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14 mai 2020 4 14 /05 /mai /2020 09:22

                               3  - Le problème franco-vietnamien

     Les accords du 6 mars n’avaient pas réglé les problèmes de fond :

        « … Les accords du 6 mars firent naître chez les Français de graves divergences sur la politique qu’il convenait de suivre désormais à l’égard du Viet-minh. Deux coutants antagonistes s’affrontèrent entre lesquels le clivage n’était d’ailleurs pas facile à délimiter. L’un, libéral, derrière le général Leclerc, était favorable à l’émancipation du Viet-nam, l’autre, de tendance autoritaire, autour de l’amiral d’Argenlieu, se montrait hiostile à toute concession nouvelle et penchait pour l’emploi de la force.

      Avant le débarquement de Haiphong, le général Leclerc avait vivement infléchi la politique française vers un accord à tout prix avec le Viet-minh, « pour éviter, disait-il, d’aller à un échec trop grave ». L’opération terminée, il ne désavouait pas son attitude, la seule qui lui parait à la mesure de ses forces militaires…. En occupant le sud de l’Indochine et des bases au Tonkin, la France détenait désormais des gages suffisants pour négocier avec le Viet-minh. « Nous avons gagné la première manche, ajoutait-il, reste la deuxième, avant tout à base de politique et de négociations ; »… Leclerc ne se trompait pas dans son appréciation sur la force du Viet-minh – la suite des événements devait le prouver -, ce qui ne l’empêchait pas de nourrit beaucoup d’illusions sur la bonne foi de ses chefs et sur leur volonté de collaborer…

      Le 22 mars, l’armée vietnamienne fut associée à une grande prise d’armes qui se déroula dans le quartier de la Citadelle. Après la revue, les troupes françaises défilèrent devant le général Leclerc près duquel se tenait Vo Nguyen Giap, « imperturbable et souriant, le feutre enfoncé jusqu’aux oreilles, saluant de son poing fermé »…

      La politique du général Leclerc rencontrait en effet une sourde opposition chez de nombreux Français. Les anciens, qui, avaient l’expérience de l’Indochine, contestaient avec vivacité le jugement de Leclerc sur la situation… Or, cette opinion, la plupart des responsables de la politique indochinoise, administrateurs et fonctionnaires du ministère de la France d’outre-mer et des services civils, la partageaient à des degrés divers, à Paris comme à Saigon, l’amiral d’Argenlieu le premier. Sans vouloir rétablir l’état de choses antérieur, ils estimaient hasardeux d’accorder l’indépendance totale au Viet-nam… Le gouvernement de Félix Gouin parut tout d’abord suivre la voie indiquée par Leclerc. Il approuva les accords mais sans en mesurer toutes les conséquences. En réalité cette décision n’apportait aucun changement à la politique de la France. Les dirigeants français restaient flottants et indécis devant le problème indochinois sur lequel les trois partis de la coalition gouvernementale, socialistes, communistes et MRP, s’opposaient, non sans âpreté…

      Rentré à Saigon le 2 mars avec une autorité renforcée, il laissa le débarquement au Tonkin se dérouler sans intervenir. Il dut bien sûr approuver les accords du 6 mars, déclarant du bout des lèvres que cette convention était « une bonne convention »… Mais au fond, l’attitude du général Leclerc l’indignait profondément. L’amiral refusait d’aller plus avant dans les concessions, de crainte que le Viet-minh ne lui en arrachât de nouvelles. Il était hanté par l’idée de courir à un « Munich indochinois – c’est ainsi qu’il qualifiait la politique que préconisait Leclerc. » (p,102,103)

        « … La mésentente entre l’amiral d’Argenlieu n’était un mystère pour personne. Sans doute, provenait-elle à l’origine d’une incompatibilité de caractère. Elle reflétait néanmoins l’opposition de deux politiques, l’une officielle, visant à imposer en Indochine une fédération de souveraineté française, l’autre donnant la priorité à un accord durable avec le Viet-minh. La compétition ouverte entre ces deux politiques ne manquait pas de rendre équivoque l’attitude de la France.

     En face des Français désunis, le Viet-minh affirmait une singulière détermination. Sa position à l’égard des accords, Giap l’exposa dans le discours qu’il prononça sur la place du Théâtre, à Hanoi, le lendemain même de leur signature… Des contacts secrets établis par Sainteny et Leclerc avec Ho Chi Minh confirmèrent les idées essentielles de ce discours. La politique de l’union des Trois Ky, et si la France ne les lui accordait pas, il lui ferait la guerre… Ainsi, Français et Vietnamiens allaient aborder les « négociations amicales et franches » prévues par les accords du 6 mars dans un état d’esprit et avec des objectifs très différents. A la volonté de la France de maintenir sa souveraineté en Indochine par le biais d’une Fédération s’opposait la détermination farouche du Viet-minh d’obtenir l’indépendance et l’unité du Viet-nam. » (p,105)

      Par son histoire, la Cochinchine constituait un obstacle à toute solution, et le Viet-minh fit en sorte d’en compliquer encore plus la donne en développant « Terrorisme et Guréilla en Cochinchine » (p,108)

     « La conférence de Dalat

    « Tandis qu’il conduisait une guerre de guérilla et de terrorisme en Cochinchine, le Viet-minh se préparait à  négocier avec la France.

