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11 octobre 2024 5 11 /10 /octobre /2024 09:44

SUPERCHERIE COLONIALE

Page 63 à 83

CHAPITRE 2

La presse

Première Partie

Aux nombreuses questions que l’on peut légitimement se poser sur l’existence ou non d’une relation, d’une filiation, pour ne pas utiliser le terme préféré de généalogie de nos historiens, entre l’histoire coloniale et l’histoire nationale, l’analyse de la presse nationale et régionale, c’est-à-dire des très nombreux journaux publiés entre 1871 et 1939, pourrait sans doute apporter un début de réponse, sinon une réponse.

Incontestablement, la presse constitue un des rares supports d’information et de culture qui a existé tout au long de cette période, à la différence des autres supports. Elle a également l’immense mérite de pouvoir faire l’objet d’un travail d’évaluation, de mesure statistique des textes et des images en termes de colonnes et de pages, ainsi que d’un examen qualitatif des contenus.

Les grandes conquêtes coloniales, Tombouctou (1893), Tonkin (1885), Dahomey (1892), Madagascar (1895), ou Fachoda (1898) ont fait l’objet d’articles de reportages, de gravures et de photographies. Il est donc possible, avec les archives de la presse de procéder à un sérieux travail d’évaluation statistique exhaustive ou par échantillon : surface et fréquence des articles, ou des images, dans la presse nationale et régionale par rapport à la surface totale des supports de presse d’information et de culture, analyse des contenus, favorables ou défavorables à la conquête. Nous verrons qu’un exercice de ce type a été effectué sur un grand quotidien provincial, ainsi que sur d’autres journaux de province.

Quelques chiffres tout d’abord pour fixer les idées (Histoire générale de la presse, 1972) :

En 1880, 94 titres de quotidiens parisiens, avec un tirage total de 3.500.000. Quatre journaux ont les tirages les plus importants : le Petit Journal 583.820, La Petite République : 196.372. La Lanterne : 150.531, le Figaro : 104.924.

La même source ne donne pas le chiffre des tirages de la presse provinciale à la même époque, mais le chiffre des quotidiens, beaucoup plus élevé que celui de Paris : 252 quotidiens en 1882.

En 1910. le tirage des quotidiens parisiens passe à 4.950.000 pour 76 titres. Quatre journaux ont les tirages les plus importants :

Le Petit Parisien : .................... 1.400.000

Le Petit Journal : ........................ 835.000

Le Journal : .................................. 810.000

Le Matin : ...................................... 670.000

En 1939, le tirage des quotidiens parisiens est de 5.500.000, et les quatre journaux les plus importants sont :

Paris Soir .................................. 1.739.584

Le Petit Parisien : .................... 1.022.401

Le Journal : .................................. 411.021

L’Humanité : ................................ 349.587

En 1939, la presse de province fait plus que jeu égal avec la presse parisienne avec un tirage total de 6 millions d’exemplaires pour une centaine de titres, dont les plus importants sont :

L’Ouest Eclair :............................ 350.000,

La Petite Gironde :..................... 325.000,

L’Echo du ²Nord : ....................... 300.000,

La Dépêche de Toulouse :.......... 260.000.

Ne figurent pas dans les premiers les journaux de la région de Marseille qui ont fait l’objet de l’attention privilégiée de l’historien Blanchard dans sa thèse.

Donc, un potentiel de textes et d’images d’archives considérable, disponible pour des chercheurs qui auraient l’ambition de mesurer l’importance du fait colonial dans l’information et la culture des lecteurs français tout au long de la période coloniale moderne.

Cette fresque rapide éclairera notre propos sur le parti historique qu’en a tiré notre nouvelle école de recherche historique dont nous critiquons tout à la fois les méthodes, les travaux et les conclusions, le seul travail de base à ce sujet étant la thèse de M. Blanchard dont nous analyserons le contenu.

Pour l’essentiel, ce discours est contenu dans Culture Coloniale pour la période 1871-1914, baptisée Imprégnation d’une Culture.

En effet les grands journaux participaient à cet intérêt, se faisant l’écho des conquêtes (CC/43), et plus loin, La grande presseLe Petit Journal et Le Petit Parisien – multiplient les sujets ayant trait aux expéditions coloniales ; d’autres journaux furent créés autour de ces thèmes porteurs comme le Journal des voyages en 1877 (CC/49).

Dans la phase baptisée, Fixation d’une appartenance (après 1914), « l’Agence (des Colonies) "inondait", gérait et générait son propre discours en s’assurant la maîtrise de sa production et des relais de diffusion. Interlocuteur privilégié, elle s’octroya ainsi un monopole en contrôlant tous les maillons de la chaîne d’informa­tion. » (CC/139).

Page 65

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10 octobre 2024 4 10 /10 /octobre /2024 16:04

LA PRESSE, page 74

« Les idées-forces de la propagande impériale ne changeaient pas : l’Empire était le fondement essentiel de la sécurité de la France, le suprême recours » (p.63).

« Est-ce à dire que cette propagande, qui visait surtout les jeunes générations ait réussi à mobiliser l’opinion française, dont les coloniaux déploraient toujours, en 1937, l’indifférence et l’absence de réaction aux propagandes anti-colonialistes ? » (p.64)

Telle est la question posée, et l’auteur tente d’y répondre en mesurant les réactions de l’opinion publique face aux revendications coloniales de l’Allemagne et de l’Italie, en citant les sondages qui furent faits par l’IFOP. Il s’agissait des premiers sondages effectués en France !

Il aurait été intéressant de voir confrontés les résultats de ces sondages et ceux d’une analyse de la presse de la même époque, afin de mesurer la place qu’elle consacrait à l’actualité impériale, comme cela a été fait dans l’étude dont nous rapportons plus loin les résultats, avec le grand journal provincial Ouest-Éclair.

Car l’opinion publique était divisée à ce sujet : prête en 1937 à des concessions coloniales étendues à l’Allemagne, d’après un sondage effectué par le journal L’œuvre, elle continue à l’être en octobre 1938 avec l’un des premiers sondages réalisés par l’IFOP.

A la question : « Pensez-vous qu’il faut donner des colonies à l’Allemagne ? » 59 % des Français interrogés avaient répondu oui, 33 % non, et 8 % ne sachant pas, mais ce sondage avait été fait dans la période du lâche soulagement des accords de Munich, alors que le mois suivant, les résultats étaient contraires.

A la question posée par l’IFOP en décembre 1938 : « Pensez-vous que la France doive rendre à l’Allemagne les colonies qui nous ont été confiées par la SDN » 70 % des personnes répondaient non, 22 % oui, et 8 % ne savaient pas.

Mais en février 1939, dans un contexte international de plus en plus tendu, sous la menace d’une nouvelle guerre, à une nouvelle question de l’IFOP à savoir, « s’ils sont décidés à se battre plutôt que de céder la moindre partie de nos possessions coloniales », 44 % répondirent non, 40 %,,oui, et 16 % ne savaient pas.

Quelles conclusions peut-on tirer de ces sondages à la fois isolés et trop rapprochés ?

L’offensive impériale représentait avant tout une riposte directe aux menaces de l’Axe : elle a réussi à retourner l’opinion publique... La conquête coloniale s’étant .faite en dehors de l’opinion et presque à son insu, il n’est guère étonnant que les Français s’y soient montrés longtemps indifférents...

Ainsi peut-être le peuple français manifesta-t-il ses sentiments envers cet empire colonial qu’il n’aimait guère et qu’il désirait pourtant garder. (p. 73)

J’ajouterais volontiers qu’après l’indifférence au colonial, une grande curiosité française pour l’exotisme colonial (voir expositions), une indifférence persistante à l’impérial, les Français ne virent dans cet Empire que l’ultime recours de la nation en cas de conflit.

Nous reviendrons sur les sondages dans un chapitre spécial.

Avant de clore ce chapitre consacré à la presse et à son rôle sur l’opinion publique, je propose au lecteur de prêter son attention à un exercice de mesure de l’information coloniale dans la presse de province, et précisément au sein du plus grand quotidien provincial de l’époque, Ouest Éclair, exercice que j’aurais vivement conseillé de faire à notre collectif de chercheurs, avant d’avancer des affirmations et conclusions sans fondement.

Le contenu de l’exercice est d’autant plus intéressant qu’il ne confirme pas, en tout cas pour le grand journal provincial en question l’évolution de l’opinion publique signalée par l’historien Ageron, si l’on considère qu’un journal a tendance à aller dans le sens du poil de ses lecteurs.

Il s’agit d’un article rédigé par Mme K. K. Daouda et Jacques Thobie à partir du mémoire de Mme K. K. Daouda, article paru dans la Revue Française d’Outre-Mer en 1982, et intitulé « Ouest Eclair et l’Empire colonial français de 1936 à 1939 ».

Ouest Eclair était de tendance conservatrice, donc a priori plutôt favorable à l’Empire. La méthode utilisée est simple : mesurer la superficie des articles consacrés à l’Empire par rapport à la surface totale du journal.

A la lecture du tableau ci-dessous, le lecteur pourra se rendre compte qu’au cours des années 1936 à 1939, la surface des articles consacrés à l’empire colonial n’a pas dépassé 5 %, sauf en 1939, avec 5,2 %

 

 

Articles consacrés à l’Empire colonial dans Ouest-Éclair

Année

1936

1937

1938

1939

pourcentage sur la surface totale du journal

0,86

4,10

2,39

5,20

nombre d’articles

informations

34

28

134

118

96

82

57

38

éditoriaux

6

16

14

19

surfaces en cm²

4.266

19.247

11.454

17.751

surface moyenne par article

125,4

143,6

119,3

311,4

On ne peut pas dire que l’actualité impériale encombrait les colonnes de ce journal, mais il est possible d’avancer qu’effectivement, à la veille de la deuxième Guerre mondiale, le sujet a pris un peu plus d’importance, notamment avec un plus grand nombre d’éditoriaux.

L’analyse des contenus montrait que le journal donnait une vision optimiste de l’Empire au cours du premier semestre 1936. Avec l’arrivée du Front Populaire au pouvoir, le journal désapprouve sa politique libérale en Algérie avec le projet Blum Viollette, mais approuve la répression nationaliste en Tunisie. Au cours de la dernière période le journal défend le maintien de l’Empire.

Les auteurs de l’analyse font ressortir :

  1. Une apologie sans faille de la colonisation...
  2. L’Afrique, c’est d’abord et avant tout l’Afrique du Nord, clé de voûte sans laquelle tout s’effondre...
  3. L’empire colonial constitue pour la France une réalité militaire et stratégique qui est partie intégrante de sa puissance et de sa capacité de défense et de riposte.

Et les auteurs de l’article de conclure :

« Resterait à savoir dans quelle mesure ces articles retenaient l’attention des lecteurs de ce quotidien régional. Mais est-il une réponse à cette question ? » (p.122)

En tout cas, il y avait moins de chances statistiques que les lecteurs soient intéressés par des sujets impériaux que par ceux qui occupaient la presque totalité des colonnes de ce journal.

Les travaux de l’association Images et Mémoires font également une place à l’analyse de la presse de province et aux articles qui étaient consacrés à la présentation des villages noirs qui accompagnèrent souvent certaines grandes expositions de province, principalement à la fin du XIXème siècle. Cette lecture est instructive parce qu’elle ne se réduit pas à la seule caricature qu’ont voulu en faire certains, celle des zoos humains. Nous y reviendrons dans le chapitre des Expositions coloniales.

Nous proposons quelques-uns de nos tests d’évaluation de la relation entre fait colonial et presse, en ce qui concerne la période 1870-1900, la fameuse période décrite comme d’imprégna­tion.

Le soi-disant guet-apens de Bac Lé (Tonkin 1884) : une colonne française lancée à la conquête de Lang Son est contrainte par l’armée chinoise à faire retraite. Au cours de l’année 1884, L’Illustration, diffusée à environ 50 000 exemplaires a consacré de 6 à 7 pages aux affaires du Tonkin, au premier semestre, sur 442 pages, et le Tonkin n’est mentionné que 8 fois dans les 486 pages du deuxième semestre. L’affaire de Bac Lé n’y est évoquée que sur deux colonnes. On ne peut donc pas dire que les affaires du Tonkin passionnaient la rédaction du journal, les lecteurs, ou tous les deux.

Une affaire beaucoup plus grave, la retraite de Lang Son qui a causé la chute du ministère Jules Ferry en 1885 ! Toujours dans le même hebdomadaire, au premier semestre, les affaires coloniales occupent une dizaine de pages sur 500 environ, avec quatre pages de couverture sur les 26 numéros. Les photos et les colonnes de texte sont principalement consacrées au retour de la dépouille du commandant Rivière tué à Hanoi en 1883.

Le deuxième semestre accorde une plus large place aux affaires du Tonkin, mais à la mort naturelle de l’amiral Courbet en mer de Chine, et non pas à la retraite de Lang Son. Sur les 26 numéros, 3 pages de couverture avec photos furent consacrés à l’amiral et seize pages au total sur environ 500 pages. Dans les sujets traités par l’hebdomadaire on trouvait en parallèle la mort de Gordon à Khartoum et celle de Victor Hugo.

Donc pas de passion pour ces sujets coloniaux !

La conquête de Madagascar en 1895. Cette campagne était couverte par de nombreux journalistes, comme c’était devenu la mode pour toutes les campagnes militaires des puissances coloniales de l’époque. Sans avoir effectué de pointage précis sur la presse de l’époque, il semble assuré que la présence de journalistes, la diffusion de leurs articles, l’hécatombe de soldats que connut cette campagne, ne contribua sûrement pas à rendre populaire les conquêtes coloniales, mais il serait intéressant de faire des recherches à ce sujet aussi bien dans la presse nationale que dans la presse provinciale qui donna un puissant écho à cette campagne.

Une étude de Jean Valette et Mariette Valette Rahamefy, intitulée L’esprit public bergeracois et l’expédition de Madagascar (1894-1896),- Tananarive,1963, donne un éclairage intéressant sur le sujet. Le contenu des trois journaux bihebdomadaires de Bergerac a été examiné à partir du nombre de fois dont ils ont parlé de Madagascar.

Leur conclusion a été :

« En premier lieu, que l’affaire de Madagascar eut en France, tout au moins en Dordogne, de très certaines répercussions, puisque les trois journaux considérés lui ont, chacun, pour des raisons diverses, accordé une grande place dans leurs colonnes. Mais quelles sont ces raisons ? Il ne semble pas qu’elles soient spécifiquement coloniales. En effet, la presse bergeraçoise n’a jamais participé à ce que l’on a pu appeler le "Parti colonial", et les grandes théories commerciales, humanitaires, etc., qui ont caractérisé les journaux de ce parti lui sont restées étrangères. Aussi est-ce beaucoup plus pour des raisons de politique intérieure : soutien du gouvernement, ou, au contraire, attaque contre le ministère ou le régime, que la presse bergeracoise s’est intéressée aux problèmes malgaches. Cette attitude explique donc les positions prises par les journaux républicain, orléaniste ou bonapartiste, qui sont conformes ainsi, sauf exceptions dues à des contingences locales, au clivage traditionnel des grandes tendances politiques françaises de l’époque. »

Donc des préoccupations beaucoup plus hexagonales que coloniales !

En ce qui concerne la conquête du Soudan, elle se fit, quasiment, et pendant longtemps, à l’abri du regard de la presse.

Dans l’état actuel des recherches, il parait possible d’avancer l’hypothèse que pendant toute la période des grandes conquêtes coloniales de 1870 à 1900, et sauf à certaines grandes occasions, par exemple Fachoda, la presse n’a pas accordé une grande place à l’actualité coloniale et joué un rôle assez réduit sur l’opinion publique.

C’était d’ailleurs une des conclusions du grand historien Henri Brunschwig.

Et en contrepoint, Maurras à la Une ? Et des mémoires d’études de l’Université de Provence, novateurs en méthodologie, ignorés.

