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23 août 2019 5 23 /08 /août /2019 09:36

Foutaises ou Fictions historiques ?

« La Namibie dans le sillage des explorateurs »

Le Figaro Magazine des 28 et 29 juin 2019 (pages 91 à 99)

« Après Omaanda, Sonop, la seconde adresse namibienne d’Arnaud Zannier ouvrira le 5 juillet à l’extrémité sud du pays. Entre déserts et canyons, ce campement d’explorateur hors du temps incarne le rêve d’un esthète du XXième siècle, amoureux de l’Afrique australe et de la vie sauvage. »

 

            La rédactrice de ce reportage n’y va pas avec le dos de la cuillère pour encenser le créateur de ce nouveau lodge en Namibie, non plus qu’en troussant avec talent un récit imagé de sa découverte de la Namibie, avec de belles photos…

            Le titre de ce reportage est-il justifié ? « La Namibie dans le sillage des explorateurs » ?

        Est-ce qu’il s’agit vraiment d’ « Un voyage dans le temps guidé par l’histoire des premiers explorateurs anglais » ?

         Rappelons qu’au dix-neuvième siècle les côtes de Namibie furent au dix-neuvième siècle un enjeu colonial entre anglais et hollandais, et que les premiers à explorer cette contrée furent les missionnaires anglais de la puissante London Missionnary Society, les missionnaires allemands et finnois, puis les Afrikaners d’Afrique du Sud. Ces derniers ouvrirent la voie à la conquête coloniale allemande du Sud-Ouest Africain qui fut d’une grande violence, notamment avec le génocide des Hereros. A la fin de la première guerre mondiale, l’Afrique du Sud reçut un mandat international de tutelle de l’ancienne colonie allemande en sa qualité de Dominion de la Couronne britannique (statut de 1910), un dominion qui pratiqua le régime de l’apartheid.

        Ce rappel historique utile nous projette évidemment assez loin du reportage qui précise :

            « Il veut appliquer au monde de l’hôtellerie sa vision des choses : un décor authentique et un service attentif mais naturel… une philosophie qu’il résume souvent avec une citation de Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême »…

       Du Cambodge à la Namibie : En 2016, l’actrice Angelina Jolie séjourne à Phum Baitang durant le tournage de son film « D’abord, ils ont tué mon père ». Elle évoque auprès d’Arnaud le travail de ses amis Marlice et Rudie Van Vuuren, très investis dans la restauration de la vie sauvage en Namibie… Elle avait raison : j’en suis tombé amoureux… Ce que j’aime, c’est faire vivre la culture locale, tout en respectant le lieu et l’environnement. Je ne veux surtout pas imposer un modèle qu’on retrouvera ensuite dans chaque pays…

        Un poste d’observation idéal

      Sonop n’est pas un hôtel, c’est un voyage dans le temps, guidé par l’histoire des premiers explorateurs anglais du début du XXème siècle… »

          « Un campement d’explorateur hors du temps » ?

        Ne sommes-nous pas ici en pleine fiction ? Complètement en dehors du champ des descriptions multiples de campements qu’en ont faites les explorateurs de l’Afrique du dix-neuvième siècle ?

          Je recommanderais volontiers la lecture, entre autres, car il y en a eu des centaines d’autres,  du récit de l’exploration que fit Sir Samuel W. Baker, en 1861, en compagnie de son épouse vers les sources du Nil « Le Lac Albert » (Paris Hachette 1872), afin de se mettre « Dans la peau d’un explorateur » (page 97) à la fin du dix-neuvième siècle.

         « Voyage dans le temps » ? Vraiment ?

       En lisant que le lodge en question était « Meublé avec de véritables antiquités (plus de 500 pour l’ensemble du lodge » (page 97), je n’ai pas pu m’empêcher d’évoquer les récits de la vie coloniale anglaise officielle des « clubs », qui jalonnèrent l’histoire coloniale anglaise, avec l’exemple du récit « Une histoire birmane » de George Orwell. (1926, à Kyaut-hada, en Haute Birmanie. (1)

      « Dans chacune des villes de l’Inde, le Club européen est la citadelle spirituelle, le siège de la puissance anglaise, le nirvana où les fonctionnaires et les nababs indigènes rêvent en vain de pénétrer. » (p,23)

    A  lire la description de ce merveilleux lodge, la question peut se poser de savoir si son décor intérieur ne rappelle pas trop celui des « clubs » anglais de l’histoire coloniale.

       Ceci dit, et pour avoir, il y a une vingtaine d’années, effectué avec mon épouse, un voyage de découverte dans ce pays, il s’agit d’une belle région à visiter, notamment le désert du Namib, en notant qu’à cette époque, nous avions beaucoup plus vu de traces anciennes de la présence germanique que de la britannique.

        Enfin, dernière remarque, heureusement le Figaro Magazine ne publie pas que des articles, récits, ou reportages respirant à haute dose ce type de fiction.

            Jean Pierre Renaud

  1. Référence à l’analyse intitulée « Images des sociétés coloniales des années 1900-1930 » sur le blog eh-tique-media-tique@overblog.com du 20/06/2016

 

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 17:40

France et Algérie

L’« absurde » colonial !

A l’ombre d’Albert Camus

        

 

 France et Algérie

 

L’« absurde » colonial !

A l’ombre d’Albert Camus

            J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les pages que Monsieur Bajolet, ancien ambassadeur à Alger,  de 2006 à 2008, a consacrées à l’Algérie dans le livre « Le soleil ne se lève plus à l’Est ».

