le contrôle de l’Algérie, il semblait en effet que le gouvernement avait toutes les cartes en mains pour conduire autrement que cela a été fait la politique algérienne.

            Le général Crépin quitta d’ailleurs son commandement le 1er février 1961, remplacé par le général Gambiez.

        Il convient de noter que Gambiez comme Crépin faisait  partie de la grande cohorte d’officiers qui avaient partagé les mêmes combats, en France, en Indochine, puis en Algérie.

      Longtemps après la fin de cette guerre, j’ai eu l’occasion de faire la connaissance du général Gambiez, un des théoriciens des guerres indirectes, un thème sur lequel je travaillais et qui a nourri le petit livre « Chemins Obliques » : ce livre a pour préface la lettre que le général Gambiez m’avait adressée sur cet essai.

     Le petit-fils du général Crépin, Jean-René Van der Plaetsen a publié une biographie de son grand-père dans le livre « La nostalgie de l’honneur » (2017), un ouvrage intéressant qui retrace toute la carrière du général Crépin avant, pendant la Deuxième Guerre Mondiale, et après, avec les guerres d’Indochine et d’Algérie, sa contribution à la mise au point de la bombe atomique, enfin ses hauts commandements sur le théâtre européen.

      A lire le parcours de ce général, je me suis posé la question de savoir si le gaulliste qu’il était, et face au guêpier algérien, ne partageant pas les choix du général de Gaulle, et ce dernier le sachant, tout en comprenant ses états d’âme, ne l’avait pas « exfiltré » de cette guerre pour pouvoir continuer à compter sur lui dans le redéploiement stratégique qu’il avait décidé de mettre en œuvre en redonnant la priorité au théâtre d’opérations européen de la Guerre Froide et à l’arme atomique.

      En janvier 1961, le général Crépin avait en effet rédigé une note dans laquelle il faisait de sérieuses réserves sur les modalités qui étaient envisagées dans l’hypothèse d’un cessez-le feu éventuel, en cas de trêve unilatérales des opérations offensives : il ne les approuvait pas.

     Ci-après un des passages qui est consacré à l’une des versions proposée sur les propos tenus par le général Crépin, à l’occasion de sa tournée d’inspection dans mon secteur militaire, propos dont j’ai rappelé plus haut à la teneur rapportée par les officiers de Chasseurs Alpins du 28ème BCA :

       « Gaulliste un jour, gaulliste toujours ? »

      « … Alors, gaulliste un jour, gaulliste toujours ? Derrière cette formule en forme de boutade se dissimule une question, voire une possibilité, disons même une éventualité, qui m’a tourmenté et taraudé l’esprit pendant plusieurs années. Tout était parti de la lecture d’un livre intitulé : Les Gaullistes ? Rituel et annuaire, paru en 1963, de Pierre Viansson-Ponté, ancien rédacteur en chef de l’Express, puis éditorialiste au Monde. Dans cette enquête approfondie sur les us et coutumes de la famille gaulliste, ce journaliste chevronné consacrait un chapitre à Grand-Père, titré : « Le général Crépin a viré sa cuti », puis de façon extrêmement habile et persuasive, il reprenait, l’élaguant à grands coups de serpe, la vie de mon grand-père pour en tirer la conclusion que celui-ci avait rompu avec le général de Gaulle au cours de la crise algérienne, et qu’il fallait y voir la raison pour laquelle il avait été démis du commandement en chef au début de l’année 1961. J’avoue avoir été profondément ébranlé par la lecture de cet ouvrage dont j’avais découvert l’existence par hasard, chez les bouquinistes au bord de la Seine. En réalité, je l’appris par la suite, l’auteur de ce livre se fondait sur une rumeur qui avait couru les popotes au cours de l’été 1960 par les partisans de l’indépendance de l’Algérie afin d’enfoncer un coin entre le général de Gaulle et Grand-père, qui étaient unis l’un à l’autre par un lien quasi féodal, comme celui qui attachait autrefois le vassal et son suzerain. » (pages 174, 175)

     Le général Crépin ne fit pas de déposition au Procès du général Salan en mai 1962.

&

     Comme je l’ai déjà écrit, je n’étais pas pour « L’Algérie Française » de papa, mais pour l’indépendance de ce pays en association étroite avec la France, ce qui n’a pas été le cas, alors que fin 1960, cette solution aurait été possible à la condition de ne pas brader ce pays, comme cela a été fait, notamment, dernière chance, en bâclant la mise en œuvre des accords d'Evian et en laissant le pouvoir à un FLN qui n’était pas préparé à l’assumer, et alors que l’armée française avait encore les moyens militaires d’assurer la paix civile.

Conclusion : Fin

            Jean Pierre Renaud       Tous droits réservés

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18 mai 2020 1 18 /05 /mai /2020 09:23

« La Parole de la France ? »

« L’Honneur du Soldat ? »

« Les Héritages »

Guerre d’Indochine (1945-1954)

Guerres d’Algérie) (1954-1962)

Conclusion

Parole donnée et parole trahie ou la mort de nos  officiers, sous-officiers et soldats !

En écho à l’introduction et au témoignage du colonel Hélie de Saint Marc, les témoignages du colonel Roger Trinquier, du général Gracieux, du général Valluy, et du petit-fils du général Crépin.

            Pour résumer mon analyse et pour comprendre tous les enjeux des guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie et les sacrifices demandés, et acceptés jusqu’à la mort, par tous ces officiers, sous-officiers et soldats qui ont servi la France pendant les deux conflits, le témoignage du colonel Trinquier constitue une bonne introduction.

            Les officiers qui furent appelés à témoigner au procès Salan avaient le plus souvent partagé les mêmes épreuves et campagnes militaires de la Deuxième Guerre Mondiale, d’Indochine et d’Algérie. Nombre d’entre eux avaient servi sous les ordres du général Leclerc.

            Le colonel Trinquier est venu témoigner en mai 1962 au procès du général Salan qui fut un de ses chefs en Indochine et en Algérie, un chef qu’il a apprécié, d’autant plus qu’il avait compris le type de nouvelle guerre du peuple qu’il aurait fallu mener en Indochine, en suscitant et en animant des maquis contre le Vietminh dans les hautes régions frontalières de Chine : il y fut un des premiers acteurs des Services Spéciaux en Indochine, en même temps qu’un initiateur du nouveau type de guerre qu’il convenait d’y mener.

            Fort de son expérience, il fut un des inspirateurs de la nouvelle guerre psychologique  que l’armée française mena souvent avec succès en Algérie. Il livra son enseignement dans le livre « La guerre moderne ».

            J’ajouterai qu’à l’exemple du colonel de Saint Marc, il avait de l’amitié et de l’affection pour les hommes et les femmes qu’il avait réussi à rallier à la cause de la France, celle en laquelle ils croyaient, des hommes et des femmes qu’ils refusaient d’abandonner.

Quelques pièces du playdoyer

Déposition du colonel Trinquier  Audience du 21 mai 1962 (page 407)

            Questions de Me Tixier-Vignancour :

            « … Je voudrais qu’il indique ce qu’il pense de l’action du général Salan.

            Colonel Trinquier – Je suis effectivement un des officiers qui connait le mieux le général Salan. Je l’ai connu en 1934 en Indochine.

            Le témoin était alors lieutenant et Salan capitaine. Ils tenaient des postes aux confins de la frontière chinoise.

            Je donne un petit détail : le capitane Salan avait fait tout le tour et relevé la carte de son secteur, et sous ses ordres j’ai mesuré moi-même cinq cents kilomètres de piste au double décamètre. Ce petit détail n’a l’air de rien mais c’est la caractéristique d’un homme qui va au fond des problèmes.

                Il a fait mieux : il nous a  appris à aimer les populations et à nous faire aimer d’elles. C’est cet amour des populations qui m’a permis moi-même, en 1952, de passer derrière les lignes dans notre région du Tonkin et de reprendre contact avec des populations que nous avions connues dix anas avant, et de lever en pleine zone Viet vingt mille maquisards avec des armes. Puis d’avoir en zone Viet onze terrains d’aviation où je me posais librement. Personne ne l’a su, ou n’a jamais voulu le dire. Mais si on avait écouté les directives du général Salan et du maréchal de Lattre, et si on ne s’était pas hâter de bâcler la guerre d’Indochine peut-être que nous l’aurions gagnée.

            En tout cas j’apprends aujourd’hui par les Américains que les maquisards que nous avons laissés se battent toujours. Et les Américains sont peut-être contents de pouvoir reprendre ce que nous y avions laissé.

            J’étais parti en Chine en 1938 – période de dépression pour la France et l’Europe – où on se battait pour défendre Shanghai. J’y suis resté pendant sept ans et demi. Je ne vous citerai pas toutes les péripéties que j’ai eues, mais en 1946 je retrouvai Ponchardier, et là j’ai appris que, bien qu’ayant suivi pendant sept ans dans des conditions difficiles, les ordres de mes chefs, moi-même et tous mes camardes d’Extrême Orient on nous avait rayé de l’armée française sans nous l’avoir demandé. Alors, estimant qu’un contrat avait été rompu entre moi et l’armée que j’avais servie, j’avais donné ma démission. Le général Salan l’a appris et m’a envoyé un mot en disant : « La guerre n’est pas finie, les problèmes de la France ne sont pas résolus, la guerre sera longue, on a besoin de gens comme vous. Restez. » Et je suis resté dans l’armée avec un certain nombre de mes camarades.

     Je précise qu’un des mérites peut-être les plus grands du général Salan c’est d’avoir refait cette armée qui, en1945 s’effilochait. Il y avait des gens qui venaient de partout, qui s’étaient battus entre eux, qui avaient servi sous le général Giraud, sous le général de Gaulle, et sous d’autres cieux. Or, c’était dans ce creuset d’Indochine, avec le général Salan, qui a  toujours été avec nous, que l’armée a pu atteindre le niveau moral de 1958 que vous avez connu.

            Voilà un des grands mérites du général Salan.

            Je vous dirai aussi un petit mot de la guerre d’Indochine, qui est nécessaire pour comprendre beaucoup de choses. A cette guerre d’Indochine où, nous les jeunes, nous allions, l’état-major ne s’y est pas intéressé, aucun officier général n’y est allé. Je vous citerai des chiffres. Sur les quinze généraux d’armée, que comptait l’armée française, et sur les trente généraux de corps d’armée, armée de terre seulement, - je me trompe peut-être à un chiffre près, je n’ai pas l’habitude de consulter l’annuaire des généraux – sur ce total de quarante- cinq ou de cinquante généraux, pas un seul n’est allé en Indochine. Ils déléguaient au plus jeune et ils attendaient avec l’escopette – excusez- moi ce mot- pour l’attaquer. Aucun n’y a résisté. La maréchal de Lattre est mort, les autres officiers en rentrant d’Indochine, on ne leur a pas tenu compte de ce qu’ils avaient fait, on les a seulement démolis et un homme comme le général Salan qui a été là-bas plus que tous les autres est forcément celui qui a été le plus démoli. Aujourd’hui on l’attaque dans la presse…

            Etant donné que l’armée française n’est pas allée en Indochine dans ses hauts grades, on a fait la guerre qu’à notre échelon, et si on a parlé des colonels, eh bien ! C’est parce qu’il y avait des colonels qui faisaient la guerre,  et que les autres ne la faisaient pas beaucoup. A notre échelon, on a essayé d’en tirer les leçons, on a fait ce qu’on a pu. On n’est pas des « cerveaux d’armée » mais malgré tout on a dit : « Dans cette guerre qu’on a fait depuis quinze ans, essayons d’y voir clair. » On a   été peu à y voir clair.

            Je vais ici, si vous voulez comprendre des tas de choses, vous expliquer ce qu’est la    guerre d’Algérie. On ne s’est jamais battu en Algérie contre les Musulmans de notre côté et la rébellion s’est bornée à une organisation terroriste dont le but était de plier les Musulmans à leur volonté. Lors de la bataille d’Alger, en étudiant notre adversaire  de jour et de nuit pour le battre, nous avons appris que nous avions seulement contre nous, une organisation de 5 500 terroristes dont 1 200 armés qui pressuraient la population et qui l’obligeaient à être à leurs ordres.

            On a démoli cette organisation. Pour cela on n’a pas eu besoin de chars et de canons, et quand  ça allait mal, les colonels étaient dans la rue, pas  derrière les PC, avec  leurs officiers. On y descendait…

            Au cours d’une opération en Kabylie, dans le secteur I, région de Michelet, avec une population un peu plus grande qu’un chef- lieu de canton, j’ai pris en septembre les archives militaires de cette région qui allaient du 1er novembre 1954, début de la rébellion, au 17 avril 1957.Eh bien ! dans ce secteur de canton, le FLN a condamné et exécuté 2 150 Musulmans. C’est effrayant. J’ai vu la liste et la petite fiche de condamnation. J’ai essayé de le faire savoir en haut lieu. Je l’ai dit au 2° Bureau, je suis allé moi-même voir des gens proches du général de Gaulle en disant : « Il faudrait le dire aux Français pour qu’ils sachent. » Impossible. On a caché tout.

            J’ai vu ensuite les élections de 1960, celles au Conseil d’Arrondissement. Je commandais un secteur. M.Tomasini m’a dit : « Il faut faire voter pour les listes UNR ». J’ai répondu : « Moi je ne peux pas, j’ai promis qu’ils choisiraient, pourquoi aujourd’hui je ferais pression sur eux ? Je me suis engagé vis-à-vis d’eux ; je leur ai dit : « Je suis peut-être dur pour vous mais je veux supprimer l’organisation qui vous enlève la liberté. Aujourd’hui on me demande de faire pression sur vous. Je refuse. »

     J’ai été convoqué par M.Delouvrier et par tout ce qu’il y avait comme grands chefs à Constantine et j’ai dit non. J’ai fait un rapport disant : après le référendum de 1958 j’avais pris les archives des fellaghas dans un petit village, or ceux-ci avaient exécuté cinquante-huit paysans dans ce village parce qu’ils avaient voté. Et j’avais la fiche par exemple de M.Mohamed Ben Choufre… : a pris part au référendum, a été condamné à mort tel jour et exécuté tel jour.

            J’ai envoyé ce dossier à M.Messmer lui-même  que je connaissais un peu. Et j’ai dit : « On me demande  de faire voter dans tel sens, je ne peux pas. » Alors j’ai réuni mes musulmans et  leur ai expliqué : « Je vous ai promis que je ferai aucune pression sur vous, je vous assure que je contrôlerai les urnes. » La commission de contrôle comprenait un membre des deux arrondissements. J’ai fait remarquer : « Ce n’est pas suffisant, j’ai un escadron de gendarmerie, nous allons mettre un scellé sur toutes les  urnes. » Et dans mon secteur, sur 10 000 inscrits, 1 000 ont voté, et j’ai eu le plaisir de voir que 500 avaient  mis des bulletins blancs.

            Je pense que, parlant d’autodétermination, il fallait d’abord rendre la liberté aux gens, sinon c’était une sinistre tromperie.

            Parlons du problème plus proche de l’OAS. Qu’est-ce que l’OAS ? dont on parle. Il y a une population française et  musulmane qu’on veut couper de la nation française. A partir du 1er juillet, plus personne ne se fait de doute, les choses allant ce qu’elles sont, ceux qui seront en Algérie ne seront plus  français. C’est impensable dirait quelqu’un qui entendrait qu’on ne les a pas consultés ! Eh bien ils se sont révoltés. La révolte est née de la population. Quels que soient les gens, cette révolte aurait eu lieu, et je connais assez le général Salan pour savoir que dans cette révolte, il a été certainement l’élément le plus modérateur par ce qu’il avait un âge plus grand et que je crois quand même  que la sagesse vient avec l’âge. Il était peut-être moins près des réalités et  il avait confiance. Le seul fait qu’on l’a arrêté  sans qu’il y ait personne pour le garder, seul au milieu d’Alger où les autorités se déplacent avec des automitrailleuses, car elles ne peuvent pas faire un pas, le prouve. Moi je lui tire mon chapeau.