Des recherches qui n’ont fait que butiner, picorer dans les journaux, sans jamais faire appel à une vraie méthode d’analyse statistique. Un historien qui tire des conclusions générales, alors qu’il a beaucoup plus fréquenté la presse de droite et d’extrême droite, notamment celle de Maurras, et celle du sud-est de la France, que celle de la France entière, de Paris et de toutes nos belles provinces.

N’écrit-il pas qu’au cours de la période qu’il a spécialement étudiée, celle des années 1930-1945 :

« La grande majorité des Français est en phase avec Charles Maurras quand il affirme, dans Pages africaines, qu’il était pourtant clair que ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes était de nature à nuire à tous les empires coloniaux... » (CC/221).

C’est peut-être faire beaucoup d’honneur au journal de Maurras et à son influence sur la grande majorité des Français, alors que son journal avait en 1939 un tirage modeste de 45 000 exemplaires !

Alors que deux mémoires d’études précurseurs, le premier daté de 1975, et le deuxième de 1987, effectués sur le même type de sujet colonial et dans le même ressort de l’Université de Provence que celui choisi comme cadre d’analyse par l’auteur, proposaient la bonne méthode à utiliser pour analyser la presse dite coloniale, quelques années avant la thèse que l’auteur a défendue en 1993.

Première étude, celle de M. Huyn Huu Nghia, sous la direction de J. L. Miège, intitulée Fachoda et la presse marseillaise (sept.-dec.1898). Six quotidiens ont été examinés sous toutes les coutures, avec calcul des surfaces consacrées au sujet, repérage des articles en fonction de la pagination, classement selon la rubrique de rattachement, France, Angleterre, étranger, Afrique, armement et bruits de guerre.

L’auteur a représenté ses analyses quantitatives en tableaux de pourcentage, en histogrammes, et en graphiques, outils d’analyse dont il résulte :

« Pour l’ensemble des quotidiens marseillais, il apparaît deux périodes

  • Les mois d’octobre et de novembre sont des mois où les numéros furent nombreux.
  • Ils sont encadrés par les mois de septembre et de décembre de faible intérêt. »

La presse marseillaise a donc suivi pas à pas le déroulement du conflit :

  • Un développement de la crise en septembre ;
  • La crise elle-même en octobre ;
  • L’évacuation du 4 novembre et ses conséquences immédiates ;
  • Décembre, la fin de la crise.

L’auteur a complété son étude quantitative avec une analyse qualitative des articles de la presse marseillaise. Leur contenu avait une tonalité clairement anti-anglaise, mais les journaux n’ont jamais poussé à la guerre, et ont rapidement fait baisser la tension, quand un accord a pu être envisagé par le Ministre des Affaires étrangères Delcassé, dont l’action a été louangée par tous les journaux. Les mêmes journaux ont mis l’échec de la France sur le dos de l’affaire Dreyfus qui divisait le pays au cours de cette période.

Citons enfin une partie du commentaire de la conclusion :

« En effet, si l’opinion française baignait dans une indifférence rare devant tout ce qui concernait la colonisation, Marseille port de grand négoce, a été une exception. Ceci explique en partie, la crainte d’un conflit avec l’Angleterre : les armateurs marseillais n’auraient pu lancer leurs navires à travers une Méditerranée tenue par les Anglais. »

Le lecteur aura pu constater que le bain colonial n’avait pas tout à fait le même sens que celui du collectif de chercheurs.

Deuxième mémoire, celui présenté par M. Stephane Pellet. sous la direction du professeur Miège dont le sujet était : Le mouvement colonial et la presse vauclusienne (1869­/1899), L’étude s’attachait à l’analyse de quatre périodes, ouverture du canal de Suez (1869), chute du gouvernement Ferry (1885), conquête de Madagascar (1894), et Fachoda (1898).

Le mémoire avait l’ambition (réussie) de déterminer la place qu’occupait dans la presse locale du Vaucluse, les informations sur le monde colonial, actualités ou débats qui conduisaient les journaux d’Avignon et de Carpentras à traiter cette information... Pour chaque relation de faits ou prise de position, nous dirons "relation", il a été déterminé une longueur, en segment de colonne, un type de caractère gros, moyen ou petit, une grosseur de titre, gros moyen ou petit et un emplacement de page en 1 ère 2ème ou 3ème.

Conclusions de cet examen méthodique : quelques pourcents de la surface des journaux passés à la loupe consacrés aux affaires coloniales, et absence d’enthousiasme et de conviction des journaux vauclusiens pour la politique coloniale de la France.

FIN du Chapitre 2 page 82

 

 

 

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 15:33

Introduction

L’analyse critique à laquelle nous allons procéder porte sur l’histoire coloniale de la France entre 1870 et 1962.

Un petit flash back historique nécessaire

Comme au cinéma, puisque nous sommes aussi dans le domaine des images, procédons à un rapide flash back historique que le lecteur conservera utilement dans sa mémoire pour se faire une opinion, à chacune des époques considérées, sur les discours du collectif de chercheurs dont nous allons critiquer les travaux.

Années 1880-1914 : la période des grandes conquêtes coloniales de la Troisième République, dans le sillage de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace Lorraine.

Première guerre mondiale 1914-1918, la boucherie : la France fit appel aux troupes indigènes de l’Empire. Cette guerre mit en péril les forces vives de la nation beaucoup plus mobilisées, dans les quelques vingt années qui la séparèrent de la deuxième guerre mondiale :

  • par la reconstruction du pays.
  • par la lutte contre les effets de la grande crise
    économique de 1929,
  • et enfin, par la menace de l’Allemagne hitlérienne
    et du communisme soviétique,

que par la consolidation d’un empire colonial.

Deuxième guerre mondiale – 1939-1945 une période très ambigüe avec l’affrontement entre de Gaulle et Pétain, et le rôle stratégique que se trouva jouer l’Empire, un Empire disputé par les deux camps. La France fit à nouveau appel aux troupes de l’Empire.

Après la Libération de son territoire, la France fut une fois de plus occupée à se reconstruire, à se refaire une santé nationale, et fut dans l’incapacité de faire évoluer l’Empire vers une Union Française toujours introuvable, et de plus en plus introuvable avec les insurrections encore circonstanciées de Sétif, puis beaucoup plus graves de Madagascar et d’Indochine, et enfin par la guerre d’Algérie, conflit de toutes les ambiguïtés de la France.

Nous veillerons donc à mener notre analyse toujours dans le respect de ces temps historiques, car il est impossible de mettre sur le même plan les images et les textes de ces différentes époques.

Comment comparer en effet la propagande par images de Vichy, pendant l’occupation allemande, alors que l’Empire était devenu le champ clos de toutes les luttes franco-françaises et alliées, avec celle des années. 1900, 1930 ou 1950, à supposer, ce qui est loin d’être démontré, comme nous le verrons, qu’il y ait eu alors une véritable propagande ?

Les ouvrages en question

Notre analyse porte sur les ouvrages suivants, car il faut bien appeler un chat un chat. Chaque fois qu’ils feront l’objet d’une citation, ils seront rappelés par les lettres en gras qui figurent entre parenthèse.

Actes du Colloque Images et Colonies
    des 20 au 22 janvier 1993 ; ........................................................ (C),
Images et Colonies ; fin 1993......................................................... (IC),
Thèse Blanchard ; Sorbonne, 1994.............................................. (TB),
Culture Coloniale ; 2003 .............................................................. (CC),
La République Coloniale ; 2003 .................................................. (RC),
Culture Impériale ; 2004 .............................................................. (CI),
La Fracture Coloniale ; 2005 ....................................................... (FC),
L’Illusion Coloniale ; 2006 ......................................................... (ILC).

Trois historiens ont largement contribué à la conception et à la rédaction de ces ouvrages et développé la thèse que nous contestons, Pascal Blanchard, le principal animateur et rédacteur, Nicolas Bancel, et Sandrine Lemaire.

Françoise Vergés (docteur en sciences politiques et professeur à l’Université de Londres) a été associée à la rédaction de La République Coloniale.

Les Actes du Colloque (janvier 1993)

L’ambiguïté des propos et donc, de l’objet des études, marque dès le départ l’introduction des Actes du Colloque (Blanchard et Chatelier). Alors que ses rédacteurs indiquent que l’examen n’a porté que sur une quarantaine d’illustrations (p.13), alors que la production iconographique du XXème siècle révèle un volume très important d’images dont l’estimation exacte reste à faire (p.13), tout en veillant à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion (p.14), les auteurs n’hésitent pas à écrire que « le temps colonial se réapproprie le présent, que l’image fut l’allié puissant du colonialisme », et que « cette multiplication des images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial... » (p.14).

Et nous voilà plongés, en dépit de ces incertitudes et de ces approximations, dans le bain colonial, dont les enjeux ne sont pas aussi limpides que ceux du célèbre bain biblique de la chaste Suzanne.

Nous verrons au fur et à mesure de notre analyse ce qu’il convient de penser de ces affirmations audacieuses, tout en montrant, qu’au cours de ce fameux colloque, toutes les contributions se rapportant aux différents supports d’information ou de culture, et, tant s’en faut, n’ont pas fait preuve de la même belle et imprudente assurance historique.

Le deuxième ouvrage passé au crible est Images et Colonies (fin 1993). Beau travail de collecte d’images coloniales, mais la question qu’il pose est de savoir si son contenu apporte la preuve du discours tenu par ses responsables.

Images et Colonies

L’avant propos annonce la couleur, haut et fort (Blanchard). D’abord dans son titre : « Il est temps de décoloniser les images » (p.8).

Et dans le texte une succession d’affirmations péremptoires sur l’importance des images coloniales et sur leur influence.

« Nous avons travaillé sur les images vues par un large public français à l’époque coloniale de la fin du XIXe siècle aux indépendances... à force de diffusion et de matraquage, un message de propagande... Aujourd’hui encore ces images restent présentes dans la production iconographique... comment les Français ont pu être séduits et/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande... pour comprendre les phénomènes contemporains... son groupe de recherches a recensé plus d’un million d’images qui ont été analysées au sein de son séminaire et présentées au cours d’un colloque international organisé par l’ACHAC à la Bibliothèque Nationale en janvier 1993. »

Il s’agit du Colloque évoqué plus haut.

La thèse Blanchard intitulée Nationalisme
et Colonialisme (Sorbonne 1994)

Idéologie coloniale, Discours sur l’Afrique et les Africains de la droite nationaliste française des années 30 à la Révolution Nationale.

Le lecteur aura remarqué que la recherche historique est très limitée dans son champ idéologique et chronologique, et qu’il n’est pas du tout question d’images coloniales. L’auteur a fait porter ses efforts sur la presse, et nous reviendrons sur le contenu de cette thèse à l’occasion du chapitre que nous consacrons à l’analyse du support d’information et de culture qu’est la presse.

Culture Coloniale (2003)

Cet ouvrage a la prétention de démontrer que la France a eu et a encore une culture coloniale. L’avant-propos (Blanchard et Lemaire), intitulé La constitution d’une culture coloniale en France, énonce tout un ensemble d’affirmations et de postulats.

« Cette culture devient un corps de doctrine cohérent où les différents savoirs sont assemblés... On distingue trois moments dans cette lente pénétration de la culture coloniale dans la société française le temps de l’imprégnation (de la défaite de Sedan à la pacification du Maroc), le temps de la fixation (de la Grande Guerre à la guerre du Rif) et le temps de l’apogée (de l’Exposition des Arts décoratifs à l’Exposition coloniale internationale de 1931). » (p. 7)

« Comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir... mais coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel (p. 8) l’instrumentalisation étatique de la culture coloniale. Très vite le cinéma et l’image fixe renforcent et diffusent le bain colonial auprès de l’ensemble des populations… » (p.13)

« Une culture coloniale invisible (p.16)... un tabou (p.17)... l’amnésie coloniale (p.19). Dès les années 1880 : une iconographie univoque, multiple et omniprésente. Ces images véhiculées par les médias de masse… » (p.23)

« La colonisation outre-mer n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel à la construction de la nation française. » (p.25)

« Pour autant la culture coloniale aura fait son œuvre, aura tissé sa toile, aura touché les consciences et marqué les esprits. Elle aura surtout contribué à faire la France des Trente glorieuses et celle des générations suivantes. » (p.32)

« L’indigène au cœur de la culture coloniale. » (p.33)

« 1931 ou l’acmé de la culture coloniale... dans le pays. Celle-ci est maintenant établie, omniprésente, diffuse, et a sans aucun doute trouvé son rythme de croisière au moment où l’empire semble basculer vers un autre destin. » (p.35)

« La France semble s’être imprégnée alors en profondeur de l’idée coloniale. » (p.36)

« Loin d’être des aventures lointaines, les conquêtes coloniales sont un des ciments de la société française. » (p.39)

L’ensemble de ces affirmations montre que leurs auteurs n’ont décidément pas froid aux yeux en leur qualité d’historiens, d’autant plus qu’ils se sont refusés au départ à proposer une définition de leur objet d’étude : 

« Pourtant essayer de donner une définition de la culture coloniale c’est entrer dans un champ théorique et abstrait qui n’est pas l’objet de notre démarche tant la notion de culture de masse est complexe, comme le montre un ouvrage récent. » (p.8)

Dans de telles conditions, de quoi allons-nous parler exactement, cher lecteur ?

La République Coloniale (2003)

(Blanchard, Bancel, Vergés - Une écriture à trois p.9). Tel que décrit dans la préface de la nouvelle édition, l’objet de l’ouvrage dérive par rapport aux livres que nous venons de citer. Nous passons de la culture coloniale à la République Coloniale, mais très précisément au pourquoi, d’après les trois auteurs, de la situation actuelle de la France dans son rapport avec les populations d’origine coloniale.

La situation qu’ils décrivent : « Présence de la colonisation pour des centaines des milliers de jeunes Français qui subissent inégalités et discriminations (p.II)... ce retour du refoulé (p.III) ... il existe un impensé dans la République (p,IV). En n’écoutant pas les oubliés de l’histoire, on prend le risque de voir tous les révisionnismes, toutes les manipulations (p. V) les liens intimes entre République et colonie... Pour déconstruire le récit de la République coloniale (p.V). »

Ces quelques citations montrent que l’ouvrage esquisse une analyse qui dépasse le champ proprement historique et nous nous poserons la question de savoir si ces chercheurs ont été au-delà de l’incantation idéologique.

Des livres examinés à la loupe, c’est incontestablement celui dont l’outrance verbale et intellectuelle est la plus forte, celui qui développe toute la thématique d’idéologie historique de notre triade, le bain colonial des images, le matraquage de la propagande coloniale, l’omniprésence de l’Algérie, la généalogie existant entre culture coloniale et crise des banlieues, et pour finir, la mise en parallèle de la période de Vichy et de celle des colonies, le même type d’amnésie existant aujourd’hui pour la période coloniale, comme elle a existé pour Vichy et la collaboration.

Culture Impériale (2004)

Un discours également péremptoire sur les effets de la culture impériale.

« Trois quarts de siècles plus tard, la nostalgie de cette grandeur... reste encore vivante, même si elle prend des formes ambivalentes. (p.7). La France s’immerge… imbibée naturellement (p.9)... C’est une véritable culture impériale multiforme qui s’impose au cours des années 1931-1961... » Et les auteurs de renvoyer le lecteur, comme ils le font souvent dans leurs écrits, à leurs autres écrits, ici le livre Culture Coloniale, et la boucle est bouclée, sinon le cercle vicieux…

« Les processus par lesquels les Français sont devenus des coloniaux. Non pas des coloniaux fanatiques, ou simplement très au fait, ou encore particulièrement concernés par l’empire... mais pénétrés, imprégnés de cette culture impériale sans souvent en avoir une conscience claire et qui, sans manifester une volonté farouche de le défendre ou sans en connaître la géographie exacte, n’en témoignent pas moins de leur attachement à son égard. » (p.14).

Donc, le tout et son contraire, et heureusement pour nos bons auteurs, les Français imbibés consciemment ou pas de culture impériale (p.26), vont devoir s’en remettre aux bons soins du docteur Freud !