    Le 24 mars, Ho Chi Minh, accompagné de Sainteny et du général Leclerc, rencontra l’amiral d’Argenlieu sur le croiseur Emile-Bertin en bais d’Along. L’amiral le reçut avec faste, et lui fit passer la revue de la flotte. Les conversations s’engagèrent. Tout de suite il apparut que l’entente serait difficile à réaliser. La discussion porta sur le choix de la ville où auraient lieu les négociations. Ho Chi Minh insistait pour que ce fût Paris. Il voulait traiter directement avec le gouvernement français sans passer par l’intermédiaire du haut-commissaire. Il tenait aussi à marquer qu’il agissait en chef d’Etat indépendant….. L’entrevue se termina sans qu’aucune décision ne fût prise… » (p,111)

     Il fut alors décidé d’organiser une conférence préparatoire à Dalat qui s’ouvrit le 17 avril « Mais dès qu’on aborda les problèmes essentiels, il apparut que les positions française et  vietnamienne étaient fondamentalement opposées… Les deux délégations se séparèrent le 13 mai après avoir décidé finalement de confier le soin de résoudre toutes les difficultés à la conférence qui se réunirait en France au mois de Juillet. »

      Pendant les mois de mars et d’avril, les troupes françaises purent commencer à s’installer au nord du 16° parallèle, avec le départ des troupes chinoises nationalistes et l’accord passé entre le général Salan et Giap. 

    « A la fin de juin, malgré toutes les promesses faites, plusieurs grandes unités s’attardaient encore au Tonkin, la 116° division à Lang-son, la 156° à Moncay et la 2° division d’honneur à Haiphong.

    L’affaire chinoise était en voie de liquidation. Mais déjà la France et le Viet-minh se retrouvaient seuls face à face. »

    Ho Chi Minh en France. Fontainebleau ((p,116)

            Il fut décidé que cette conférence aurait lieu en mai, alors que la France était en pleine crise politique.

     « Ho Chi Minh quitta donc  Hanoi le 31 mai avec la délégation vietnamienne, accompagné du général Salan. Suivant les instructions de Paris, son avion fut retardé par des détours et des escales touristiques aux Indes, en Egypte, en Algérie, de sorte qu’il n’atterrit que le 12 juin à Biarritz. C’est là qu’il devait résider en compagnie de Sainteny, en attendant la formation du nouveau gouvernement. On voulait éviter qu’il n’arrivât à Paris en pleine crise gouvernementale… Dès son arrivée à Biarritz, Ho Chi Minh commença une campagne de séduction qu’il devait mener avec habileté pendant les trois mois de son séjour en France… A partir du 22 juin, à Paris, il se montre sous l’aspect de l’homme d’Etat sage et conciliant qui proclame son amour pour la paix et son amitié pour la France. Il reçoit des journalistes, des hommes politiques, discute avec les hommes d’affaires, leur garantit la protection des intérêts français au Viet-nam. ll va voir Leclerc, qui se tient à l’écart et refuse de le recevoir, force sa porte et l’embrasse… De temps en temps, comme dans un éclair, une petite phrase brutale lui échappe, dévoilant sa duplicité et son implacable détermination. « Ou nous nous accorderons ou nous nous battrons », déclara-t-il à quelques industriels réunis par Sainteny… » (p,118)

     Il fallut attendre le 26 juin pour qu’un nouveau gouvernement fut constitué, mais rien n’était changé dans la politique indochinoise.

    «  A partir du 2 juillet, Georges Bidault accueillit officiellement Ho Chi Minh à Paris avec les honneurs réservés aux chefs d’Etat… Les négociations commencèrent le 6 juillet au château de Fontainebleau… A peine Max André qui présidait une fois de plus la délégation françaises, avait-il ouvert la conférence que le premier délégué vietnamien, Pham Van Dong, se lança dans une longue diatribe contre la France. Il protesta contre la poursuite des hostilités dans le Sud par les troupes françaises et l’occupation récente des plateaux moï. Et surtout, il s’éleva avec force, « contre la création de l’Etat libre de Cochinchine », « contre la mutilation de notre patrie », disait-il.

       « … Jusqu’au 25 juillet, les conversations se déroulèrent sans heurts sérieux, mais aussi sans résultat…La conférence traînait, s’acheminait lentement vers une impasse. Elle paraissait sans objet… Après trois semaines de vaines discussions, le 26 juillet, on entra soudain dans le cœur du problème. L’annonce qu’une conférence indochinoise parallèle à la conférence de Fontainebleau allait réunir à Dalat les représentants du Cambodge, du Laos, et de la Cochinchine provoqua une protestation passionnée de la délégation vietnamienne. La participation du gouvernement autonomiste de Saigon ranimait un sujet brûlant. Pham Van Dong demanda aussitôt que la Cochinchine figurât à l’ordre du jour de la prochaine séance, « car, dit-il, c’est une question qui décide de toutes les autres… »

     Dalat n’était qu’un prétexte, car tôt ou tard la conférence de Fontainebleau devait échouer sur l’écueil de la Cochinchine. Mais les palabres à huis clos ne faisaient pas avancer d’un seul pas, la cause de l’indépendance. Les Vietnamiens ne pouvaient plus compter, pour amener le gouvernement à prendre position, que sur des effets de propagande. La suspension de la conférence au moment où précisément l’Assemblée constituante élaborait le statut de l’Union  française, était un geste spectaculaire susceptible d’émouvoir l’opinion jusqu’alors assez indifférente aux questions d’outre-mer…L’Indochine devenait une affaire de politique intérieure française. » (p,121) 