            L’OAS n’est donc pas une organisation qui s’est faite, c’est un peuple qui se défend. Moi qui aime bien les Algériens et les Musulmans je suis assailli, ils viennent me voir tous les jours à Paris. Je ne sais pas ce que vous pouvez avoir comme renseignements, mais on sent  bien qu’ils ne lâcheront pas, que pour garder la nationalité française qui est le bien le plus précieux qu’on puisse avoir ils iront jusqu’au bout. Alors si l’on veut empêcher qu’ils aillent jusqu’au bout, je pense qu’il faudrait peut-être réviser le problème.

            Voilà ce que j’ai à vous dire. »  (Pages  407 à 410 du Compte rendu sténographique du Procès de Raoul Salan (Albin Michel-1962)

            Deux commentaires : 1) en 1960, et à l’occasion des premières élections municipales que j'ai organisé dans ma SAS, une des trois communes avait voté blanc, des élections dont le déroulement pacifique et démocratique avait été exceptionnel.

            2) En préfectorale, j’ai eu la chance d’avoir à Paris, un collaborateur qui fut condamné comme ancien OAS et qui fut tout aussi exceptionnel, aujourd’hui décédé dans l’anonymat : il avait aimé l’Algérie et la France.

            A titre personnel, je n’ai jamais partagé la révolte OAS.

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17 mai 2020 7 17 /05 /mai /2020 15:31

L’analyse du Viet Minh, avec le général Giap

 

            Dans la plupart des analyses historiques, rien ne vaut à mes yeux, lorsque c’est possible, la confrontation des lectures et interprétations faites pendant ou après coup par les adversaires : dans le cas présent, celle du général Giap qui fut tout au long de la guerre d’Indochine entre 1946 et 1954, notre adversaire principal.

                       

Dien Bien Phu, le carnet de route du Général Giap

Giap Mémoires – 1946-1954-

Tome III Dien Bien Phu

« Le rendez-vous de l’histoire »

Anako Editions 2001

 

            Dans les lignes qui suivent, le lecteur pourra constater qu’au fur et à mesure des années, entre 1945 et 1954, et grâce au soutien massif de la Chine communiste à partir de 1949, le Viet Minh sut combiner à la fois une action puissante de guérilla à laquelle on était et restait mal préparé et une guerre  moderne de type classique qui lui donna la possibilité d’affronter le corps expéditionnaire avec une véritable armée de métier, laquelle avait l’immense avantage tactique et stratégique d’être adossée au peuple vietnamien.

                        Un résumé

     « La résistance entrait dans sa huitième année. Fin mai 1953, je reviens de Sam Nua à la base arrière. Les premières pluies saisonnières avaient commencé. Les troupes qui n’avaient pas eu un moment de répit, s’entrainaient avant la nouvelle saison sèche. Les parties belligérantes en Corée étaient sur le point de signer un armistice. La guerre dans la péninsule était différente de la nôtre. Il s’agissait d’un affrontement principal entre des armées régulières, dotées d’équipements et d’armements modernes, dans un pays peu étendu, mais muni d’un réseau de communications relativement développé. Dans notre résistance, le faible s’opposait au fort – David contre Goliath – tandis qu’en Corée les forces étaient plutôt équilibrées. En un court laps de temps, les troupes coréennes de la Corée du Nord avaient progressé jusqu’à Séoul, libérant une grande partie du territoire de la Corée-du-Sud. Cependant, quatre-vingt-dix jours plus tard, lorsque les interventionnistes américains débarquèrent à Inchon, les troupes coréennes du Nord furent contraintes de se replier rapidement. Les Américains ne marquèrent pas seulement leur présence sur le 38° parallèle, mais avancèrent jusqu’au fleuve Yalou, menaçant la sécurité  de la République de Chine et obligeant celle-ci à envoyer des volontaires en Corée. Les troupes et la population de Corée-du-Nord, avec les volontaires chinois aidés par l’Union soviétique, avaient repoussé les troupes américaines et celles de divers pays alliés au-delà du 38° parallèle… 

      Alors que les puissances discutaient sur une solution du conflit en Corée, en France, au sein des milieux gouvernementaux, certains réclamaient des négociations afin de mettre fin à la guerre d’Indochine. Le 18 juillet 1953, Albert Sarraut, ancien gouverneur de l’Indochine, déclara clairement qu’il s’agissait de la meilleure occasion de régler le problème indochinois et qu’il fallait traiter avec Ho Chi Minh, qui se montrait le plus disposé à le faire. Un grand nombre de Français avait bien compris depuis longtemps l’aspiration de ce dernier à une paix véritable. Mais il s’agissait d’une paix fondée sur l’indépendance et l’unité du Vietnam, ce que les autorités françaises n’avaient pas, au cours des années passées, voulu admettre.

      La France n’était plus en mesure de supporter le poids d’une guerre d’agression trop prolongée. Mais, à la différence de ce qui s’était passé lors de la guerre de Corée, le corps expéditionnaire n’était pas en danger et il se rendit maître de l’espace aérien, maritime et de presque toutes les grandes villes de la péninsule indochinoise. Le risque d’un effondrement qui s’était présenté lors de l’hiver et du printemps 1950, était dépassé. Avec l’aide limitée de l’étranger, le corps de bataille vietminh ne comptait toujours que six divisions, essentiellement d’infanterie. Le corps expéditionnaire n’avait à affronter les chars, avions, bateaux de guerre, artillerie antiaérienne et terrestre modernes. Il n’était confronté qu’à la guérilla, qui était en plein essor dans le delta, et à des unités régulières de faible importance et qui se dérobaient à chaque contact avec les groupements mobiles français. La force vietminh résidait dans des combats livrés dans les régions montagneuses. Pourtant, le stratégie des « hérissons » avait prouvé son efficacité. La France pouvait encore développer ses forces, en mettant sur pied des armées dans les Etats associés, et compléter leur équipement grâce à l’aide américaine. Les autorités françaises avaient perdu tout espoir de gagner la guerre. Mais elles étaient toujours convaincues d’avoir le temps nécessaire pour réunir les conditions qui perme mettraient d’y mettre fin à leur avantage et d’exécuter une « sortie honorable ». Les Américains ne pouvaient pas abandonner les Français en Indochine. »  (p,11,12)

      Commentaire : les premières lignes de ce témoignage fixent déjà bien le cadre historique et stratégique du conflit.

     1 – En 1953, déjà  sept années de guerre, sans solution

    2 – Dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, la France se trouva engagée dans ce type de guerre révolutionnaire, alors qu’à la fin de l’occupation de l’Indochine, le pays se trouvait dans une situation anarchique et que le Japon avait tout fait pour renforcer le nouveau gouvernement du Vietminh. La Chine allait succomber au communisme avec l’aide de l’URSS, et la défaite du camp nationaliste avait provoqué plus que des interférences militaires au Tonkin et sur ses frontières montagneuses.

     Il n’est pas inutile de rappeler qu’à la fin du siècle précédent, le Colonel Gallieni et le Commandant Lyautey avaient eu fort à faire pour pacifier cette zone montagneuse.

    En 1947, la guerre froide changea complètement la donne internationale, et l’Indochine devint un des nouveaux enjeux de la nouvelle confrontation entre l’Est et l’Ouest.

     3 – Après 1945, la France fut dans l’incapacité de trouver une solution politique à ce conflit, alors qu’en 1947,  le général Leclerc avait préconisé une solution politique, et que quelques années plus tard, le général de Lattre avait préconisé également une solution politique.

      Il convient de remarquer que la volatilité des gouvernements de la Quatrième République, pas plus de six mois en moyenne, n’était pas un facteur favorable à une solution. Dans les premières années, elle fut recherchée à plusieurs reprises, mais sans succès, une des raisons étant celle de la position française sur la Cochinchine, une province que la France entendait séparer du Vietnam, pour des raisons à la fois historiques et religieuses, la défense des causes missionnaires étant en partie à l’origine de la présence de l’Occident en Asie.

     4 – Giap décrit clairement l’état des forces des deux adversaires, le renforcement du corps expéditionnaire et le type de guerre pratiqué : il s’agissait pour le Vietminh de se renforcer dans les zones montagneuses, avec l’acheminement d’armements venus de Chine ou d’URSS, tout en assurant un contrôle de plus en plus étroit de la population vietnamienne encore très paysanne.

     Giap note que les Etats Unis contribuèrent au renforcement du corps expéditionnaire, et il est vrai qu’en 1953, les Etats Unis supportaient le plus gros de la charge financière de ce conflit.

     5 – Le Vietminh mit en œuvre une stratégie de guerre révolutionnaire, largement inspirée de celle de Mao Tsé Tung : la propagande, la guérilla, l’encadrement et le contrôle étroit de la population, la conquête progressive de zones entièrement contrôlées, et notamment le sanctuaire des zones montagneuses du Tonkin, qui lui permettaient de respirer militairement et de s’adosser à la Chine communiste de Mao Tsé Tung.

     6 – A lire cette sorte de carnet de route, j’ai été évidemment frappé par la qualité du renseignement militaire du Vietminh ou de la Chine, car cette dernière joua un rôle important à ses côtés, renseignement, fourniture d’armements, entraînement, conseil militaire au niveau du grand commandement et des grandes unités…

       « Fin septembre 1953, nos amis nous transmettaient une copie du Plan Navarre ainsi que des cartes que le service des renseignements chinois venait de récupérer. «  (p,18)

&

   Le Vietminh disposait effectivement d’un bon service de renseignement, illustration du fossé culturel existant entre les deux camps, le camp rebelle bénéficiant de l’appui de toutes sortes de complicités entrecroisées propres aux milieux d’Asie.

     Giap notait : « Depuis 1950, nous gardions l’initiative sur le théâtre d’opérations principal du Nord-Vietnam… »

     Giap connaissait le plan Navarre et ses instructions :

     « Depuis sa prise de fonctions, Navarre avait deux mots d’ordre : « garder constamment l’initiative » et « passer constamment à l’offensive »

    « Durant l’été et l’automne 1953, l’ennemi lança des dizaines d’opérations de ratissage dans les zones sous notre contrôle dans le Nord. » (p,20)

     « Après le repli de Na San, nos services de l’état-major ne savaient plus quelle direction choisir pour notre future offensive stratégique. » (p,21)

       La Commission générale du Parti dans l’armée délibère, nos « amis chinois » proposent la direction Sud, mais Ho Chi Minh opte pour la direction Nord-Ouest : « Nous allons prendre le Nord-Ouest comme principale direction de nos activités… » (p,27), c’est-à-dire en gros celle du Laos, qui devint un des enjeux des combats.

    « A ce moment, les mots Dien Bien Phu n’apparaissent pas encore dans le plan Navarre, pas plus que dans le nôtre, pour ce qui était des projets pour l’hiver et le printemps 1953-1954. Cependant son sort fut décidé lors de cette séance de Tin Kao… L’état-major général élabora d’urgence un plan opérationnel, qui pour la première fois englobait toute la péninsule indochinoise… » (p,29)

     Le Vietminh décide de prendre la province de Lai Chau, tout en gardant un œil sur Dien Bien Phu : « Le parachutage ennemi à Dien Bien Phu faisait partie de nos prévisions, même si nous ignorions la date et le lieu exacts. Ainsi l’adversaire devait faire face passivement et se voyait obligé de disperser une partie de ses forces  mobiles à Dien Bien Phu pour tenir le Nord-Ouest et assurer la protection du Haut Laos en déjouant notre offensive. » (p,39)

   « Fin décembre 1953, le bureau politique décide que Dien Bien Phu serait le lieu d’un combat décisif, de portée stratégique, pour cet hiver et ce printemps 1953-1954… »(p,49)

    Ho Chi Minh à Giap : « Vous voilà commandant en chef. Je vous donne les pleins pouvoirs. Pour tout problème difficile, il vous faudra discuter avec le Comité du Parti et les conseillers chinois afin de trouver une solution unanime. Ensuite, nous prendrons une décision et vous me la rapporterez. «  (p, 53)

    Giap évoque alors la question stratégique que le choix de Dien Bien Phu posait : « Après la fin de la guerre d’Indochine, une question se posa : Pourquoi Dien Bien Phu ? »

   Giap analyse alors les choix stratégiques de Navarre puis de Cogny,  et les raisons qui étaient avancées du côté français. Pour l’état-major de Saigon : « La précarité des communications ne permettait pas d’y acheminer des pièces d’artillerie dépassant 75 mm et des munitions pour plus de sept jours de combat. »

   Commentaire : Ce fut incontestablement la grande erreur stratégique du commandement français, la sous-estimation des moyens tentaculaires, souvent surhumains ou inhumains,  que le Vietminh, avec l’aide de la Chine, mit en place pour aménager un réseau de pistes viabilisées.

    Cette erreur stratégique allait condamner la garnison française à partir du moment où cette artillerie interdit progressivement l’utilisation de l’aérodrome de secours qui y fut aménagé.

    Une Chine omniprésente : en janvier 1954, Giap va visiter le front :

  «  En chemin, je suivis le mouvement de nos troupes sur les différents champs de bataille. Je rendais compte fréquemment à Wei Guoquing, chef des conseillers militaires chinois, de l’évolution de la situation sur les théâtres d’opérations dans le pays…notre artillerie lourde était encore sur la route … (p,69) ... il ressortait  de nos échanges avec les experts chinois venus pour préparer la campagne que le mieux était de lancer une attaque éclair. » (p, 73)

     « Une décision difficile » (p,75)

      «  Après réflexion, Wai Guoqing me répondit : Si nous ne lançons pas rapidement l’attaque, l’ennemi pourra augmenter ses renforts et consolider ses fortifications. Il serait en fin de compte difficile à vaincre. » (p, 76)

      « Le 14 janvier 1954, l’ordre de combat fut donné, devant un grand plan en relief fait de sable, dans la caverne Thau Pua. »

    « Notre plus grande difficulté résidait dans l’acheminement des pièces d’artillerie jusqu’aux positions de tir » (les 105)…L’heure H avait été fixée à 17 heures le 25 janvier 1954… »

    Grâce à la capture d’un bo doi, de Castries connaissait l’heure.

   Giap  et ses experts chinois ont des états-d’âme, l’attaque est différée, et les divisions viet se dirigent vers le Laos.

     « Je pense que ce jour-là, si nous avions appliqué la tactique éclair suivie d’une victoire rapide, la résistance aurait duré, à coup sûr, dix ans de plus. »

    « Pour nous, ce fut une bonne leçon de démocratie interne. » (p,87)

     Commentaire : ces quelques pages suffisent, je l’espère, à situer et caractériser le contexte stratégique du général Giap.

     Pourquoi ne pas se rappeler à ce sujet un des grands principes de la stratégie napoléonienne, celui des deux cornes du dilemme, que le corps  expéditionnaire vit appliquer par le général Giap, étant donné que le corps expéditionnaire n’avait pas les moyens de mener un combat sur deux fronts montagneux ?

     Le Corps expéditionnaire n’avait pas les moyens militaires pour s’assurer le contrôle du Laos, nouvel Etat Associé et la cuvette de Dien Bien Phu.

     Au stade où en était le conflit, seule une intervention américaine aérienne et très puissante aurait pu sauver Dien Bien Phu, avec l’internationalisation officielle du conflit, étant donné que la Chine communiste était de plus en plus impliquée dans cette guerre, donc une nouvelle Corée.

