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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 14:31

 

Mémoire collective

Contribution 4

Rappel des contributions précédentes :

Contribution 1 : définition de la mémoire collective (15/04/10)

Contribution 2 : « La guerre des mémoires » de M.Stora (25/04/10)

Contribution 3 : « Décolonisons les imaginaires » : le colloque de la Mairie de Paris du 12 mars 2009

(3/05/10)

 

Jeux de mémoire coloniale ou le sexe des anges coloniaux

« Françaises, Français, décolonisez vos imaginaires ! »

 

            Mémoire collective, inconscient collectif, stéréotypes, ces concepts sont à la mode dans certains milieux. Ils seraient l’alpha et l’omega d’une histoire coloniale que personne ne connaît, pas plus en France que dans les anciennes colonies, et qui, miraculeusement, rendrait compte de notre regard et de notre comportement actuels à l’égard des nouveaux indigènes de la République.

            La mémoire collective s’est substituée à l’histoire, et c’est beaucoup plus commode pour les ignorants.

            L’histoire coloniale est donc tombée dans le piège des mémoires, d’une mémoire collective que tout un chacun cite, sans jamais en avancer la moindre preuve, notamment des enquêtes et des sondages ? Sans en donner une quelconque mesure ? Sans produire une analyse enfin sérieuse de cette mémoire coloniale qui resterait quand on aurait tout oublié, pour paraphraser la  phrase célèbre d’Herriot sur la culture ?

            Un sondage chaque jour, sur l’alimentation, sur les retraites, les vacances… mais le désert complet sur la mémoire collective !

            Aurait-on peur des résultats d’un sondage exhaustif et honnête sur cette fameuse mémoire collective coloniale ?

            Il est tout de même étrange qu’une secrétaire d’Etat de couleur, et qu’un présentateur de télévision également coloré, figurent actuellement parmi les personnages publics les plus populaires d’une France ravagée par sa mémoire coloniale !

            Un historien médiatique a commis récemment un petit livre intitulé La guerre des mémoires. Dans un livre récent également, L’Europe face à son passé colonial, plusieurs historiens ont fait référence à la mémoire collective, sans jamais la définir et en donner de preuve, par une analyse des médias notamment.

            A l’occasion d’un colloque consacré aux images coloniales en 1993, plusieurs historiens sérieux avaient déjà évoqué les concepts magiques d’un inconscient et d’une mémoire collectifs, qu’ils n’ont jamais défini et évalué.

            Invoquer à tout propos une mémoire collective que personne n’a le courage de mesurer et d’évaluer, alors que chacun est à même de mesurer chaque jour les limites et les faiblesses de sa mémoire individuelle, parait donc tout à fait incongru.

            Nos mémoires individuelles sont déjà très fragiles, alors que dire de la mémoire collective ? Avancer pour toute explication, et sans aucune preuve statistique, compilation de journaux, d’émissions, de documents, mais surtout sans bonne et saine enquête approfondie, une mémoire collective indéfinie et indéfinissable, frise l’escroquerie intellectuelle et est purement et simplement de la manipulation.

            Les discours idéologiques et politiques qui enchaînent à tout propos mémoire collective, inconscient collectif, et stéréotypes coloniaux n’auront de crédit qu’à partir du moment où une enquête sérieuse, exhaustive, et objective en auront apporté commencement de bonne preuve, et bonne preuve.

            Le Maire de Paris a organisé le 12 mars 2009 un colloque sous le patronage du journal le Monde, intitulé Décolonisons les imaginaires.

            J’ai demandé au maire et au journal sur quelle base scientifique il était possible d’avancer que notre imaginaire était colonisé, mais j’attends toujours la réponse.

            Ce type d’initiative, irresponsable, contribue à accréditer un discours idéologique et politique qui alimente le feu couvant des banlieues.

            A l’heure actuelle, l’inconscient collectif, la mémoire collective et les stéréotypes coloniaux, sont donc à ranger, dans l’état actuel de nos connaissances,  dans le même rayon que le sexe des anges coloniaux.