La Fracture Coloniale (2006)

Sous la direction de la triade Blanchard, Bancel et Lemaire)

Le lecteur est invité à présent à quitter les rivages d’une culture coloniale qui aurait imprégné la France en profondeur, qui produirait encore aujourd’hui ses effets, pour aborder les rives de la fracture coloniale.

« Retour du refoulé... qui font de la fracture coloniale une réalité multiforme impossible à ignorer (p.10)... la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savante (ce que l’on nommera ici une culture coloniale) (p.13). De ce champ de bataille mémoriel (p.23)… la banlieue est devenue un théâtre colonial. » (p.23).

Et nous y voilà, le tour est joué !

L’Illusion Coloniale (2006)

(Illustré par Deroo avec des commentaires de Lemaire) L’introduction commente :

« Mais en histoire les mythes sont des réalités, ils s’intègrent et en sont moteurs ou facteurs, lui donnent une autre résonance tout en lui octroyant une dimension supplémentaire. De la sorte, si la colonisation s’est insérée dans la vie quotidienne des Français – bien que la majorité d’entre eux ne soit jamais allée et n’ira jamais outre-mer – elle ne représente qu’un rêve, certes basé sur le concret de l’acte colonial, mais élaboré par des images flatteuses de l’action nationale aux colonies. » (p.1)

Ce texte confus reprend l’idée d’une colonisation... insérée dans la vie quotidienne, et énonce l’existence d’un rêve… élaboré par des images flatteuses.

« C’est la mise en place progressive de cette perception, de cette illusion que nous nous sommes attachés à restituer dans cet album... iconographies et extraits de documents variés révèlent un imaginaire qui n’en finit pas de ressurgir quotidiennement à travers le tourisme... Les interrogations sur l’avenir de celle qui se proclama longtemps : la "Plus grande France" et de ceux qui se revendiquent amèrement les "indigènes de la République". »

La thématique essentielle est là, un imaginaire qui sommeille et qui ressurgit pour produire encore des effets sur la situation intérieure française. Sommes-nous en présence d’un travail historique ou d’une construction idéologique qui surfe sur la vague médiatique des images d’un ouvrage de luxe, qui est un beau livre d’images ?

 

Nous verrons au fur et à mesure de notre analyse ce qu’il faut penser de ces théories historiques et idéologiques, mais le lecteur a déjà conscience de la généalogie de ces travaux, terme que ces historiens aiment bien utiliser pour expliquer la généalogie clandestine des phénomènes examinés, les travaux passant successivement, à partir des images, et des sources que nous avons citées, essentiellement le Colloque, le livre Images et Colonies, et la thèse Blanchard, d’une culture coloniale indéfinie, invisible mais en même temps prégnante, impensée mais en même temps bien présente, sans doute "faite chair", comme nous aurons l’occasion de le constater, à ce que l’on appelle communément la crise des banlieues, en fournissant des aliments pseudo-scientifiques aux animateurs des mouvements qui se revendiquent comme les indigènes de notre République.

Le choix des titres de plusieurs de ces ouvrages est en lui-même le symbole de l’ambiguïté et de l’audace des discours pseudo historiques qu’ils développent. Arrêtons-nous-y un instant :

Des titres attrape-mouches ou attrape-nigauds ? Avec quelle terminologie ?

Des titres coups de feu, sans points d’interrogation !

Culture, qu’est-ce à dire ? Herriot écrivait : « La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié », et si cette définition est la bonne, il aurait donc fallu que notre trio de chercheurs fonde sa recherche sur le présent de la France, et que par l’utilisation de méthodes statistiques éprouvées, ces dernières nous en apprennent plus sur le sujet. Des sondages, il en pleut chaque jour !

Et nos auteurs se sont bien gardés d’analyser en détail les différents sondages qui ont été faits sur ces sujets, les premiers datant des années 1938-1939.

Une culture constituée de quelles connaissances, partagée par qui, où, quand ?

Fracture coloniale ? « Une fracture est une rupture, une lésion osseuse formée par une solution de continuité avec ou sans déplacement de fragments », définition du Petit Robert. Comment appliquer cette définition à notre sujet, cassure entre quoi et quoi ?

Et à partir de quel continuum qui existerait ? Dans Culture Coloniale (p.25), ils écrivent :

La colonisation outre-mer n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel de la construction de la nation française...

Mais alors, continuité ou fracture, tout en notant que le propos frôle allégrement les mystères du christianisme !

Fracture politique, économique, humaine, linguistique ‘ ? Nous avons fait le recensement des différents sens donnés au titre Fracture coloniale dans le livre qui lui est consacré, et chacun peut y trouver son bonheur. La moitié des contributions n’apportent aucune lumière sur la nature de la fameuse fracture.

Dans son introduction, le trio écrit :

Pour autant, définir la fracture coloniale dans toutes ses dimensions n’est pas chose aisée (p.13) – effectivement – après avoir écrit (p.11), Autant de signes qui font de la fracture coloniale une réalité multiforme impossible à ignorer.

Et plus loin, la fracture coloniale est née de la persistance et de l’application de schémas coloniaux à certaines catégories de population (p.24).

Prenons quelques cas de figure Une fracture politique dans le cas de la Françafrique ? Une fracture linguistique ? Alors que la continuité linguistique est un des facteurs de l’immigration légale ou clandestine ? Une fracture coloniale ? Alors que beaucoup d’habitants des anciennes colonies, notamment de l’Algérie, mère de tous les phantasmes, émigreraient volontiers dans la patrie du colonialisme.

Il convient donc d’aller à présent au cœur de notre sujet et d’analyser le fameux corpus d’images el de textes, ou tout simplement les sources, qui ont été l’objet de leurs études, beaucoup plus d’images que de textes, semble-t-il.

Il s’agit des supports d’information et de culture que nous allons analyser, support par support, et à chacune des grandes périodes historiques que nous avons rappelées dans notre flash-back. Nous verrons s’ils existaient ou non, quelle était leur diffusion, et quels ont été leurs effets sur l’opinion publique à chacune des époques considérées, pour autant qu’ils aient pu être mesurés.

Il conviendra de comparer les résultats de cette analyse avec la thèse de ces historiens. Leur analyse des images et de leurs supports est-elle crédible ou non ? Pourquoi oui ou pourquoi non ? Et des textes examinés ? Avec quelle méthodologie d’évaluation, car dans ce champ de recherche, la méthode choisie est bien souvent le préalable nécessaire du sérieux de l’analyse.

Images ou textes, images avec ou sans textes, textes avec ou sans images, des matériaux d’analyse historique qu’il sera nécessaire d’inscrire dans une chaîne méthodologique d’interpré­tation : nature de l’image ou du texte, origine, date, contexte, cible choisie, tirage et diffusion, effets supposés ou mesurés sur un public, lequel ? Toutes questions qui appellent des réponses souvent difficiles, d’autant plus que cette interprétation risque le plus souvent, dans le cas des images, d’empiéter sur le domaine des sémiologues, dont le métier est précisément celui de l’interprétation des signes.

Nous examinerons successivement :

Chapitre 1 Les livres de la jeunesse, livres scolaires et illustrés

Chapitre 2 La presse des adultes

Chapitre 3 Les villages noirs, les zoos humains (avant 1914),
                   et les expositions coloniales (avant et après 1914)

Chapitre 4 Les cartes postales

Chapitre 5 Le cinéma

Chapitre 6 Les affiches

Chapitre 7 La propagande coloniale

Chapitre 8 Les sondages comme mesure de l’effet colonial sur l’opinion

Chapitre 9 Le "ça" colonial

Remarquons pour le moment que le seul support d’information et de culture, qui a été constant tout au long de la période coloniale est la presse nationale et provinciale. On en connaît les tirages et la diffusion, et il est possible d’en analyser les contenus. Avec la littérature, mais c’est là un sujet d’analyse et d’évaluation beaucoup plus difficile.

Et pour guide de notre lecture critique, une recommandation de Montaigne : « Choisir un conducteur qui ait une tête bien faite plutôt que bien pleine. »

Car nous n’avons pas l’ambition de nous substituer à l’historien, au sociologue, au psychanalyste ou au sémiologue, mais de soumettre la thèse que défendent ces historiens, leurs affirmations, les sources qu’ils avancent, les raisonnements mis en œuvre, à la critique d’un bon sens formé aux meilleures disciplines de la pensée.

Et nous n’hésiterons pas à appliquer le sage précepte des historiens, la citation des sources, quitte à citer nos propres sources, celles que nous avons été consulter dans les services d’archives.

Car il serait grave d’avancer, avec des preuves et une analyse insuffisantes, une nouvelle thèse de l’histoire, qui s’auto­proclame comme scientifique, et dont les propagandistes s’autori­sent à délivrer des ordonnances de bonne gouvernance sociale et culturelle.

Avec cette méthode de travail, nous avons un gros avantage sur les spécialistes, une liberté complète d’analyse et de propos.

Avec l’idée que la fameuse guerre des mémoires coloniales est une affaire montée de toutes pièces par des groupuscules dont la méthodologie n’a pas grand-chose à voir avec la science historique, s’il en existe une.

Dans le livre d’entretien que l’historien Stora vient de commettre, intitulé La guerre des mémoires, ce dernier se range sous la bannière de cette phalange d’historiens (p.33). Il s’y déclare un historien engagé (p.89), mais comment oser mettre sur le même plan un historien de cette pseudo guerre des mémoires, 45 ans après les indépendances et les accords d’Evian, avec d’autres figures du passé, Michelet au XIXe siècle, ou celle de l’historien Vidal-Naquet réagissant à chaud, comme intellectuel, contre les violences et les tortures de la guerre d’Algérie ? Et pourquoi ne pas citer une autre grande figure, celle de Marc Bloch, entré dans la Résistance pendant la deuxième guerre mondiale et fusillé par les Allemands.

Quoi de commun entre ces historiens ?

Et comment interpréter enfin les récents propos de l’histo­rienne Coquery Vidrovitch sur l’historien Blanchard, surnommé historien entrepreneur : qu’est-ce à dire ? Il y aurait à présent des historiens du marché et donc une histoire du marché ? Avec l’Achac, association de recherche historique, soutenue par des fonds publics, et l’agence de communication toute privée Les bâtisseurs de mémoire ?

Comment distinguer entre l’histoire scientifique et l’histoire marchandise, celle des produits culturels qui surfent sur la mode médiatique des mémoires ?

Nous avons donc l’ambition d’aider le lecteur à ne pas prendre des vessies pour des lanternes historiques.

Et pour une mise en bouche historique,
une boulette de riz !

Outrances de pensée et de langage, grandiloquence, l’historienne Lemaire ne fait pas dans le détail pour décrire une propagande coloniale qui aurait fabriqué du colonial, tissé sa toile, éduqué, manipulé les citoyens français, grâce notamment à l’action de l’Agence des Colonies.

Nous verrons ce qu’il en est exactement dans le chapitre 7 consacré à la propagande coloniale, au risque de dégonfler la baudruche.

Pour l’instant, un mot bref sur une de ses trouvailles historiques à propos du riz indochinois et de son rôle dans la fabrication du colonial.

Dans le livre La culture impériale, elle intitule une de ses analyses : Du riz dans les assiettes, de l’Empire dans les esprits (CI/82)

Une formule magique ! Un vrai slogan de propagande, car l’analyse de l’historienne ne repose sur aucun fondement sérieux, comme nous le démontrerons.

Il aurait vraiment été difficile pour les Français d’avoir du riz dans leurs assiettes, alors que le riz importé, de mauvaise qualité, était destiné, pour 95%, à l’alimentation de la volaille et du bétail, et que les groupes de pression agricoles tentèrent, dans les années 30, sans succès, de limiter l’importation d’une céréale qui venait concurrencer leur blé.

Plutôt que du riz dans les assiettes, une boulette de riz historique !

Le lecteur aura le loisir de constater que le cas du riz indochinois est typique de la méthode de travail de ce cercle de chercheurs : insuffisance d’analyse, absence d’évaluation des faits décrits, grossissement avec une grosse loupe de telle ou telle considération, laquelle, comme par hasard, vient au secours d’une démonstration creuse, et idéologiquement orientée.

D’aucuns évoqueraient sans doute à ce propos le faux historique et la contrefaçon.

                                                    FIN     PAGE 30 DU LIVRE  

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 15:27

 

 

 

 

 

 

 

 

Supercherie colonialE

 

 

 

Ouvrages édités par l’auteur

 

Paris, un Etat dans l'Etat ; L’Harmattan (1993)

La Méthode Chirac ; Editions JPR (1996)

Chemins obliques Editions JPR (1998)

Guerre d'Algérie-1958-1959-1960

Vallée de la Soummam Editions JPR (2000)

Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large – Rôle de la communication et des communications au cours des conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1900 Editions JPR (2006) (Prix Bernard de l'Académie des Sciences d'Outre Mer)

 

 

 

De l’histoire

« L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout...

« Dans l’état actuel du monde, le danger de se laisser séduire à l’Histoire est plus grand que jamais il ne fut. »

Regards sur le monde actuel
Paul Valéry

Critique historique

« L’esprit critique c’est la propreté de l’intelligence. Le premier devoir, c’est de se laver. »

Marc Bloch
1914

 

Préface imaginaire
d’un ancien diplomate, très bon
connaisseur de l’histoire coloniale

Je devais à notre vieille amitié de lire les pages que tu m’as confiées, crayon en main. Tu as eu le mérite, le courage et, peut-être l’imprudence, de lire toutes les pages de tous ces livres, dont la plupart sont remplis d’erreurs, d’inepties, d’obscurités, de sottises, un véritable sottisier colonial.

Les extraits que tu m’en as donné à lire m’ont largement suffi. Sur un certain plan, j’admire les lecteurs, car il y en a eu quelques uns qui ont été capables de s’infliger cette punition de lecture.

Mais comme je te l’ai répété, les histoires qu’ils racontent n’intéressent pas les historiens sérieux. L’exercice critique auquel tu te livres, documenté et convaincant, fusse avec l’ironie ou l’humour dont, heureusement, tu as su égayer le commentaire – et la matière ne s’y prêtait pas toujours – n’intéressera pas grand monde. Tu ne trouveras aucun éditeur qui prendra le risque d’aller contre une mode qui semble plaire. La plupart d’entre eux font du surf médiatique sur le marché de l’indigène.

Ton commentaire sur l’affiche du parfum Saint-Laurent m’a beaucoup amusé, et celui sur le grain de riz de l’Indochine, beaucoup intéressé.

Le concept nouveau de l’historien entrepreneur, lequel déploie sa science sur le marché de la mémoire, contre monnaie sonnante et trébuchante, ouvre à ce sujet de vastes horizons, à donner le vertige historique.

De toutes les façons, l’histoire a toujours été engagée, même celle des historiens sérieux, les vrais. et même lorsque ces derniers ont tenté de faire prévaloir une vérité, la vérité historique. A la grande différence toutefois de ton collectif de chercheurs qui se sont affranchis de toutes les prudences méthodologiques de la discipline. Leur travail est plus le résultat d’une réflexion idéologique, d’un bourrage de crâne, que d’un salutaire exercice du doute.

Qui sait ? En dépit de la mode et du marketing médiatique de ces nouveaux historiens entrepreneurs et de leurs éditeurs, leur histoire finira bien par mourir d’inanition, faute d’avoir fourni de véritables aliments, solides, qui tiennent au corps, pour soutenir des thèses complètement farfelues.

 

En prologue

Depuis dix à quinze ans, des chercheurs, historiens, politologues ou sociologues ont commencé à s’intéresser aux images des anciennes colonies françaises, et tenté de les interpréter avec plus ou moins de succès, c’est selon, et pas toujours dans la chronologie de leur contexte historique, qu’il s’agisse de cartes postales, de gravures, de photos, d’affiches, ou de films.