VI – Quel type de guerre ?

Fin

Avant la conclusion, un rappel succinct de la chronique "La Parole de la France ?"

I- Introduction avec Saint Marc - II- Témoignages : Malraux- Delafosse- Guillain - III- Résumé - IV- Les grandes séquences de la guerre avec général Gras et Tertrais - V- Regards sur l'Indochine, de l'étranger (Kissinger, Graham Green, Vièn), de France (Brocheux) - VI- Quel type de guerre ? Gras, Bodard, Giap.

    La guerre contre-insurrectionnelle du capitaine Galula (Algérie): blog du 21/09/2012.

 

 

 

 

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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 15:59

« La Parole de la France ?

VI - B

Regards sur l’Indochine

Un regard de France

« Histoire du Vietnam contemporain »

« La nation résiliente »

Pierre Brocheux (Fayard- 2011)

            Il s’agit d’un livre intéressant grâce à son éclairage foisonnant sur l’ensemble des racines et traditions historiques, religieuses, culturelles, sociales et politiques, du Vietnam, dans le contexte historique des années 1939-1945, dont l’ignorance a signé l’échec de la politique française en Indochine.

            Cet échec a eu pour héritage un autre échec, celui de l’Algérie, en grande partie pour les mêmes raisons, alors que le corps des officiers français « survivants » avaient cru pouvoir tirer les leçons de cet échec.

            L’analyse de Pierre Brocheux montre pourquoi la France a échoué en Indochine, en laissant, sans le savoir, un lourd héritage à l’Algérie, celui du même engrenage politique et militaire facilité par le même aveuglement de gouvernements qui se succédaient au rythme moyen de six mois et des cercles politico-économiques qui faisaient la pluie et le beau temps, ou plutôt un sale temps pour la France.

            Dès l’introduction, l’auteur pose l’analyse en parlant du « moment colonial » intervenu dans « un processus de longue durée », celui d’une histoire ancienne et complexe liée à la Chine, bousculée par une ouverture forcée à l’Occident, parallèle à celle de la Chine ou du Japon.

            Commentaire : L’expression « moment colonial » traduit bien la réalité historique que fut celle de la durée de la colonisation française selon les territoires comparée à celle de leur histoire connue ou inconnue. Le cas du Vietnam en est une très bonne illustration, d’autant plus qu’il s’agissait d’un Etat structuré.

            Quand la France conquit l’Algérie dans les années 1830-1870, le pays n’était qu’un patchwork de tribus sous la férule supposée d’un dey, grand féodal de l’Empire Ottoman.

            Pour ne citer qu’un cas de l’Afrique de l’Ouest, celui de la Côte d’Ivoire, cet état « unifié »ne commença à exister qu’en 1895, et ne connut de paix civile relative que dans les années 1910-1920, soit vingt-cinq ans avant une première démocratisation en 1945, et l’indépendance en 1962.

1

            Dans une première partie, l’auteur analyse « Le moment colonial et la modernisation imposée » par « le complexe politico-économique et financier qui gouverna la France dans la seconde moitié du XIXème siècle. » (p,24)

            Il est fait mention des milieux d’affaires lyonnais, ceux de la soie en particulier, qui jouèrent un rôle actif.

            L’auteur note le cas de la Cochinchine que la France conquit en premier, un territoire qu’après 1945, les gouvernements voulurent conserver à tout prix, à l’écart de l’Annam et du Tonkin, alors que les nouvelles élites le considéraient comme « leur Alsace Lorraine » (p,25) : dans ses Mémoires le général Salan évoque la conversation qu’il eut avec Ho Chi Minh dans les années 1945 : « Mon général, ne faites pas de la Cochinchine une nouvelle Alsace Lorraine car nous irons à la guerre de cents ans. » (p,141)

            Le cas de la Cochinchine constitua une des causes principales du blocage des négociations cahotantes que la France conduisit avec Ho Chi Minh.

            L’auteur décrit les caractéristiques de « La gouvernance coloniale » : en dépit du débat qui opposa, dès l’origine, les gouverneurs partisans d’un régime de protectorat (de Lanessan, Pasquier, Varenne…), s’appuyant sur l’Empire et ses mandarins, lettrés et formés dans la « matrice culturelle chinoise », et ceux partisans de l’administration directe, l’administration coloniale glissant très rapidement vers la gestion directe.

      « Les Français exercèrent leur tutelle politique à deux niveaux, celui de l’exercice du gouvernement et celui de l’administration, autrement dit de la gestion quotidienne de la société » (p,27)

     Commentaire : cette conception de la gouvernance politique fut une différence essentielle entre les deux empires anglais et français.

     Les Français, en tout cas, ceux qui gouvernaient l’Empire, à Paris ou sur le terrain, étaient imbus de la supériorité universelle de la République sur tout autre régime politique et des vertus d’une assimilation que d’autres acteurs du terrain considéraient dès le départ, comme un mirage. L’africaniste Delafosse en fut un des exemples.

      « Exploiter l’Indochine et ses ressources » L’auteur relève à juste titre la « symbiose antagonistique » qui liait Français et Chinois, car ces derniers étaient depuis des siècles très présents et très puissants sur le terrain. Une Banque d’Indochine « hégémonique », en effet étant donné qu’elle avait le privilège d’émission d’une monnaie en piastres.

     « Dans le registre de l’économie, le moment colonial ne fut pas une simple parenthèse prédatrice. » (p,39)

       La présence française modifia en profondeur le tissu économique, politique, social, et culturel de la presqu’île et fut une des causes de l’échec français dans ce pays aux traditions millénaires.

     Lyautey n’avait-il pas noté que l’Indochine était le « joyau » des colonies, alors qu’on pouvait  se demander ce que la France allait bien chercher à Madagascar.

            « De l’agression culturelle et de son bon usage » (p,41) L’expression « agression culturelle » rend bien compte du choc que pouvait causer des ambitions françaises en grande partie illusoires.

            L’auteur note l’importance de la création d’un langage de communication vietnamien, le Q N, qui connut un grand succès, celle d’une presse d’opinion indochinoise (p,51), et de la constitution d’une nouvelle élite indochinoise.

            « A tous les points de vue – politique, culturel, économique – 1930 fut un tournant » (p,53)

            « En 1945, le Q N était solidement ancré dans le mental des Viets pour surmonter les crises qui ébranlèrent le pays durant une trentaine d’années. » (p,54)

            « La recomposition de la société » (p,57)

            « Le moment colonial est celui de l’élargissement de l’espace social en même temps que celui du resserrement des liens entre les trois ky. » (p,57)

            L’auteur cite tous les facteurs de ce profond changement, l’urbanisation, les migrations, les nouvelles vies socioprofessionnelles, l’évolution des mœurs et des mentalités.

            « Sur le modèle chinois, la hiérarchie traditionnelle accordait la primauté aux lettrés et dans l’ordre aux paysans, artisans, aux commerçants. Les militaires ne figuraient même pas dans cette hiérarchie quaternaire. » (p,57)

            L’auteur souligne l’importance de la création de villes nouvelles, de la politique d’urbanisme mise en œuvre avec la présence d’architectes de talent, tel qu’Hébrard dont les œuvres ont survécu aux guerres du Vietnam.

            « L’émergence d’une bourgeoisie citadine va de pair avec son installation dans l’habitat moderne de Hanoi, comme de Saigon et la transgression partielle de la ségrégation dominants-dominés dans l’espace urbain. » (p,61)

            L’auteur souligne également l’importance des migrations dans les facteurs d’évolution politique et culturelle de la population. Il est évident que certaines migrations de travail, d’autres liées aux réquisitions des deux guerres ont donné la possibilité aux vietnamiens à la fois de connaitre des mondes étrangers et de constater les différences de traitement entre citoyens français et citoyens coloniaux, comme ce fut le cas aussi en Afrique.

            Commentaire : cette analyse est utile parce qu’elle met en lumière deux facteurs de changement trop souvent ignorés, l’urbanisation et les migrations plus souvent forcées que libres.

       En Afrique noire, la première guerre mondiale fit prendre conscience à beaucoup de tirailleurs, 1) que le blanc était en définitive un humain comme les autres et 2) que leur statut politique n’était pas le même que celui des citoyens français : ils furent alors les intermédiaires précieux de la colonisation française.

            L’auteur décrit alors « Le monde rural et ses changements «  (p,63), une croissance démographique inégale en dépit de la création de quatre instituts Pasteur, la modernisation réalisée, sans que la condition rurale ne s’améliore vraiment.

            « La paysannerie vietnamienne est le principal acteur de l’histoire de son pays, que ce soit pour coloniser le territoire, le libérer de la domination étrangère, ou secouer le joug des puissants si ceux-ci se laissent aller au despotisme… Toutes les révoltes qui éclatèrent contre la domination coloniale étaient essentiellement motivées par la surcharge fiscale ou par des conflits avec les douaniers. » (p,66)

     « En dépit des obstacles posés par le condominium économique franco-chinois, une classe d’entrepreneurs vietnamiens tenta de se faire une place au soleil. »

      Le gouverneur général Varenne avait noté la constitution d’une sorte de « tiers état » : « Dans sa couche supérieure, ce tiers état adopta, au moins partiellement et de façon éclectique, les modes d’habitat, vestimentaire, et alimentaire qui composaient le genre de vie européen. »  (p,73)

    « L’élite vietnamienne s’imprégnait de culture européenne tout en continuant d’être éduquée dans la morale confucéenne, administrant la preuve de la cohabitation, si ce n’est même de la compatibilité des deux cultures. » (p,74)

     « Les réponses politiques à la domination française » (p,79)

            En quelques dizaines d’années, l’Indochine s’était dotée d’une élite variée dans la plupart des domaines de la vie politique, économique, culturelle et sociale, qui avait l’avantage de s’adosser à des traditions bien enracinées et à une mentalité collective baignant dans la culture confucéenne.

            Il ne faut jamais oublier que dès le début de la conquête française et tout au long de la colonisation, le pays connut une succession d’actes de résistance contre le nouvel occupant qu’était la France – après la Chine- avec un rappel de vieux souvenirs de la résistance annamite, dont le plus célèbre fut celui des sœurs Trung au Xème siècle.

       Une floraison de partis politiques et de journaux naquit dans les villes, avec très tôt, la constitution d’un parti communiste, le PCI.

      « Le tournant de 1930 » (p,87)

      « L’implantation dans les « masses » évita au PCI la tragédie qui effaça le VNQDD de la scène politique en février 1930 lorsque les nationalistes passèrent à l’action violente : bombes dans les villes, assassinats de mandarins et surtout mutinerie d’un bataillon de la garnison de Yen Bay aidé d’une trentaine de militants venus de l’extérieur. Ils ne se relevèrent pas de cet échec et de la répression qui suivit et décapita le Parti… »

            En 1930, « L’Indochine était entrée dans une autre phase de son histoire » et vu la naissance ou la renaissance de réponses  religieuses, le bouddhisme, la nouvelle religion des Hoa Hao, celle de Cao Dai avec son pape et ses prélats, et un christianisme toujours vivant.

            En 1945, le Vietnam comptait 1 400 prêtres, 2 810 catéchistes, 5 000 religieuses  d’origine vietnamienne, et 339 prêtres et religieuses missionnaires.

            Je cite ces chiffres parce qu’il ne faut jamais oublier que dans cette longue histoire, les missions chrétiennes furent à l’origine de la conquête, à côté du mercantilisme, et que leur présence pesa sur le dénouement violent du conflit.

2ème Partie La fin de l’empire français en Extrême Orient (p,127)

            L’auteur fait une distinction intéressante et tout à fait pertinente entre l’empire formel d’Indochine et l’empire informel de Chine.

            La période de l’occupation japonaise et la coopération du régime vichyste avec le nouvel occupant fut plus qu’un « intermède » parce qu’elle sonna le glas de la présence française en Indochine.

            Le Japon donna les clés du pays au Vietminh :

                        « Ils prirent la décision de neutraliser les Français en déclenchant un coup de force le 9 mars 1945. Ils attaquèrent l’armée coloniale, la désarmèrent et l’emprisonnèrent ; ils confisquèrent les commandes de l’administration ou les transmirent aux Indochinois. Au mois d’avril, ils proclamèrent l’indépendance des trois Etat indochinois, en un mot ils mirent fin à l’impérium français en Indochine. » (p,123)

            Bao Dai retrouve son trône, mais la situation du pays est catastrophique à la suite de la politique des cultures forcées et des réquisitions japonaises, avec de un à deux millions de morts selon les sources.

       Le 3 août 1945, le Japon capitule, et le 2 septembre 1945, Ho Chi Minh proclame la République démocratique du Vietnam. Dans le contexte politique et militaire de cette période de transition, le Vietminh bénéficie d’une aide américaine (p,133) tout en s’assurant le contrôle des zones montagneuses limitrophes de la Chine et en aidant à la constitution de maquis dans le delta.

     Le 19 août 1945, le Vietminh avait pris le contrôle d’Hanoi.

     L’auteur note au sujet de la date du 2 septembre 1945 :

      « L’événement était l’aboutissement d’une maturation de l’évolution sociale, culturelle et politique que nous avons décrite dans les pages précédentes. »  (p,135)

Troisième partie

« L’indépendance dans la douleur et la réunification au prix fort » (p,137)

Notre chronique aura pour terme la fin du 1 de la troisième partie. (p,151)

            Le contexte historique : la Chine voisine traverse une période de révolution et de guerre entre les armées nationalistes de Tchang Kai-check soutenues par l’Occident, mais avant tout par les Américains, et les armées communistes de Mao Tsé Tung, avec des répercussions de plus en plus fortes sur la situation du Tonkin, et une prise de pouvoir complète de la Chine par Mao Tsé Tung.

     La France fait les premiers pas d’une tentative de reconquête militaire de ce territoire, sans avoir les moyens militaires nécessaires à la réussite, d’autant qu’aucune solution n’était possible sans solution politique, comme le comprirent très tôt un tout petit nombre d’hommes politiques, de hauts fonctionnaires, et de généraux, tels que Leclerc et plus tard, de Lattre.

     Il était évident que le Vietminh avait en mains les manettes de la solution, et que l’Empereur d’Annam Bao Dai ne comptait plus, sauf pour la façade, dans le règlement du conflit.

     Une négociation cahotante s’engagea entre Sainteny et Ho Chi Minh et se concrétisa par l’accord transitoire du 6 mars 1946.

      Très rapidement, le sort de la Cochinchine, l’un des trois Ky, fut une des difficultés de tout accord sur l’indépendance du Vietnam, car la France voulut jusqu’à la fin, que cette province bénéficie d’un statut particulier.

       L’auteur cite le propos qu’Ho Chi Minh tint au Général Salan : « Mon général, ne faites pas de la Cochinchine une nouvelle Alsace Lorraine car nous irons à la guerre de cent ans. » (p,141)-( Mémoires Salan)-(p,389)

     Rien n’était encore fait en ce qui concerne le contrôle militaire et politique complet de l’Indochine par le Vietminh, mais Ho Chi Minh combina très adroitement des négociations avec la France, la main tendue aux nationalistes, un jeu subtil typiquement asiatique de respect officiel à la culture impériale de l’Annam, avec la participation temporaire d’un de ses pâles représentants, Bao Dai.

      « A l’instar mais à l’inverse de Gallieni qui pacifia le Tonkin en jouant des contradictions interethniques, le Viet Minh fit appel au mythe des origines communes des Viets et des non-Viets et joua la corde anticolonialiste et racialiste. » p,143)

     Ho Chi Minh rencontra de sérieuses difficultés avec les sectes puissantes qui s’étaient implantées en Cochinchine, lesquelles étaient concurrentes du Viet Minh en raison de leur assise territoriale, de leurs armées et de leur organisation administrative, des Etats dans d’autres Etats.