Jean Pierre Renaud, le 8 juillet 2009

 

Et en guise de conclusion, une anecdote qui met en lumière le rôle des bibliothèques du Maire de Paris : dysfonctionnement administratif ou censure ?

            En 2008,  j’ai déposé moi-même au Service des Bibliothèques un exemplaire du livre « Supercherie coloniale », avec lettre d’envoi jointe, livre qui démontre, point par point,  l’absence de fondement, de méthode, et de sérieux, de la thèse d’un collectif de chercheurs sur le thème de la  « Culture coloniale », thèse largement répandue dans plusieurs livres, dans le but d’illustrer la colonisation de nos imaginaires.

             Ce livre s’est trouvé, quelques mois plus tard, dans une solderie de livres, l’exemplaire déposé contenant la lettre personnelle d’envoi avec l’adresse de l’expéditeur.

            Un livre égaré, avec sa lettre d’envoi avec le nom et l’adresse de l’expéditeur, vous ne trouvez pas ça étrange ?

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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 15:50

Mémoire collective

Contribution 3

 

Rappel des contributions précédentes :

Contribution 1 du 15 avril 2010 : la mémoire collective n’est pas « un lieu commun », elle doit et peut être définie.

            Contribution 2 du 25 avril 2010 : que penser de la thèse développée sur le sujet par M.Stora dans le livre « La guerre des mémoires »

 

Contribution 3

Objet : la participation du journal Le Monde au Colloque intitulé « Décolonisons les imaginaires » organisé par la mairie de Paris le 12 mars 2009

 

            J’ai découvert l’existence du colloque « Décolonisons les imaginaires », en lisant l’interview de Mme Bengugui par Mme Van Eeckhout dans le journal du 13 mars 2009.

            J’ai fait part de mon opinion sur cette interview au maire de Paris, en indiquant qu’autant j’approuvais le constat de l’utilité de « la mesure de la diversité ethnique », autant je n’étais pas d’accord sur le discours accréditant l’existence d’une colonisation des imaginaires français. J’en ai également fait part à votre collaboratrice.

            En associant le Monde à cette initiative municipale, et en faisant figurer son nom sur le programme, le journal de référence a cautionné un titre qui sonne comme un slogan politique ou idéologique, alors qu’aucune enquête scientifique sérieuse ne parait accréditer le discours d’après lequel nos imaginaires seraient colonisés et auraient besoin d’être décolonisés.

            Les mots devraient avoir encore plus d’importance pour un journal de référence que pour le commun des mortels, et je déplore l’usage de ces mots.

            Je mets au défi, un journal que j’estime, d’apporter la démonstration scientifique, par exemple une enquête d’opinion sérieuse et complète, que la situation actuelle serait bien celle d’une mémoire colonisée,  qu’il faudrait donc décoloniser.

            L’enquête approfondie dont vient de faire état le journal, le 25 avril, ne parait pas répondre à cette question.

             La discrimination n’est pas obligatoirement liée à une histoire coloniale que l’immense majorité des Français ignore, mise à part celle de l’Algérie et surtout de sa guerre, ni à une mémoire collective que personne n’a eu le courage de mesurer, notamment tous les responsables politiques. Alors on dit n’importe quoi, et on écrit n’importe quoi, au risque  de fournir des aliments de propagande à des groupes de pression qui ignorent le plus souvent leur propre histoire, et qui sont trop contents de voir accréditer certaines de leurs affabulations idéologiques.

            Les écrits de certains collectifs de chercheurs qui dispensent ce type de propagande mémorielle n’ont, en tout cas jusqu’à présent, apporté aucune preuve scientifique sérieuse sur le sujet.

            Pourquoi ne pas traiter sérieusement des sujets qui sont sérieux pour l’avenir de notre pays ?