      Les palabres continuèrent jusqu’au 10 septembre, et furent rompus sur le refus de la France de fixer les modalités d’un référendum en Cochinchine, et à nouveau dans une suite dé récit à suspense, le principal héros de l’intrigue, Ho Chi Minh fait sa réapparition, comme au théâtre :

         « C’est alors que les choses s’arrangèrent in extremis, Ho Chi Minh, qui était resté à Paris, ne voulait pas rentrer à Hanoi sur un échec complet. Il semblait craindre, s’il revenait « les mains vides », de perdre son autorité et de ne plus pouvoir maîtriser l’opposition des extrémistes « Ne me laissez pas repartir ainsi, disait-il à Sainteny, armez mon bras contre ceux qui cherchent à me dépasser, vous n’aurez pas à le regretter. » Etait-il sincère ou bien tentait-il, dans un ultime chantage, d’arracher une concession sur le référendum… Dans la nuit du 13 au 14 septembre, Ho Chi Minh se décida brusquement à signer avec Marius Moutet un modus vivendi provisoire, rédigé par Léon Pignon les jours précédents.

      Ce modus vivendi, accompagné d’une déclaration conjointe des deux gouvernements, définissait les rapports franco-vietnamiens d’une manière beaucoup plus précise que les accords du 6 mars. Mais surtout, il était convenu qu’il serait « mis fin de part et d’autre à tous les actes d’hostilité et de violence » en Cochinchine à partir du 30 octobre et que les négociations reprendraient à partir du mois de janvier 1947.

      Comme toutes les conférences, celle de Fontainebleau se terminait par un accord, mais un accord bâclé au dernier moment, qui, sauvait la face et déguisait l’échec. Il ne réglait pas le problème franco-vietnamien et même, en ajournant la solution définitive, il entretenait entre les deux pays le différend essentiel qui les séparait. » (p,122)

   4 -  VERS LA RUPTURE

     « Le Viet-minh élimine l’opposition (p,123)

      Avant de quitter Hanoi, le 31 mai, Ho Chi Minh fit à ses lieutenants la recommandation de se tenir « prêts à toute éventualité ». Cette éventualité, nul doute que ce ne fût la reprise des hostilités dans le Nord. Non que le Viet-minh eût déjà décidé d’engager l’épreuve de force avec le corps expéditionnaire, mais, depuis l’échec de la conférence de Dalat, il la croyait inévitable. La France et la RDV affirmaient des buts contradictoires et, si leur conflit n’était pas résolu par la négociation, seule la force pourrait le trancher. Mais avant de s’attaquer à la France, le Viet-minh devait d’abord  éliminer l’opposition et organiser son armée…

       Le véritable chef du gouvernement était Giap. C’est à lui qu’Ho Chi Minh confiait l’autorité réelle en son absence.

       Parmi les leaders du Viet-minh s’était déjà révélée la personnalité exceptionnelle de Vo Nguyen Giap – le  cerveau de la bande », disait de lui le général Valluy. Il exerçait sur les autres un ascendant certain…. En 1946, Giap était, à trente-quatre ans, un homme dans la pleine force de l’âge… Giap incarnait au plus haut point les vertus traditionnelles du peuple vietnamien : une énergie tenace, patiente, insinuante, une opiniâtreté que ni les obstacles ni le temps ne sauraient user. Aux Français, il apparaissait comme un « dur », un nationaliste intransigeant et un marxiste convaincu. Sainteny le jugeait comme « l’homme des solutions extrêmes »…

     Le destin devait faire de Giap le principal chef militaire du Viet-minh. Il n’avait aucune formation qui l’y préparait. Dans ce domaine, il fut un autodidacte de génie… Giap réalisait en lui cette alliance du caractère et de l’intelligence qui fait les grands chefs de guerre. Son action dans les maquis de la haute région, devenue légende dans l’esprit populaire, lui conférait un indéniable prestige…

      A mesure que les Chinois se retiraient, les forces du Viet-minh prenaient possession, sur leurs talons, des régions évacuées, chassaient leurs adversaires nationalistes et établissaient à leur place des comités populaires…

      Décapité par les arrestations et les fuites en Chine, le V.N.Q.D.D cessait d’être dangereux…

       Le Viet-minh se prépare à la guerre (p,125)

       Tous les partis d’opposition étaient brisés…Giap se consacra alors au renforcement militaire de la RDV… Giap s’attacha à former des unités régulières, compagnies, bataillons, régiments, dont les structures étaient calquées sur celles de l’armée française, mais dont les règles de discipline et de la hiérarchie s’inspiraient de l’armée soviétique…

    Pour armer ces troupes, le Viet-minh disposait de stocks d’armes assez importants : 35 000 fusils, un millier d’armes automatiques de toute sorte, une cinquantaine de canons de calibres divers dont 32 pièces de 65 et 75 mm, et plusieurs centaines de mortiers. La plupart d’origine française ou japonaise, lui avaient été cédées clandestinement par les Japonais à la capitulation.

Il fut assez facile au Viet-minh de créer de petits ateliers d’armement avec des machines rudimentaires. D’autre part, il chercha à se procurer des armes et des munitions là où l’on en trouvait en abondance, à condition de les payer, en Chine. Il procéda à d’importants achats et une contrebande intense se développa aux frontières du Tonkin et sur la côte de Moncay, à la baie d’Along… L’armée du Vietminh voulait demeurer dans la clandestinité. Il devenait de plus en plus évident qu’elle dirigeait ses préparatifs contre le corps le corps expéditionnaire français.