Tant et si bien que depuis quelques années, une triade de jeunes historiens, animateurs d’un mouvement. une école de recherche [1], un collectif de chercheurs, ainsi qu’ils se nomment, déploie une grande énergie de plume pour exposer la thèse, précisément à partir d’images coloniales, mais aussi de textes, d’après laquelle la France aurait baigné dans une culture coloniale, tout au long des années 1870 à 1962, avec une acmé (sic) à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931. Les archétypes (sic) de cette culture coloniale et de sa mémoire conduiraient les Français à reproduire, aujourd’hui et sans le savoir, des comportements coloniaux dans leur vie civile et publique. Autre affirmation de la triade : notre passé colonial expliquerait donc la crise des banlieues et la présence de nouveaux indigènes de la République Française.

La cause est donc sérieuse, et il s’agit de l’instruire sérieusement, puisqu’elle prétend donner une lecture authentique, sinon scientifique de notre histoire coloniale et nationale, et y trouver les raisons des rapports difficiles pouvant exister entre Français de souche et Français immigrés.

D’autant plus sérieuse qu’elle nourrit un débat et des controverses dans une partie de l’opinion publique.

Avant donc d’aller au cœur du sujet et d’analyser le contenu de cette thèse et, par un détour de pensée utile, il nous faut mettre en garde le lecteur sur la grande difficulté qu’il y a à interpréter une image, quelle qu’elle soit. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, sur le plan technique, mais donnons ici quatre exemples.

 

Le premier est celui des images montrées à l’occasion de l’émission d’Arrêt sur Images du 19 novembre 2006. Celles superbes, d’énormes icebergs en goguette au large des côtes de la Nouvelle Zélande. Selon les uns, leur présence illustrerait le phénomène de réchauffement climatique, et selon les autres, elle ne constituerait pour le moment qu’une hypothèse de travail. Alors que ces images récentes se situaient dans un contexte précis. avec date et lieux, et qu’elles faisaient l’objet d’un examen pluraliste et critique.

 

Deuxième exemple, celui d’un film d’amateurs tourné avant la deuxième guerre mondiale en Afrique Occidentale, par des représentants d’une grande marque d’apéritif. Projection faite à l’occasion d’un festival sur des images des colonies organisé en 2005 au Forum des Images à Paris. On les voyait en train de faire leur pub à proximité d’un village, distribuant des objets publicitaires, et faisant signe à des africaines de venir à leur rencontre. Un présentateur savant commentait la scène en disant : « ils convoquent les femmes » – nous sommes donc bien dans une situation coloniale de domination – alors que la chose n’était pas très différente de ce que l’on voit de nos jours, tout au long du Tour de France et de ce que je connaissais aussi de l’Afrique.

 

Troisième exemple et, ce dernier beaucoup plus élaboré, parce qu’il a l’avantage de poser le problème de la lecture et de l’interprétation techniques d’une image, avec la mise en jeu de codes qu’il faut connaître avant de se prononcer. L’anthropologue anglais, Nigel Barley, notait au cours de sa mission du Nord Cameroun des années 1980 [2], que la population Dowayo qu’il étudiait, n’arrivait pas à identifier et à comprendre une photographie : « On oublie trop souvent que les gens qui n’ont jamais vu de photos doivent commencer par apprendre à les déchiffrer. »

Martine Joly, sémiologue distinguée, ne dit pas autre chose, quand elle écrit [3] « qu’il y a un âge au-delà duquel, si on n’a pas été initié à lire et à comprendre des images, cela devient impossible ».

Notre triade de jeunes historiens a naturellement dépassé le stade des Dowayo, en tout cas je l’espère, mais elle est confrontée au même type de difficulté que connaissent parfaitement les sémiologues, dont c’est précisément le métier. Et se pose donc la question de savoir comment ils ont réussi à lever la difficulté.

Surtout ne faisons pas revivre la fameuse Querelle des Images (du IV au VIIe siècle), comme certains tentent de le faire, laquelle opposait les iconophiles et les iconoclastes qui se disputaient sur la nature divine ou non de l’image.

 

Quatrième exemple. celui d’une photographie (page 55) illustrant un article signé Jean-Pierre Chrétien, paru dans le numéro spécial n°302 d’octobre 2005 de la revue L’Histoire [4]. La légende du cliché était la suivante : « Un colon entouré de sa garde personnelle dans le comptoir de Grabo [5], au début du XXe siècle. L’image parait aujourd’hui caricaturale du maître blanc et de ses serviteurs noirs ».

Nous avons interrogé la rédaction de la revue pour nous confirmer l’exactitude de la légende, étant donné que notre interprétation était plutôt celle d’une photo de chef de poste colonial officiel, compte tenu de son uniforme et de ses galons, entouré de ses gardes-cercle. Après beaucoup de difficultés, nous avons enfin obtenu la réponse suivante : « Nous nous basons pour rédiger les légendes des images que nous publions sur les indications que nous fournissent les agences qui font le plus souvent très bien leur travail. Si celles-ci cependant sont fautives, nous n’avons malheureusement, le plus souvent, aucun moyen, de l‘anticiper ».

Dont acte, mais c’est peut être un bon exemple de la difficulté qu’il peut y avoir à donner son sens à une photographie.

Alors, me direz-vous, vous vous êtes bien éloigné de votre sujet, et je vous répondrai que non dans l’exposé qui suit, étant donné que la thèse historique, sinon idéologique, qu’ils ont développée dans une série de livres qu’ils ont publiés s’appuie constamment sur l’interprétation qu’ils font des images coloniales, et quelquefois des discours qui les accompagnent, et rarement de leur contexte historique.

Bonne ou mauvaise interprétation des images coloniales qui constituent les sources de leur discours, ce qui veut dire respect de la source ou captage de la même source ? Bonne ou mauvaise interprétation des sources écrites, lorsqu’elles ont été utilisées dans la démonstration historique ?

 

En avant-scène postcoloniale

Et, sur les pas du célèbre Montesquieu,
Comment peut-on être Malgache
à Paris au XXIe siècle ?

De Jérôme Harivel, Cité Universitaire Internationale, à Paris, à sa chère et tendre Vola, restée à Faravohitra, à Antatananarivo,

Octobre 2001 – Comme tu le sais, à l’occasion du match. Algérie-France, dans ce magnifique stade de France, (quand en aurons-nous un aussi beau dans notre belle capitale ?) une partie du public a sifflé l’hymne national des Français. Tu vois le scandale ! Je n’y étais pas, car tu connais l’amour très modéré que je porte au sport. Cela m’a beaucoup étonné, moi qui croyais que l’Algérie était indépendante depuis 1962. La France était-elle devenue, à son tour, la colonie de l’Algérie ?

Septembre 2003 –- Des amis français m’avaient convié à une soirée à la campagne, une campagne toute verte comme tu l’aimerais, près du Mans. A un moment donné, un des convives se mit à évoquer des livres récents qui traitaient de l’histoire coloniale de la France. Tu sais que les Français ne s’y intéressent pas beaucoup, mis à part la guerre d’Algérie, qui a laissé des traces profondes dans beaucoup de familles françaises.

Je ne m’estimais pas vraiment concerné, lorsque j’entendis ce convive parler de bain colonial, et aussitôt je fis une association d’idées avec notre grande fête du bain de la Reine, notre fandroana mais il ne s’agissait pas de cela. C’était bien dommage, car la cérémonie du bain revêtait une grande importance dans notre monarchie. Beaucoup de faste, une grande foule, le bain de Ranavalona III derrière le rideau rouge, la couleur sacrée, avec ce petit grain de folie religieuse qui mettait du sel dans le rituel sacré du bain, l’aspersion de la foule venue entendre le kabary de la reine et assister à son bain caché, avec l’eau qui avait servie au bain de la reine, une eau naturellement sacrée. Une lointaine parenté sans doute avec l’eau bénite, sans vouloir blasphémer le rite catholique !

Février 2005 – Un de mes bons amis malgaches m’a entraîné au Forum des Images de la Ville de Paris pour assister à une des séances du festival des films coloniaux qui y avait lieu.

Deux personnes commentaient ces documents, un belge, je crois, et un universitaire africain dont j’ignorais le nom. Pour nous mettre sans doute dans l’ambiance idéologique de cette séance, le présentateur belge avait distribué une note de présentation dans laquelle il énonçait quelques fortes vérités, je cite :

« C’est au nom de la légitimité coloniale que l’on filme les femmes au torse nu... c’est la relation d’assujettissement du colonisé au colon. C’est la violence légale. naturelle de l’ordre colonial qui apparaît lorsque l’on regarde ces images... on perçoit régulièrement les signes d’un déni d’humanité accordé à l’indigène dont le filmeur (sic) d’alors n’avait pas conscience ».

On nous a projeté plusieurs films d’amateurs de qualité tout à fait inégale. L’un d’entre eux a attiré mon attention, parce qu’il avait été tourné chez nous, par un Vazaha (un Blanc) sans doute riche, car il le fallait pour disposer d’une caméra. A un moment donné, on voyait une femme blanche assise dans un filanzana, notre fameuse chaise à porteurs. portée donc par quatre bourjanes, et le commentateur de souligner doctement, et une fois de plus, que cette image était un autre symbole du colonialisme en action.

A la fin de la projection, un Vazaha s’est levé et a pris la parole pour expliquer à la salle que tous les gens riches de Madagascar, nobles, hauts fonctionnaires militaires ou civils, marchands fortunés recouraient habituellement à ce mode de transport à une époque où il n’y avait aucune route dans l’île, et donc aucun véhicule à roues. Je me suis bien gardé d’intervenir, mais l’échange m’a bien amusé.

Que dire encore à ce sujet sur les pousse-pousse qui existent encore en Asie et sur notre belle île !

Mai 2005 – Un grand débat agite les médias et le microcosme politique, sur l’esclavage et le rôle positif de la colonisation française. Des députés, toutes tendances confondues, de droite et de gauche, ont eu la foutue bonne idée de faire reconnaître par la loi le rôle positif de la colonisation. Grand chahut chez les historiens et au sein des associations qui ont l’ambition de défendre la cause des populations immigrées. notamment de celles qui ont publié un appel d’après lequel, leurs ressortissants seraient les Indigènes de la république.

Prudence de notre côté étant donné le passé de notre grande île et de l’abolition relativement récente de notre esclavage. Certains de nos lettrés ne disent-ils pas que les descendants des andevos, nos anciens esclaves, portent encore dans leur tête leur passé d’esclave, avec la complicité des descendants de leurs anciens propriétaires d’esclaves. Nous sommes d’ailleurs bien placés à Madagascar pour savoir que la traite des esclaves s’est prolongée longtemps en Afrique de l’Est, dans l’Océan Indien, et dans le Golfe Persique, avec les traditionnels trafics arabes d’esclaves.

Je te signale d’ailleurs qu’une historienne de La Réunion prend des positions hardies dans ce difficile débat.

Je recommanderais volontiers la même prudence aux descendants des grands royaumes négriers de l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

Novembre 2005 – En France, la mode est aujourd’hui à la repentance. Les Français adorent ça et se complaisent dans leurs défaites militaires qu’ils célèbrent avec une joie masochiste. Le président Bouteflika somme la France de se repentir, alors que la guerre d’Algérie a été un affrontement de violences des deux côtés, et que l’Algérie indépendante sort à peine d’une guerre civile cruelle.

Dans toute cette affaire, plus personne ne comprend plus rien à rien, entre ce qui relève de la mémoire et ce qui relève de l’histoire ! Je me demande si certains historiens ne s’intéressent pas plus à la mémoire qu’à l’histoire.

 

Octobre 2006 – Tu vois, l’Algérie est toujours au cœur du problème français, et certains historiens ont du mal à travailler sur l’histoire coloniale sans être obsédés par l’Algérie, toujours l’Algérie, qui parait d’ailleurs de plus en plus présente en France, plus de quarante ans après son indépendance. Un politologue, d’une espèce difficile à définir, a commis un livre, ou plutôt un crime contre la raison, en énonçant le postulat qui voudrait que coloniser, c’est exterminer, et bien sûr en raisonnant sur l’Algérie. Ce politologue s’est fait ramasser dans les grandes largeurs par deux éminents historiens de l’Algérie.

Ce mois-ci, Blois a accueilli le 9ème Rendez-vous de l’Histoire. A l’occasion d’un Café Littéraire, tu te souviens du rôle des cafés dans l’histoire littéraire parisienne, un dialogue musclé s’est engagé entre le principal prosélyte d’une nouvelle histoire coloniale et l’auteur d’un livre intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale, précisément dans le cas de l’Algérie. Le prosélyte de lui lancer : « Vous êtes un historien révisionniste, ça vous fait fliper » (sic). Je me serais bien gardé d’intervenir dans ce débat : il n’y a pas si longtemps, notre grand Amiral marxiste. dictateur et chef de l’état, aurait brandi aussi facilement ce type d’accusation.

 

 

[1] La République Coloniale p. 11

[2] Nigel : Un anthropologue en déroute ; Barley 1992.

[3] Martine Joly : Introduction à l’analyse de l’image, 2005.

[4] Conseiller de la direction : Jean-Noël Jeanneney.

[5] Côte d’Ivoire.

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 10:24

 

Conclusion

Le vrai du faux ou les biais et détournements historiques d’interprétation des images coloniales ?

Les « manipulations historiques » ?

A la lecture des discours des deux historiens Blanchard et Bancel, pourquoi ne ferais-je pas part d’un aveu, celui de l’impression que je ressens en permanence, celle du souvenir lointain de mes études, en particulier celui des lectures de  Pascal sur les fausses sciences, tout autant que celui de la discipline intellectuelle de mon ancien métier, car sous couleur d’affirmations gratuites, quelquefois de doute, leur prose avance masquée ?

Le débat de fond : s’agit-il d’histoire des idées ou d’histoire quantitative ?

Il s’agit d’un thème historique que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur ce blog notamment à deux occasions, l’analyse du livre de Sophie Dulucq « Ecrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale », et auparavant, des livres d’Edward Said « L’Orientalisme », « Culture et Impérialisme », notamment avec le concept séduisant de « structures d’attitudes et de références ».

Dans l’histoire coloniale, Jacques Marseille avait fait faire un bond de méthode historique dans ce domaine avec les livres qu’il avait publiés sur l’impérialisme français et ses résultats, et ici même Charles-Robert Ageron a introduit la mesure des premiers sondages d’opinion dans ses analyses.

Le problème que posent à la fois les Actes du Colloque de janvier 1993 et ce livre est que leurs animateurs posent comme principe de leurs analyses et discours, un concept de postulat d’échantillon représentatif dont on ne connait ni la méthode ni les résultats : à cette lecture, on en retire évidemment l’impression qu’on « joue » avec les chiffres, car il y en a, mais sans que l’on puisse les considérer le plus souvent comme des sources d’accréditation.

Au Colloque lui-même, deux historiennes réputées et un historien également réputé, bons connaisseurs de l’histoire algérienne et coloniale, ont avancé  comme clé d’interprétation historique « l’inconscient collectif » ;

Dans de telles conditions, un doute sérieux plane sur le caractère historique et scientifique de ces démonstrations, d’autant plus que les animateurs de l’Achac ont proposé, comme argent historique comptant des interprétations qui se sont écartées du contenu des communications publiées

 

Ecarts ou biais d’interprétation

Le cas des Actes du Colloque de janvier 1993

Afin  de pouvoir apprécier la cohérence « scientifique », ou en tout cas statistique ou historique, des discours de propagande postcoloniale du modèle de propagande Blanchard end Co dans les nombreux livres qu’ils ont publiés quelques années après ce Colloque de 1993, et la publication du livre « Images et Colonies », il n’est pas inutile de rappeler en effet que dès la publication des Actes du Colloque et celle de ce livre, les animateurs de l’Achac avaient pris quelques libertés  d’écriture dans la présentation et l’interprétation de ces travaux.

Si le lecteur a pris la peine de prendre connaissance de la sorte d’inventaire que nous lui avons proposé pour la lecture de ce livre, comme de celle des Actes du Colloque de 1993, il a  pu se rendre compte que le rôle prêté à une propagande anémique ne pouvait suffire à démontrer  qu’elle avait marqué, réussi à imprégner le fameux « imaginaire » des Français et des Françaises, à la fois pendant la période coloniale et de nos jours.