Jean Pierre Renaud

 

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25 avril 2010 7 25 /04 /avril /2010 17:25

Mémoire collective

Contribution 2

 

 « La guerre des mémoires

 La France face à son passé colonial »

 par Benjamin Stora

 

            Pourquoi ne pas avouer que j’ai éprouvé un malaise intellectuel à la lecture de beaucoup des pages de ce livre, crayon en mains, alors que j’ai  aimé l’article du même auteur à la mémoire de Camus (Etudes coloniales du 30 septembre 2007). Albert Camus a été un de mes maîtres à penser,  à agir, et à réagir,  avant, pendant la guerre d’Algérie, et après. J’y ai servi la France et l’Algérie, en qualité d’officier SAS, en 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, entre Soummam et forêt d’Akfadou.

              Un historien sur le terrain mouvant des mémoires chaudes, pourquoi pas ? Mais est-ce bien son rôle ? Dès l’avant propos, le journaliste cadre le sujet de l’interview de M.Stora : « La France est malade de son passé colonial », mais sur quel fondement scientifique, le journaliste se croit-il permis d’énoncer un tel jugement ?

            Il est vrai que tout au long de l’interview l’historien accrédite cette thèse et s’attache à démontrer l’exactitude de ce postulat : les personnes issues des anciennes colonies, première, deuxième, troisième génération (il faudrait les quantifier, et surtout les flux , les dates, et les origines) «  se heurtent inévitablement à l’histoire coloniale » (p.12), « la guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), la « fracture coloniale », « c’est une réalité » (p.33), « l’objectif est d’intégrer, dans l’histoire nationale, ces mémoires bafouées » (p.81), « saisir comment s’élaborent en permanence les retrouvailles avec un passé national impérial » (p.90)

            Et l’auteur de ces propos, qui se veut « un passeur entre les deux rives », incontestablement celles de la Méditerranée, accrédite le sérieux des écrits d’un collectif de chercheurs qui n’ont pas réussi, jusqu’à présent, par le sérieux et la rigueur de leurs travaux historiques, à démontrer la justesse de la thèse qu’ils défendent, fusse avec le concours bienveillant de certains médias, quant à l’existence d’une culture coloniale, puis impériale, qui expliquerait aujourd’hui la fameuse fracture coloniale.

            Et le même auteur de reprendre le discours surprenant, de la part d’historiens de métier, sur la dimension psychanalytique du sujet : « la perte de l’empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français » (p.31), pourquoi pas ? Mais à partir de quelles preuves ? « Refoulement de la question coloniale » (p.32). « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective, jusqu’à aujourd’hui, une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer » » (p.32). « Les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            « Pourquoi cette sensation diffuse d’une condition postcoloniale qui perdure dans une république où les populations issues des anciens empires n’arrivent pas à se faire entendre ? » (p.90).

            Comment ne pas souligner le manque de clarté des propos de l’auteur, lequel écrit page 11 que la population issue des anciennes colonies a doublé entre les années 1980 et 2007, et les propos qu’il tient parallèlement sur les « mémoires bafouées » : mais les colonies sont indépendantes depuis le début des années 60, et l’Algérie depuis 1962 !

            De quelles générations s’agit-il ? Des enfants d’immigrés du travail venus en France avant 1962 ? Ou pour l’Algérie, importante source d’immigration, des enfants de pieds noirs, de harkis, ou d’enfants de citoyens algériens venus en France après l’indépendance de leur pays, notamment en raison de ses échecs économiques, puis de sa guerre, à nouveau civile ? Pour ne citer que l’exemple de l’Algérie qui est le postulat de la plupart de ces réflexions.

            L’auteur cite le cas de Boudiaf, un des principaux fondateurs du FLN, lequel revenu d’exil dans son pays en 1962, était inconnu des jeunes Algériens : « Les jeunes Algériens ne connaissaient même pas son nom » (p.60).

            Quant au propos tenu sur Madagascar, pays avec lequel j’entretiens des relations particulières, « Dans cette ancienne colonie française, les milliers de morts des massacres de 1947 restent dans toutes les mémoires »

            Je ne suis pas le seul  à dire que la repentance de Chirac, lors de son voyage de   2005,  est tombée à plat, parce que ce passé est méconnu des jeunes générations.

            L’auteur de ces lignes est-il en mesure de justifier son propos ?