            Le diplomate avait eu une première expérience de ce pays en qualité de premier secrétaire d’ambassade entre 1975 et 1978.

            Cette lecture soulève un certain nombre de bonnes questions, en même temps qu’elle laisse beaucoup d’entre  elles sans réponses :

            « Lors de notre entretien du 7 novembre 2006, Jacques Chirac, pourtant très populaire en Algérie, ne m’avait pas fait un tableau encourageant des relations franco-algériennes : « Elles sont foiroteuses, m’avait-il dit. Le peuple est beaucoup plus francophile que les dirigeants, qui sous-estiment ce sentiment. Je l’ai senti quand je suis allé en Algérie. Il y a des signes qui ne trompent pas. » (p,328)

            « Ma longue histoire avec l’Algérie

        Jacques Chirac avait raison. Trente ans plus tôt, lors de mon premier séjour en Algérie, j’avais déjà été frappé par la gentillesse des Algériens, qui m’accueillaient chez eux en famille dans toutes les régions du pays. Certains d’entre eux avaient pris les armes contre la France entre 1954 et 1962. Ils avaient peut-être tué des Français, sans doute aussi perdu des proches. Ils avaient défendu leurs libertés. Mais ils n’en voulaient pas à la France et encore moins aux Français. J’avais sillonné ce magnifique pays dans tous les sens. Jamais je ne vis de haine dans les regards ni entendis le moindre propos revanchard. (p,329)

      Contraste saisissant avec les relations officielles qui, elles, étaient glaciales, voire inexistantes. L’ambassadeur Guy de Commines, n’était jamais reçu par le président de l’époque, Houari Boumediene…

         Celui-ci ne voyait pas plus le ministre des Affaires étrangères, à l’époque Abdelaziz Bouteflika, qui ne passait quasiment jamais à son bureau. Le malheureux de Commines devait se rabattre sur les fonctionnaires du ministère. » (p,329)

       « L’Algérie, trente ans après mon premier séjour (p, 336)

         Lorsque je pris mes fonctions d’ambassadeur à Alger en décembre 2006, je fus immédiatement frappé par la profondeur d’un traumatisme que les « années noires », comme on les appelait pudiquement, avaient causé dans l’ensemble de la population… La lutte fratricide qui avait déchiré les familles elles-mêmes, ce sang, ces horreurs, les soupçons illustrés par le questionnement du « qui tue qui ? », le peuple algérien n’en voulait plus à aucun prix.

       Ainsi, l’Algérie que je retrouvais était en convalescence, ses blessures encore à vif. Je débarquais à l’aéroport tout neuf et pris l’autoroute, elle aussi récente, qui le reliait à la capitale : le pays avait développé ses infrastructures. De part et d’autre, je constatai l’extension de la ville : la population avait doublé depuis mon premier séjour. En revanche, à Alger, du métro, il n’y avait toujours que les bouches, construites depuis plusieurs décennies, sans doute pour faire patienter les Algérois. » (p,336)

        L’auteur décrit alors les ambiguïtés de la situation de l’Algérie, la corruption, en négatif, et, en positif,  les progrès de l’éducation avec un taux d’alphabétisation de 96 % et plus de 1 million d’étudiants à l’université, alors qu’en 1962 on ne comptait que huit cents étudiants algériens.

        « A ma surprise, la langue française, en dépit de la violente campagne d’arabisation de Boumediene puis de l’influence des chaines de télévision du Golfe, manifestait une résilience remarquable…. Je remarquai également la difficulté que les Algériens continuaient d’éprouver pour assumer un héritage autre que celui lié à la culture arabo-islamique. » (p,339)

       « Comme c’était le cas dans les années 1970, les Algériens avaient tendance à attribuer leurs retards et leurs échecs à la France coloniale. La question de la mémoire restait aussi vivace qu’à l’époque de Boumediene. Il y avait à cela deux raisons ; le groupe au pouvoir avait le sentiment que la France n’était pas au bout  du chemin ; il avait besoin, pour conforter une légitimité discutable, de continuer à s’appuyer sur la geste fondatrice du FLN…

      « Les difficultés que rencontrèrent les autorités algériennes de la période postcoloniale pour gouverner leur pays trouvaient donc en partie leur origine dans une conception absolue de la colonisation de la part de la France qui contrastait avec l’approche pleine de sagesse que Lyautey avait fait prévaloir au Maroc. Le contexte, il est vrai, y était différent : le Maroc disposait depuis plusieurs siècles d’un pouvoir monarchique déjà solidement établi, et la période du protectorat y avait été nettement plus courte (1912-1956).

      Pour autant, ce legs, ou plutôt cette absence de legs, ne suffit pas à excuser les échecs de l’Algérie indépendante. L’accaparement du pouvoir et des richesses par un petit groupe, la perte du sens de l’intérêt général, la prévalence des intérêts particuliers à tous les niveaux y ont leur part.

      Les Algériens, en tout cas les dirigeants au pouvoir lors de mon deuxième séjour, dont certains étaient nés français (à commencer par le Président) tendaient à regarder la France comme une sorte de mère indigne, qui les avait maltraités et qu’ils avaient rejetée, tout en gardant pour elle un fonds d’affection (souvent dissimulé), sans savoir, s’ils souhaitaient la voir davantage présente, mais dont ils exigeaient en tout cas une relation préférentielle, sinon quasi exclusive : la France les avait fait souffrir, et parce qu’elle les avait fait souffrir, pendant si longtemps, elle leur devait plus.