      Il convient de noter que le Viet Minh n’hésita pas à massacrer les trotskystes. (p,144)

     Avec la guerre de Corée et la défaite française de Cao Bang : « Les années 1950 furent donc un grand tournant. », c’est à dire l’internationalisation croissante de la guerre, et le coût croissant de cette guerre avec la participation de plus en plus importante des Etats-Unis.

L’auteur donne quelques chiffres intéressants dans le tableau ci-après :

L’aide financière américaine

                       Milliards Francs  Part Indochine  Part dans le coût de la guerre

              Année 1951-1952.      115                    66%                20%

              Année 1952-1953        145                    70%               25%

               Année 1953- 1954        275                    84%              41%

            Il suffirait de prendre connaissance de ces chiffres pour avoir conscience que cette guerre dépassait les moyens de la France, d’autant que le pays était en pleine reconstruction depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.

            L’auteur précise : « Dans les faits la « décolonisation » de l’Indochine que je préfère appeler la fin de l’empire français d’Extrême Orient débuta en pleine guerre mondiale. » (p,148)

             « En Indochine, une situation de fait prévalait : les peuples étaient indépendants puisque le pouvoir français avait été balayé le 9 mars 1945, mais en France, le Général de Gaulle et la classe politique, pourtant informés par les missions françaises (l’une gaulliste, l’autre giraudiste) basées en Chine du Sud et à Calcutta, avaient toujours le regard fixé sur l’horizon impérial…De Gaulle : Il refusait de reconnaître une entité étatique, et ce fut une erreur majeure. » (p,149)                

            « La défaite de l’armée française à Dien Bien Phu et ses suites illustrait la théorie des dominos. Pour la France la guerre d’Algérie succéda à la guerre d’Indochine : des officiers français refusèrent « de perdre l’Algérie » comme ils avaient « perdu l’Indo », ils fomentèrent un coup d’état à Alger qui rappela au pouvoir le général de Gaulle et conduisit à la fondation de la Cinquième République – les réalisateurs d’un film documentaire titrèrent celui-ci La République (la Quatrième) est morte à Dien Bien Phu. «  (p,151)

            « Du côté américain, Dien Bien Phu eut un impact très fort sur l’opinion et sur la classe politique des Etats-Unis. Il est significatif que le Secrétaire d’Etat John Foster Dulles n’assista pas à la Conférence de Genève et que son gouvernement ne signa pas la déclaration qui prévoyait la tenue d’élections dans les deux années à venir (1956).

            « Lorsque le 8 février 1948, H.Truman reconnut l’Etat vietnamien établi en vertu des accords passés entre la France et l’ex-Empereur Bao Dai, il mit le doigt américain dans l’engrenage indochinois. Son successeur D .Eisenhower (contre l’avis de son chef d’état-major M Ridgway) , J.F.Kennedy, L.B.Johnson engagèrent leur pays dans le « bourbier » pour effacer le remords de ne pas être intervenu à Dien Bien Phu alors qu’ils venaient de « loose China ». (p,151)

            Commentaire :                                 

  1. Je ne suis pas sûr que la guerre d’Algérie se soit inscrite dans la théorie des dominos, même si un clan militaire très dynamique constitué d’anciens officiers d’Indochine, mena cette nouvelle guerre avec un incontestable succès, mais en partant d’une analyse stratégique anticommuniste non fondée, alors qu’il s’agissait avant tout d’un mouvement d’insurrection avant tout nationaliste.
  2. J’ai souligné le passage ci-dessus parce qu’il s’inscrit dans le travail, de recherche que j’ai effectué sur les héritages entre la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, qui se conclurent par deux échecs, l’un militaire en Indochine, et l’autre politique en Algérie, dans des contextes stratégiques complètement différents.

       Pierre Brocheux s’interroge :

      «  La conclusion provisoire de la guerre d’Indochine en 1954 justifie l’interrogation sur le sens du mot décolonisation. La reprise de la guerre de 1960 à 1975 pose de nouveau la même question ; qu’est-ce que la décolonisation ? » (p153)

      Je serais tenté de répondre par une question pirouette : qu’est-ce que la colonisation ?

        Il est évident que les deux guerres en question comme beaucoup d’autres sur tous les continents s’inscrivaient dans le contexte mondial de la guerre froide, entre un Est et un Ouest qui n’était plus celui de sa Sublime Splendeur, dans celui d’une montée en puissance des nations du Tiers monde, après l’appel  de  Bandoeng , alors que la colonisation s’était inscrite dans un contexte occidental de rivalités de puissances qui évitaient de recourir aux armes, entre elles, pour assurer leurs conquêtes coloniales.

        Epilogue

     « L’histoire contemporaine du Viet Nam illustre la résilience d’un Etat national séculaire. Le moment colonial fut un intermède relativement court mais fécond en transformations de l’économie, de la société et de la culture ». (p,251)

       Commentaire : il s’agit d’une appréciation historique qui parait justifiée, mais en la comparant aux contextes et situations historiques de l’Afrique noire, ces dernières ne réunissaient pas les éléments de cohérence nationale qui marquèrent la longue histoire du Vietnam, c’est-à-dire la culture, les traditions, la permanence des institutions impériales et mandarinales, avec un adossement qui ne dit pas son nom avec l’empire de Chine.

Fin

                Jean Pierre Renaud     Tous droits réservés

     

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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 10:22

« La Parole de la France ? »

VI

Regards sur l’Indochine : 1945-1954

De l’étranger et  de France

      Afin de connaître et comprendre la situation coloniale de l’Indochine entre 1945 et 1954, donnons la parole à des témoins, des mémorialistes, ou à des historiens, en distinguant la situation coloniale indochinoise vue par des étrangers (Kissinger, Graham Green, Nguyen Khac Vièn,  de celle vue par un Français, Pierre Brocheux .

       A - Regards de l’étranger

     A l’Ouest

     1- Le regard d’Henri Kissinger, ancien Secrétaire d’Etat des Etats-Unis : tout au long de la Seconde Guerre mondiale, le Président Roosevelt  marqua son hostilité, et fit en sorte que les anciennes puissances coloniales ne retrouvent pas leurs anciennes possessions, animé par l’ambition de laisser ces territoires prendre leur destin en mains.

       C’est la Guerre Froide, en 1947, et avec l’arrivée de Truman en 1945, qui vit les Etats-Unis  prendre un virage en Indochine, en s’engageant de plus en plus dans le soutien matériel et financier de la France dans sa guerre avec le Vietminh.

     Les témoignages recueillis montrent que, sur place, la politique américaine, avec ses représentants locaux, militaires ou diplomates, n’était pas toujours d’une grande clarté, pour ne pas dire loyale.

      Le roman de Graham Green, « Un américain bien tranquille » en décrit bien le contexte, avec les initiatives d’un agent américain de renseignements qui tente de favoriser la naissance d’une Troisième Force, un rêve que caressa aussi l’armée française en Algérie, et qui n’a pas eu plus de succès.

       A lire ce roman, dont nous publions quelques extraits, on comprend rapidement qu’il y  avait un tel entrecroisement d’intérêts, d’ambitions, de double, triple, ou quadruple jeu des partenaires et adversaires, entre Colons français, vietnamiens ou viets de Cochinchine

Tout d’abord, des extraits des mémoires d’Henri Kissinger qui éclairent la position des Etats-Unis sur la guerre d’Indochine :

Viet Nam, France et Etats-Unis

« Diplomatie » Henry Kissinger

       Le gros livre d’Henry Kissinger, qui occupa pendant des années des postes très importants auprès des Présidents des Etats Unis, fournit tout un ensemble de clés historiques qui permettent  de mieux comprendre la position des Etats-Unis à l’égard du conflit indochinois : Chapitre 25, « Le Viêt-Nam : l’entrée dans le bourbier Truman et Eisenhower » (page 559)

            Nous vous proposons de citer les quelques passages qui illustrent clairement les enjeux de la position américaine.

            A l’arrière- plan diplomatique et politique de ce dossier sont apparus rapidement plusieurs facteurs déterminants de l’évolution de ces relations :

            A partir de 1947, la guerre froide, en 1949, la victoire de Mao Tsé Tung en Chine, en 195O, la guerre de Corée et le refus américain  ultérieur de s’engager dans une nouvelle guerre de Corée, alors qu’elle fut une sorte de répétition de la guerre du Vietnam à partir des années 1950, la théorie des dominos : d’après laquelle il ne fallait pas laisser tomber le premier domino du Vietnam, … les menaces et les interventions de l’URSS et de la Chine… et l’hypothèque coloniale ou néocoloniale de la France, toujours présente en Indochine…

            « Tout commença avec les meilleures intentions du monde. Pendant les vingt années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique avait pris la tête de la construction d’un nouvel ordre international à partir des fragments d’un monde en ruine. Elle avait relevé l’Europe et remis sur pied le Japon, fait barrage à l’expansionnisme du communisme en Grèce, en Turquie, à Berlin et en Corée, adhéré à ses premières alliances de temps de paix et lancé un programme d’assistance technique au monde en développement. Sous la parapluie américain, les pays connaissaient la paix, la prospérité, et la stabilité.

            En Indochine, cependant, tous les modèles antérieurs d’engagement américain à l’étranger volèrent en éclat. Pour la première fois au XX° siècle, le souci que l’Amérique avait toujours eu de mettre en correspondance ses valeurs et actes fut mis en doute. Et l’application trop universelle de leurs valeurs oblige les américains à remettre peu à peu celles-ci en question, et à se demander d’abord pourquoi elles les avaient conduites au Vietnam. Un abîme se creusa entre leurs croyances en la nature exceptionnelle de leur nation et les ambiguïtés et les compromis propres à la géopolitique de l’endiguement du communisme. Dans le creuset du Vietnam, l’exception américaine  se retourna contre elle-même. La société américaine ne débattit pas, comme d’autres l’auraient fait, des défauts concrets de sa politique : elle s’interrogea sur le bien-fondé, pour l’Amérique, d’endosser n’importe quel ordre international. C’est cette dimension du débat vietnamien qui causa des blessures si douloureuses et si difficiles à guérir. » (p,560)

            En 1950, le Conseil national de sécurité :

      « …En  février 1950, quatre mois avant le début du conflit coréen, le document 64 du Conseil national de sécurité était parvenu à la conclusion que l’Indochine représentait « une région décisive de l’Asie du Sud-Est et directement menacée. » Le mémorandum donnait une première version de la « théorie des dominos », selon laquelle, si l’Indochine tombait, la Birmanie et la Thaïlande suivraient sous peu et « l’équilibre de l’Asie du Sud-Est se trouverait alors gravement compromis. » (p,562)

      « La menace, en fait, n’était pas partout la même. En Europe elle émanait principalement de la superpuissance soviétique. En Asie, les intérêts américains se voyaient menacés par des puissances secondaires qui étaient, au mieux, des substituts de l’Union  soviétique, et sur lesquelles Moscou exerçait une autorité douteuse – ou qui apparaissait comme telle. En réalité, à mesure que la guerre du Vietnam évoluait, l’Amérique finit par combattre le substitut d’un substitut, chacun se méfiant profondément de celui qui le coiffait. Aux termes de l’analyse américaine, l’équilibre mondial était attaqué par le Viet-Nam du Nord, qu’on estimait inféodé à Pékin, lui-même jugé contrôlé par Moscou. En Europe, l’Amérique défendait des Etats historiques ; en Indochine, elle traitait avec des populations qui s’efforçaient pour la première fois de construire des Etats. Les nations européennes étaient riches de traditions séculaires qui déterminaient leur coopération à la défense de l’équilibre des forces. En Asie du Sud-Est, les pays commençaient tout juste à s’organiser, l’équilibre des forces était un concept étranger, et on ne relevait aucun précédent de coopération parmi les Etats existants. » (p,563)

      « L’entrée de l’Amérique en Indochine introduisit une problématique morale entièrement nouvelle. L’OTAN défendait les démocraties ; l’occupation américaine au Japon avait importé des institutions démocratiques dans ce pays ; on avait fait la guerre de Corée pour riposter à une attaque contre l’indépendance de petites nations. En Indochine, cependant, le dossier de l’endiguement commença par être présenté en des termes presqu’entièrement géopolitiques, d’où la difficulté de justifier le point de vue de l’idéologie américaine de l’époque, ne serait-ce que parce que la défense de l’Indochine se heurtait de front à la tradition américaine d’anticolonialisme. Colonies françaises, les Etats d’Indochine n’étaient pas  des démocraties, ni même indépendants. Bien que la France ait transformé, en 1950, ses trois colonies du Viêt-Nam, du Laos, et du Cambodge, en « Etats associés de l’Union Française », cette nouvelle étiquette restait très éloignée de l’indépendance ; la France craignait en effet, en leur accordant la pleine souveraineté, d’avoir à en faire autant pour ses trois possessions d’Afrique du Nord : la Tunisie, l’Algérie et le Maroc… » (p,564)

     « La politique de Washington en 1950 préfigurait en fait les formes que prendrait son engagement futur dans la région : suffisamment important pour l’impliquer, pas assez pour se révéler décisif. Dans les années 1950, son attitude s’expliquait surtout par son ignorance de la situation, par la quasi-impossibilité dans laquelle se trouvait l’Amérique de mener des opérations à travers deux hiérarchies coloniales françaises, du fait aussi de la liberté d’action dont jouissaient les autorités locales des « Etats associés du Viêt- nam, du Laos et du Cambodge… » (p,564)

   La maison Blanche était en présence d’un dilemme insoluble, la volonté de donner l’indépendance à l’Indochine en même temps que le refus de s’y substituer à la France.

     « Au moment où Truman s’apprêtait à entrer à la Maison Blanche, cette dérobade constituait le cœur de la politique officielle. En 1952, un document du conseil national de sécurité homologuait la « théorie des dominos » et la généralisait. Voyant dans une attaque militaire contre l’Indochine un danger « inhérent à l’existence d’une Chine communiste hostile et belliqueuse », il posait que la perte d’un seul pays de l’Asie du Sud-Est entraînerait « la soumission des autres au communisme ou leur alignement à relativement brève échéance…» p,565)

    « Après cette analyse de la catastrophe en puissance qu’on estimait couver en Indochine, on proposait une médication sans proportion avec la gravité du problème – et qui dans le cas présent, ne résolvait rien du tout. Car l’impasse coréenne avait annihilé – au moins pour un temps – toute volonté de la part de l’Amérique de mener une autre guerre terrestre en Asie… » (p,565)

      « Truman légua à son successeur, Dwight D. Eisenhower, un programme d’assistance militaire annuel à l’Indochine d’environ deux cents millions de dollars (soit un peu plus d’un milliard de dollars 1993) et une stratégie en quête de politique… » (p,567)

     « En juillet (1953), Eisenhower se plaignit au sénateur Ralph Flanders que l’engagement du gouvernement français à l’égard de l’indépendance s’exprimait de façon « obscure et détournée et non hardie, directe et répétée ».