      Le 2ème Bureau du général Valluy en était parfaitement informé. Il savait depuis le mois de juin que le gouvernement d’Hanoi avait établi un plan de reprise des hostilités et qu’il organisait des bases militaires secrètes dans des régions montagneuses d’accès difficile, près de Bac Kan et de Hoa Binh…

    Bien plus encore que ces mesures militaires, la préparation psychologique révélait les véritables intentions du Viet-min. l’intense propagande antifrançaise qui excitait quotidiennement l’opinion était lourde de menaces…

     En apparence, les dirigeants viet-minh affectaient d’entretenir de bonnes relations avec les Français, se montraient courtois, les invitaient aux réceptions et aux cérémonies. Mais leur cordialité toute de surface, dissimulait une extrême défiance à leur égard…

      Le 3 août, un convoi de la 2ème DB transportant du ravitaillement et des fonds d’Hanoi à Lang-son tomba dans un véritable guet-apens à Bac-Ninh…

     Ainsi tous les espoirs qu’on avait placé dans une franche collaboration franco-vietnamienne s’étaient évanouis au cours de l’été, avant même qu’on ne connût les résultats de la conférence de Fontainebleau. La politique du fair play n’avait pas désarmé la méfiance du Viet-minh ni convaincu ceux des Français qui lui étaient hostiles. » (p,129)

      Le général Leclerc venait en effet de quitter l’Indochine le 18 juillet, assez désabusé et avec soulagement, semble-t-il. Il demandait depuis le mois d’avril d’être relevé de son commandement en raison de sa mésentente avec l’amiral d’Argenlieu. Peut-être aussi se sentait-il enfermé dans les contradictions de la situation indochinoise avec lesquelles son caractère direct et loyal s’accordait mal.

      « Nous nous trouvons dans une situation paradoxale, écrit-il dans son rapport de fin de mission au gouvernement. Nous avons traité avec le gouvernement annamite à Hanoi. Nous sommes officiellement en paix avec lui. Ce gouvernement vient d’envoyer une délégation pour négocier en France. Mais, en même temps, il poursuit et alimente la guerre et l’agitation en Indochine du Sud. Il appelle se partisans à la lutte. Il leur donne l’ordre de poursuivre les opérations de guérilla et les actes de terrorisme. Il leur envoie des renforts en armes, en munitions, en hommes. Comme Janus, ce gouvernement a deux visages. »

      Ce double visage le Viet-minh le montrait aussi au Tonkin où il alternait les politesses et les actes d’hostilité. Il finissait cependant par apparaître comme un adversaire déterminé de la France. Le climat de tension qu’il entretenait éprouvait rudement la patience des militaires français et beaucoup commençaient à penser que tout cela finirait par un « clash ». (p,130)

      Ambiguïté de Ho Chi Minh

     Le 16 septembre, Ho Chi Minh quitta par train spécial pour aller s’embarquer à Toulon sur l’aviso Dumont-d’Urville. Pour des raisons qui demeurent obscures, il avait refusé l’avion qu’on lui offrait et insisté pour rentrer en Indochine par bateau. C’est donc au terme d’une longue traversée qu’il débarqua le 20 octobre à Haiphong.

     Tout au long de son voyage, Ho Chi Minh resta dans le rôle de l’oncle Ho. Tous ses gestes, toutes ses paroles témoignaient de ses dispositions favorables à l’égard de la France. Au départ de Paris, ses adieux au chef de gouvernement provisoire furent ces plus amicaux. Il embrassa  Bidault avec effusion sur les deux joues. A Montélimar et à Mazargues, devant plusieurs milliers de travailleurs indochinois en instance de rapatriement, à Haiphong au milieu d’une foule en délire venue l’accueillir, dans chaque village entre Haiphong et Hanoi où les paysans se pressaient sur le passage de son train, à Hanoi enfin, sur le quai de la gare, il fit acclamer l’amitié franco-vietnamienne et chanter la Marseillaise.

      On ne saura jamais évidemment quelle part de sincérité entrait dans ces démonstrations amicales ou bien si celles-ci n’étaient que duplicité. Ceux qui l’ont fréquenté, comme Sainteny, croient toujours en sa bonne foi. Ils restent convaincus qu’on pouvait s’entendre avec lui pour régler le problème franco-vietnamien. Bidault pense au contraire, que Ho Chi Minh n’a cherché pendant son séjour en France qu’à « amuser le tapis » pour préparer la rupture, et il affirme avoir eu entre les mains la preuve qu’il envoyait de Paris des instructions pour la reprise des hostilités dans le Nord.

       Il est certain que l’attitude de Ho Chi Minh à cette époque était ambigüe. S’il parlait de paix et d’amitié avec la France, il songeait aussi à lui faire la guerre. Quelques jours avant son départ, le 11 septembre, il accorda au journaliste américain David Schoenbrun une interview où il révélait ses intentions profondes.

     . Oui, disait-il, nous allons devoir nous battre. Les Français ont signé un traité et ils agitent les drapeaux. Mais tout cela n’est que mascarade.

     Et comme David Schoenbrun lui répliquait qu’une guerre contre les Français serait sans espoir, il lui répondit :

    . Non, elle ne serait pas sans espoir. Elle serait dure, acharnée, mais nous pourrions la gagner. Car, nous avons une arme aussi puissante que le canon moderne, le nationalisme. Quant aux armes, on peut se les procurer s’il le faut.

    . Ce  sera donc une guerre de guérilla, une guerre de harcèlement et d’usure ?