         La France ne pouvait et ne peut répondre à leur attente, car, si, pour les Algériens, même ceux qui lui sont les plus hostiles, elle reste la référence, il n’en est pas de même pour elle vis-à-vis de l’Algérie : les Français ont tourné la page et, face aux enjeux mondiaux et européens, l’Algérie tient une place certes non négligeable dans leurs cœurs et leurs esprits, mais relative. Du coup, les Algériens ressentent cette différence de perception comme un humiliation supplémentaire, que certains d’entre eux ne sont pas loin de croire délibérée.

       La charge historique et émotionnelle des relations franco-algériennes demeure donc réelle sur la rive sud de la Méditerranée, du moins en attendant que les nouvelles générations prennent la relève. Dans ces conditions, le meilleur parti n’est-il pas de faire un atout de cette dimension affective ? Force est cependant de reconnaître que celle-ci a plutôt été jusqu’à présent un handicap. Depuis l’indépendance de l’Algérie, elle n’a cessé de soumettre les relations entre Paris et Alger des mouvements oscillatoires de grande ampleur.» (p,341, 342)

      L’auteur relate alors les initiatives d’ordre divers qu’il prit ou fit pendre à Chirac, Sarkozy, et Hollande, pour tenter d’apaiser ce contentieux mémoriel, notamment la visite cordiale de Sarkozy en juillet 2007.

     « Le président Bouteflika

        Pendant mon séjour, j’avais établi une relation chaleureuse avec Abdelaziz Bouteflika qui me recevait souvent pendant de longues heures… Lors de notre premier entretien, en décembre 2006, je lui fis part du message « d’amitié, d’estime et d’affection » que le président Chirac m’avait chargé de lui transmettre…  » (p,349)

     « Avant de quitter Alger, en juillet 2008, j’écrivis pour le Quai d’Orsay une note de réflexion. « L’Algérie, constatais-je, est comme frappée d’une sorte de malédiction : elle a tous les atouts pour réussir dont certains, comme la richesse du sous-sol, peuvent faire envie à ses voisins. Mais, elle n’arrive pas à en tirer parti, car cette même richesse est gaspillée ou accaparée, quasiment depuis l’indépendance, par une nomenclature indéboulonnable et qui se renouvelle par cooptation, tandis que le peuple, habitué aux (très relatives) facilités de l’Etat providence et éloigné de la culture de l’effort qui permettrait au pays de décoller, n’attend lui-même que la distribution d’une partie de la manne, qu’on lui accorde chichement quand il faut. » (p,354)

        Commentaire

         Il est toujours difficile de refaire l’histoire, d’autant plus pour un modeste acteur du terrain, officier SAS du contingent dans la belle vallée de la Soummam, en 1959-1960, alors que ce sont les récits mémoriels, quelle que soit leur authenticité, qui mènent encore le bal.

       Beaucoup d’eau  a coulé sous les ponts depuis, et mes jugements sur ce beau pays que j’ai « fréquenté », et aimé aussi, n’ont pas vraiment changé, en dépit de la lecture de ce témoignage diplomatique.

       La France a été dans l’incapacité de répondre au mieux et dans l’honneur, aux légitimes revendications d’indépendance de son peuple, et la fin du conflit, en 1962, avec les accords d’Evian a été un échec de plus.

     Etait-il possible d’ouvrir une voie légitime avec les chefs des six willayas qui avaient une représentativité « légitime » ? Je n’en sais rien. Est-ce que le crédo d’une armée française dite de pacification, d’après lequel la poursuite de l’effort de démocratisation entrepris en Algérie était susceptible de déboucher sur une autre Algérie indépendante, mais en étroite association avec la France ? Je n’en sais rien non plus.

      Avant mon départ, j’avais moi-même  fait élire les conseils municipaux des trois communes de ma SAS.

      Pour la plupart des soldats du contingent qui foulaient pour la première ou la dernière fois (« la quille ! ») le sol des djebels : 1) l’Algérie n’était pas la France, 2) ils faisaient ou avaient fait, en ce qui concerne ceux qui en étaient revenus vivants, tout simplement leur devoir au service de l’Algérie  et de la France.

      De Gaulle mit fin à ce conflit meurtrier dans des conditions discutables, mais existait-t-il alors une autre solution ? Il mettait fin au mythe d’une France coloniale, en tout cas de celle de la petite élite politique, économique, ou religieuse qui caressait toujours, hypocritement ou non, et en dépit de l’évolution du monde, le rêve colonial on ne peut plus ambigu, d’une assimilation possible.

      Dans beaucoup de mes écrits, j’ai eu l’occasion d’affirmer que la France, celle du peuple,  n’avait jamais été « coloniale ».

      Après l’indépendance de l’Algérie, la nomenclature FLN a toujours cru,1) que le pétrole suffirait à calmer le jeu politique et social, et comme souvent dans les affaires internationales, 2) que la condamnation à perpétuité d’une France colonialiste, coupable de tous les péchés du monde, « l’ennemi rêvé » suffirait également à calmer le jeu.

      Pour qui connait un peu l’histoire, les régimes autoritaires en grande difficulté ont toujours choisi de détourner l’attention de leur peuple vers un ennemi héréditaire.