            Les Malgaches ne connaissent pas mieux leur passé colonial que les Français, car pour ces derniers, ce n’est pas l’enquête de Toulouse, faite en 2003, par le collectif de chercheurs évoqué plus haut, qui peut le démontrer. Cette enquête va clairement dans un tout autre sens, celui de la plus grande confusion qui règne actuellement sur tout ce qui touche le passé colonial, la mémoire, et l’histoire coloniale elle-même, et la réduction de cette histoire à celle de l’Algérie. Cette enquête révélait en effet l’importance capitale de la guerre d’Algérie dans la mémoire urbaine de Toulouse et de son agglomération.

            Et ce constat avait au moins le mérite de corroborer deux des observations de l’auteur, celle relative à « l’immigration maghrébine » qui « renvoie à l’histoire coloniale », et l’autre quant à l’importance de la guerre d’Algérie dans cette « guerre des mémoires » : « Mais, c’est la guerre d’Algérie, qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années. » (p.50)

            L’obsession de l’Algérie

            Et c’est sur ce point que le malaise est le plus grand, car comment ne pas voir, que pour des raisons par ailleurs très estimables, l’auteur de ces lignes a l’obsession de l’histoire de l’Algérie, et qu’il a tendance à analyser les phénomènes décrits avec le filtre de l’Algérie, pour ne pas dire la loupe, avec toujours en arrière plan, le Maghreb.

            Le tiers des pages de ce livre se rapporte à l’Algérie, et beaucoup plus encore dans l’orientation des réflexions qui y sont contenues. Les autres situations coloniales ne sont évoquées qu’incidemment, alors que l’histoire coloniale n’est pas seulement celle de l’Algérie, quelle que soit aujourd’hui l’importance capitale de ce dossier.

            Un mot sur la mémoire ou les mémoires de l’Algérie et de la guerre d’Algérie. Pour en avoir été un des acteurs de terrain, je puis témoigner qu’il est très difficile d’avoir une image cohérente et représentative de la guerre d’Algérie vécue par le contingent. Chaque soldat, chaque sous-officier, et chaque officier, a fait une guerre différente selon les périodes, les secteurs, les postes militaires occupés, et les commandements effectifs à leurs différents niveaux (sous quartiers, quartiers, secteurs, et régions). Si beaucoup d’anciens soldats du contingent ont écrit leurs souvenirs, peu par rapport à leur nombre, mon appartenance à ce milieu me conduit à penser que beaucoup d’entre eux se réfugient toujours dans le silence, mais pas obligatoirement pour la raison qu’ils auraient commis des saloperies, ou assisté à des saloperies. Un silence qui pourrait s’expliquer par un fossé immense d’incompréhension entre leur vécu, l’attitude des autorités d’hier ou d’aujourd’hui, et celle du peuple français

            M.Rotman a parlé de guerre sans nom. Je dirais plus volontiers, guerre de l’absence, absence d’ennemi connu, absence du peuple dans cette guerre, sauf par le biais du contingent qui, à la fin de ce conflit, s’est trouvé tout naturellement en pleine communauté de pensée avec le cessez le feu du 19 mars 1962. Et c’est sans doute le sens profond de sa revendication mémorielle.

            Pour la grande majorité des appelés, l’Algérie n’était pas la France.

            Les appelés ne savent toujours pas quelle guerre on leur a fait faire : guerre de l’absence et du silence, et le remue-ménage qui agite en permanence, à ce sujet, certains milieux politiques ou intellectuels leur est étranger.

            Il convient de noter que pour un acteur de ce conflit, ou pour un chercheur marqué dans sa chair et dans son âme par celui-ci, c’est un immense défi à relever que de vouloir en faire l’histoire.

            Et sur au moins un des points évoqués dans le livre, je partage le constat qu’il fait sur l’effet des lois d’amnistie « personne ne se retrouvera devant un tribunal » (p.18), et personnellement je regrette qu’il en soit ainsi, parce qu’il s’agit là d’une des causes du silence du contingent, et de cette conscience d’une guerre de l’absence. A quoi servirait-il de dénoncer des exactions injustifiables si leurs responsables, c'est-à-dire les salauds inexcusables n’encourent  aucune poursuite judiciaire ? Cette amnistie n’a pas rendu service à la France que j’aime et à son histoire.