      Pour la France, le problème était tout autre. Ses forces s’enlisaient dans une guérilla exaspérante, dont elles n’avaient pas la moindre expérience. Dans une guerre conventionnelle comptant des lignes de front précises, une puissance de feu supérieure a généralement le dernier mot. En revanche, une guérilla ne se fait pas habituellement depuis des positions fixes, et les partisans se cachent au sein de la population…

  Ni l’armée française, ni l’armée américaine qui lui succéda dix ans plus tard ne surent s’adapter à la guerre des partisans. L’une comme l’autre firent le seul type de guerre qu’elles comprenaient et pour lequel on les avait formées et équipées, une  guerre conventionnelle classique, reposant sur des lignes de front clairement tracées… » (p,568)

     « Les Français avaient grandement sous-estimé l’endurance et l’ingéniosité de leurs adversaires – comme le feraient les Américains dix ans plus tard. Le 13 mars 1954, les Nord-Vietnamiens lancèrent une attaque générale sur Dien Bien Phu et s’emparèrent dès le premier assaut, de deux forts périphériques censés tenir les collines. Ils utilisèrent pour ce faire un matériel d’artillerie dont on ne les savait même pas possesseurs, et qui avait été fourni par la Chine au lendemain de la guerre de Corée. Désormais, l’anéantissement du reste de la force française n’était plus qu’une question de temps… » (p,568)

      « La sage décision d’Eisenhower de pas se laisser entrainer au Viêt-nam en 1954 ne relevait pas de la stratégie mais de la tactique. Après Genève, Dulles et lui restèrent convaincus de l’importance stratégique décisive de l’Indochine. Tandis que celle-ci réglait ses problèmes, Dulles mettait une dernière main au cadre de la sécurité collective, qui avait paru faiblir au début de l’année. L’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), qui vit le jour en septembre 1954, regroupait en plus des Etats-Unis, le Pakistan, les Philippines, la Thaïlande, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Royaume Uni et la France. Il lui manquait toutefois un objectif politique commun ou un moyen d’assistance mutuelle… » (p,574)

     Après Eisenhower, Kennedy :

     « La théorie des dominos était devenue la philosophie du temps et elle fut bien peu contestée…

     En choisissant d’arrêter au Viêt-Nam l’expansionnisme soviétique, l’Amérique se condamnait à affronter un jour ou l’autre de graves questions. Si la victoire sur les guérilleros passait par une réforme politique, leur puissance grandissante signifiait que l’on n’appliquait pas correctement les recommandations américaines, ou que ces recommandations étaient tout bonnement périmées à ce stade de la lutte ?... (p,579)

     L’ensemble des citations choisies dans l’ouvrage d’Henri Kissinger (1994) éclairent bien le contexte stratégique et politique des relations entre les Etats-Unis et la France à l’époque de la guerre d’Indochine.

       Les Etats-Unis en Indochine avec Graham Green et son roman « Un Américain bien tranquille » 

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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 15:40

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« La Piastre et le Fusil »

    Chapitre VI

    LA GESTION (p,277)

    L’auteur consacre ce chapitre à l’analyse des problèmes que pose la gestion  de campagnes militaires, d’opérations militaires en respectant les règles de gestion budgétaire classique, des problèmes le plus souvent insolubles.

    « En Indochine, titrait Le Monde au lendemain de la signature des accords de Genève, « La France n’a su faire ni la guerre ni la paix ». Cruel jugement : le Parlement aurait-il par exemple été, a  priori, hostile à toute mesure exceptionnelle ? «  En tout cas, observe Jacques Fauvet, signataire de l’article, on ne lui a jamais demandé nettement, pour en finir avec l’adversaire, ni un effort financier, sous forme d’impôt ou d’emprunt, ni un effort militaire, comme l’envoi du contingent. La victoire était-elle donc réputée inaccessible ? Mais, constate-t-il également, « les gouvernements successifs n’ont jamais non plus placé le pays et le Parlement en face de ce que pourrait coûter la paix ».

      Entre les dépenses militaires et les ressources disponibles, la gestion du conflit indochinois par la France, si l’on en juge par ses résultats, apparait en effet calamiteuse. Dans une guerre qui ne voulait pas dire son nom, la lenteur de l’élaboration des budgets militaires ne le cédait qu’à celle de leur exécution. A travers la maquis touffu de l'organigramme décisionnel, les flux financiers liés aux opérations étaient suivis – en techniciens – par des techniciens, pendant que les militaires, comme sur une autre planète, vaquaient à leur propre besogne. De la piastre ou du fusil, ben malin celui qui pouvait dire alors ce qui comptait le plus.

      Faut-il émettre l’hypothèse que si la guerre avait été bien gérée par la France, et avec des moyens adéquats, elle aurait pu être gagnée ? Rien n’autorise à le dire : par contre, ses responsables auraient peut-être eu les moyens de discerner plus tôt ce qui, de la guerre ou de la paix, devait l’emporter – ce qu’il était, tout simplement possible de faire. »

  1. «  UN NON-ETAT DE GUERRE

     « A la différence de ce qui se passera plus tard pour la guerre d’Algérie, en dépit des efforts du parti communiste pour développer en France même, autour de 1950, sa campagne contre la « sale guerre », l’état  de guerre est pratiquement toujours resté localisé à l’Indochine. Le Viet Minh, tant au niveau de la mobilisation des hommes que de la gestion des budgets, était bien sûr lui-même pleinement dans le conflit. Les Français ont pour leur part contraint l’Etat associé de Bao Dai à « rentrer » également dans la guerre, ce que ce dernier n’a fait ni facilement ni de gaieté de cœur. Mais ils en sont restés là, laissant se développer sur les 10 000 kilomètres séparant le théâtre d’opérations de la métropole une forte contradiction : là-bas, la montée progressive des combats donnait au conflit toutes les  apparences d’une guerre ; ici, le gouvernement, sans jamais vraiment y entrer lui-même, gérait la question de manière de plus en plus financière, et de plus en plus internationale.

  1. L’absence de priorité indochinoise en France

    « La guerre d’Indochine a été conduite par la France avec des procédures de temps de paix, et ce dès le début, alors que la situation de continuité avec la seconde guerre mondiale et l’ampleur des opérations de reconquête aurait pu justifier l’inverse… »  (p,278)

     « La guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires, disait en substance Clemenceau, avant de conduire la France à la victoire en 1918 : en Indochine, manifestement, elle n’apparait pas assez sérieuse pour leur être retirée. Car ce non-état de guerre, qui sans doute ne leur convient pas semble avoir encouragé les militaires à vivre en vase clos, à l’écart d’un pouvoir civil qui ne leur facilitait pas la tâche et, pendant longtemps, ne sut même pas leur fournir de directive claire.. Un certain brouillard entoure d’ailleurs, on le sait, le prix de l’armée française, discrètement dénoncé en haut lieu dès 1948… » (p,281)

  1. Du « Plan de campagne » au budget militaire

    « Pour comprendre sur quelle bases s’effectue le financement des opérations en Indochine, il convient d’examiner les procédures qui aboutissent à l’établissement et au vote des budgets militaires : celles-ci tournent pour l’essentiel autour du plan de campagne et d’approvisionnement, qui fournit l’état des prévisions de dépenses pour l’année suivante et fait concrètement le lien entre le théâtre et le gouvernement. La navette apparait presque permanente entre les deux…Il fallait donc en moyenne un an pour que les prévisions, devenues lois, puissent se transformer en dépenses opérationnelles ; en tout état de cause, les besoins devaient être exprimés, six mois avant l’année auxquels ils s’appliquaient… » (p,286)

    II L’ORGANIGRAMME DU CONFLIT (p,287)

     « Quiconque s’interroge sur la question de savoir qui conduisait la guerre d’Indochine, du côté français, trouve d’abord une réponse simple : le gouvernement  de Paris et son représentant surplace, le haut-commissaire, dont dépendait le commandement en chef. Dans la pratique, les choses sont infiniment complexes : à Paris, l’absence de véritable état de guerre conduisait à une parcellisation des compétences et donnait à l’organigramme du conflit l’apparence d’un maquis touffu. La valse des hommes aux postes de responsabilité – pas tous cependant – ne simplifiait pas le problème. Le pouvoir d’influence des dirigeants de l’économie et de la finance ajoutaient à la complexité…

  1. A Paris ou à Saigon ?

    L’existence d’un groupe de pression colonial, agissant en particulier sur place, constitue une hypothèse attractive pour expliquer certaines dérives de la guerre d’Indochine, pour comprendre, sinon la guerre elle-même, du moins sa prolongation. L’hypothèse devient franchement séduisante si l’on y mêle tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, profitent de la guerre. « Pour que la guerre s’arrête, il faut d’abord qu’elle cesse d’être une source de profits abusifs », suggère une note début 1954. Malheureusement, les sources dépouillées ne permettent  de se faire qu’une  idée très approximative de cette question. En attendant d’aller plus loin, il demeure toujours possible de localiser les principales décisions. Et d’abord de répondre à cette question : sont-elles arrêtés – ou largement préparées en Indochine, ou bien à Paris, au niveau gouvernemental ?

    En principe, sauf au tout début du conflit, les principales décisions concernant la guerre d’Indochine sont prises à Paris, mais Saigon peut « faire de la résistance » et jouer un rôle non négligeable… l’époque à laquelle l’Indochine parait avoir pesé le plus lourd, dans la gestion de la guerre et les décisions –ou l’absence de décisions – la concernant, correspond au passage de Léon Pignon à la tête du haut-commissariat en 1949 et 1950, un moment par ailleurs crucial… La situation de 1949 a été campée par Lucien Bodard : « Les administrateurs qui entourent Pignon sont des revenants, observe-t-il. Ces hommes avaient été des colonialistes intégraux que les »gaullistes » avaient chassés en 1945. Trois ans après, il ses retrouvent au pouvoir en Indochine. »

   Fort de cet entourage à qui l’histoire semblait donner raison – ses membres n’avaient-ils pas toujours dit qu’on ne pourrait s’entendre avec Ho Chi Minh ? – le haut-commissaire Pignon entretient à l’occasion une sorte de guérilla administrative avec le gouvernement…

    Certes, en 1952,1953, après le décès du général de Lattre, qui avait lui-même succédé à Pignon, une unité physique s’est rétablie entre Paris et Saigon en la personne du ministre Jean Letourneau, devenu également haut-commissaire. Mais cette situation, qui ne fut pas durable, semble n’avoir comme effet que de déplacer les tensions. » (p,289)

  1. L’imbroglio gouvernemental (p,290)

    Tout au long de la guerre, comme le  décrit l’auteur, jamais le gouvernement  ne fut capable de mettre sur pied une administration interministérielle à la fois compétente et responsable, avec des processus de décision efficaces.

  1. Réseaux d’influence et décideurs (p,297)

      « Au plus haut niveau, c’est-à-dire à celui où se font les choix et les arbitrages financiers, personne ne parait en mesure d’endosser pleinement la responsabilité de la guerre, tant l’absence de continuité semble avoir été la règle – mis à part à l’Elysée, d’où l’influence de Vincent Auriol, président de la République et de l’Union française de 1947 à 1953, fut loin d’être négligeable. Le problème n’est pas nouveau mais mérite d’être souligné : la France a usé vingt gouvernements successifs entre 1945 et 1954 – en neuf ans, soit plus de deux par an…. Saigon n’a pas connu moins de huit généraux commandants en chef successifs entre 1945 et 1954, sans compter deux intérims assurés par Salan, et sept hauts commissaires, intérimaires non compris – à peine plus d’un par an… L’absence de continuité est également illustrée par la qualité changeante des hauts commissaires en question : un amiral (d’Argenlieu), deux généraux (de Lattre et Ely), un parlementaire (Bollaert), un haut fonctionnaire (Pignon), un ministre (Letourneau), un ambassadeur (Dejean)…(p,298)

     L’auteur évoque alors le contexte international de l’époque, les choix difficiles à effectuer entre défense du continent européen et liquidation d’une position coloniale, devenue un des éléments de la guerre engagée en Asie avec le communisme soviétique et chinois, et plus loin la question des flux financiers entre Paris et Saigon, l’épineuse question du trafic des piastres.

     D. Le « trafic des piastres »

     «  Où se situe le trafic des piastres, dans le système des transactions ou dans les abus de ce système ? Le ministère des Finances, après que l’affaire des généraux ait placé la question devant l’opinion, s’est rapidement fait une doctrine. Deux jours après la publication du premier rapport Mariani et se fondant manifestement sur lui, Guillaume Guindey, indique à son ministre ce qu’il faut penser : « Il convient de s’élever contre l’idée trop répandue que tout transfert de l’Indochine vers la France constitue un trafic. Les relations commerciales entre l’Indochine et la France, la présence en Indochine de fonctionnaires et de militaires français, les nombreuses exploitations que possèdent en Indochine des sociétés françaises, ne peuvent que provoquer une masse importante de transferts parfaitement légitimes entre les deux pays. » Il n’y a trafic, précise le directeur des Finances extérieures, que « Le « trafic des piastres » lorsque qu’il y a marché noir : « L’existence de tels trafics est indéniable. Cette fraude est spectaculaire, mais elle n’est pas aussi généralisée qu’on le prétend parfois. » (p,317)

     Quelle évaluation ?

     « Combien ? Le rapport Mondon, qui établit le bilan du trafic au nom de la commission d’enquête, semble jeter l’éponge : indépendamment en effet de la contrebande financière, les procédés illicites entourant les importations sont entourées de mystère. «  des renseignements très précis sont impossibles à fournir, car il faudrait dépouiller tous les dossiers et effectuer tous les contrôles en accord avec la douane, afin de vérifier si la valeur des marchandises importées correspondait bien aux autorisations de transferts. Ce travail demanderait certainement de nombreux mois et de nombreux fonctionnaires ». Que dire quarante après ! Mais il faut bien fournir un ordre de grandeur à en croire les experts financiers de l’époque, « il résulte que le trafic peut être évalué en environ 10 à 15 % du total des transferts par année », conclut le rapport Mondon. Cela représente sur l’ensemble de la période, si l’on admet un total de de transferts de l’ordre de 1 300 milliards de francs, un trafic situé dans une fourchette allant de 130 à 200 milliards de francs – environ une année de versement du Trésor à l’Indochine dans les dernières années de la guerre. » (p,321)

  1. La surévaluation de la piastre (p,328)

     « Le problème de la surévaluation de la parité de la piastre indochinoise a constitué, pour reprendre cette expression commode, une sorte de « serpent de mer » de la guerre d’Indochine. Fixée en décembre 1945 à 17 francs, en discontinuité avec le taux de 10 francs précédemment admis, mais en concordance avec le reste de l’Empire, c’est-à-dire essentiellement avec le franc d’Afrique, cette parité était conçue comme provisoire…

     L’auteur examine ensuite les arguments qui plaidaient, soit pour la dévaluation, soit pour le maintien de sa parité :

     « A tout considérer, notamment à la lumière de la dévaluation de 1953 et de ses effets, il apparait que le maintien d’une piastre aussi nettement surévaluée relevait pour la France d’une pratique essentiellement impériale. « la surévaluation de la piastre était à l’origine de tous les trafics et de la prospérité artificielle des Etats associés », note André Valls quinze jours après la dévaluation. Elle dirigeait l’essentiel de leurs échanges en direction de la France. Elle permettait aussi à celle-ci de garder le contrôle des finances des Etats associés : « La garantie que leur donnait la France, note encore le conseiller financier, d’une part en rattachant par un parité fixe la piastre au France, d’autre part en attribuant à la piastre une parité avantageuse, devait avoir pour contrepartie à son profit un droit de surveillance à la fois sur la gestion des finances nationales et sur l’évolution de la masse monétaire locale. » Au fond, elle était ainsi la contrepartie du système complexe imposé aux Etats dans le cadre de l’Institut d’émission. On comprend dès lors mieux les hésitations à décider une dévaluation à première vue pourtant logique : plus la France et  l’Indochine s’installaient dans la guerre et plus la piastre en devenait l’élément central, incontournable. En ce sens, la dévaluation du 11 mai 1953 apparait bien synonyme de dégagement français . » (p,333)

    Dans le Troisième Partie « Les conséquences du conflit », l’auteur tente de répondre avec la même rigueur à la question Chapitre VII « Une opération « blanche » pour la France ? » (p,345 à 397), et analyse enfin les conséquences de cette guerre dans le chapitre VIII « L’éclatement de l’Indochine » (p, 397 à 447)

       Nous proposons d’aller directement à la « Conclusion » (p,447 à 455)

    Le volume comprend une documentation riche avec les Sources, une Bibliographie, une Chronologie, les Gouvernements français et principaux ministères, les principaux représentants de la France en Indochine, Valeurs et change des monnaies (p,455 à 527), et enfin une série d’Annexes politiques.