      Je dirais volontiers à la jeunesse d’Algérie qu’il y a bien longtemps que la France, sauf dans quelques cas, a fait son deuil de leur pays, et qu’elle a souvent de la peine à comprendre leurs attentes.

       Avant de débarquer en Algérie, j’avais eu la chance de fréquenter les livres d’Albert Camus, enfant de l’Algérie coloniale, et je ne pouvais manquer d’y trouver le symbole de l’absurdité coloniale, cette absurdité longuement décrite dans ses œuvres.

      Je dirais volontiers à la jeunesse d’Algérie, ne vous laissez pas bourrer le crâne ! La jeunesse française, celle dont je fis partie, nourrissait les mêmes espoirs que ceux qui sont les vôtres hier et aujourd’hui, sauf à savoir s’il ne s’agissait pas du même  « Mythe de Sisyphe ».

            Jean Pierre Renaud    Tous droits réservés

 

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24 juin 2019 1 24 /06 /juin /2019 17:48

« Paris, un Etat « Bobo » dans l’Etat ? »

 

     En 1993, j’ai publié un livre d’analyse des institutions parisiennes et de leur fonctionnement, sous le titre : « Paris, un Etat dans l’Etat ».

        J’y décrivais ces institutions et je tentais de déterminer le qui faisait quoi dans l’exercice réel du pouvoir politique de la capitale, une fois transférée, en 1977 (réforme du 31/12/1975), à ses élus, une très grande partie des attributions des communes de droit commun que le Préfet de Paris, représentant de l’Etat, exerçait auparavant. Ce transfert de pouvoirs a été notablement accru par la charte de la décentralisation de la loi du 2 mars 1982, dont l’élément essentiel portait sur le contrôle a posteriori des « actes » de la commune.

        En 1998, dans le livre « La  méthode Chirac », j’expliquais comment Chirac, le premier maire de cette nouvelle ère politique, avait su capitaliser les atouts électoraux que lui donnait la capitale pour son élection à la Présidence de la République. Une fois élu, la Ville et le Département de Paris entretinrent une relation de pouvoirs pour le moins ambigüe.

       Un quart de siècle plus tard, pourquoi ne pas revisiter brièvement  ce « site » institutionnel et politique, afin de voir comment il a fonctionné, comment il a évolué ?

         A quel système politique de pouvoir avons-nous affaire, alors que sa nature de double-face soulève à mes yeux autant de problèmes qu’auparavant ?

      Comment Paris peut-il échapper à son statut de capitale de la France ? A sa banlieue, à sa région, à la France ?

       Dans l’historique résumé, je notais :

    « Les analyses qui précèdent ont montré que les gouvernements successifs, quels qu’aient été leurs fondements, n’ont jamais véritablement trouvé la bonne solution institutionnelle, le juste équilibre entre un pouvoir d’Etat qui ne peut être contesté dans sa capitale, et un pouvoir local exprimant une volonté parisienne. Le fait « Capitale » l’a toujours emporté sur le fait « Paris », sauf depuis une période récente. » (p,25)

       Question-clé : est-ce que ce que j’appellerais volontiers la « dérive » politique des institutions ne s’est pas accentuée ?

      Avant de poser quelques questions à ce sujet, il est utile de revenir sur quelques-uns des constats ou quelques-unes des questions que je posais dans la conclusion générale de cet ouvrage (p,235 à 264) résumés dans les extraits ci-joints. J’ai souligné quelques mots ou phrases clés.

    « LES INSTITUTIONS (p,241)

      « … Peut-être serait-il plus juste de parler de système parisien que d’institutions parisiennes ? Dans le sens que lui donnent les économistes, les sociologues, les juristes.

       Paris est un système parce que la capitale présente sur la longue durée historique un ensemble de caractéristiques dans son organisation, ses moyens, sa relation avec l’État central.

      Le système parisien, c’est un pouvoir local de nature très particulière, qui entretient des relations ambiguës avec le pouvoir central, que ce soit en configuration de pouvoirs étatique centralisé ou en configuration de pouvoir décentralisé.

      Le pouvoir local a beaucoup de mal à résister à la tentation de l’État dans l’État, et quelquefois de l’État local contre l’État central.

      De son côté, l’État central, monarchique ou républicain, imprime volontiers sa marque aux affaires de « sa » capitale. Son éclat ou sa munificence rejaillit sur le pouvoir local, renforçant son propre éclat, et ajoutant à sa propre munificence.

      Le système parisien, c’est un pouvoir local servi par une puissance administrative, politique, économique et financière, de type étatique, souvent bien secondée par l’Etat central.

        La véritable question que l’on peut se poser, et que nous avons choisie pour sous-titre, est celle de la nature exacte de la collectivité parisienne, étatique à maints égards, et pourtant collectivité locale : comment Paris peut-elle être une collectivité locale, ou comment peut-on être Persan ?

       …      La puissance médiatique est venue récemment s’ajouter aux attributs traditionnels de la puissance parisienne, le pouvoir local sachant merveilleusement utiliser la capacité de rayonnement que lui donne la chance d’être la capitale. Chaque jour, Paris fait l’actualité.

       La décentralisation étant récente, il est difficile d’émettre un pronostic très élaboré, mais il semble d’ores et déjà qu’elle ait contribué à renforcer la stature exceptionnelle du pouvoir local, ait confirmé sa  tendance traditionnelle à s’ériger en quasi-pouvoir d’État, sinon en contre-pouvoir d’État …

        L’observateur ne peut manquer d’être frappé par la complexité des relations entre l’Etat et les collectivités parisiennes, leur enchevêtrement, la représentation locale de l’Etat étant mal identifiée ou confondue avec ses fonctions d’ordre public.