.     Ce sera une guerre entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s’arrête, l’éléphant le transpercera de se puissantes défenses. Seulement, le tigre ne s’arrête pas. Il se tapit dans la jungle pendant le jour, pour ne sortir que la nuit. Il s’élancera sur l’éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux, puis il disparaîtra de nouveau dans la jungle obscure. Et, lentement, l’éléphant mourra d’épuisement et d’hémorragie. Voilà ce que sera la guerre d’Indochine. »

      Les paroles sont trop précises, la vision trop claire pour ne pas correspondre à un projet mûrement réfléchi et déjà arrêté. A vrai dire, cette guerre qu’annonçait Ho Chi Minh, le Viet-minh la menait dans le Sud depuis un an.

      A Can Ranh, le 18 octobre, Ho Chi Minh eut une longue entrevue avec l’amiral d’Argenlieu sur le croiseur Suffren. L’entretien, qui porta sur l’application du modus vivendi, fut cordial. Retirés dans le carré des officiers, les deux hommes échangèrent des paroles aimables, parlèrent de paix et d’amitié, tels Ulysse et Hector à  la veille de la guerre de Troie dans la pièce de Giraudoux. Ho Chi Minh alla même jusqu’à désavouer le terrorisme cochinchinois et les excès de la presse vietnamienne. L’amiral convint de son côté qu’ « un vrai pas venait d’être fait dans la voie de l’entente » . Au moment de se quitter Ho chi Minh embrassa l’amiral chaleureusement devant les journalistes.

     On pouvait croire que la guerre d’Indochine n’aurait pas lieu.

     En réalité, c’était une veillée d’armes qui commençait… Entre eux, l’obstacle de la Cochinchine demeurait … Le modus vivendi fut accueilli à Hanoi avec une certaine déception… Ho Chi Minh arrivait au Tonkin dans un climat passionnel créé par la propagande de son propre gouvernement...

      Il ne restait d’autre solution que la force pour contraindre la France à céder.

     Les dirigeants du Viet-minh, notamment Giap et Pham Van Dong en étaient déjà convaincus. Ils pensaient pouvoir l’emporter. La France sortait lasse et affaiblie de la guerre mondiale. Elle ne consentirait certainement pas à poursuivre en Extrême Orient une guerre qui ajouterait aux difficultés politiques et économiques. Il suffisait donc de s’obstiner jusqu’à l’affrontement…. » (p,135)

     « Le Viet-Minh forme un gouvernement de combat

      Quoiqu’il  en soit, dès le retour d’Ho Chi Minh, le Viet-minh durcit son attitude et renforça sa dictature en vue de l’épreuve de force…Afin d’interdire à cette opposition toute manœuvre au sein de l’Assemblée, le Viet-minh entreprit d’éliminer ce qu’il en restait.  Du 23 au 27 (octobre), la police opéra des arrestations massives… Le 3 novembre, Ho Chi Minh forma un nouveau gouvernement dans lequel tous les portefeuilles furent attribués à des militants communistes choisis parmi les plus durs… C’était un véritable gouvernement de combat…

     La guerre du peuple en Cochinchine

    … Dans cette forme de guerre, nouvelle pour les Français, le Viet-minh avait pour objectif essentiel d’étendre son emprise politique sur la population. Il y appliquait un terrorisme impitoyable… Mais le Viet-minh ne s’imposait que par la terreur… Les troupes françaises poursuivaient leurs opérations sans relâche. Elles se montraient capables d’aller partout sans que l’adversaire pût s’y opposer, mais elles ne pouvaient pas être partout en même temps. Elles avaient beau donner la chasse aux guérilleros et aux terroristes du Viet-minh, traquer ses chi doi et même leur infliger des pertes sévères, détruire leurs misérables repères cachés au plus profond des forêts et des marécages, par leur activité incessante elles plaçaient les forces du Viet-minh dans une situation très difficile, mais elles demeuraient impuissantes à rétablir l’autorité politique du gouvernement de Saigon en dehors des grands axes et des villes. La rizière et les villages restaient au Viet-minh… (p,138)

      Si la politique du Viet-minh se montrait ferme dans ses desseins et précise dans ses objectifs, celle du gouvernement français demeurait incertaine et contradictoire. Les instructions de Marius Moutet, ministre socialiste de la France d’outre-Mer, adressées à l’amiral d’Argenlieu au lendemain de la signature du modus vivendi, posaient comme principe que la Cochinchine demeurait « le véritable pivot de toute notre politique indochinoise, qu’il convenait de réussir et réussir vite en Cochinchine », car la présence française en Indochine en dépendait. Mais ajoutant que la France ne pouvait fournir un nouvel effort militaire, elles ne proposaient d’autre solution que de composer avec des gouvernements locaux suffisamment représentatifs.

      Il y avait cependant une contradiction évidente à vouloir se maintenir en Cochinchine sans accepter en même temps une épreuve de force avec le Viet-minh…

      La première conséquence fut de faire chanceler le régime autonomiste de Saigon qui avait été créé précisément pour  soustraire la Cochinchine au Viet-minh…

      Le 13 novembre, l’amiral d’Argenlieu partit pour Paris afin d’exposer au gouvernement les conséquences du modus vivendi qui, à son avis, menait  tout droit à l’abandon de l’Indochine. Il laissait au général Valluy l’intérim du haut-commissariat….

      Mais une fois de plus, la France se trouvait dans l’incapacité de prendre de grandes décisions. La nouvelle Constitution avait été adoptée par référendum la 15 octobre, et, le 10 novembre, les élections à l’Assemblée nationale ouvraient une crise ministérielle qui ne devait être résolue que le 18 décembre. Il n’y avait plus de gouvernement à Paris sinon pour expédier les affaires courantes. Les autorités françaises d’Indochine restaient seules face aux événements. Rien ne pouvait plus empêcher la France et le Viet-minh de glisser vers la rupture."