            Le métier d’historien

            Ma position de lecteur, amateur d’histoire, assez bon connaisseur de notre histoire coloniale, me donne au moins la liberté de dire et d’écrire ce que je pense des livres qui ont l’ambition de relater ce pan de notre histoire.

            Ce passage permanent de la mémoire à l’histoire  et inversement, est très troublant, sans que l’intelligence critique y trouve souvent son compte! Et beaucoup d’affirmations ne convainquent pas !

            Est-il possible d’affirmer, en ce qui concerne l’Assemblée Nationale et sa composition : « C’est d’ailleurs une photographie assez fidèle de cette génération qui a fait la guerre d’Algérie ou qui a été confrontée à elle. »

            Une analyse existe-t-elle à ce sujet ? Et si oui, serait-elle représentative de l’opinion du peuple français à date déterminée ?

            Tout est dans la deuxième partie de la phrase et le participe passé « confrontée »qui permet de tout dire, sans en apporter la preuve.

            La mise en doute du résultat des recherches qui ont été effectuées sur l’enrichissement de la métropole par les colonies : mais de quelle période parle l’auteur et de quelle colonie ? (p.20)

            L’affirmation d’après laquelle la fin de l’apartheid aurait été le  « coup d’envoi » mémoriel mondial (p.41) : à partir de quelles analyses sérieuses ?

            L’assimilation de l’histoire coloniale à celle de Vichy, longtemps frappée du même oubli. (p.21,50, 96).  Non, les situations ne sont pas du tout les mêmes !

            Et ce flottement verbal et intellectuel entre mémoire et histoire, une mémoire partagée ou une histoire partagée ? (p.61,62, 63). Outre la question de savoir si une histoire peut être partagée.

             Et pour mettre fin à la guerre des mémoires, un appel à la reconnaissance et à la réparation (p.93), ou en d’autres termes, à la repentance, que l’historien récuse dans des termes peu clairs dans les pages précédentes (p.34), une récusation partielle répétée plus loin (p.95).

            Et d’affirmer qu’il est un historien engagé (p.88) et d’appeler en témoignage la tradition dans laquelle il inscrit ses travaux, celle des grands anciens que sont Michelet, Vidal-Naquet et Vernant. Pourquoi pas ? Mais il semble difficile de mettre sur le même plan périodes de recherche et histoires professionnelles et personnelles des personnes citées.

            Le lecteur aura donc compris, en tout cas je l’espère, pourquoi le petit livre en question pose en définitive autant de questions sur l’historien et sur l’histoire coloniale que sur les mémoires blessées ou bafouées qui auraient été transmises par je ne sais quelle génération spontanée aux populations immigrées, issues des anciennes colonies.

            Pourquoi refuser de tester la validité « scientifique », et en tout cas statistique, de ce type de théorie historique ?

            Nous formons le vœu qu’une enquête complète et sérieuse soit menée par la puissance publique sur ces questions de mémoire et d’histoire, afin d’examiner, cas par cas, l’existence ou l’absence de clichés, des fameux stéréotypes qui ont la faveur de certains chercheurs qui s’adonnent volontiers à Freud ou à Jung, la connaissance ou l’ignorance de l’histoire des colonies, et donc de mesurer le bien fondé, ou non, des thèses mémorielles et historiques auxquelles l’historien a fait largement écho.

            Alors, histoire ou mémoire ?

            La nouvelle ère des historiens entrepreneurs

             L’histoire est-elle entrée dans un nouvel âge, celui de l’Historien entrepreneur selon l’expression déconcertante de Mme Coquery-Vidrovitch (Etudes coloniales du 27/04/07), ou celui de l’histoire devenue bien culturel selon l’expression de l’auteur ? Mais en fin de compte, sommes-nous toujours dans l’histoire ?