Il faut ouvrir ce débat sur le fameux « imaginaire » cher à Benjamin Stora, entre autres, que personne n’a eu le courage de mesurer, s’il est possible de le mesurer, mais pourquoi pas ?

J’attends toujours qu’on nous propose une analyse scientifique et statistique de notre imaginaire colonial et de notre mémoire coloniale, tout autant que de notre ça colonial, « l’inconscient collectif ».

Revenons aux textes qui caractérisent les écarts entre la présentation et les contenus:

Dans leur introduction des Actes du Colloque de 1993, Pascal Blanchard et Armelle Chatelier, distribuaient déjà quelques-unes de leurs cartes.

Citons quelques-unes de leurs assertions - j’ai souligné quelques mots  qui ne reflétaient ni le contenu des communications, ni les conclusions de ce colloque :

L’image ? « Elle fut l’allié puissant du colonialisme - en tant que système et structure idéologique, économique et politique – et fut en France, le miroir dans lequel celui-ci put admirer son œuvre en même temps qu’il l’élaborait… Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images…» (p,12)

Les deux auteurs notent que « L’étude du thème colonial dans la production  iconographique du XX°siècle révèle un volume très important d’images dont l’estimation reste à faire… Nous nous attacherons ici à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion (faux ) et qui, par conséquent (faux), ont été vues par les Français… Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports évoquent un véritable bain colonial »  (p, 13)

.. Ce bain colonial est-il le fruit d’une volonté politique. Comment les images s’inscrivent-elles dans le cadre colonial français ? Comment ont elles fonctionné jusqu’aux indépendances ? En quoi ont elles contribué à fabriquer une certaine représentation de l’ « indigène » ou pour la période actuelle, de l’« immigré… » ?

Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne doutent pas de leur véracité. » (p,15)

Nous y voilà ! J’ai envie de dire, Maréchal nous voilà ! Comme dirait un spécialiste de Vichy !

Le cas du livre «  Images et Colonies »

Examinons successivement les biais relevés :

D’entrée de jeu, les animateurs du binôme Achac-BDM posent leurs jalons idéologiques, avec le but évident d’orienter la lecture des contributions savantes qui y figurent dans le sens souhaité.

1 - Au dos de la couverture, une présentation générale :

« Trente ans après les indépendances, cet ouvrage fait le bilan de l’histoire coloniale de la France à travers l’extraordinaire diversité de l’iconographie produite de la fin du XIX°siècle aux années 60…

Rien que cela ? Le bilan de l’histoire coloniale de la France ?

Ces images ont profondément marqué les mentalités et forgé la conscience coloniale des Français. Dès les années 20, s’organise une véritable propagande sur l’Empire : convaincre les Français du bien-fondé de la mission civilisatrice, comme lors des fastes de l’Exposition coloniale en 1931, ou magnifier le goût du raid Citroën, deviennent une priorité. L’Afrique fut essentiellement connue durant ces années à travers ces images. Les découvrir aujourd’hui, permet de réfléchir sur les rapports complexes que l’Occident entretient avec ce continent. »

A la lecture attentive de cet ouvrage intéressant, il est difficile d’entériner le propos que j’ai souligné.

Autre exemple d’écriture « historique » biaisée à la page 8, sous la signature de Pascal Blanchard, sous le titre qu’appréciera sans doute tout historien qui se respecte :

2 - AVANT

« IL EST TEMPS DE DECOLONISER LES IMAGES » (page 8)

« Pour aborder cette question nous avons travaillé sur les images vues par un large public français à l’époque coloniale de la fin du XIXème siècle aux indépendances et qui s’immisçaient dans la vie sociale d’alors… Des images qui entretenaient un rapport étrange entre la fiction, la symbolique et le réel, et devenaient à force de diffusion et de matraquage, un message de propagande capable de séduire un large public. Dans la continuité des écrits de Gustave Le Bon et de sa « Psychologie des foules », les propagandistes d’alors ont largement repris son slogan : « La foule pense par l’image ».

Le nouveau roman postcolonial enchaîne : « la négation de l’autre »… le « héros blanc ». Aujourd’hui encore, ces images restent présentes dans la production iconographique. Il faut donc s’attacher à mieux connaître ces images d’hier et décoder leur pouvoir de séduction et de conviction, pour appréhender différemment les représentations actuelles de l’Afrique et des Africains….

En effet, la majorité des métropolitains ont connu le fait colonial et les Africains à travers le prisme déformant de cette iconographie…

Des images du passé qui interpellent aujourd’hui notre conscience et qui soulignent explicitement comment les Français ont pu être séduits et/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande…

Mais notre réflexion ne porte pas uniquement sur le passé. Née d’une interrogation sur le présent, elle passe par l’analyse de représentations anciennes pour comprendre des phénomènes contemporains…

Et grâce à ce tour de passe-passe, à des cartes biseautées, le nouveau roman postcolonial mêle habilement fausse science et interrogation de frère prêcheur !

3 - INTRODUCTION

Nicolas Bancel Laurent Gervereau (page 10)

« Douze mille images sélectionnées ont permis une clarification méthodique des thèmes et des supports, étape indispensable pour dresser une histoire des représentations coloniales… (page 10)

… ce travail permet de souligner le passage entre des images « spontanées » sur l’Afrique, à l’ère de la colonisation et des explorations, et une véritable propagande organisée après la Première Guerre  mondiale…

… Sans chercher, ni à perpétuer une quelconque nostalgie, ni à dresser un simple procès de la colonisation, nous souhaitons que ces réflexions, ces rappels historiques, et ces décryptages d’ensembles iconographiques, permettent au-delà des outrances, une meilleure compréhension de chacun. Dans cette perspective, il nous semble plus que jamais indispensable de poursuivre ces recherches, afin de défricher le large champ des questions qui s’est ouvert devant nous. »

Commentaire : le contenu de cette introduction dénote incontestablement avec celui de la page 8 sous deux réserves méthodologiques liées au premier postulat d’une propagande coloniale organisée, et au deuxième postulat d’un décryptage des « signes » qui puisse accompagner l’analyse historique.

Conclusion générale :

1) Les synthèses de présentation proposées ne correspondent pas au contenu des deux sources citées,

2) Les contenus des deux sources citées correspondent à un échantillon supposé représentatif dont on ignore la méthode d’élaboration, sur la base de chiffres et de données variables et mal établis,

3) A supposer même que cet échantillon soit effectivement représentatif, l’analyse des contenus et des statistiques d’évaluation des vecteurs de propagande et de leurs effets ne permettent pas de conclure à la pertinence des discours pseudo historiques de ce modèle de propagande.

Cette analyse montre donc qu’en raison, soit de la carence des sources consultées et des évaluations faites, soit des biais  d’interprétation historique relevés, il existe à l’évidence un soupçon grave et concordant de manipulation historique, c’est-à-dire de propagande postcoloniale !

Jean Pierre Renaud          Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 10:12

 

V - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

IV L’enjeu impérial 1940-1944 (p, 184 à 218)

34 pages et 60 images

Avant-propos

            Il est Inutile de rappeler qu’à partir de l’année 1940, la France était entrée dans un autre monde historique, celui d’une France occupée, sous le joug de la propagande d’une dictature allemande.

Le concept d’Empire, de même que le qualificatif d’ «impérial » utilisé par les deux historiens Blanchard et Bancel ont un caractère ambigu. 

Il convient de rappeler aussi que les deux mêmes historiens, chevilles ouvrières de la collecte, du choix,  et de l’interprétation des images coloniales sont les auteurs ou co-auteurs, hors présentation ou conclusion,  de 28% des pages, et de 25% des images de ce livre.

Pascal Blanchard Gilles Boëtsch – «  La Révolution Impériale Apothéose coloniale et idéologie raciale » (p,186 à 214 – 34 pages et 60 images)

Le lecteur a sans doute été surpris de lire sous la plume d’un historien le mot « apothéose », synonyme de déification, ou de triomphe, alors que la France était sous la botte allemande.

Indiquons par ailleurs que la thèse de l’auteur a porté en grande partie sur cette période et sur l’extrême droite française, en privilégiant le cadre géographique et historique de la France du sud-est.

Il est dommage que l’historien qui avait alors commencé à défricher le domaine de la presse, le seul vecteur où il était relativement facile de dénombrer les effets de la propagande coloniale, n’ait pas orienté les recherches ultérieures de son collectif sur ce domaine d’évaluation capital.

Pour avoir consulté sa thèse et analysé le texte actuel, il est évident que le collectif de chercheurs devait aller plus loin dans cette direction, c’est-à-dire procéder à un travail approfondi d’évaluation des tirages comparatifs des journaux, des pages consacrées aux thèmes coloniaux, en termes de surface ou de colonnes, avec  leur chronologie.

« L’Empire à la croisée des destins » (p187)

« C’est bien à un véritable contrôle de l’image, directement organisé par l’Etat, que nous assistons sous Vichy… Très vite l’actualité coloniale s’est imposée dans  l’imaginaire des français d’alors… (p,188)

Et plus loin : « …Avant de porter un jugement sur la réalité d’une politique coloniale cohérente de Vichy, il faut se  souvenir que l’Empire et ses 60 millions d’habitants ne sont restés sous l’autorité de l’Etat français que trente mois.. » (p,189)

Ah bon ? Et sans compter les bouleversements crées par la défaite et l’exode de 1940 ?

Les supports de la propagande d’Empire (p,189)

Apologie impériale dans la presse et sur les ondes radiophoniques

… « Entre 1940 et 1944, la presse va largement promouvoir le discours sur l’Empire du nouveau régime, avec de nombreuses rubriques coloniales, régulières ou épisodiques, plus nombreuses qu’avant-guerre (voir l’encart sur « La presse et l’Empire ) » (p, 191)

« La propagande de Vichy est beaucoup plus volontariste que celle mise en place sous la République de l’entre-deux guerres. Nous assistons à un véritable matraquage en France comme dans l’Empire… » (p, 193)

« Matraquage » le mot est-il approprié historiquement ?

« L’idée coloniale sur les écrans français » (p,194)

… «  L’ensemble de cette production entre 1940 et 1944 est sans grand éclat, du moins sur le thème colonial, et le discours officiel est peu présent… »(p,194)

« Entre 1940 et 1944 » ? Dans la continuité historique ?

L’auteur continue son inventaire des vecteurs de propagande, mais sans que l’on soit plus éclairé sur leur importance et leurs effets.

… «  Les apothéoses impériales

De la Semaine à la Quinzaine (p,201)

… Le petit train de l’Empire … Le train exposition colonial fut une manifestation de propagande de grande ampleur organisée par le Secrétariat d’Etat aux Colonies, dans le cadre de la Semaine de la France d’Outre-Mer en 1941, puis de la Quinzaine impériale en 1944. En 1942, il circule de début mai à à fin juillet, s’attachant à toucher en priorité les jeunes (50% de son public). Visité par plus de 122 000 personnes, il dégage près de 350 000 francs de recettes (voir les listes déposées aux Archives Ansom n° 513) » (p, 203)

L’auteur continue à préciser : « Ce périple va durer jusqu’au 27 juin 1944, après trente étapes et 113 000 visiteurs… » (p, 204)

Commentaire : comment ne pas rappeler que la France avait été totalement occupée le 11 novembre 1942, après le débarquement allié d’Alger, que la Bataille de Midway dans le Pacifique avait donné l’avantage aux Etats Unis en juin 1942, que l’armée allemande avait été battue à Stalingrad en février 1943, et qu’un débarquement allié avait eu lieu le 6 juin 1944 ?

Dans quelle type de « bain » historique  sommes-nous  plongés ?

L’auteur souligne ensuite les caractéristiques racistes de la propagande de Vichy, mais que faut-il en tirer, une fois de plus, dans notre débat ?

« Les lendemains de la Révolution impériale

« Pendant ces quatre années dramatiques, l’Empire fut certainement pour les Français un exutoire, un espoir pour l’avenir et une consolation. Puis après cette période de propagande incessante, de lutte pour la plus grande gloire de l’Empire…on retrouve fin 1944, la reprise par la République, d’un discours propagandiste sans réelle rupture quant à la forme avec les années précédentes : l’idée coloniale atteint alors son paroxysme en métropole. Gavés de la loyauté de nos « indigènes »…mais très vite, les Français de métropole retrouvaient leurs sentiments et leur indifférence pour cette Union française qui leur semble bien loin de leurs préoccupations du moment… » (p,210)

Commentaire :  j’ai souligné quelques-uns des mots et expressions qui fleurent bon à la fois l’exagération et la fiction, pour ne pas oser le mot de faux historique. Pourquoi ne pas proposer cet échantillon de texte à de jeunes historiens et historiennes pour un exercice de commentaire  historique critique ?

Pascal Blanchard – « La Presse et l’Empire » (p 215, page unique et zéro image) : Intérêt = ? -  Ex = non – Prop. = non

Un exercice de démonstration méthodologique qui aurait pu être intéressant, en dépit de son absence de signification historique, si l’auteur avait procédé à l’évaluation statistique des effets supposés qu’il décrit.

Il semble difficile d’admettre que des chercheurs  s’évertuent à décrire des effets de propagande littéraire, alors que la presse manque à l’appel comme source d’évaluation précisément des effets de la propagande coloniale.

Eric Deroo – « Les troupes coloniales » (pages 216 à 218 - 6 images) 

Intérêt = oui – Ex=non – Prop.= ? pour l’Union Française ?

Conclusion : pourquoi ne pas souligner que, comme par hasard, la propagande coloniale décrite au cours des deux périodes de guerre 14-18 et 40-44, à la condition sine qua non qu’elle eut l’efficacité décrite, le fut beaucoup plus que celle des trois autres périodes (1880-1919 - 1919-1939 -   1945-1962) ?

Sommes-nous encore dans l’objet historique traité ?

Jean Pierre Renaud    Tous droits réservés

 

VI - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

V – Propagande et décolonisation (page 218)

46 pages et 108 photos

Nicolas Bancel et Ghislaine Mathy « La propagande économique » (pages 221 à 231)  (10 pages - 26 images)

I = ? -  Ex = ? – Prop. = ? De quelle propagande s’agit-il ? Dans la continuité de celle supposée, antérieure à 1939 ?

Commentaire : cette chronique souffre de plusieurs défauts, notamment l’insuffisance d’analyse du cadre juridique et financier d’une période qui n’avait plus rien à voir avec celle de la Troisième République fondée sur le self-suffering des colonies : la France était passée à une conception fondamentalement différente des relations « coloniales», celle de Plans financés par le FIDES, avec les trois clés de financement, subvention, prêt, et avance, la clé subvention se substituant très rapidement aux deux autres clés.

Est-ce que cette sorte de révolution aurait été possible sans le Plan Marshall ?

Traiter d’une propagande sans évaluation des vecteurs et de ses effets dans un exercice d’analyse économique suscite naturellement plus de questions que de réponses.

Les  auteurs écrivent : «  Il est très difficile d’établir un chiffrage précis, à la fois de la diffusion des publications semi-officielles du Ministère et de l’impact de cette iconographie de la presse. L’étude d’un corpus partiel permet d’affirmer que la propagande coloniale étatique a presque entièrement submergé l’iconographie des périodiques non  spécialisés » (p,227)

Comment comprendre la logique de ce langage historique ?

A  la fin de leur texte, les auteurs écrivent :

« Les images sur l’économie du continent africain qui martèlent dans les mémoires françaises son infériorité constituent une des facettes de l’idéologie du progrès. Ces images sont indissociables de ce discours sur la nationalisation de l’économie qui a débouché sur l’expérience de la planification et finit par s’imposer après les indépendances.

Il y a actuellement coexistence entre l’universalité technique du monde  occidental et les particularités culturelles des autres civilisations qui ont aujourd’hui à faire valoir leurs réponses à leur propre devenir. » (p,230, 231)

Comment comprendre le sens de ces expressions écrites par deux auteurs qui, après avoir déroulé un discours historique aussi imprécis que lacunaire, osent utiliser les expressions les « images… qui martèlent dans les mémoires françaises… son infériorité… » ?