Conclusion (p, 447)

    « Ayant constaté que le « projet d’étudier scientifiquement la guerre avant de la juger soulève de sourdes résistances », Gaston Bouthoul ne s’en étonnait pas : « la guerre n’est-elle pas le domaine des terreurs sacrées, comme la foudre et le tonnerre, interdits aux physiciens sacrilèges ? N’oublions pas, ajoutait-il, que jadis on admettait la torture, non la dissection ». Pour notre part, nous n’avons guère rencontré de résistances dans cette recherche, sinon celle des sources, souvent opaques et plus encore inaptes à livrer autre chose que des bribes de vérité – les sources écrites car les sources orales, elles, nous sont apparues en effet réticentes. Sinon aussi celles des représentations, très liées cette fois au caractère sacré de l’objet ; en abordant aujourd’hui la guerre d’Indochine, il est impossible de faire abstraction des idées bien tranchées qui s’y rapportent. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas souhaitable, car ces idées, ces représentations, en font d’une certaine manière partie.

     Que cherchions-nous, en étudiant le coût de la guerre d’Indochine ? D’abord à tenter de mieux comprendre, sans doute, ce conflit qui mina la IVème République, inaugura la fin de l’empire français et déstructura durablement l’Indochine elle-même. Les finances publiques sont en effet « un poste d’observation stratégique pour l’historien » : le constat  de leur importance progressive à l’arrière-plan des combats, l’inventaire des dépenses, des ressources, la reconnaissance de l’organigramme compliqué de la guerre et de sa gestion débouchaient sur une sorte de phénoménologie du conflit ».

    Qu’apprend-on en particulier sur l’origine même de la guerre d’Indochine ? Il ressort des sources qu’il n’y a pas de causes spécifiquement économiques au conflit. L’idée est plutôt, au lendemain de la seconde guerre mondiale, de reprendre un territoire considéré comme français et dont on a perdu le contrôle depuis plusieurs mois. Par contre, les facteurs économiques créent un environnement favorable à la guerre, car ce territoire fixe une masse important d’investissement. Ainsi pour le caoutchouc : ce n’est pas pour lui que la France   dépêché son corps expéditionnaire en Indochine ; il n’en resta pas moins que le rétablissement des fournitures indochinoises était indispensable à la relance de l’industrie française dans ce secteur.

     Ce souci des intérêts français accompagna la conduite de la guerre pratiquement jusqu’à la fin…L’éclairage économique et financier n’est pas non plus inutile à l’examen du déroulement proprement dit du conflit. L’impression générale est bien sûr que la guerre a été progressivement rattrapée par son coût…Nourrie d’une sorte d’orgueil de grande nation, la France n’envisage à aucun moment de renoncer vraiment, alors qu’elle sait vite ne jamais pouvoir vaincre… Paris avait besoin également de l’aide de Washington, et les Etats Unis accordaient celles-ci d’autant plus facilement que son attribution s’accompagnait d’un désengagement de la France… Que cherchions-nous d’autre en étudiant le coût de la guerre d’Indochine ? Certainement une sorte de prix, un ou plusieurs chiffres incontestables permettant de mesurer la perte ou le profit de l’opération. En elle-même, cette évolution du coût est un exercice difficile mais réalisable, en particulier pour la France : en termes financiers, nous avons mesuré ce coût entre 1945 et 1954, à environ 10 % des dépenses de l’Etat, soit l’équivalent d’une année de budget. » (p,447,448,449,450)

     « Quel bilan retenir de cette tragique décolonisation – un mot qui n’est alors guère prononcé, comme s’il se cachait derrière le spectaculaire du conflit Est-Ouest ? Sur place le bilan apparait assez consternant, notamment sur le plan géopolitique. Le Vietnam sort plus divisé que jamais du conflit. Autant qu’une solution à la guerre, répétons-le, la division du pays au 17° parallèle est un produit de la guerre, le produit d’une guerre devenue civile, comme l’ont voulu certains dirigeants français désireux de reprendre pied. Par son incapacité à s’entendre avec le Viet Minh dans les premières années de la guerre, la France a également réussi à ramener la Chine au Vietnam, après avoir tant bataillé – diplomatiquement –pour qu’elle se retire en 1946. Il ne s’agit certes pas de la même chine, mais il s’agit tout de même de la Chine. Toute la péninsule indochinoise émerge ainsi du conflit meurtrie, divisée, « balkanisée » …

     La France vaincue s’en tire un peu mieux. Elle s’était, il est vrai, financièrement désengagée dès 1953 avec la dévaluation de la piastre, un an avant Dien Bien Phu. La gestion financière du conflit, ou plutôt son coût, lui permettait une sortie de guerre sans dommage majeur, sinon en terme d’image – ce qui fait aussi partie de la gestion de la chose. Elle avait en effet déjà « vendu » sa guerre aux Etats Unis, ou en avait fait du moins une juteuse opération génératrice de précieuses devises. Comme le rappelait on le sait Mendès France au lendemain de Genève, « nous avons trouvé dans la guerre d’Indochine l’équivalent des ressources que, normalement, les exportations devaient nous procurer. » (p,453)

     Sur la même page, l’opinion de François Mitterrand, l’homme politique influent de la Quatrième et Cinquième République dont l’héritage ne fut pas vraiment brillant pour les deux guerres de décolonisation d’Indochine et d’Algérie ! Comme si, les responsables politiques étaient tous frappés d’amnésie !

      « Sur le plan diplomatique, et en termes de puissance, le résultat est moins net. Le risque était connu, ainsi que l’avait formulé François Mitterrand un mois avant Dien Bien Phu, résumant toute la guerre : »Après avoir pendant trois années, recherché une en Asie une conquête de type colonial, après avoir, pendant deux années, de 1949 à 1951, recherché une sorte d’astuce, comme une sorte de truc, l’appui de soldats vietnamiens, sous forme d’indépendance promise, après avoir, devant l’inefficacité de ces deux solutions, recherché le financement et l’ide matérielle des Américains, nous en sommes arrivés à ne plus pouvoir disposer de notre entière liberté d’action par rapport aux peuples autochtones, pas plus que nous avons de liberté diplomatique réelle à l’égard des Alliés, et cela se conçoit parfaitement : dans un contrat, il y a des concessions réciproques ». François Mitterrand prônait alors un resserrement de la politique française sur « un objectif méditerranéen. » (p,453)

    Source : «  12. Intervention de François Mitterrand le 9 avril 1954 au Centre d’études de politique étrangère, rue de Varennes, Archives nationales, Papiers Mayer, 363 AP 31 »

    Commentaire : la guerre d’Algérie n’était pas commencée le 9 avril 1954, mais Mitterrand avait  assumé de multiples responsabilités au sein des groupes politiques charnières qui faisaient ou défaisaient les gouvernements de la 4ème République, et la guerre d’Indochine laissait un héritage malsain pour la décolonisation de l’Algérie : entre 1945 et 1954, il avait été cinq fois ministre.

     Ma conclusion : il s’agit d’un travail remarquable d’historien, car, à mes yeux, l’histoire coloniale et postcoloniale française souffre d’une carence d’histoire quantitative sur les plans économiques et financiers, et cet ouvrage en propose une exception.

      Seule critique, mais de poids, relative à l’absence d’un bilan humain en pertes humaines aussi bien du côté du corps expéditionnaire que les gouvernements considérèrent trop souvent comme de la « chair à canon » que de l’armée Vietminh, ainsi que toutes les victimes de cette sale guerre.

Jean Pierre Renaud     Tous droits réservés

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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 15:06

« La Piastre et le Fusil »

     II Que faire ? (p,86)

    « Avec « l’arrivée des communistes chinois à la frontière indochinoise en novembre 1949, insiste une note de 1950, (note de la direction Asie-Océanie, as Aide américaine à l’Indochine, 25 janvier 1951) et la reconnaissance de Ho Chi Minh par le gouvernement de Pékin (…) les opérations militaires tendaient à revêtir une ampleur telle que leur charge devenait impossible à supporter par la France seule ». Il ne fut jamais question de remettre « les pendules à l’heure », comme le suggéra Pierre Mendès France au lendemain du désastre de Cao Bang. Le gouvernement français allait s’efforcer au contraire d’utiliser les cartes qu’il détenait, ou croyait pouvoir détenir : la mise en place des Etats associés et le recours à l’aide américaine…

  L’intervention progressive des Etats-Unis dans la conflit indochinois s’inscrit quant à elle dans la logique des blocs : c’est en tout cas l’état d’esprit qui prévaut à Paris, dans les cabinets ministériels. « La reconnaissance de Ho Chi Minh par Moscou (…) précise trois mois plus tard une note du Quai d’Orsay, a donné soudain au conflit d’Indochine un aspect, qui aux yeux du gouvernement français, justifiait un appui public et efficace des Etats-Unis… » Mais, entre Français et Américains, les Etats associés en quête d’indépendance allaient représenter un enjeu essentiel, en particulier quand il faudrait les armer. »

   Avec l’élection du Président Truman et la guerre froide, la position américaine évolue  et les Etats-Unis reconnaissent Bao Dai.

   « A propos de l’Indochine, les Etats-Unis et la France ne pouvaient pas non plus si facilement de l’hostilité des premiers temps à une collaboration étroite : les premiers mois de 1950, comme un moment d’adaptation nécessaire, donnent à cet égard le ton, celui d’un premier « bras de fer » entre les deux pays ; la revue Time américaine avait révélé début janvier l’affaire Revers-Mast, que le gouvernement avait réussi jusque-là à étouffer : la fuite du rapport Revers, en direction notamment du Viet Minh, ne mettait pas seulement en cause la hiérarchie militaire mais aussi - par le contenu du rapport – l’action de la France en Indochine. « L’affaire des généraux » allait entraîner une déclaration du Prédisent du Conseil Bidault à la Chambre, la réunion d’une commission d’enquête, qui évoqua d’ailleurs pour la première fois officiellement le trafic des piastres, et alimenter la chronique pendant plusieurs semaines. La France, en particulier la France en Indochine, n’en sortait pas valorisée… (p,93)

    Le déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950, pratiquement le jour où la conférence de Pau inaugure ses travaux, allait bousculer ces précautions et accroitre l’aide et l’influence américaine en Indochine. La décision du président américain d’élargir la doctrine du containment à l’ensemble de l’Asie pacifique concernait en effet aussi l’Indochine.

    Le matériel américain fit alors son apparition. Le 29 juin 1950, deux jours après la déclaration de Truman, 8 C 47 (Dakota) destinées aux forces françaises atterrissaient à Tan Son Nhut. (p,95)

   De contacts directs entre des représentants de la France et Ho Chi Minh, de conférences entre les deux parties, successivement à Dalat, puis à Fontainebleau, et maintenant à Pau, avec la participation de représentants des nouveaux Etats associés, aucune solution ne se dégage :

    « Réunissant les Etats associés et la France, la conférence inter-Etats qui se tient à Pau en 1950, sous la présidence d’Albert Sarraut, s’inscrit dans la suite annoncée en 1949. Elle se donnait précisément pour objectifs « de régler les problèmes laissés en suspens dans les négociations bilatérales qui ont eu lieu préalablement entre la France, le Cambodge, le Laos et le Vietnam…

    « L’inflation des coûts et la redistribution des cartes » (p,99)

     Interpellé, le Président du Conseil René Pleven mit un terme à la polémique dans une longue intervention à  la tribune : « Nous n’avons jamais, rétorqua-t-il à  Frédéric Dupont, à aucun moment, laissé les préoccupations financières l’emporter sur les nécessités du corps expéditionnaire en Indochine ; il rappela au passage que le budget prévu de 120 milliards  de francs, « correspondant à des effectifs budgétaires moyens au cours de 1950 de 125 000 hommes », avait été dépassé avec le plein accord du ministre des finances : portées à 143 milliards de francs, les dépenses prévues ont ainsi « permis de maintenir les effectifs terrestres à 151 000 hommes contre 125 000   initialement ».

    Malgré la défaite de Cao Bang et la diatribe de Mendès France, nul ne parait pour autant songer sérieusement à remettre en cause la guerre elle-même, ni à revenir sur la politique compliquée de mise sur pied des Etats associés et d’alliance avec les Etats-Unis…(p,99)

     III L’année des ambiguïtés (p,102)

    « L’année 1951 voit se mettre en place le mécanisme élaboré, non sans difficultés, durant les années précédentes. Mais ce mécanisme apparait encore imparfait, inachevé, ambigu même. Trop d’intérêts contradictoires étaient en jeu.

   L’aggravation de la situation internationale inquiète parallèlement le gouvernement français, bien au-delà de l’Indochine. En juin 1950, la guerre de Corée a pris le relais de la révolution chinoise : tout le bloc communiste semble être entré dans une phase d’expansion armée. L’Europe occidentale se sent menacée :  le grand dessein de la France est  dès lors, tout à la fois, de se réarmer et de redevenir la première puissance militaire en Europe. René Pleven a placé le réarmement en tête de ses objectifs, en entrant à Matignon en juillet 1950. Le plan qui porte son nom, lançant la Communauté Européenne de Défenses (CED), est formulé le 24 octobre 1950 et le budget de réarmement finalement adopté par l’Assemblée nationale le 8 janvier 1951 : la part des dépenses du pays passe à près de 28% pour 1951. Les crédits militaires de la France font entre 1950 et 1951 un bond de 47%.

      En France, l’opinion est divisée, la contestation du réarmement et de l’engagement en Indochine restant une spécialité du parti communiste, qui conteste ensemble tous les efforts militaires occidentaux : « En cette période de rentrée des classes, peut-on par exemple lire en octobre dans l’Humanité, devant les nombreuses écoles qui attendent des réparations urgentes ou en pensant à celles qui sont à construire, on songe (notamment) à  tout ce qui aurait pu être fait (…) avec le milliard que notre gouvernement dépense journellement pour la guerre du Vietnam ». Mais la guerre d’Indochine semblait pourtant avoir pris une physionomie nouvelle.

   A L’effet de Lattre

     « Dans l’historiographie de la guerre d’Indochine, l’arrivée du général de Lattre de Tassigny en Indochine, en décembre 1950, marque un tournant majeur. … Ce qui frappe le plus chez ce Mac Arthur français est le caractère tragique de son proconsulat : muni de tous les pouvoirs civils et militaires, pour la première fois depuis d’Argenlieu, ce chef charismatique impose d’emblée un nouveau dynamisme au corps expéditionnaire et donne au gouvernement français de nouvelles raisons d’espérer ; mais il rencontrera très vite la mort, celle au combat – au Vietnam même- de son fils unique, et la sienne propre en janvier 1952….