      A l’évidence, les institutions locales parisiennes ne s’inscrivent pas dans le droit commun, et ne peuvent pas le faire en raison précisément du statut de capitale.

        Cette situation de double face, de Janus, donne un formidable levier au pouvoir local qui démultiplie ses avantages, d’autant plus que le pouvoir central aborde encore les affaires parisiennes avec mauvaise conscience, dès qu’on lui oppose en première ou en dernière raison l’argument massue de la démocratie locale. Les autorités locales ont donc le champ libre pour accréditer l’idée qu’à Paris tout relève de la collectivité locale.

      Il est normal de se poser la question de savoir si les institutions actuelles avec le potentiel de conflit et de coopération qu’elles offrent aux deux partenaires, Etat et collectivité locale, donnent un cadre juridique stable aux pouvoirs publics parisiens.

       Une question beaucoup plus importante se profile derrière cette première interrogation, celle de l’organisation des pouvoirs publics, étatiques et locaux, susceptibles d’assurer le développement de Paris, de sa banlieue, de la région.

      Il convient de raisonner cette fois en termes de fonctionnalité des organisations par rapport aux objectifs, aux ambitions que les hommes politiques proposent aux citoyens. Comme nous le verrons dans les pages consacrées au thème du Grand Paris, la véritable réponse institutionnelle fait encore défaut.

        Quels que soient les atouts de Paris et de l’Ile de France dans la compétition européenne et mondiale, ils risqueraient d’être en partie gâchés si les institutions adéquates ne se mettaient pas au service de leurs ambitions légitimes … » (p243)

       En ce qui concerne l’urbanisme, la révision du schéma directeur de l’Ile de France conduisait à fixer les grandes orientations de son aménagement pour les années futures, grandes orientations que nous résumerons ci-après.

        LE GRAND PARIS (p,243)

       « … LA CHARTE D’AMÉNAGEMENT DE PARIS (p,246)

     … La Ville entend sauvegarder par ailleurs le dynamisme économique de la capitale, la qualité de la vie, renforcer l’unité de Paris et de sa région.

      Attardons nous sur le dernier objectif.

       Les autorités communales veulent que leur ville soit le moteur du développement régional.

      On voit mal en effet comment le développement de l’Ile de France pourrait se priver de son pôle de croissance le plus puissant.

     … La charte trace une vision de l’avenir de Paris qui n’est pas dépourvue  de qualité, et qui s’inscrit bien dans le dessein de développement régional. Elle n’apporte pas de réponse précise en termes de pouvoir, tout en marquant une préférence pour la responsabilité des élus locaux… » (p,248)

      LA CHARTE D’AMÉNAGEMENT DU CONSEIL RÉGIONAL (p,246)

       « … La charte régionale a l’ambition d’inscrire ces actions (7) dans l’espace selon quatre directions, la valorisation globale de la ville de Paris et de la proche banlieue, le dynamisme nouveau des villes et de la grande couronne, un développement coordonné avec les régions voisines, une ambition européenne.

        L’idée d’une valorisation globale de la ville de Paris et de la proche couronne est incontestablement intéressante puisqu’elle tient compte de l’espace le plus urbanisé de la région dans sa globalité et dans sa continuité…

       Trois lignes d’actions sont envisagées : développement qualitatif du réseau urbain de Paris et de la petite couronne, en s’appuyant sur la diversité de leurs communes, de leurs centres et de leurs sites, assurer l’unité du réseau de transport de la capitale et de la petite couronne, y créer une trame verte bien nécessaire dans un espace aussi urbanisé. » (p,249)

     La charte régionale souligne par ailleurs ses points forts par département, et en ce qui concerne Paris, il y en a 7…

       La charte du Conseil régional aborde en toute clarté le problème des pouvoirs dans la région, en estimant qu’il ne serait pas raisonnable de fixer des orientations d’aménagement, sans que les institutions soient en mesure de les faire appliquer.

       La charte déclare « Il subsiste encore l’illusion tenace qu’on peut changer l’Ile de France par décret. » (p,251)

       LA CHARTE DE L’ÉTAT (p,252)

       L’État y défendait son rôle de façon très détaillée en se donnant des objectifs ambitieux : 

      … « l’avenir de l’Ile de France est inséparable de celui du bassin parisien  qui englobe évidemment les régions voisines, et évidemment de la France entière, dont elle est la province la plus riche et la plus dynamique ».

       « Deuxième argument : les déséquilibres constatés dans la région, et les intérêts pas toujours convergents des 1281 communes, de la capitale de la France, des huit conseils généraux de département, du Conseil régional. Leurs responsables étant tous des élus du suffrage universel, il n’existe pas la moindre hiérarchie entre toutes ces collectivités.