            Et à ce propos, nous conclurons par deux citations de Marc Bloch, évoquant dans un cas Michelet et ses  hallucinatoires résurrections, et dans un autre cas,  le piège des sciences humaines :

            «  Le grand piège des sciences humaines, ce qui longtemps les a empêchées d’être des sciences, c’est précisément que l’objet de leurs études nous touche de si près, que nous avons peine à imposer silence au frémissement de nos fibres. » (Fustel de Coulanges-1930)

Jean Pierre Renaud                         

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 10:18

Mémoire collective, nouvelle panacée historique !

 

Tours de passe-passe entre histoire et mémoire collective, entre histoire coloniale, immigration et mémoire collective, avec en prime les fameux stéréotypes et un inconscient collectif colonial.

 

 

            L'histoire apprise dans un petit collège de l'Est de la France

           Pourquoi ne pas commencer mon analyse en évoquant un souvenir personnel de mes études dans un petit collège de l’Est de la France ?

            Mon professeur d’histoire avait le défaut d’un peu trop aimer la dive bouteille, mais son enseignement était digne de beaucoup d’éloges, tant sa culture historique était à la fois étendue et sensée. Ce cher professeur avait la fâcheuse tendance de reprendre le propos d’un de ses élèves, lorsque ce dernier osait avancer un « on ».

            Il répliquait aussitôt : « On » est un CON !

            Et je vous avouerai que chaque fois que j’entends un historien ou une  historienne  avancer le sésame « mémoire collective », j’éprouve le même type de réaction, car l’expression en tant que telle, n’a aucun sens, tant qu’elle ne repose pas sur une démonstration statistique sérieuse et aujourd’hui possible.

            Alors qu’il pleut, chaque jour que Dieu fait, des sondages comme des balles à Gravelotte, au cours de la guerre franco - prussienne en 1870.

            Et le grand Lao Tseu!

            Et j’ajouterai, pour faire bonne mesure, et appeler en renfort le célèbre philosophe taoïste Lao Tseu, que la mémoire collective pourrait s’inscrire aussi dans « le vide presque parfait. », de même que « l’inconscient collectif ».

 

            Dans l’article qui suit, et ceux qui seront publiés successivement sur ce blog, je vais m’attacher :

1-         à définir ce qu’est la mémoire collective selon les critères d’Halbwachs, son véritable initiateur, ci-après (contribution 1) :

2-         à proposer au lecteur trois analyses concrètes de textes ou de situations évoquées par des historiens ou d’autres intellectuels, « La guerre des mémoires » de l’historien Stora, d’une part (contribution 2), et le colloque de la Mairie de Paris du 12/03/09 sous le titre « Décolonisons les imaginaires », d’autre part (contribution 3), le colloque de la Ville de Paris intitulé « Décolonisons les imaginaires » (mars 2009) (contribution 4).

                  Les contributions 2, 3 et 4, seront proposés à la réflexion du lecteur dans les semaines qui suivent.

 

1-  Histoire ou mémoire collective ?

Contribution 1

 

            A lire articles ou livres de chercheurs, sociologues ou historiens, notre mémoire collective jouerait un rôle primordial dans l’approche et la compréhension de notre histoire coloniale.

            Une mémoire collective investie d’un rôle clé, quelques exemples :

            Premier exemple, le livre « La guerre des mémoires ».

             Citons des échantillons des textes dans lesquels il est fait référence à ce concept.

            « La guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), «  la fracture coloniale, c’est une réalité » (p.33), le « refoulement de la question coloniale » (p.32), « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective jusqu’à aujourd’hui une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer (p.32), « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            Deuxième exemple, le livre « L’Europe face à son passé colonial »

            A la page 144, un historien note « une explosion mondiale des mémoires », et un autre écrit à la page 219 : «  La mémoire coloniale constitue depuis plusieurs années un sujet primordial dans le débat public français. »

            Troisième exemple, le livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy ».

            Un historien illustre à plusieurs reprises le concept : « une vision largement partagée par nos concitoyens (p.113) », « ces stéréotypes », « cette façon de voir les Africains est bien présente dans la mentalité française (p.116) », « combien le discours de Dakar « colle » à une opinion majoritaire en France » (p.122), « au service de l’anéantissement de ces clichés et stéréotypes si profondément ancrés dans une certaine vision de l’Afrique. » (p.123)

            Quatrième exemple, le livre « Mémoire année zéro ».