Ajouterais-je enfin qu’il m’est arrivé de m’étonner ailleurs sur les caractéristiques statistiques très hypothétiques d’un sondage effectué par le même chercheur auprès d’anciens élèves de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer, afin de nous expliquer doctement, sur la base d’un pourcentage de réponses anodin, que leur recrutement avait été motivé par leur appartenance passée à des mouvements de jeunesse, entre autres sportifs ?

Nous y reviendrons plus loin dans la quatrième partie du mouvement de réflexion , dans notre résumé à propos des sondages, qu’il s’agisse de ce dernier ou de celui de Toulouse effectué en 2005.

 Elisabeth Rabut « Un acteur de la propagande coloniale : l’Agence des Colonies » (p, 232 à 236 – 12 images) : Intérêt = oui – Ex = non – Prop.  =  ?

Commentaire : une analyse précise et synthétique de l’Agence des Colonies, de son historique, son organisation, et ses moyens, avec en finale une interrogation :

« La propagande sous ses diverses formes paraît s’être développée en confondant progressivement objectifs et moyens : selon quelle chronologie ? Sur quels fondements ? Pour quelle image du monde colonial ? » (p, 235)

Bonne question, outre celle relative à la place chronologique de cette analyse dans l’ouvrage ?

Le lecteur trouvera plus loin, dans le quatrième mouvement de notre réflexion, une longue chronique sur la propagande coloniale, telle qu’elle a existé, et non pas comme celle décrite par Sandrine Lemaire dans les ouvrages de ce collectif.

Jean Barthelemi Debost « La publicité” (page 236 à 240 – 13 images)   :

Intérêt = oui - Ex = ? – Prop.  = ?

Commentaire : sommes-nous encore dans le domaine de la propagande coloniale qu’il s’agisse  de la chronologie ou du fond ?

La sémiologie a-t-elle été mise à contribution ?

Retenons quelques-unes des expressions utilisées : « L’image de l’Africain des vingt-cinq années (c’est-à-dire de 1945 à 1970 ?) qui ont succédé à la Seconde guerre mondiale devient terriblement complexe…On l’a vu, la publicité chérit le stéréotype… » (p,239)

Qu’en conclure ?

Michel Pierre – « L’Afrique en bande dessinée (pages 241 à 245 – 19 images) :  Intérêt = oui –  Ex = oui – Prop. = ?

« Il n’est pas d’aventure coloniale sans production de mythes aux couleurs des rêves, sans jeux de miroir sur la réalité. Dans la formation de cet imaginaire, la bande dessinée ou plutôt les « illustrés » comme on disait autrefois a joué un rôle essentiel même s’il est difficilement mesurable. Mais on devine comment des séries américaines ou européennes, Tarzan, Jim la Jungle, Akim … ont façonné des croyances, encouragé ou suscité des vocations… » (p, 241)

 Youssef El Ftouh et Manuel Pinto « L’Image  de l’Afrique dans le cinéma » (page 246 à 249 – 6 images) : Intérêt = oui – ex = oui – prop. = ?

Deux remarques préalables, le propos couvre la période 1895-1962, et fait concurrence à une autre chronique du même livre.

« Des débuts du cinéma en 1895 à la fin de la période coloniale en 1962, l’Afrique noire et surtout le Maghreb, ont servi de toile de fond et de lieu d’action à plus de 250 films de fiction, des centaines de documentaires, de films d’actualités et de publicités, pour ne citer que la production française….

Car bon nombre de ces représentations perdurent encore tant au niveau des images que de l’imaginaire… Nous vous livrons ici à quelques notes d’un visionnage toujours en cours… » (p,246)

« Esclaves « comiques » et rayés

Les « Africains » faut-il le rappeler ne sont pas les personnages principaux de ces films…(p,247)

En comparaison avec le Maghreb, peu de fictions françaises seront réalisées en Afrique noire, une vingtaine tout au plus… (p,248)

« Civiliser c’est blanchir

En résumé, le cinéma colonial traduit de manière remarquable l’idée d’une France venant « civiliser » un continent de « sauvages » et de « barbares »….(p,249)

Commentaire : plus haut, les auteurs avaient relevé « C’est l’Indien de l’Atlas », une image qui me parait assez bien résumer cette analyse qui soulève maintes questions liées à sa représentativité et à ses effets sur le public, quant à savoir si l’Afrique et l’Africain noir figuraient bien sur ces écrans, et quant au chiffre effectivement faible des films contenant un thème africain, noir ou maghrébin.

Les spécialistes vous citeraient le nom d’un film américain tourné aux Etats-Unis dans un décor marocain.

Benjamin Stora, « Quelques images fixes d’une fin d’Empire » (pages 250 à 264 -  32 + 24 images) : Intérêt = ? – Ex = ? -  Prop. = ?

VI – Autres regards (page 266 à 288)

Les contributions publiées ne manquent pas d’intérêt, mais elles sont éloignées de l’objet principal de l’ouvrage, à savoir la question de savoir s’il y avait bien une propagande coloniale en France, et si oui quels en ont été les moyens et les effets.

L’image d’introduction de la partie VI du livre, le choix d’un dessin du journal satirique  l’Assiette eu Beurre (1902) est déjà tout un symbole : un soldat présente à un officier deux noirs empalés sur une baïonnette.

Le livre « Culture coloniale » a ouvert de la même façon illustrée la « Partie I Imprégnation d’une culture » (1871-1914), page 40.

Cette caricature figue dans la contribution de l’historien Claude Liauzu intitulée « L’iconographie anticolonialiste » (page 266 à 271 – 15 images) –absent au Colloque de 1993.

Ce texte est illustré de nombreuses illustrations de caricatures aussi horribles les unes que les autres, mais l’anticolonialisme n’a jamais été dans notre pays, en tout cas jusque dans les années postérieures à la deuxième guerre mondiale, très vivant.

A titre personnel, j’y verrais plutôt le désintérêt que manifestait une fois de plus l’opinion publique à l’égard des sujets coloniaux, beaucoup plus  qu’une adhésion au colonialisme qu’il fallait combattre : le mot ne fut connu qu’en 1910, comme l’indique le petit livre jaune « Les mots de la colonisation » de Sophie Dulucq, Jean François Klein, Benjamin Stora, page 30 .

« L’image de l’autochtone maghrébin » de Malek Chebel (page 272 à 278 - 16 images) – absent au Colloque de 1993

Un texte au contenu intéressant mais qui pose à nouveau le problème de l’objet même de ce livre, à savoir : regards des Français ou regards des peuples colonisés ?, sauf à dire qu’il s’agit d’une analyse de type rétroactif, étant donné que ces images furent dans la plupart des cas inconnues des peuples colonisés.

« Regard : Images coloniales sur l’Afrique Noire » d’Achille Mbembe (page 280 à 289 – 10 images) – présent au Colloque de 1993

L’historien traite le sujet avec une forme de violence intellectuelle que l’on peut comprendre, en notant toutefois que son propos concerne une partie de l’échantillon d’images coloniales proposé, en acceptant les deux postulats de raisonnement suivants : 1) l’échantillon proposé serait représentatif des situations historiques visées, 2) ces images auraient marqué, par hypothèse, leurs récepteurs français.

Jean Pierre Renaud    Tous droits réservés

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 10:03

« Images et Colonies »

Le livre

 

IV – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies »

&

III – « L’apogée coloniale 1919-1939 » (pages 96 à 184)

88 pages et 215 images

 

Il s’agit évidemment de la période clé à examiner afin de se faire une  opinion sur l’existence ou non de la propagande coloniale, des vecteurs choisis, de leurs effets sur l’opinion publique française, avec tous les problèmes d’évaluation et d’interprétation des images et des textes que cela posait, des problèmes redoutables.

Une conclusion intermédiaire : quelles conclusions tirer de l’examen des deux premières parties, consacrées à la période de « Conquête, exploration, exotisme » et de la première guerre mondiale ? La propagande coloniale n’a jamais inondé la France au point de lui faire prendre un « bain colonial », contrairement à ce qui est raconté dans le livre « Culture coloniale »  « Imprégnation d’une culture (1871-1814) - (pages 41 à 103).

La période 1919-1939 a-t-elle été plus fructueuse pour les chercheurs de l’Achac ? Rien n’est moins sûr, comme nous allons le voir.

Ma première remarque de méthode portera sur l’absence quasi-générale de l’évocation préalable, ne serait-ce que synthétique, du contexte historique national et international des faits décrits.

Il n’est tout de même pas indifférent de rappeler  que cette période a succédé au bain de sang de la première guerre mondiale (1 400 000 morts et 4 300 000 blessés), dans une France à moitié détruite et ruinée.

La crise de 1929 est venue très rapidement après, enchainant  rapidement avec la montée de l’hitlérisme, la menace allemande, et les années d’instabilité de l’avant deuxième guerre mondiale.

Question ? Comment est-il possible de faire l’impasse sur ces épisodes « structurants » de l’histoire, pour utiliser un qualificatif à la mode, alors que Charles-Robert Ageron a bien souligné le caractère tout à fait « conjoncturel » de la propagande coloniale des quelques années d’avant-guerre ? 

Compte tenu de l’importance que ce collectif a accordée à la propagande coloniale décrite avec beaucoup d’emphase et de termes tonitruants, ce thème fera l’objet d’une chronique spéciale. Le livre « Supercherie coloniale », consacre un chapitre à ce seul thème.

Les deux premières contributions ont été rédigées par deux historiens aux qualités reconnues dans le domaine de l’histoire coloniale, Charles-Robert Ageron et Gilbert Meynier.

Les deux historiens ont documenté leurs travaux par des chiffres, les premiers sondages en ce qui concerne le premier, et la place de la culture coloniale dans les livres scolaires, pour le second.

Charles-Robert Ageron « L’Empire et ses mythes » (p, 98 à 110 - 29 images) :      I = oui – Ex = oui – Prop. = non

Il ne fut pas un des participants (liste) du colloque de janvier 1993.

Cet historien a traité le sujet à plusieurs reprises, notamment dans la Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer du premier trimestre 1990, avant donc la date de ce Colloque, sous le titre «  Les colonies devant l’opinion publique française (1919-1939).

Ici, l’historien relie à juste titre le concept de « mythe » à celui de l’Empire.

« A la veille de la Seconde guerre mondiale, le discours dominant célébrait L’«empire français d’outre-mer », « L’empire français » et plus souvent encore, « L’Empire », avec un E majuscule. De la plate énonciation de 1914, « le domaine colonial de la France » au slogan cocardier de 1939 « La France est un Empire », on était passé de la réalité au mythe….. L’Empire s’affirmait ainsi être devenu l’un des mythes politiques les plus importants de l’entre-deux guerres. » (p, 98)

L’historien note toutefois : « Encore fallait-il convaincre le Parlement et les citoyens français jusque-là rétifs aux discours des ministres du Parti colonial et plus sensibles aux charges des colonies qu’à leurs éventuels bienfaits…

De sérieuses résistances de l’opinion s’étaient manifestées lors de la guerre du Rif ou de la guerre des Druzes, et le chef de bataillon Charles de Gaulle y était attentif dans l’«Histoire des troupes du Levant » (1931). Les coloniaux étaient eux, surtout soucieux de briser la carapace d’indifférence du peuple français à la geste coloniale. » (p,99)

« … En dépit de la constitution d’une Ligue de la République impériale française, on ne voit pas en effet que la mystique impériale ait progressé après l’Exposition coloniale… Bref, le mythe impérial dont on dit parfois qu’il fut durablement enraciné après 1930, n’était pas à ce point solide qu’il réussit à modifier le statu quo… L’immobilisme, fruit de l’indifférence demeurait la règle.

Les droites adoptent le mythe d’Empire

Face à ces échecs, la propagande impériale n’en continuait pas moins à se développer… (p,100)

« On ne déduira pas de cette trop rapide présentation des positions de l’extrême droite que la France politique tout entière fut ralliée dès 1934 au Mythe de l’Empire. Lors des élections législatives de 1936, très rares furent les candidats qui osèrent évoquer les questions coloniales et parler de l’Empire. « Le mot Empire est suspect et la chose indifférente », notait alors le Directeur des Nouvelles littéraires Roger du Gard ; « Pour la plupart, il évoque je ne sais quelle idée de conquête et d’asservissement. »

Pourtant, dans les années suivantes, l’opinion allait s’acheminer vers un certain ralliement au mythe impérial. (p,101)

Le ralliement au mythe impérial

… L’essentiel réside sans doute dans la montée des périls extrêmes. La France directement menacée par l’Allemagne redécouvrit peu à peu le slogan mobilisateur et rassurant du Parti colonial lancé vers 1920 : « Le salut par l’Empire ». (p102)

« Mais, ils ne furent jamais bien nombreux à  croire entre 1919 et 1939 que cet empire leur apportait la puissance économique et la richesse. » (p,104)

De la mise en valeur des colonies au « repli sur l’Empire »

« La mise en valeur des colonies ne séduisait pas les parlementaires qui refusèrent les crédits publics métropolitains d’équipement demandés par Sarraut. Bref, comme je l’ai souvent écrit, la colonisation restait majoritairement perçue comme le stade suprême du mercantilisme, non comme celui du capitalisme…. A partir de 1930, l’Empire fut surtout présenté comme le remède miracle à la crise économique… Mais le « repli sur l’Empire » était aussi et surtout une récession économique… Le Président du groupe parlementaire colonial, Léon Archambaud, tira le premier en 1932 la sonnette d’alarme : « On trouve des millions et des milliards pour renflouer certaines grandes banques et pour aider  certaines nations de l’Europe centrale. Je voudrais que l’on trouvât quelques centaines de millions pour renflouer nos colonies…

Le mythe du Transsaharien… (p,104)

« L’Office du Niger, crée en 1932, fut un gouffre financier et un échec économique total…Le Niger ne fut pas- la nouvelle Egypte- qu’Eugène Bélime, « l’homme du Niger », avait promise. (p,108)

… A la veille de la Seconde Guerre mondiale, un seul thème du mythe impérial devenait obsessionnel : l’Empire par sa puissance économique et militaire garantirait la sécurité de la France…

Le mythe impérial aurait dû logiquement ne pas résister au choc de la défaite en 1940. Or tout au contraire il survécut comme mythe de compensation. L’Empire devint « la dernière carte de la France », le suprême recours, et beaucoup de Français naguère indifférents ou sceptiques se persuadèrent que l’Empire restait la seule porte ouverte sur l’avenir. «  (p,109)

Commentaire : il est assez surprenant qu’un collectif de chercheurs animé par Pascal Blanchard, dont certains participèrent au Colloque de 1993, aient ignoré cette analyse historique proposée par un historien aussi sérieux et expérimenté que Charles-Robert Ageron, bon connaisseur de  notre histoire coloniale, laquelle démontrait le contraire de ce qu’ils tentaient de démontrer.

Janos Riesz « Les romans coloniaux français entre les deux guerres » (p,111,112 - 4 images) :  I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

Gilbert Meynier – « L’organisation de la propagande » (p,113 à 124 - 30 Images) :    I = oui – Ex = oui – Prop. = non, sauf embryonnaire.

Deuxième morceau dur après celui de Charles-Robert Ageron !

Dès l’entrée, l’historien note :

« Cette propagande qui met les colonies en images, devrait être appréciée par rapport au public ou - aux publics – qu’elle se propose d’atteindre. Malheureusement les matériaux manquent à l’histoire pour en juger avec sûreté. Face à ces éventuels publics, les émetteurs de propagande : l’unité d’inspiration - enraciner la foi coloniale, faire quelque chose des colonies - l’emporte-t-elle  sur la diversité des organismes de propagande, officiels ou non, au point de faire apparaître une concertation provenant d’un projet mûri et poursuivi avec méthode, c’est-à-dire d’une politique ? » (p,113)

Commentaire : l’historien pose bien les deux données essentielles de toute analyse sérieuse de ce dossier, celles relatives aux émetteurs et aux récepteurs des images, mais il est étrange qu’il n’ait pas sollicité le concours de Jean-Louis Miège qui s’était illustré en faisant effectuer des mémoires d’étudiants sur la presse.