        Troisième argument « les grandes agglomérations sont dures aux faibles ». (p,253)

       Dans le résumé des propositions qui étaient faites aux différents niveaux de pouvoir, je notais en ce qui concerne Paris :

       « Il faut que les autorités de la capitale s’habituent à penser en administrateurs d’une très grande ville, une ville presque comme les autres, avec un horizon borné, alors que sa puissance éclate en permanence, qu’elle a pris en mains la transformation de ses derniers quartiers en friche. D’une façon générale, mais d’abord pour tout ce qui touche à l’aménagement des secteurs contigus à la banlieue, l’urbanisme ne peut plus se concevoir dans un cadre strictement parisien …

      Plus largement, et à partir du moment où l’urbanisation des communes de banlieue s’inscrit de plus en plus en continuité avec celle de la capitale, avec son image de prestige, son urbanisme de qualité, comment va-t-il être possible de relever le défi d’une capitale étendue à la petite couronne, d’une agglomération de qualité à peu près égale, compte tenu des problèmes que cela pose, et de financements à réunir, les ressources se trouvant plus abondantes à Paris et dans les Hauts de Seine que dans le Val de Marne ou  en Seine Saint Denis ?

        De temps en temps un responsable local fait une déclaration à ce sujet, évoquant la perspective  d’un Grand Paris, mais il s’agit d’un sujet tabou qui à peine esquissé soulève une montagne de difficultés, souvenirs du passé, prudence de l’État de voir se constituer une nouvelle puissance locale à sa porte, enjeux politiques au sein des différentes collectivités locales et entre elles        … L’intervention de Roland Castro, qui fut chargé du grand projet Banlieues 89, dans ce débat feutré, administratif, technocratique, lui donne un éclairage décapant.

Le numéro spécial d’Actuel consacré à Paris (Mai 1992) reproduit quelques propos vigoureux de Roland Castro (p,262):

«  On ne nous a jamais donné les moyens de faire grand. Il faudrait ouvrir la capitale, fabriquer cinq Paris…

       Dans le même numéro, Génération Écologie va dans le même sens (p,263) :

        « Enjamber le périf, c’est supprimer l’idée d’un Paris élitiste, l’idée que quatre millions d’habitants vivent au ban de ce lieu… »

        J’écrivais alors :

       « Il existe une distance entre le discours des responsables politiques ou administratifs et la conscience qu’ont beaucoup d’habitants de vivre dans la même ville, les entités administratives actuelles étant déjà ressenties comme artificielles.

       Il s’agit donc bien de savoir comment un pouvoir local, ou des pouvoirs locaux, avec l’aide de l’Etat, réussiront un Grand Paris, qui n’ait pas à rougir du Petit Paris en qualité d’urbanisme, en diversité sociale et en richesse d’équipements, d’activités et de services…(p,263)

&

Questions : plus de vingt-cinq ans plus tard ? Où en sommes-nous ?

Une municipalité de gauche gouverne la ville et le département depuis 2001, soit depuis plus de dix-huit ans.

         Le système parisien ?

         Le système politique et administratif de la capitale ne parait pas avoir évolué vers la simplicité et la clarté des pouvoirs respectifs de la municipalité et de l’État, notamment sous l’angle du qui fait quoi, entre maire, préfet de police ou préfet de Paris (Préfet de Région), représentant des autres services de l’État.

        Il est évident que seuls les spécialistes sont capables de savoir, et encore, qui exerce le pouvoir dans tel ou tel domaine de décision.

     Les autorités municipales savent parfaitement utiliser l’ambiguïté de ces rapports de pouvoir, quand il s’agit de troubles de l’ordre public (voir l’épisode fréquent des gilets jaunes) d’usage des espaces publics (vélos ou trottinettes), de la voirie (voir les voies sur berge de Seine ou les transversales entre banlieues),  des incivilités ou de la sécurité de proximité (le concept de tranquillité publique dans le droit commun), la maire de Paris ayant jusqu’à présent refusé d’assumer les responsabilités d’une police municipale.

      La politique d’accueil des étrangers, telle que la conçoit et la pratique la municipalité, est évidemment à la source d’une multitude de problèmes qui ne facilitent pas la vie des habitants, outre les charges de toute nature qu’elle impose aux budgets parisiens : ne s’agit-il pas d’un des dossiers politiques les plus sensibles que la ville nourrit volontiers, afin de marquer son ancrage à gauche et d’afficher son goût pour la solidarité internationale, quelques puissent être les doutes sur le bien-fondé de cette forme nouvelle d’ONG publique.

      Dans un tel contexte de pouvoirs, c’est toujours l’État qui est responsable, même si les autorités municipales font tout pour alimenter le feu, sauf à dire que selon les conjectures de pouvoir entre gouvernements et autorités municipales, l’observateur éprouve une certaine difficulté pour savoir s’il y a conflit de pouvoir ou complicité.

      En résumé, la répartition actuelle des pouvoirs n’est ni claire, ni stable. Il est possible de se demander s’il est possible d’atteindre un tel objectif.

       Mon diagnostic actuel est que le pouvoir municipal a dépassé ses limites de compétence sur un territoire qui est celui de la capitale du pays.

     Paris et sa banlieue ?

     Vingt-cinq ans plus tard, rien n’a vraiment changé sur le plan institutionnel, avec à Paris, un enchevêtrement superposé de pouvoirs en Ile de France, qui n’a jamais été simplifié, mais au contraire aggravé, tellement l’exercice soulève à la fois de grands enjeux de pouvoir et une grande complexité de solutions.

     A l’approche des prochaines élections, les autorités municipales déploient une activité débordante pour limiter l’usage de la voiture dans la capitale, et afficher une image de ville « écolo », en n’hésitant pas à lancer des gadgets écolos.

       Il est évident qu’une telle politique lèse les intérêts des habitants de la Petite et Grande Couronne : elle soulève la question de principe du fondement du pouvoir des autorités municipales dans la capitale, sauf à dire que dans la capitale, c’est la mairie de Paris qui exerce tous les pouvoirs.