     Tous droits réservés 

 

Reprise après confinement :

La Parole de la France ?

L’Honneur du Soldat

Les Héritages (Indochine-Algérie)

IV

Les grandes séquences historiques

A

« Histoire de la guerre d’Indochine »

« Général Yves Gras »

Plon 1979

 

            Il s’agit d’une excellente histoire de la guerre d’Indochine écrite par un homme du métier qui a su prendre la distance humaine et intellectuelle nécessaire pour rédiger une analyse fouillée des tenants et aboutissants de ce conflit, la chronologie militaire avec une description minutieuse des contextes stratégiques et tactiques, la succession des grandes opérations jusqu’à Dien Bien Phu, sa dimension politique toujours désespérante, tout autant que sa dimension internationale avec l’irruption de la Chine communiste à partir de 1949.

            Le livre comprend de l’ordre de 600 pages avec cinq parties : Première partie (1945) : Les origines (p,15 à 41) – Deuxième partie : La guerre larvée  (p,41 à 159) – Troisième partie : La guerre coloniale ( 1947-1949) (p,159 à 305) – Quatrième partie (1950-1954) : La guerre contre le communisme (p,305 à 507) – Cinquième partie : L’affrontement final (p,507 à 583) (mai 1953-août 1954)

Méthodologie de présentation des textes

            Afin de ne pas trop alourdir la lecture ou trop la compliquer, je propose de résumer certaines analyses, tout en citant les textes qui me paraissent les plus  éclairants.

&

Première partie

Introduction

      « La guerre d’Indochine a été essentiellement une guerre du Viet-nam, un conflit entre l’impérialisme français et le nationalisme vietnamien. Le Cambodge et le Laos, demeurés fidèles à la France, n’y furent mêlés que de façon marginale et limitée…

      A la vérité, le sentiment national a toujours existé sous certaines formes, en pays d’Annam. L’histoire de l’Indochine française nous montre que les Annamites – la classe dirigeante sinon le peuple – n’ont jamais cessé d’opposer à la conquête et à la colonisation une résistance plus ou moins vive… » (p,13)

1

L’ascension du Viet-Minh

        « En septembre 1940, le Japon avait imposé à la France la présence de ses troupes en Indochine… Le gouverneur général de l’Indochine de l’amiral Decoux exerçait ses pouvoirs normalement dans une sorte de modus-vivendi qui sauvegardait l’armature administrative et militaire du pays sous l’autorité de la France….

       Le coup de force du 9 mars en éliminant l’armée et l’administration françaises est à l’origine du drame que l’Indochine allait vivre pendant dix ans.

       Le 10 mars, au lever du jour, l’Indochine se retrouva soudain sans les Français. Les Japonais venaient de réussir en une nuit ce que les révolutionnaires annamites tentaient vainement de faire depuis quinze ans…

      Les nationalistes émigrés en Chine, qui attendaient leur heure, allaient trouver dans l’ambiance de chaos qui régnait en Indochine une situation favorable à leurs desseins… Les groupements les plus importants étaient formés par les nationalistes révolutionnaires du V.N.Q.D.D. et les communistes du P.C.I… Nguyen Aï Quoc (Ho Chi Minh) les rejoignit en mai 1940 à Kumming pour reprendre la direction effective du parti… (p,20)

     La formation du Viet-Minh

        Nguyen Aï Quoc possédait, dans le parti, un prestige incontesté. Il avait acquis en Russie et en Chine communiste une connaissance approfondie de la stratégie révolutionnaire… Dans le choix de la ligne politique à suivre, les idées de Nguyen Aï Quoc prévalurent facilement. Le Comité central résolut de de faire porter tout son effort sur al conquête de l’indépendance nationale et de remettre à plus tard la révolution communiste… Le parti communiste eut recours à un moyen fort habile qui lui permettait de prendre la tête du mouvement de libération nationale sans inquiéter par sa couleur politique. Le Comité central créa, le 16 mai, un Front national uni…

        Pour le Viet-Minh, la guerre d’Indochine était commencée. Jusqu’en 1944, il se consacra dans un secret absolu à une action politique en profondeur qui préparait l’encadrement de la population.

     Organisation d’abord. Il entreprit de reconstituer son appareil clandestin dans tout le Viet-nam en lui donnant une structure qui lui permit de survivre à toute répression. Par un véritable travail de fourmi, il rétablit les liaisons avec les anciennes cellules de l’intérieur, en forma de nouvelles et les regroupa dans des organisations nationales…(p,23)

     Résumé : le Viet-Minh commence à s’installer dans la haute région et prépare l’insurrection générale.

     « Le coup du 9 mars ouvrait soudain l’Indochine au Viet-Minh et, pour commencer, il lui livrait toute la population de la haute région. A ce titre, il est la cause de son ascension rapide… Ainsi, solidement établi, il tourna ses efforts vers le delta tonkinois… Pour compenser la faiblesse de ses effectifs, quelques milliers de guérilleros seulement, il bluffa. Il chercha à donner une impression de puissance irrésistible. Il se présenta à la population comme le seul grand parti résistant vietnamien, celui qui rassemblait tous les nationalistes, combattait le Japon et recevait l’appui des Alliés… » (p,29)

     « Le Président Roosevelt nourrissait depuis le début de la guerre du pacifique, des idées très arrêtées sur le sort qu’il, convenait de réserver à l’Indochine. Elles procédaient à la fois d’un sens aigu des intérêts économiques futurs des Etats Unis et d’un anticolonialisme sentimental inhérent à la mentalité américaine…L’Indochine ne devrait pas redevenir française… (24/01/1944)

     Le Viet Minh prend des contacts avec les Américains dans le Yunnan.