   Une telle tornade a son prix : de Lattre était cher, mais relativement suivi par le gouvernement. Les dépenses militaires supportées par la France au titre de l’Indochine, déjà réputées trop élevées, bondissent en 1951 de 182 milliards à 322,3 milliards… Le moral des troupes n’est pas gratuit… De Lattre demande des renforts et, en général, les obtient, même si ce n’est pas sans difficultés… Reste le programme de fortifications imaginé par de Lattre après la bataille de Vinh Yen : un millier d’ouvrages environ, en béton, destiné à « barricader » le delta tonkinois contre les unités régulières de l’armée populaire, voire contre une éventuelle menace chinoise… - sa croisade aux Etats Unis du 13 au 25 septembre 1951 est un succès… » (p,104 à 108

    Commentaire : «  La mise en place des Etats associés » est très complexe en  raison de la création d’armées nationales et de leur financement, d’autant qu’elle  est conditionnée par l’aide des Etats-Unis, donc leur accord.

   Quelle politique indochinoise ? » (p,112) 

   Commentaire : c’est toute la question, et toujours la même question depuis 1945, une question devenue de plus en plus difficile à résoudre.

   « On a beaucoup dit que le décès du général de Lattre, en janvier 1952, avait privé la France d’un redressement certain en Indochine : il est cependant permis de se demander, indépendamment des difficultés que lui-même pressentait, s’il ne risquait pas de se « démoder » assez vite.

    Un nouvel état d’esprit semble en effet régner à Paris au sujet de l’Indochine en 1951 : la hiérarchie militaire d’une part, le ministère des Finances d’autre part, paraissent en effet alors sceptique sur les modalités de son entreprise.

    Le programme de réarmement centré sur le théâtre Europe et budgétisé en janvier 1951, est-il compatible avec l’engagement français en Indochine ? …      Mais les choses n’en restèrent pas là car, en attendant que soit signé le traité de CED, la France inscrit son effort de réarmement dans le cadre de l’OTAN :elle s’engage en particulier à aligner quatorze « divisions OTAN » entre la France, l’Allemagne et l’Algérie sur un total de vingt-cinq divisions – plus douze autres mobilisables. Tout semble se liguer contre l’engagement français en Indochine… Mais les crédits militaires s’envolent, et ses objectifs apparaissent de plus en plus inconciliables.

    La dérive financière en tout cas s’accélère…

     Ainsi, à la fin de 1951, après que trois ans d’évolution était dessinée une nouvelle configuration du conflit, tout est prêt pour une nouvelle période qui pourrait être en effet celle d’un réel désengagement, mais l’ambiguïté demeure… Dans les derniers jours de décembre 1951, défendant devant les  députés le budget militaire 1952 qui avait atteint des sommets jamais encore approchés – 1 270 milliards de francs en hausse de 61% sur celui de 1951 – Georges Bidault, ministre de la Défense nationale, parait ainsi bien embarrassé à propos de l’Indochine. » (p,116)

   Commentaire : le même dilemme impossible à résoudre, sans faire un choix, fut également, à l’époque de la Guerre froide, celui de la guerre d’Algérie. La puissance de la France n’avait plus les moyens de soutenir un effort de guerre sur deux théâtres d’opérations.

    « Chapitre III (p,119)

    « La guerre d’Indochine ou comment s’en débarrasser (1952-1954) »

    Durant les dernières années du conflit, la guerre d’Indochine parait avoir été complètement rattrapée par son coût : en 1952 et 1953 – 1954 étant militairement restée « inachevée » - celui-ci se situe entre 500 et 600 milliards de francs par an, soit l’équivalent d’environ 15%  du budget français. Le coût réel pour la France ne s’établit sans doute pour 1952 qu’autour de 330 milliards de francs, mais ce montant en dépenses militaires est déjà supérieur de 185 % à ce qu’il était en 1947… La guerre d’Indochine coûte à la France seule, en 1952 et en francs constants, presque trois fois plus que cinq ans plus tôt.

    Autant qu’un conflit lointain et meurtrier et quasi insoluble, la guerre d’Indochine est devenue pour les responsables français – et sans doute pas seulement pour eux – un problème financier également insoluble, un boulet dont il faut se débarrasser. Depuis le début de 1952 cependant, le conflit a pris une nouvelle configuration : Paris commence d’une part à recevoir au titre de l’Indochine une aide financière des Etats-Unis, qui s’ajoute aux livraisons de matériel et à l’aide économique aux Etats associés. Sur place,  d’autre part, l’Union monétaire issue de la conférence de Pau fait ses premiers pas. Imagine-t-on encore une quelconque issue militaire en Indochine ? Il ne le semble pas. Mais la France ne peut pas se retirer comme cela : dans un jeu complexe, elle traite avec les Etats associés et bénéficie du soutien des Etats-Unis. Cette formule est censée lui assurer, à la fois, un retrait en douceur et le maintien de son influence. Elle ne lui permettra, on le sait, ni l’un ni l’autre.

     I - L’urgence indochinoise

   Dans le vertige budgétaire qui saisit la France avec l’exercice 1952, la guerre d’Indochine est particulièrement visée. L’affaire du trafic des piastres y ajoute bientôt le scandale et l’absurde. Que recherche finalement la France dans cette guerre du bout du monde ? … « La France, note un rapport parlementaire, ne peut se permettre de perdre sans perspective d’avenir des hommes parmi ses meilleurs et des milliards qu’elle consacrerait plus utilement au relèvement de ses ruines et à la défense de la métropole. »

  1. Un adversaire accrocheur

    « C’est au Tonkin que se livre véritablement la guerre » note le rapport parlementaire Pineau au début de 1952 ». …

   Qui, alors contrôle quoi au Vietnam ? Quatre ans après l’accord entre la France et Bao Dai, « l’adversaire contrôle tout le Nord-Vietnam, à l’exception du delta, indique en 1953, le conseiller financier du haut-commissariat…

   Guerre monétaire entre la monnaie viet et la piastre, guerre du riz, partenariat difficile avec les Etats-Unis… « La participation américaine à la guerre d’Indochine, qui, correspondait en 1952 à 40 % de son coût, frôle les 50 % en 1953…(p,133)

    II La dévaluation de la piastre

   « Compte tenu des espoirs mis par la France dans l’aide américaine, l’arrivée en janvier 1953 du républicain Eisenhower à la maison Blanche, où il restera huit ans, ne pouvait être prise à la légère. C’est sans doute en connaissance de cause que René Mayer, partisan réputé de la CED est pressenti  poar Auriol et investi par la Chambre le 6 janvier 1953. Son passage à Matignon va relancer la coopération avec les Etats-Unis et s’accompagner de mesures radicales concernant l’Indochine, en particulier la dévaluation de la piastre…

   Dans un entretien du 26 mars avec Dulles, en présence des ambassadeurs du Vietnam et du Cambodge aux Etats-Unis, Mayer revient à la charge, lançant à nouveau l’Indochine en tête des discussions : il vante les mérites de la voie choisie par la France, qui passe par le développement des armées nationales : « Plus on avance, plus on voit clair dans la conduite politique à mener en Indochine, affirme-t-il… » (p,133 à 137)

  1. Les raisons d’une mesure

   « Plutôt retenue d’ordinaire comme une mesure technique, la dévaluation de la piastre s’inscrit dans un ensemble de décisions importantes prises début 1953 à propos de l’Indochine. Elle est aussi l’occasion d’une nouvelle crise dans les coulisses du pouvoir, en métropole comme sur place. Le changement de parité de la monnaie indochinoise, mesure tout à à la fois financière et politique comme l’un des principaux tournants – le dernier peut-être – du conflit. Faut-il y voir un sursaut français ou bien, au contraire, un chapitre nouveau de la dérive entraînée par le coût de la guerre ?

   Sans doute y-a-t-il le scandale des piastres. Depuis quelques mois, de nouvelles révélations sur le sujet ajoutaient en effet leur parfum de scandale aux difficultés budgétaires 

… La dévaluation de la piastre n’est-elle que la partie émergée d’un iceberg de sombres et louches affaires ? » (p,339)

  1. Mayer en action

    « La réorganisation Mayer est cadrée fin avril 1953 : sûr d’un financement américain, le gouvernement résout les principaux problèmes organisationnels sur le terrain : le Comité de Défense nationale du 24 avril règle la question du commandement en Indochine et un décret, le 27 avril, définit les pouvoirs du nouveau commissaire de France en Indochine…

     Il reste qu’en donnant un violent coup de pied dans la fourmilière indochinoise, René Mayer a fait bouger les choses, pour la première fois depuis le début de la guerre, créant en particulier les conditions pour un désengagement de la France…

  1. LE  Désengagement et l’Echec

      « … L’après Mayer voit cependant les choses évoluer rapidement : pendant que le corps expéditionnaire maintient sa présence sur le terrain, les Etats associés se détachent de plus en plus de la France, qui ne les retient d’ailleurs pas et semble progressivement en abandonner le parrainage aux Etats-Unis. La RDV, pour sa part, prend des dispositions en conséquence. Rendez-vous est bientôt pris à Dien Bien Phu. » (p,150)

  1. Echec au Plan Navarre

      « La fin de la guerre d’Indochine illustre le décalage qui s’est progressivement installé entre ceux qui gèrent la guerre et ceux qui la conduisent. Budgétaires et militaires français vivaient-ils encore sur la même planète ? Les premiers peuvent se frotter les mains : grâce à la « mise hors budget »…du financement des armées nationales, jusque-là assuré par une subvention très officiellement inscrite dans les comptes de la nation, le poste des Forces terrestres en Indochine accusait un appréciable repli d’environ 17%...

      « Le plan proposé par le général Navarre (nouveau commandant en chef du Corps expéditionnaire) en juillet 1953, après quelques semaines passées sur place à évaluer la situation et les besoins, supposait justement un nouvel effort financier du gouvernement français. L’objectif qui devait être atteint en deux ans, soit pour la fin 1955, était de faire pencher suffisamment la balance des forces du côté franco-vietnamien, pour que d’une part, le rapatriement du corps expéditionnaire s’amorce et que, d’autre part, le relais puisse être passé durablement aux armées nationales… (p,157)

    «  La hiérarchie militaire ne vint guère au secours du plan Navarre. Le général soumit au gouvernement, à la fin du mois d’août, dans une « note sur les incidences militaires de la politique de financement de la guerre d’Indochine », un plan retaillé comprenant le chiffrage « des moyens minimums indispensables ». Une longue discussion s’engagea avec le gouvernement sur « la valeur des moyens » en question, pendant que la négociation se poursuivait avec Washington. Finalement, le Comité de défense nationale du 13 novembre 1953 demanda au commandant en chef « d’ajuster ses plans aux moyens mis à sa disposition ». Le Comité considérait en effet qu’un nouvel accroissement des moyens militaires de l’Union française mis à la disposition du théâtre d’opérations d’Indochine, ne pourrait être obtenu qu’au prix d’un affaiblissement excessif de nos forces en Europe et en Afrique du Nord, et que les inconvénients  qui en résulteraient seraient plus graves pour la situation de la France dans le monde que ne seraient avantageux pour elle les résultats à attendre de l’envoi de nouveaux effectifs en Extrême Orient. Mais Navarre ne semble avoir reçu le courrier l’informant de ces dispositions qu’après avoir fait occuper Dien Bien Phu par les parachutistes du général Gilles… » p,158)

    « Tout a été dit sur Dien Bien Phu. La confiance des responsables français dans la conception du camp retranché, un  « super-Nassan », du nom d’un terrain d’aviation transformé en forteresse l’année précédente, non loin de Son-La, selon la formule d’un « hérisson » sur lequel viennent s’écraser les offensives ennemies. La confiance de tous, du soldat au ministre, dans l’issue de l’explication annoncée – « on va leur montrer », pouvait-on entendre un peu partout sur le site du camp retranché… » (p,160)

  1. La liquidation

   « La guerre était donc finie. Mais on entendit guère de commentaire sur la portée de cette décolonisation, il est vrai particulièrement ratée… » (p,166)

 

 

 

 

 

 

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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 10:59

La Parole de la France ?

L’Honneur du Soldat

Les Héritages

Guerre d’Indochine (1945-1954)

Guerre d’Algérie (1954- 1962)

B

&

« La Piastre et le Fusil »

« Le coût de la guerre d’Indochine «

« 1945-1954 »

Hugues Tertrais

 

Avant propos : comment ne pas apprécier ce livre d’histoire coloniale et postcoloniale, un ouvrage qui va au fond des choses, des faits et des chiffres qui concernaient cette guerre d’Indochine presqu’ignorée de l’opinion publique française jusqu’au désastre de Dien Bien Phu, en 1954 ?

       Neuf années d’un conflit encore colonial qui fut à mes yeux un symbole de plus de la thèse historique que je défends depuis des années, à savoir    que la France ne fut jamais une nation coloniale, laissant à des « pros » quels qu’ils soient le soin de s’en occuper, sinon d’en profiter, comme ce fut le cas exceptionnel  en Indochine, notre « joyau colonial » aux yeux de Lyautey.

       Dans le cas de l’Indochine, la France "officielle" laissa le soin à une armée de métier et à des groupes de pression publics ou  privés divers, à la fois d’accompagner une  « sale » guerre et d’en profiter jusqu’au bout

      Dans une longue introduction, l’auteur expose les difficultés rencontrées dans tous les domaines, et notamment dans celui des chiffres, pour pouvoir procéder à une analyse rigoureuse.

      « L’extrême difficulté rencontrée à établir des données statistiques précises et définitives surprend et, d’une certaine manière, contrarie celui qui s’est longuement immergé dans les archives économiques et financières. » (p,17)

      « Une triple démarche »

       « Cet ouvrage suit un plan en trois parties. La première s’attache au déroulement de la question dans le temps. La configuration du conflit, les enjeux financiers, le jeu des belligérants et des partenaires ne sont en effet pas les mêmes à toutes les époques. Dans ce domaine, comme dans les autres, l’histoire est faite de situations successives, à l’intérieur desquelles la combinaison et le poids des principaux facteurs, anciens et nouveaux varient. Les données économiques et financières de la guerre d’Indochine, par leur propre évolution, suggèrent on l’a dit, trois moments dans l’évolution du conflit, trois périodes de trois ans environ chacune : 1945-1948, 1949-1951, 1952-1954. » (p,19)

       Première Partie

       « Tout problème n’est pas financier mais le devient un jour » (p,21)

       « La guerre d’Indochine ne se résume pas à cet aspect  des choses mais, compte tenu au moins de la réputation qu’elle s’est faite, il importe de tirer au clair l’importance du facteur financier dans son déroulement. Toujours trop chère pour les Français d’une part, au regard des autres besoins du pays, la « sale guerre » a généré aussi son lot de scandales financiers. Forcément très onéreuses pour le Viet Minh d’autre part, qui conduit une guerre dont les moyens excèdent largement ses propres capacités économiques, la Résistance n’en a pas moins été menée de main de maître.

      A considérer plus attentivement l’évolution de la guerre, trois moments se succèdent, les facteurs financiers apparaissent au fur et à mesure toujours plus contraignants, décisifs même, ce qui suggéra cette formule à Pierre Mendès France : « Tout problème n’est pas financier mais le devient un jour. Ainsi de l’affaire d’Indochine, mal engagée politiquement, militairement et moralement, précisait-il, elle tournait encore plus mal sur le plan budgétaire. » Dans sa première configuration de conflit colonial, entre 1945 et 1948, la guerre d’Indochine est chère sans l’être vraiment : le facteur financier pèse en tout cas moins lourd pour la France que pour le Viet Minh. Brusquement rattrapé pat  les crises de la guerre froide, le conflit change de physionomie : les dépenses militaires s’emballent, les problèmes financiers surgissent sur le devant de la scène, et l’urgence commande de trouver des solutions nouvelles, alors que le Viet Minh dispose de moyens supplémentaires mis notamment à sa disposition par la Chine populaire. A partir de 1952, dans une troisième époque qui s’achève en 1954, l’élargissement de la guerre à de nouveaux alliés nourrit la montée en puissance des combats, le coût de la guerre atteint des cimes vertigineuses et, cette fois, les « financiers » paraissent être devenus les vrais décideurs. »  (p,23)

      Commentaire : 1 - Le découpage historique proposé en trois périodes correspond à celui que l’on trouve dans les analyses consultées, avec trois phases de guerre bien identifiées.