       Comment est-il possible d’estimer que le territoire de la capitale de la nation et de la République Française appartiendrait à ses seuls habitants, alors que les grands axes de circulation sont nécessaires à la sécurité des services de l’État – dont bénéficie largement la ville de Paris – tout autant qu’aux besoins de déplacement des autres habitants d’Ile de France ?

      La politique municipale actuelle s’inscrit dans un registre social qui n’a plus grand-chose à voir avec le socialisme affiché par ses responsables depuis plus de dix-huit années,  sans aucun respect des autres habitants d’Ile de France et de la plupart de leurs collectivités moins favorisées.

     C’est ce type de caractéristique du  nouveau système parisien que j’ai retenu pour intituler ces réflexions, un Paris « État Bobo » qui ne dit pas son nom, car tout semble être fait à Paris pour une population souvent déjà bien gâtée, bien au chaud, avec son intelligentsia friquée, le véritable moteur du système parisien ...

     La composition de la majorité municipale actuelle éclaire le jeu politique avec un zeste de communisme, un zeste d’écologie, aujourd’hui à marche forcée,  un zeste de socialisme en voie d’extinction, à l’ombre du grand capitalisme international et multiculturel …

       D’aucuns auraient raison de trouver que la politique anti-voitures de la maire actuelle rétablit, sous une forme modernisée, en supprimant des voies, en instituant  de généreuses taxes ou amendes de stationnement, les anciens « octrois » de l’ancienne Ville qui ne furent définitivement supprimés qu’en 1943, sous Vichy.

       Les relations politiques et administratives de Paris avec la petite Couronne et la grande Couronne soulèvent d’autres questions, de même qu’avec la région. Est-il imaginable qu’une simplification soit proposée à ses électeurs par référendum ? Cela serait souhaitable.

Jean Pierre Renaud                      Tous droits réservés

 

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21 juin 2019 5 21 /06 /juin /2019 08:47

La Grande Débâcle des institutions républicaines ?

            La grande débauche

Après les élections européennes, et comme avant,  la majorité parlementaire qui nous gouverne  organise la grande débauche des députés, des sénateurs, et aujourd’hui des maires !

            Objectif ? Un vide politique de type « sanitaire » ? Zéro microbe, zéro bactérie entre deux gladiateurs auto désignés ? Au risque de « grandes chaleurs » politiques ?

         Le grand écart électoral entre élections européennes et élections municipales ?

       Politiciens chevronnés ou non, politologues, experts ou communicants de toute espèce … continuent à croire que, selon l’adage ancien, les deux types d’élections sont fondamentalement différents, et que les scores du RN ne préjugeraient en rien ceux des prochaines municipales.

         A voire les scores du RN dans beaucoup de territoires, rien n’est moins sûr, car la France actuelle en a ras le bol des politiques suivies depuis plusieurs dizaines d’années, avec une Europe bureaucratique et non représentative, des inégalités qui se creusent entre grandes agglomérations et territoires, une insécurité croissante, - le délinquant disposant de plus de droits que la victime -, le mouvement non-stop d’une immigration non contrôlée, le migrant non autorisé d’aujourd’hui se prévalant de droits sans fondement.

     Le Grand Dérangement institutionnel et anticonstitutionnel !

     En violation de l’article 4 du Préambule de la Constitution qui reconnait le rôle des partis politiques, lesquels ont été placés en « relégation » depuis l’élection du Président actuel.

         Jean Pierre Renaud

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6 juin 2019 4 06 /06 /juin /2019 10:25

2019 : la droite en France ?

 

            Coup de théâtre ou coup personnel comme la Chiraquie en a eu une longue habitude, celle des trahisons entre « amis » ?

            Les électeurs de droite ne se sont pas volatilisés comme par enchantement, - avec quel Merlin l’Enchanteur ? – comme feignent de le croire certains observateurs : ils manquent de repères pour distinguer entre une droite macroniste et mondialiste, une droite républicaine nationale et européenne, et une droite nationaliste.

            La défection de Pécresse, coup d’éclat ou coup d’épée dans l’eau sonne étrangement, à la veille du soixante-quinzième anniversaire du débarquement allié sur nos côtes, pour des gens qui prétendent porter l’héritage gaulliste.

            N’ont pas complètement tort ceux qui interprètent cette défection, comme  l’illustration, une de plus, de la fracture entre la France des territoires et la France parisienne ou francilienne !

            Jean Pierre Renaud

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5 juin 2019 3 05 /06 /juin /2019 16:55

L’incendie de Notre Dame de Paris, de la récup’ tous azimuts !

 

            L’incendie de Notre Dame de Paris a suscité une multitude de réactions issues de tous les milieux de France et du monde, allant des chrétiens et chrétiennes les plus humbles aux puissances actuelles du jour.

            Dans le langage actuel, on dirait que beaucoup ont tout simplement fait de la récup’ religieuse, médiatique ou politique.

            A observer les initiatives prises par les pouvoirs publics dans une période politique très sensible, il n’est pas interdit de s’interroger sur la mission qui est confiée à l’Etat, maître des lieux, des lieux saints voués au peuple de Dieu.

« Sacrée » récup’ ou récup’ « sacrée » ?

Avec en prime les cinq étoiles d’un général !

Ma propre analyse : il s’agit à mes yeux d’une violation détournée de la loi de 1905 sur la laïcité de la République Française !