    « Le 6 août, la bombe d’Hiroshima annonça la fin de l’aventure japonaise… Le Viet-Minh comprit aussitôt l’avantage de la situation. Entre la capitulation et l’arrivée de troupes alliées allait s’ouvrir un  interrègne de quelques jours, quelques semaines peut-être, pendant lequel il se trouverait seul sur place en Indochine, libre d’agir, pourvu que les japonais ne s’y opposent pas…L’occasion était trop belle de devancer tous ses rivaux. Le Viet-minh eut l’habileté de saisir l’instant fugitif que lui offrait le destin ? Le 15, à tan Trao, Ho Chi Minh forma un « Comité de libération du peuple du Vietnam », dans lequel onze membres sur quatorze appartenaient au P.C.I. Il décida aussitôt de « s’emparer du pouvoir des mains des fascistes japonais avant l’arrivée des alliés » puis lança aussitôt un appel à l’insurrection générale. 

     « …Car c’était bien une révolution qui déferlait sur le Viet-nam. (p,32,33)

      « … Le Viet-minh devait la propagation de son succès au fait qu’il avait su s’identifier à l’idée force du nationalisme, celle de l’indépendance du Viet-nam – « le Viet Nam Doc Lap » mille  fois scandé des manifestations….Le 25 août, le Viet-minh était maître de tout le Viet-nam. Il l’était également du pouvoir. » (p,35)

     Commentaire : Le 25 août, Bao Dai abdique, il transmet légalement le pouvoir au Viet-minh… Le Viet-minh apparut alors à toute la population vietnamienne comme investi désormais du mandat du Ciel, pour lequel ses succès miraculeux des jours précédents le désignaient.

     « Le 2 septembre , à Hanoi, Ho Chi Minh parut enfin en public dans une grande manifestation, pour proclamer la République démocratique du Viet-nam. Du haut du balcon du théâtre municipal d’Hanoi, il lut, aux acclamations d’une foule de 500 000 personnes, une déclaration d’indépendance violemment anti-française… « Tout le peuple du Viet-nam, animé d’une même volonté, est déterminé à lutter contre toute tentative d’agression de la part des impérialistes français. » (p,37)

       Le décor du prochain conflit est d’ores et déjà planté.

Deuxième Partie

« La Guerre larvée »

(septembre 1945 – décembre 1946)

1

La guerre commence dans le Sud

      « On croit généralement que la guerre d’Indochine a débuté le 19 décembre 1946 avec les événements d’Hanoi. Pourtant, depuis la soirée du 24 septembre 1945 où les premiers coups de feu furent échangés dans les rues de Saigon, les hostilités n’ont jamais cessé entre le Corps expéditionnaire français et le Viet-minh…. Pendant toute cette période en effet, l’Indochine devait être le théâtre de ce que Giap nomme dans son jargon marxiste « la coexistence de l’état de guerre et de l’état de paix », et qu’il est plus simple d’appeler une guerre larvée. Pendant qu’à Dalat et à Fontainebleau la France négociait avec la République démocratique du Viet-nam, qu’à Hanoi les troupes de Leclerc et de Giap défilaient ensemble et qu’à Paris Ho Chi Minh s’inclinait sur la tombe du Soldat inconnu, le gouvernement Viet-minh conduisait dans le sud une guerre sans merci. Mais la lutte âpre et difficile que soutenait le Corps expéditionnaire laissait l’opinion indifférente et les journaux de la métropole ne lui consacraient, de temps à  autre, que des entrefilets en quatrième page.

     Lorsque la rupture totale surviendra, fin décembre 1946, dans un « clash » spectaculaire, il semblera que la guerre commence seulement. Elle durait en réalité depuis quinze mois. » (p41)

Commentaire : sortant à peine de quatre années de guerre, la France avait bien d’autres chats à fouetter.

    Mise sur pied d’un corps expéditionnaire français

      « Depuis 1943, le général de Gaulle avait toujours envisagé le retour de la France en Indochine comme une reconquête du pays…..Le général Leclerc reçut le commandement de ce corps expéditionnaire… Leclerc accepta sans enthousiasme…

     Le général de Gaulle se proposait de rétablir la souveraineté française en Indochine par une expédition militaire qui reprendrait le contrôle du pays et par des mesures politiques y instituant un nouveau régime… »(p,43)

      Le général nomme l’amiral Thierry d’Argenlieu Haut-Commissaire de France et savait du moins ce qu’il ne voulait pas faire. « Je ne puis, évidemment, écrit-il, arrêter en détail ma politique tant que la situation sur place sera aussi confuse qu’elle l’est. J’en sais assez, cependant, pour être sûr que l’administration directe ne pourra être rétablie

       Cette politique d’association avait été définie, le 24 mars 1945, dans une déclaration arrêtée en Conseil des ministres… « une autonomie interne dans un cadre fédéral »

     «  Pour l’heure, il s’agissait d’abord de transporter 70 000 hommes et leur matériel à 14 000 kilomètres de la métropole. Le tonnage nécessaire faisait défaut….Ces circonstances plaçaient la France dans une extrême dépendance à l’égard des Alliés… »

      De Gaulle avait obtenu du président Truman que « son gouvernement ne ferait pas opposition au retour de l’autorité et de l’armée française en Indochine » (p,45)

     La France espérait s’appuyer sur les nationalistes de Tchang Kai Tchek, mais la Chine était en pleine désagrégation avec la guerre de conquête que menait Mao Tsé Tung.