« Organismes et vecteurs de propagande

Les organismes officiels

… Y aurait-il donc une propagande officielle qui donne le « la » à l’éducation coloniale des Français ? 

… En fait sur un échantillon de quatre-vingt- sept manuels d’histoire, la part des colonies reste modeste si elle ne régresse pas, comme l’a montré Patrick Haus‘(mémoire de maîtrise Nancy, 1990) (p,113)

Associations et groupements privés

« Aux côtés de la propagande officielle, et dans la même inspiration, existe la propagande des organismes privés… Elles restent marquées par l’influence confinée des professeurs et des sociétés de géographie, bref par l’entreprise coloniale de cabinet.

Il en va différemment de l’Union coloniale – et de sa Quinzaine Coloniale – plus en prise sur les préoccupations économiques liées à l’Outre-mer. Les chambres de commerce créent des comités de propagande…(p,114)

Les organismes politiques

…Mais dans l’ensemble, pour la période concernée, les partis politiques continuent à peu considérer la France coloniale. Les professions de foi électorales l’ignorent. Au moment des élections, comme lors du Front populaire qui suscita d’espoirs chez les peuples coloniaux, l’attention primordiale ne se porte pas sur l’Outre-mer… »

Propagande et mise en image des colonies entre crédo colonial et exotisme de masse

Sur trente affiches consultées au Musée d’histoire contemporaine, la presque totalité de celles produites par des organismes officiels connotent la geste utilitaire de l’Empire, l’ordre colonial et le nationalisme français. Un peu plus de la moitié renvoient au décor exotique, à l’anthropologie coloniale, au goût de l’aventure. 27 % évoquent la mission civilisatrice et seulement 18% illustrent les réalisations techniques de la France coloniale. 9% mettent en images les productions coloniales. C’est donc, prioritairement, l’adjuvant national français que renvoient ces images au public qui les regarde. Cet adjuvant est relié dans la plupart des cas à l’exotisme d’Outre-mer servant de décor…

Au total, les deux tiers des affiches connotent le nationalisme français relié aux projets et aux fantasmes coloniaux,  la moitié  a pour support l’exotisme, moins d’un sur six le modernisme et moins d’une sur sept le rendement économique de l’Empire…

Dans les photos ou illustrations figurant dans les magazines et livres abordant les thèmes coloniaux, davantage adaptées à un public censé être plus réceptif à ces derniers, la répartition est différente. Sur un corpus de soixante-seize images provenant de la même source, les réalisations modernes de l’Empire viennent en premier, à égalité avec l’exotisme – exotisme connotant davantage l’aventure – l’archaïsme et les sujets anthropologiques. La mission civilisatrice ne vient qu’au second rang…

Dans les cartes postales, destinées  à tous publics, c’est l’exotisme qui l’emporte, plus encore que dans les autres productions… C’est du moins ce que paraît indiquer un corpus de 116 cartes postales à thèmes coloniaux…

Et ce que proposa l’Exposition coloniale de Vincennes en 1931 correspondit assez bien avec les productions d’images par ailleurs fournies. L’exposition suggéra surtout le dépaysement… (p,121)

« Au-delà des incantations coloniales officielles, ce que livre la mise en images des colonies par les Français, c’est donc principalement un exotisme de masse…  Et dans tout ce fatras narcissique,  les « indigènes », s’ils ne sont pas absents, existent par rapport au centre français, reliés qu’ils sont par des trajectoires françaises conçues en dehors d’eux…. Ainsi en décide l’idéologie coloniale française qui ne parle que pour elle-même… il semble d’après des sondages malheureusement tardifs, que la propagande coloniale ait plutôt davantage touché les jeunes que les vieux…Encore que l’on manque d’éléments pour apprécier les choses, les citadins ont sans doute été plus nombreux à visiter l’Exposition de Vincennes que le ruraux et à céder à son charme exotique. »  (p123)

La page 124 contient quatre tableaux statistiques tout à fait intéressants dont les sujets sont les suivants :

  • Thème colonial dans 8 catalogues (jouets)
  • Pourcentage de la place des colonies dans les manuels d’histoire par rapport à l’ensemble texte et illustrations
  • Affiches connotant le (la) : le nationalisme, le décor exotique, la mission civilisatrice, les réalisations modernes, les productions coloniales

        Total (30)

  • Photos et illustrations de magazines et livres coloniaux (corpus de 76 images)
  • Cartes postales à thèmes coloniaux (Total 116)

Commentaire : ces tableaux donnent quelques indications plaidant pour la place dominante de l’exotisme dans les images sélectionnées, mais sans que l’on connaisse la méthode de dénombrement utilisée, ni leur chronologie.

Quid donc de leur représentativité historique ?

 

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : « Images et Colonies »

III – Apogée coloniale 1919-1939  (suite)

Yann Holo – « « Jeux et jouets »  (pages 125 à 128 - 11 Images) Auteur déjà cité dans la première période : I = oui – Ex= oui – Prop. = ?

L’auteur écrit : «  Vecteurs de la propagande coloniale, les jeux et les jouets, les jeux et les jouets participent à la formation d’un imaginaire dominé par l’exotisme et l’aventure et contribuent également à enraciner les préjugés courants sur les « indigènes …»

Commentaire : comment interpréter ce texte sans évaluation des vecteurs et de leur succès ?

Catherine Hodeir, Michel Pierre, Syviane Leprun – « Les expositions coloniales » Discours et images (pages 129 à 139 - 29 images) :

I = oui – Ex = oui – Prop. = oui

Cette chronique comporte de très belles affiches, et ne contredit pas les commentaires des deux historiens Ageron et Meynier, pas plus que l’avis très dubitatif du maréchal Lyautey sur le succès tout relatif de cette belle exposition : il y bien eu un gros effort de propagande, mais les résultats en ont été très mitigés.

J’ai retenu deux citations :

«  Le fonds iconographique parvenu jusqu’à nous reste un témoin essentiel de l’exportation éphémère des mondes coloniaux. » (p,139)

« la synergie du discours et de l’image continue d’interroger et l’histoire et la sémiologie »  (p,139)

Commentaire : j’ajouterais volontiers le qualificatif de quantitative et représentative au concept et terme d’histoire.

Les auteurs ont  très justement relevé la nécessité d’interroger la sémiologie, une des carences importantes de méthodologie des travaux ici décrits.

L’art et la propagande coloniale ?

L’ouvrage comprend alors plusieurs contributions relatives à l’art, et il est superflu de préciser que nous entrons ici dans le monde très étroit des spécialistes et des connaisseurs, aussi bien à cette époque que de nos jours.

Je crois pouvoir dire qu’il s’est agi d’un art des deux rives, et très tôt, la France a pris l’initiative de mettre en place des institutions coloniales de type culturel, qui n’avaient pas l’ambition de museler les formes d’art local, à l’exemple de l’Ecole des Beaux-Arts à Alger en 1897, ou de l’Ecole Française d’Extrême Orient et l’Académie Malgache, en 1896.

Dominique Taffin – « Le Musée des colonies et l’imaginaire colonial » (p,140 à 143 - 5 images) : I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

Il serait tout à fait intéressant de pouvoir comparer la fréquentation de ce musée avec celle du musée actuel de l’histoire de l’immigration.

Michèle Lefrançois – « La sculpture » (p145 à 151 - 18 très belles images) : sans commentaire : I = oui – Ex = oui -  Prop.  = non

Barbara Boëhm et Antonin Mendès – « Peindre l’Afrique » (p, 152 à 160 -18 très belles images) :

Sans commentaire  I = oui – Ex = oui – Prop. = non,  sinon comme « Propagandistes ou non, elles ont contribué à façonner le regard des Français sur leur Empire » (p,158), d’une petite élite sans doute, mais pas de la population.

Christian Delporte «  L’Afrique dans l’Affiche, la Publicité, le Dessin de presse » (p,161 à 169 – 28 images) :  I = oui – Ex = oui – Prop . = ?

L’auteur écrit : « L’Empire, et singulièrement sa partie africaine, apparaît comme un thème non négligeable dans l’affiche et le placard publicitaire durant l’entre-deux guerres. En atteste ainsi une centaine de documents au moins, assez bien répartis dans le temps, malgré l’influence ponctuelle des expositions coloniales (Marseille en 1922, Strasbourg en 1924, bien sûr Paris en 1931. Le flou des références géographiques y domine, à tel point qu’il est parfois peu aisé de définir les origines des personnages représentés (s’agit-il de Noirs d’Afrique ou d’Antillais, d’Arabes du Maroc ou d’Algérie ? En revanche, on observe sans équivoque une sous-représentation des possessions d’Afrique du Nord par rapport au reste du continent africain.

En dehors de celles qui annoncent les expositions coloniales, les affiches choisissant l’Afrique pour décor et ses populations pour actrices peuvent être rangées en trois catégories majeures… » (p161)

Un seul commentaire : à la condition sine qua non que la « centaine » de documents puisse en « attester » comme échantillon représentatif.

Raymond Lefèvre « Le cinéma colonial » (p,170 à 173- 6 images) :

 – I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

Un article intéressant, mais sans qu’il soit possible d’en tirer une conclusion représentative à la fois du nombre de films et de leur succès.

La référence du sujet est, à mon avis, celle de Pierre Boulanger.

Olivier Peyron «  Les Timbres-Poste », (p,174,175 - 7 images) :

I = oui – Ex = sûrement – Prop. = non, impossible à évaluer.

Tayeb Chenntouf «  La méditerranée coloniale » (p, 176 à 183 - 31 images) :    I = oui – Ex = oui -  Prop. = ?

Commentaire : il est intéressant de relever la situation suivante :

« Dans l’entre-deux guerres – en réalité depuis le début du siècle - les images de l’Afrique du Nord qui circulent en France sont enrichies d’une iconographie produite en Algérie, en Tunisie, et au Maroc par des Français nés dans la colonie et les deux protectorats. » (p,181)

 Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

V - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

IV L’enjeu impérial 1940-1944 (p, 184 à 218)

34 pages et 60 images

Avant-propos

            Il est Inutile de rappeler qu’à partir de l’année 1940, la France était entrée dans un autre monde historique, celui d’une France occupée, sous le joug de la propagande d’une dictature allemande.

Le concept d’Empire, de même que le qualificatif d’ «impérial » utilisé par les deux historiens Blanchard et Bancel ont un caractère ambigu. 

Il convient de rappeler aussi que les deux mêmes historiens, chevilles ouvrières de la collecte, du choix,  et de l’interprétation des images coloniales sont les auteurs ou co-auteurs, hors présentation ou conclusion,  de 28% des pages, et de 25% des images de ce livre.

Pascal Blanchard Gilles Boëtsch – «  La Révolution Impériale Apothéose coloniale et idéologie raciale » (p,186 à 214 – 34 pages et 60 images)

Le lecteur a sans doute été surpris de lire sous la plume d’un historien le mot « apothéose », synonyme de déification, ou de triomphe, alors que la France était sous la botte allemande.

Indiquons par ailleurs que la thèse de l’auteur a porté en grande partie sur cette période et sur l’extrême droite française, en privilégiant le cadre géographique et historique de la France du sud-est.

Il est dommage que l’historien qui avait alors commencé à défricher le domaine de la presse, le seul vecteur où il était relativement facile de dénombrer les effets de la propagande coloniale, n’ait pas orienté les recherches ultérieures de son collectif sur ce domaine d’évaluation capital.

Pour avoir consulté sa thèse et analysé le texte actuel, il est évident que le collectif de chercheurs devait aller plus loin dans cette direction, c’est-à-dire procéder à un travail approfondi d’évaluation des tirages

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 08:38

IMAGES ET COLONIES

Comme nous l’avons indiqué, nous proposons un tour d’horizon de classement rapide et synthétique des pages de l’ouvrage, en mentionnant à chaque fois, si leur contenu est intéressant : Intérêt - i = oui-non - marqué par l’exotisme - ex = oui-non – marqué par la propagande - Prop. = oui-non - ? -

Le lecteur pourra constater que la mention Prop.=oui  est plutôt rare, alors qu’il s’agit d’une des pièces maîtresses de leur thèse.

Question : histoire méthodique ou manipulation idéologique ?  

III – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le     livre « Images et Colonies »

I -  Exploration Conquête Exotisme 1880-1914 (pages 15-72)

 57 pages et 167 images

J’ai récapitulé ci-après le nom des auteurs et  le titre des contributions qui figurent dans cette partie I

Anne Hugon : « Conquête et exploration en Afrique Noire »

(p,18 à 24 -  23  images) : I = oui  - Ex = oui - Prop. = non

Philippe David : « Les cartes postales sur l’Afrique noire française » (p,24 à 26 – 6 images) : I = oui – Ex = oui – Prop.= non

Laurent Gervereau : « L’exotisme » (p,26 à 47 – 62 images ) : I = oui –

– Ex = oui – Prop. = non

Citons un extrait de texte d’autant plus intéressant que son auteur a été une des chevilles ouvrières de l’ouvrage pour la BDIC, aux  côtés de l’Achac :

« Reprenant notre précédent essai de catégorisation, « nos cercles concentriques » de l’exotisme, nous débuterons par ce que l’on peut appeler le « fantasme exotique ».

Il est le fait, durant notre période (1880-1914) de la quasi-totalité des illustrations de presse et d’ouvrages (nous venons de le constater), il s’appuie sur trois axes ; la violence, l’exotisme, l’étrangeté. Ce sont ces trois termes qui se conjuguent dans ce qui fut appelé la « peinture d’histoire » ». (p,39)

Question : exotisme ou propagande ?

Lynne Thorton : « La Villa Abd-El-Tif et les peintres orientalistes français » (p,48,49 – 5 images)  - I =oui – Ex = oui – Prop.= non

Cette communication est d’autant plus intéressante qu’elle met en lumière la richesse des images coloniales de l’Algérie et leur ancienneté que Monsieur Pierre-François Souyri a ignorées en esquissant une comparaison hardie entre la colonisation de la Corée et celle de l’Algérie. (voir blog du 20/08/15)

            Françoise Raison-Jourde : « Images missionnaires et propagande coloniale » (p, 50 à 57- 16 images) : I – oui – ex = oui -  Prop. = non

            Cette contribution s’intéresse surtout au cas de Madagascar.

            Nous sommes ici dans un domaine ambigu, sinon contradictoire, car paradoxalement et faute d’y mettre l’argent public nécessaire, les gouvernements laïcs de la Troisième République ne voyaient que des avantages à ce que les missions suppléent à leur défaillance.

L’auteure conclut : « Les images des lointains îlots de chrétienté et de leurs héroïques bergers atténuent la virulence de cet –épisode- et confortent la revendication d’éternité dans le temps d’universalité dans l’espace qui est propre au christianisme. » (p,57)

Yann Holo : « L’œuvre civilisatrice de l’image par l’image » (p, 58 à 65- 22 images) :I = oui – ex = oui – Prop. = oui, mais avec quels effets, aucun avant 1914, et après ?

L’auteur écrit en effet : « …  jusqu’à la première guerre mondiale, la grande majorité des Français reste indifférente à l’Empire. » (p58)

L’auteur décrit les traits de ce type d’action, le « génie colonisateur », l’Evangile du Progrès », l’ « après-Sedan », « Le Parti colonial à la conquête de l’opinion » avec les trois pôles, le parlementaire, l’intellectuel, l’Union Coloniale, mais souligne :

« Malgré ses efforts, la question coloniale reste absente des programmes du primaire et du secondaire et c’est seulement dans les années 20 que l’étude des colonies progresse dans le cadre de l’enseignement de la morale et surtout de l’histoire géographie. … Avec une rhétorique manichéenne (p,62) « L’image du bon Noir se substituant ensuite à celle du sauvage. » (p,62, 64)

«  Le discours civilisateur, fondamentalement positiviste et raciste, traverse toute la période coloniale… En effet, les représentations des « bienfaits de la colonisation », des progrès techniques, apportés par le colonisateur dominent l’imagerie coloniale jusqu’aux indépendances. »  (p, 65)

Commentaire : une sorte de survol de la période, quelque peu contradictoire.