            Brillant essai d’un auteur habile à manier les concepts de mémoire, d’histoire, et d’identité nationale, à donner le vertige intellectuel au lecteur, j’écrirais volontiers d’une excellente facture « ENA ».

            Dans cet essai riche en citations, références, jugements et perspectives,  l’auteur écrit : « A côté de l’histoire, la mémoire était un instrument commode et populaire. La mémoire est collective (1). Les souvenirs sont individuels. (p.24) » La note (1) de la page 39 renvoie au livre « La mémoire collective » de Maurice Halbwachs, sans autre plus de précision.

            A la même page 39, l’auteur écrit : « On le voit : notre mémoire collective est en crise… »

            L’auteur nous entraîne dans un exercice de haute voltige intellectuelle autour du concept de mémoire, sans attacher, semble-t-il, une grande importance à la définition stricte des concepts manipulés, notamment sans asseoir ses raisonnements sur la définition rigoureuse de la mémoire collective qu’en a proposée Halbwachs.

            A partir de quelle définition et quelle mesure, ces appréciations et assertions sont-elles formulées, donc sur quel fondement ? Telle est la question!

            A force de lire articles et livres portant sur l’histoire coloniale, sur le passé colonial de la France, je me suis posé la question de savoir ce qu’était cette fameuse mémoire collective, nouvelle panacée de certains intellectuels, comme nous l’avons vu.

            J’ai donc été à la rencontre de l’inventeur, sauf erreur, de la théorie de la mémoire collective, c'est-à-dire Maurice Halbwachs, et donc de son livre fondateur, comme certains disent de nos jours.

            Rien ne vaut en effet, même pour un historien amateur, d’aller à la source.

            Qu’est-ce que nous dit cet auteur ? Dans un ouvrage austère, mais très bien écrit, Halbwachs analyse tous les aspects de la mémoire collective et en décrit les conditions de base, c'est-à-dire : une mémoire collective qui ne peut être définie que par rapport à :

            un espace (lequel ?),

            un groupe déterminé (lequel ?),

            un temps historique (lequel ?).

             Le sociologue ne manque pas de préciser qu’une mémoire collective a une durée de vie limitée (laquelle ?).

            Les héritiers du grand sociologue ont été inévitablement confrontés à la mesure de cette fameuse mémoire collective, en proposant méthodes, et outils de mesure quantitative, au moyen d’enquêtes statistiques fiables.

            Le constat : dans les textes des livres cités, nous n’avons trouvé ni définition du concept, ni indication de sources d’enquêtes statistiques, qui pourraient accréditer le discours de ces chercheurs.

            Je conclurai donc en faisant appel à la sagesse du bon vieux Descartes, comment ne pas douter, en tout cas pour l’instant, du fondement de ces affirmations, tant qu’elles ne s’appuieront pas sur des démonstrations conceptuelles et statistiques ?

            Pourquoi ne pas se demander entre autres si la fameuse mémoire collective française n’est pas plutôt branchée sur l’Europe, allemande, anglaise ou italienne, plutôt que coloniale ? A démontrer !

 

            Quelques citations éclairantes pour finir :

            « C’est à l’intérieur de ces sociétés que se développent autant de mémoires collectives originales qui entretiennent pour quelque temps le souvenir événements qui n’ont d’importance que pour elles, mais qui intéressent d’autant plus leurs membres qu’ils sont peu nombreux. »  (page 129)

            « La mémoire collective, au contraire, c’est le groupe vu du dedans, et pendant une période qui ne dépasse pas la durée moyenne de la vie humaine, qui lui est, le plus souvent, bien inférieure. » ( p,140)

            « Chaque groupe défini localement a sa mémoire propre, et une représentation du temps qui n’est qu’à lui. » (p, 163)

La mémoire collective- Maurice Hallbwachs- (Albin Michel -1997)

Jean Pierre Renaud    Tous droits réservés

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