    « Tumulte à Saigon

      Pendant qu’à Ceylan le général Leclerc organisait fébrilement le retour en Indochine, à Saigon les événements prenaient mauvaise tournure. Des jours tragiques se préparaient.

      Si le Viet-minh avait réussi, le 25 août, à s’emparer, par un coup de bluff, de la  direction du Comité exécutif du Sud, il était loin de contrôler la situation. Il devait compter avec les formations rivales, dont les bandes armées tenaient le haut du pavé et avec tous les éléments troubles de la population accourus au pillage. Dans les rues de la ville, rouges de drapeaux du Viet-minh et de banderoles à slogans, les désordres se multipliaient.

         Les japonais, responsables du maintien de l’ordre, laissaient faire… Le commandement nippon préparait aux vainqueurs des lendemains inextricables…

        Français de la France Libre n’étaient pas disposés à collaborer avec les Français de l’amiral Decoux qui avaient coopéré avec les Japonais… et dans le camp vietnamien : « Cependant, la discorde régnait au sein du Front national Viet-namien. Faute d’un véritable exécutif, les factions rivales se disputaient férocement le pouvoir, se livrant entre elles à des surenchères de patriotisme et de démagogie… C’est dans cette situation explosive que, le 5 septembre, un petit détachement précurseur britannique atterrit à Than Son Nhut, suivi à partir du 12, d’un bataillon de Gurkhas et d’une compagnie du 5ème RIC conduite par le colonel Rivier…

       La situation empirait :

          « Le 21 septembre, le général Gracey proclama la loi martiale… Mais on avait largement sous-estimé, du côté franco-britannique, la détermination des nationalistes. »

     Des affrontements eurent lieu entre Européens et Vietnamiens.

     « Effectivement, ce 23 septembre, la guerre venait de commencer, mais cela, nul ne le savait encore. » (p,51)

    Massacre le lendemain, « la tuerie », sans que les Japonais n’interviennent.   Trêve…

      « L’après-midi du 5 (octobre) , Leclerc arriva à Than Son Nhut… Leclerc disposait des pouvoirs du haut-commissaire jusqu’à l’arrivée de l’amiral Thierry d’Argenlieu. Il ne croyait pas que la trêve pût durer. Elle n’était d’ailleurs respectée que de manière approximative. On ne pouvait rien attendre des négociations tant que l’on n’avait pas montré sa force. Avant de songer à créer un ordre nouveau, il fallait d’abord rétablir l’ordre tout simplement dans le pays » (p,53)              

       Leclerc intervint rapidement au Cambodge et dans le Bas Laos pour y rétablir la paix.

      « Les forces du Front National

     Malgré l’échec du Viet-minh à Saigon, la Cochinchine entière restait en état d’insurrection…Le Comité du Sud avait décrété la constitution d’une ar mée nationale populaire… »

     Cette armée était constituée de bric et de broc, de pirates, des sectes caodaïstes et Hoa Hao et les anciens combattants aguerris des campagnes de la Libération « n’avaient nullement conscience d’être les premiers combattants d’une guerre longue et difficile. » (p,57)

      «  La reconquête de l’Indochine

      Depuis la capitulation japonaise, plus de deux mois s’étaient écoulés. Leclerc ne disposait alors que de 4 500 hommes environ… Le groupement Massu se lança le 1à l’aube sur la route de Mytho….Le général Leclerc comprit tout de suite l’intérêt des opérations amphibies… »

     L’amiral d’Argenlieu et le problème politique

      « … L’amiral était un singulier personnage. Officier de marine, il était devenu, la trentaine passée, le R.P de la Trinité dans l’ordre des carmes déchaussés… » Il avait rejoint la France libre du général de Gaulle « Auquel il vouait une admiration sans bornes…

    « A peine installé au palais Norodom, ce ne fut donc point au problème vietnamien que l’amiral donna la priorité », mais à l’élimination de Français qui avaient servi en Indochine pendant la guerre… »

      Un Conseil consultatif fut créé : «  Cette création marquait les limites que l’amiral d’Argenlieu fixait à l’indépendance qu’il « souhaitait », une indépendance fractionnée. Elle ne faisait pas avancer d’un pas la pacification, mais engageait la Cochinchine dans la voie du séparatisme qui devait devenir l’une des causes essentielles du conflit avec le Viet-minh…. » (p,61)

     « La guerre s’installe dans le sud

       Au mois de janvier 1946, le corps expéditionnaire français atteignait 30 000 hommes. Le 25 , Leclerc commença l’occupation de tout le Sud-Annam, jusqu’au parallèle du cap Varella… Toutes vces opérations qui aboutissaient à l’implantation du corps expéditionnaire dans les principaux centres de l’Indochine du Sud n’avaient été, en fin de compte, qu’une vaste promenade militaire à travers le pays….Les Français apprenaient à leurs dépens que le Viet-nam commençait là où les routes s’arrêtaient…

      Au mois de février 1946, au moment où la 3°DIC  arrivait à son tour à Saigon pour relever la 9°DIC, la conquête du terrain était achevée, mais la pacification restait à faire. Sans qu’on y prenne garde, la guerre s’était installée dans le Sud.  (p,65)

 

 

 

 

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