     2 - Le contexte historique de l’après-guerre   est d’autant  plus important qu’en 1945, la France était ruinée, les cartes d’alimentation encore en circulation, et le pays déjà en état de perfusion du dollar américain.    

    3 -  Avec le départ du pouvoir du général de Gaulle le 20 janvier 1946, le déclenchement de la Guerre Froide en 1947 et le départ des ministres communistes, en 1947, provoqué par le Président du Conseil socialiste Paul Ramadier mit fin au tripartisme PC-SFIO-MRP, les communistes français venant en appui des revendications du Viet Minh.

    4 – La Quatrième République fit preuve d’une belle continuité avec la Troisième République par la volatilité de ses gouvernements, six mois en moyenne : il est difficile de faire la guerre, quelle qu’elle soit, dans de telles conditions d’instabilité, pour ne pas dire d’incompétence et de manque de courage.

    Chapitre I

     « Une guerre coloniale aux moindres frais (1945-1948) » (p,25)

    « Durant les trois années qui suivent les capitulations allemande et japonaise, un é tat de guerre dispendieux s’installe donc en Indochine. Les raisons de cette situation ne sont qu’indirectement économiques, tenant plutôt aux modalités de la libération en Asie et en Europe : au Vietnam, secoué du nord au sud par la Révolution d’août 1945(1), qui ne déplait ni aux Japonais ni aux Américains, la France évincée conserve une attitude impériale. Elle-même-est occupée à reconstruire son territoire, partiellement en ruine, son économie, son régime politique aussi. Mais elle a également des intérêts en Indochine, des investissements qu’elle n’envisage pas plus d’abandonner que l’idée qu’elle se fait de sa grandeur et de sa « mission civilisatrice ». Les rêves de la France sont-ils alors conciliables avec ceux du Vietnam, et des trois pays d’Indochine, la situation est la plus embrouillée ? » (p,25)

  1. La prise de pouvoir par Ho Chi Minh et le Vietminh

I.Le coût de la guerre avant la guerre

    « La guerre d’Indochine est officiellement déclenchée, si l’on peur dire le 19 décembre 1946, date à laquelle le gouvernement vietnamien dirigé par Ho Chi Minh doit abandonner Hanoi pour le « maquis » tonkinois.

  1. Indochine, année zéro

     « En France, on le sait, à la fin de la seconde guerre mondiale, « tout était à refaire ». En Indochine aussi : après avoir relativement échappé à la guerre du Pacifique, du fait de la politique conciliante à l’égard du Japon du gouverneur général Decoux, l’Indochine française avait été balayée durant six mois, en 1945, par un violent cyclone d’ordre politico-militaire, entrainant une rupture historique qui le rendait méconnaissable… Au début du mois d’août 1945, la conférence de Postdam avait écarté la France du règlement du conflit en Indochine, Chinois et Anglais y étaient chargés de désarmer les troupes japonaises, au nord du 16ème parallèle pour les premiers  et au sud pour les seconds. Peu après la Révolution d’août lancée par le Vietminh, suivie le 2 septembre 1945 par la proclamation de l’indépendance à Hanoi par Ho Chi Minh tournait vraiment aux yeux des vietnamiens la page de la colonisation.

     Encore pour peu de temps au pouvoir, de Gaulle lance le 24 mars l’idée d’une « fédération indochinoise » dans le cadre de l’Union française : seul petit problème, la France n’avait pas les moyens de reconquérir l’Indochine,, ignorait presque tout de la situation concrète de l’Indochine, et n’avait de toute façon pas encore pris le virage d’une décolonisation nécessaire.

      La France décide la création d’un Corps expéditionnaire qu’il faut financer et équiper sans en avoir les moyens, en utilisant des expédients et en faisant appel au concours des Anglais et des Américains qui disposaient alors des moyens d’équipement et de transport nécessaires : « il faut donc pratiquement tout acquérir… Les troupes ne suffisent pas », il faut de l’argent, et la monnaie est bien sûr un des enjeux, la piastre, la monnaie émise par la Banque d’Indochine, avec les difficultés inextricables crées par la présence de troupes chinoises nationalistes et du taux de change avec le franc à fixer :

    « Ainsi, le passage de la piastre de 10 à 17 francs apparait fin 1945 comme une mesure de circonstance, et une mesure provisoire… » (p39)

     Ce « provisoire » dura longtemps, presque jusqu’à Dien Bien Phu, alors qu’il fut très rapidement contesté et qu’il fut la cause du scandale des transferts frauduleux de piastres.

     « D.  Une logique de reconquête » (p,39)

     « Un accord est obtenu le 6 mars 1946 entre Sainteny et Ho Chi Minh à Hanoi, reconnaissant le Vietnam comme un Etat libre au sein de l’Union française, et prévoyant notamment une relève au Nord des troupes chinoises par celles du général Leclerc. Mais cet accord obtenu « à l’arraché », e’t qui fera date, ne semble pas modifier la logique militaire en cours en Indochine, qui est une logique de reconquête. D’ailleurs, si l’on en croit Leclerc, accord ou pas accord, les troupes françaises ont vocation à se réinstaller au Nord : « il importe en effet de ne pas oublier, précisa-t-il, que, si les forces françaises ne sont pas arrivées avant le mois de mars au Tonkin, ce n’est nullement pour une question d’accords non signés, mais pour des raisons techniques : elles ont embarqué dès que les bateaux nécessaires ont pu être rassemblés, et si les accords du 6 mars n’avaient pas été signés, elles avaient l’ordre de s’emparer de Haiphong, de Hanoi… » (p,40)

       Le Corps expéditionnaire fait face à beaucoup de difficultés et ne peut compter sur l’aide américaine «  en raison de l’attitude résolument anticoloniale qui prévaut à Washington, selon, comme l’écrit l’ambassadeur de France  Henri Bonnet, une sorte de principe tacite prévalant depuis la capitulation japonaise. Selon lui, le gouvernement des Etats-Unis est décidé à ne rien faire « qui fut de nature à aider (les anciennes puissances coloniales) dans la reconquête de (leurs) territoires si les populations indigènes tentaient de mettre obstacle à la réinstallation de leur souveraineté » en conséquence, « le gouvernement de Washington a interdit la cession de matériel de combat, à quelque titre que ce soit, aux Etats possessionnés dans le Sud-Est de l’Asie pour l’utiliser dans cette partie du monde. » (p,41)

    Décembre 1946  « A cette date, le nord est entièrement à reconquérir… Hanoi n’est dégagée que le 18 janvier 1947… et chaque déplacement des troupes françaises, de timides excursions d’abord dans  sa périphérie, est une « opération ».

      Au total, le coût de la reconquête de l’Indochine, entre le 15 août 1945 et le 31 décembre 1946 – reconquête encore très partielle – est évalué dans un document sans autre référence, datant  sans doute du début 1947, à environ 75 milliards de francs – soit l’équivalent de plus de 10 % du budget de 1946… Avant même  le « clash » du 19 décembre, date à laquelle les ponts sont définitivement coupés entre Vietnamiens et Français, la facture de la réoccupation du territoire est donc déjà lourde. Par la nature de ses dépenses, elle suggère que le conflit a bien commencé dès l’été 1945. » (p,43)

       II Les moyens de la Résistance (p,44)

      Les Vietnamiens – on dira bientôt le Viet Minh- ne vivent pas le conflit dans le même « temps » que les Français : c’est une guerre de longue durée qu’ils mènent contre la France et sa première phase, celle de la défensive a commencé dès le 23 septembre 1945, date de la reprise du contrôle de Saigon par les Français…

      A- Le temps de l’autosuffisance

     Les documents du Viet Minh ne sont pas innombrables _ ceux que nous avons pu consulter, apparemment authentiques, ont été le plus souvent saisis par les Français – mais ils donnent tout de même une impression : le Viet Minh n’est pas un mouvement mais un Etat, ou s’il n’est pas un Etat au sens complet du terme, il s’efforce de fonctionner comme tel. En 1947 par exemple, replié loin au nord de la capitale, hors d’atteinte des troupes françaises, un gouvernement central existe bien, réunissant plus de vingt ministres et secrétaires d’Etat : six notamment en matière financière et économique… L’administration Viet Minh s’appuie d’autre part sur une organisation territoriale décentralisée, six interzones (lien khu) en particulier, après la réorganisation de mars 1948. Des comités économiques fonctionnent… au niveau des provinces comme à celui des villages… »

        A la même page 45, l’auteur publie une carte de Bernard Fall intitulée « Le réduit » tonkinois », autre appellation du « quadrilatère » Viet Minh, sorte de forteresse repaire montagneux à la frontière de Chine, avec quelques défilés, notamment celui du Fleuve Rouge, qui furent  les voies séculaires des invasions chinoises ou des pirates que la France combattit lors de la conquête du Tonkin, à l’heure des Gallieni et Lyautey.

     « Cet Etat dispose d’une armée, une armée jeune  et sans doute, encore très onéreuse, mis qu’il faut former, nourrir et équiper. Elle regrouperait, en 1946, 80 000 à 100 000 hommes, dont 60 000 réguliers, soit pratiquement l’équivalent numérique des ex-forces françaises d’Indochine en état de mobilisation…. La République démocratique du Vietnam (RDV) dispose enfin d’un territoire… La RDV et son territoire, enfin, ont bientôt leur monnaie… la RDV s’est également donné un système fiscal… Le Viet Minh fonctionne ainsi à son propre rythme : la pratique autarcique va de pair avec l’idée de résistance de longue durée…

  1. La lutte économique et monétaire

       « Objectif essentiel » pour le Viet Minh, la lutte économique apparait comme un complément – ou comme un substitut – à une lutte militaire qui compte tenu du rapport des forces est toujours difficile… L’aspect le plus visible de cette lutte économique et financière concerne la monnaie, véritable « cheval de bataille » du Viet Minh pour des raisons qui touchent à la fois à la propagande et au financement de l’effort militaire… Propagande et répression se combinent pour imposer la monnaie « Ho Chi Minh ». (p,45 à 53)

III Un conflit mal maitrisé (1947-1948)

   Si l’état de guerre remonte à 1945, les événements de la fin de l’année 1946, font évidemment passer celui-ci à un cran supérieur… les dépenses trimestrielles … tournaient fin 1946 autour de 6 milliards de francs, elles bondissent à environ 10 milliards pour le premier trimestre 1947. »

  1. Une période incertaine

     Entre 1946 et 1948 : « Indépendamment de cet aspect technique de  la relève, la monotonie des chiffres traduit pour cette période une grande incertitude. Sur place, le Viet est partout, et l’on ne circule, même au Sud, qu’en convoi, et à ses risques et périls… Du côté français, la mésentente paraît l’emporter. Ce n’est pas ici le lieu de faire l’inventaire des conflits qui opposèrent civils et militaires en Indochine dans les premières années de la guerre, mais ils n’étaient pas sans arrière-plan ni conséquences financières. Le général Gras en a décrit les principaux épisodes… » (p,56)

  1. Un effort militaire parcimonieux (p,58)

     « … La logique coloniale continue pour sa part d’être à l’œuvre… Depuis la fin juin 1948, dans un contexte général de crise des paiements, la question des crédits militaires menaçait le gouvernement. L’Indochine n’était pas directement en cause, plutôt les crédits militaires dans leur ensemble. Mais comme ne pas rapprocher les deux quand 32% de ces derniers sont alors consacrés à l’Indochine ? » (p,58,61)

     19 juillet 1948, le gouvernement Schumann, dit de « troisième force » démissionne, et la crise politique allait durer trois mois. Une de plus !

     Chapitre II

      L’inflation des coûts et la redistribution des cartes (1949-1951)(p,69)

     « Après trois années de relative stabilité, ou du moins de croissance contenue, les dépenses militaires en Indochine s’envolent entre 1949 et 1951 : 135, 4 milliards de francs en 1949, 182 milliards en 1950, 322,3 milliards en 1951 – compte non tenu, pour cette dernière année des premières livraisons de l’aide américaine……

   Les premiers revers militaires propulsent les questions financières sur le devant de la scène. Après le désastre de Cao Bang, en octobre 1950…

    A la séance du 19 octobre 1950, Pierre Mendès France déclara :

    « Il n’y a que deux solutions «  La première consiste à réaliser nos objectifs en Indochine au moyen de la force militaire. Si nous la choisissons, évitons enfin les illusions et les  mensonges pieux. Il nous faut obtenir rapidement des succès décisifs trois fois plus d’effectifs sur place et trois fois plus de crédits et il nous les faut très vite ». Mais bien sûr, il y a l’énorme déficit budgétaire, « de 800 à 1 000 milliards de francs » Alors il y a l’autre solution, qui « consiste à rechercher un accord politique, un accord évidemment, avec ceux qui nous combattent. »

     « Mais aucune des deux solutions énoncées par Pierre Mendès-France ne fut mise en œuvre. Face à l’accroissement des charges de la guerre, le gouvernement  français s’engage dans une troisième voie, plus diplomatique destiné à lui procurer de nouveaux partenaires. »

  1. Une situation nouvelle

    « A partir de 1949, le conflit se durcit à différentes échelles. En Indochine même, sans parler du grave revers militaire de Cao Bang en 1950, la lutte se fait tenace, en particulier sur le plan économique. L’environnement régional est pour sa part en pleine bouleversement, et avec lui les relations extérieures du Viet Minh : au sud de l’Indochine, l’indépendance est acquise pour l’Indonésie de Sukarno, après plusieurs années d’affrontement armé avec les Pays Bas, et la Chine bascule dans le monde communiste. La France, qui signe le Pacte Atlantique en avril 1949 et prend à ce titre de nouveaux engagements militaires, commence à se demander sérieusement comment elle va pouvoir continuer à financer cette guerre du bout du monde. »

  1. La guerre économique, B. L’irruption chinoise :

     « Autant que l’on sache, les principaux éléments de l’aide chinoise à la RDV se mettent en place en 1950. Le premier accord militaire aurait été conclu dès sa reconnaissance par Pékin…

     Dans les maquis vietnamiens, une telle évolution donne raison à la conception de la guerre dont Truong Chinh s’était fait le théoricien en 1947, prévoyant « trois phases de la résistance de longue durée » : après une première « étape de la défensive », venait en effet celle « de l’équilibre des forces », annonçant elle-même le moment final « de la contre-offensive générale » (p,79)

  1. La dérive financière

   La situation financière était de plus en plus dégradée, avec en plus le recours à des expédients de financement, dans l’ambiance de la spéculation connue sur la piastre et un taux de change avec le franc (10 contre 17) qui fonctionnait comme une machine financière infernale :

    «  La dévaluation de la ; piastre fut cependant à deux doigts d’être décidée en septembre 1949, quand justement le haut-commissaire Pignon vient de faire ouvrir le « compte spécial n° 2 »

   « Un irrépressible sentiment de fin d’empire, la crainte pour les Français, en particulier, de devoir quitter l’Indochine, jouait un rôle important dans la fièvre spéculative qui agitait les villes, surtout Saigon – une ambiance de « sauve qui peut monétaire… »

 

 

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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 08:38

               Vœux Pâques 2020

    Printemps,la nature  se réveille!
     L’Europe se réveille avec une
nouvelle Confédération des États !
       La France se réveille avec une
         Confédération des  Régions!
              Vive la Subsidiarité!

                      JPR et MCRV

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