         Yves Galupeau : « L’Afrique en images dans les manuels élémentaires d’histoire (1880-1969) »    (p, 66 à 70 - 12 images) :

I = oui – ex = oui -   Prop. = non

Noter que la période étudiée va au-delà de cette première phase chronologique.

 L’auteur propose un tableau statistique sous le titre « La conquête de l’Afrique : ventilation relative des images % » avec le  découpage chronologique suivant : 1880-99 ; 1900-18 ; 1919-29 ; 1930-44 ; 1945-62 ; 1963-69. L’Algérie représente la part principale de ces images, plus de 70% entre 1880 et 1929.

L’auteur précise à la fin de son étude, en note 2 : « Pour la période ici retenue, l’analyse repose sur un corpus iconographique d’environ 1 300 images extraites de près de 250 manuels. » (p, 69)

L’auteur introduit son texte ainsi : «  Contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire en parcourant hâtivement quelques manuels anciens, l’iconographie des livres élémentaires d’histoire – et a fortiori celle inspirée, pendant près d’un siècle par les colonies françaises d’Afrique – ne se réduit nullement à la répétition indéfinie d’une poignée de stéréotypes. »

… «  Une ample moisson de lauriers : tel est le premier bénéfice que les français semblent avoir retiré de l’aventure coloniale…Indéniablement, le légendaire colonial des manuels d’histoire est prioritairement un légendaire militaire….De ce point de vue, l’inflexion majeure, dans l’ensemble du corpus, correspond à l’exigence nouvelle, vers 1930, d’une version moins brutale, plus diplomatique de la conquête….Cette exaltation, sans nuance, de l’œuvre civile de la colonisation, s’inscrit dans le même contexte et la même chronologie….les élèves n’ont aperçu dans leurs livres d’histoire la face cachée de la domination coloniale. L’image qu’on leur proposait ainsi de l’univers colonial était assurément mythique voire onirique ; mais il n’est pas indifférent de noter que ce rêve n’était pas de pure domination et d’exclusion, mais de ressemblance et, en définitive, d’égalité, dès lors toutefois que le modèle fut la métropole. » (p,68)

« Gilles Manceron « Le missionnaire à barbe noire et l’enseignant laïque » (p,68-70- 8 images)I = oui – Ex = ? - Prop. = ?

D’entrée de jeu, l’enseignant décrit le paradoxe de l’enseignement colonial : «  N’est-il pas paradoxal que la grande période de construction de l’Empire colonial français, de 1880 à 1914, ait été à la fois, en politique intérieure française, une période d’affrontements intenses entre le parti clérical et le camp laïque, et  en matière de politique coloniale, une période de consensus global entre les deux grands courants de l’opinion… Selon le mot de Gambetta, l’anticléricalisme ne devait pas être un article  d’exportation. » (p,70)

J’écrirais volontiers faute de mieux, compte tenu du système de financement de la colonisation choisi par la France, le même self-suffering que celui des Anglais.

Commentaire : pas de quoi  produire le miracle du fameux « bain colonial » !

III - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies »

II – « Quand les Africains combattaient en France en 1914-1918 » (p, 72 à 96)

24 pages et 56 images

Question préalable : cette période a-t-elle sa place dans ce type d’exercice d’évaluation historique ?

Cela dit,  et à cette occasion, les Français et les Françaises ont pu faire connaissance avec le monde noir, celui des tirailleurs africains, avec des contacts souvent sympathiques, à l’opposé de la condition qui était faite aux Noirs en Allemagne, et chez nos amis américains.

Ajouterais-je que beaucoup de ces tirailleurs, pour ceux qui furent de retour dans leur pays, des intermédiaires irremplaçables entre leurs peuples et l’administration coloniale et  des interprètes influents.

Ne s’agirait-il pas d’un cas paradoxal de propagande coloniale positive ?

 Hans-Jürgen Lüsebrink « Les troupes coloniales dans la guerre : présences, imaginaires et représentations »  (p, 72 à 90 - 30 images)

 I = oui – Ex = non -  Prop. = ?

Question : quelle est la représentativité historique de cette période de guerre qui rend difficile toute comparaison dans les mouvements longs de l’histoire ?
            Marc Michel « L’image du soldat noir » (p,86,90 - 11 images)

I = oui – Ex= non -  Prop.  = oui dans le sens opposé au discours Achac.

« L’imagerie du soldat noir de la Première Guerre mondiale a donc été abondante et variée. Elle témoigna d’une grande activité de la propagande, mais également d’un intérêt nouveau du public métropolitain envers les hommes de l’Empire. Cet intérêt fut beaucoup moins malsain que ne le laissent entendre les gloses ultérieures, une curiosité plus empreinte de bienveillance pour les hommes et d’admiration pour les combattants, que d’hostilité, mais évidemment un regard ambigu parce que profondément imprégné de condescendance raciale et très peu curieux, finalement des Africains pour eux-mêmes. Au total, une imagerie fonctionnelle, beaucoup plus que désintéressée. Rendons lui cependant cette justice, la condescendance raciale ne déboucha jamais sur la volonté de ségrégation raciale. » (p90)

Laure Barbizet Namer « Ombres et lumières portées sur les Africains Peintures, gravures, illustrations, cartes postales »  (p,91à 96 - 16 images)

I = oui – Ex = oui -  Prop.  = ?

Rendons hommage tout d’abord à l’auteure pour son éclairage statistique, mais convient-il de rapprocher le chiffre ci-dessous de celui du million de documents cités par Pascal Blanchard ?

500 000 documents sur le million cité, soit la moitié sélectionnés pour la totalite de la période 1880-1962 ?

« A partir de la collection du musée d’histoire contemporaine qui regroupe 500 000 documents sur la Première guerre mondiale, on abordera les différents supports de ces images, puis les thèmes qui les traversent» (p,91)

 « Les supports - L’Africain est peu représenté sur les affiches…Pour en finir avec les chiffres, concluons par la sous-représentation évidente des coloniaux par rapport au corpus initial – ils ne sont présents que dans une image sur mille – alors que l’effectif des soldats provenant d’Afrique avoisinait 2% des effectifs. »

Venant d’’Afrique noire ou du Maghreb, que  l’auteure évoque ensuite dans « Les Thèmes » ?  

Josée Violette « De l’imaginaire à l’humain » (p,96 - 2 images) : I = oui – ex = non – Prop.  = ?

Jean Pierre Renaud         Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 15:03

 

 

 

« SUPERCHERIE COLONIALE »
LE LIVRE

PUBLICATION DE TEXTES

En premier, la publication d’un texte sur les sources historiques des livres publiés par les trois historiens Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel, animateurs de la propagande postcoloniale qui a fait l’objet de l’analyse que j’ai proposée sur ce blog.

Il s’agit du livre

« Images et Colonies », un beau livre d’images.

L’ouvrage est très intéressant car il a extrait des images et des textes du Colloque Savant de janvier 1993, dont le thème portait précisément sur le thème « Images Coloniales », avec la participation d’historiens et historiennes référencés.

Il n’est pas inutile de préciser que l’historien Blanchard a été un des artisans majeurs de la rédaction des « ACTES DU COLLOQUE »

En deuxième, les pages d’introduction et de présentation de mon livre.

En troisième, la publication du chapitre 2 « La Presse » ;

En quatrième, la publication du chapitre 8 « Les Sondages »

En Cinquième, la publication du chapitre 9 « Le ça colonial » Jean Pierre Renaud   Tous droits réservés

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3 octobre 2024 4 03 /10 /octobre /2024 15:15

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

En esquisse de conclusion

De quelle histoire s’agit-il ?

Une histoire postcoloniale à la dérive ?

 

            Il n’est pas toujours facile de comprendre les phases d’évolution de l’écriture de l’histoire, et de savoir s’il s’agit véritablement d’une « science », tant elle est, et a toujours été, traversée par des remises en cause et des controverses fondées ou non, compte tenu de l’importance de ses enjeux.

            Dans les cas examinés, il n’est pas illégitime de se poser la question des fins poursuivies par leurs auteurs, sur leurs buts idéologiques, politiques, ou médiatiques, en vue de conquérir un nouveau marché « ethnique » ou non, puisqu’il s’agit aussi de cela.

            Est- ce que ce type de thèse historique postcoloniale est représentatif des courants historiques qui traversent aujourd’hui notre société ? Est-ce qu’ils ont fait l’objet d’une évaluation de leur contenu scientifique et de leurs effets dans l’enseignement, les universités ou l’opinion publique ? Je n’en sais rien !

            L’histoire de France a longtemps tenté de proposer la lecture d’un passé commun et d’un vivre ensemble commun, fondés sur des valeurs qui, au cours des siècles et au fur et à mesure des crises, ont fait partie intégrante de notre passé national, la liberté, l’égalité, et la fraternité, avec ses ombres et ses lumières.

            Ombres et lumières, oui, comme le soulignait dans le cas de l’Afrique, le grand lettré et sage africain Hampâté Bâ, très bon connaisseur de  la tradition africaine et très bon analyste de la France coloniale, lequel notait que  l’histoire de cette époque avait connu à la fois une face diurne et une face nocturne.

Face à l’histoire frappée d’un sceau universitaire, et depuis plusieurs dizaines d’années, l’histoire médiatique, pour ne pas dire politique, connait le plein succès, et lui fait concurrence. Elle explose avec les réseaux sociaux, alors que l’Université elle-même n’a jamais été à l’écart des grands conflits d’interprétation du passé et de l’avenir.

Dans les cas d’écriture historique analysée, le discours fait plus que confiner avec la propagande ou le marché, qu’il soit politique, médiatique, ou ethnique.

Histoire « scientifique » et roman historique ? Roman national, colonial, ou postcolonial, comment s’y reconnaître ?

            Ces productions littéraires soulèvent de très nombreuses questions de « scientificité » que nous avons examinées successivement, relativement aux sources, aux méthodes quantitatives d’évaluation des vecteurs de culture et de leurs effets, et donc aux interprétations possibles, compte tenu d’une représentativité supposée et non démontrée.

            Ajoutons qu’en filigrane de tous ces discours idéologiques apparait souvent un fil rouge conducteur, celui de l’Algérie érigée comme le symbole de toute la colonisation française, avec en arrière plan la guerre d’Algérie  : le Président actuel s’est cru autorisé, et comme par hasard, lors d’une visite « électorale » à Alger, à faire la déclaration que l’on sait sur les crimes de la colonisation.

            Le courant idéologique et historique en question ne rassemble évidemment pas l’ensemble de la classe des historiens vivants, mais c’est lui qui semble faire le « buzz », selon le mot et les modes du jour.

            Est-ce qu’en définitive, et comparés à ces œuvres, les romans historiques ne font pas preuve d’une plus grande rigueur historique que ces « produits » de la catégorie d’histoire postcoloniale que j’ai critiquée.

            A la fin de ses nombreux romans historiques sur notre très lointain passé, le XIIème ou le XIIIème siècle, Jean d’Aillon, propose une petite rubrique intitulée «  Le vrai du faux », une rubrique qui pourrait sans doute être nourrie par des chercheurs en histoire dont l’ambition serait de « déconstruire » ce nouveau roman postcolonial, puisqu’il  d’agit de cela.

            Dans son livre « Le lecteur de cadavres » (Le Livre de Poche) dans la Chine du XIIIème siècle, un autre auteur, Antonio Garrido, délivre un message tout à fait intéressant de rigueur en vue d’exploiter les sources de la Chine du XIIIème.

            Reconnaissons que la dernière matière traitée ne soutient peut-être pas la comparaison avec celle des images coloniales dont il a été question … et que les romans historiques en question échappent à l’actualité encore vivante de l’époque postcoloniale.

Le roman historique d’Antonio Garrido s’appuie sur une recherche très fouillée d’archives datant du XIIIème siècle, à la fois sur l’état de la Chine ancienne et sur l’état de la médecine légale de l’époque, avec la lecture du traité de médecine légale en cinq volumes du Chinois Xi Yuan Ji, publié en 1247, un document qui a fait l’objet de nombreuses traductions.

L’auteur s’intéressait à la médecine légale, et c’est à l’occasion d’un congrès, l’Indian Congress of Forensic Medicine and Technology, à New Delhi, en 2007, qu’il découvrit son sujet à l’occasion d’une conférence.

            Est-ce que les auteurs des écrits postcoloniaux critiqués ont fait preuve des mêmes précautions de rigueur méthodologique dans la consultation des sources historiques, le dénombrement des données recueillies, leur interprétation, le discours « scientifique » qu’ils en ont tiré ?

            Nombre de leurs exposés, remarques, ou appréciations mériteraient de figurer dans une rubrique « Vrai ou Faux », ou de façon plus précise « Faux ou à Vérifier ».

Ces livres diffusent une nouvelle propagande postcoloniale autrement plus efficace que celle de la période coloniale, une propagande d’autant plus pernicieuse, ou perverse qu’elle tend à accréditer un discours idéologique pernicieux pour la collectivité nationale.

 Un seul rappel pour terminer, un des propos de l’historienne Lemaire, relatif aux affiches, et à leur effet sur l’inconscient collectif des français :

« Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice », et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. Il suffit pour s’en convaincre d’imaginer combien les français pouvaient être sollicités, interpellés par un article, une émission  radiophonique, une  affiche aux dessins exotiques et aux couleurs chatoyantes, ou encore comment ils pouvaient être marqués par une visite à un stand colonial lors d’une exposition… » « Culture Coloniale - Fixation d’une appartenance (1914-1925)- « Propager ; l’Agence générale des colonies» (p, 137)

L’inconscient collectif, qu’est-ce à dire ? Combien d’affiches année après année ? Combien de postes de radio par année ? N’oublions pas que nous sommes au mieux en 1925.

Je n’aurai pas la cruauté de rappeler la sorte de  vrai faux en écriture d’histoire, celui du riz indochinois, que j’ai déjà évoqué, sous le titre « Du riz dans  les assiettes, de l’Empire dans les esprits ». (CI,p,82)

En résumé, il s’agit d’une manipulation des sources consultées, d’une manipulation des interprétations proposées comme des sentences historiques, c’est-à-dire d’un travail de désinformation historique  frappée du coin de diplômes universitaires.

Je rappelle 1) que le contenu des travaux du Colloque savant de janvier 1993 ne conduisaient pas aux conclusions tirées par ces chercheurs,

2) que le contenu du livre Images et Colonies ne conduisait pas non plus aux conclusions tirées par les mêmes chercheurs, outre le fait qu’il soulevait déjà en tant que telle, la question capitale de sa représentativité comme échantillon de situations coloniales très variables, de même que celle de ses effets supposés sur la culture coloniale des Français et des Françaises, non évalués,

3) que le contenu des livres successifs publiés par cette équipe de cbercheurs exprime un discours évident et tonitruant de propagande postcoloniale, fondé sur des analyses historiques très fragiles.

Peut-être conviendrait-il de regretter qu’une telle recherche aboutisse à ce gâchis de sources historiques relatives à un passé colonial qui méritait plus de sérieux et d’objectivité.

Dans l’ambiance actuelle, encore plus que dans un récent passé, il est évident que ce type de sujet est de nature très sensible, en même temps que d’une extrême complexité, notamment avec l’émergence d’un islam radical, un mouvement de mondialisation sauvage qui se poursuit depuis des dizaines d’années, l’arrivée de flux d’immigration étrangère que la France n’a jamais connus dans son passé, qu’il contribue à l’enrichissement d’un terreau favorable à toutes les subversions imaginables.

Dans un tel contexte, l’écriture d’une histoire scolaire ouverte sur le monde, qui tienne compte du pluralisme démographique, religieux et culturel qui existe aujourd’hui chez nous est un véritable challenge, d’autant plus redoutable à relever sur des territoires où vivent des Français et des Françaises d’origine immigrée, quand l’on sait que leurs peuples d’origine africaine constituent encore un patchwork religieux et culturel inextricablle.

Jean     Pierre Renaud        Tous droits réservés

 

 

 

 

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