Jean Pierre Renaud

           

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28 mai 2019 2 28 /05 /mai /2019 14:34

« Antémémoires »

André Malraux

Folio

&

1945 : le regard lucide et dérangeant de Malraux sur l’Indochine coloniale et sur les impérialismes coloniaux

A titre de contribution aux analyses comparatives publiées sur mon blog entre les deux empires coloniaux anglais et français.

1922 : le regard lucide et dérangeant de l’Africaniste Delafosse

2

1945-1965 (p,121)

       « Je venais quelquefois à Paris, car nombre de questions étaient encore du ressort du ministère de la Guerre. Je retrouvai Corniglion, devenu général et compagnon de la Libération. Il allait prendre bientôt le commandement de l’aviation contre le bastion de Royan, l’un des derniers points d’appui allemands en France. En attendant, il écrivait un bouquin humoristique avec le docteur Lichvitz, que j’avais connu à la 1ère DFL, et qui était devenu médecin du général de Gaulle. Il en lisait des chapitres, avec une intarissable bonne humeur à Gaston Palewski (à la suite de quelque conflit à Londres, cet ambassadeur était parti en Abyssinie conquérir Gondar, avant de devenir directeur du cabinet du général), au capitaine Guy, à quelques autres. C’est ainsi que je fis connaissance du fameux « entourage ».

       Quelques jours après le Congrès du MLN, nous parlâmes d’élections : on parle toujours d’élections. Je n’éprouvais nul désir de devenir député. Mais j’avais un dada : transformer l’enseignement par l’emploi généralisé des moyens audiovisuels. Seuls le cinéma et la radio étaient alors en cause ; on pressentait la télévision. Il s’agissait de diffuser les cours de maîtres choisis pour leurs qualités pédagogiques, pour apprendre à lire comme pour découvrir l’histoire de la France. L’instituteur n’avait plus pour fonction d’enseigner mais d’aider les enfants à apprendre.

      En somme, dit Palewski, voius voulez faire enregistrer le cours d’Alain, et le diffuser dans tous les lycées ?

      Et remplacer le cours sur la Garonne par un film sur la Garonne.

      Mais c’est excellent ! Seulement, je crains que vous ne connaissiez pas encore le ministère de l’Education nationale.

     Nous avions parlé aussi de l’Indochine. J’avais dit, écrit, proclamé depuis 1933, que les empires coloniaux, ne survivraient pas à une guerre européenne. Je ne croyais pas à Bao Dai, moins encore aux colons. Je connaissais la servilité qui, en Cochinchine, comme ailleurs, agglutine les intermédiaires autour des colonisateurs. Mais, bien avant l’arrivée de l’armée japonaise, j’avais vu naître les organisations paramilitaires des montagnes d’Annam.

         Alors, me dit-on, que proposez-vous ?

       Si vous cherchez comment nous conserverons l’Indochine, je ne propose rien, car nous ne la conserverons pas. Tout ce que nous pouvons sauver, c’est une sorte d’empire culturel, un domaine de valeurs. Mais il faudrait vomir une « présence économique » dont le principal journal de Saigon ose porter en manchette quotidienne : « Défense des intérêts français en Indochine ». Et faire nous-mêmes la révolution qui est inévitable et légitime : d’abord abolir les créances usuraires, presque toutes chinoises, sous lesquelles crève la paysannerie d’un peuple paysan. Puis partager la terre, puis aider les révolutionnaires annamites, qui ont sans doute bien besoin de l’être. Ni les militaires, ni les missionnaires, ni les enseignants ne sont liés aux colons. Il ne resterait pas beaucoup de Français, mais il resterait peut être la France…

       J’ai horreur du colonialisme à piastres. J’ai horreur de nos petits bourgeois d’Indochine qui disent ; « Ici, on perd sa mentalité d’esclave ! »  comme s’ils étaient les survivants d’Austerlitz, ou même de Lang Son. Il est vrai que l’Asie a besoin de spécialistes européens ; il n’est pas vrai qu’elle doive les avoir pour maîtres. Il suffit qu’elle les paye. Je doute que les empires survivent longtemps à la victoire des deux puissances qui se proclament anti-impérialistes.

       Je ne suis pas devenu Premier Ministre de Sa Majesté pour liquider l’Empire britannique, dit Corniglion, citant Churchill.

      Mais il n’est plus Premier Ministre. Et vous connaissez la position du Labour sur l’Inde.

       Tout de même dit Palewski, vous ne pouvez pas exécuter un tel renversement avec notre administration ?

       Il y  a encore en France de quoi faire une administration libérale. Je vais plus loin. Pour faire de l’Indochine un pays ami, il faudrait aider Ho chi Minh. Ce qui serait difficile, mais pas plus que ne l’a été, pour l’Angleterre, d’aider Nehru.

    Nous sommes beaucoup moins pessimistes que vous…

      Ce qui nous mena à la propagande. L’Information était entre les mains de Jacques Soustelle, qui souhaitait changer de ministère.

       A peu de choses près, dis-je, les moyens d’information dont vous disposez n’ont pas changé depuis Napoléon. Je pense qu’il en existe un beaucoup plus précis et efficace : les sondages d’opinion…. Les procédés de Gallup n’étaient alors connus, en France, que des spécialistes. Je les exposai rapidement. » (p,124)

&

      Il est possible de disserter à longueur de pages et de temps, et les choses sont déjà bien engagées beaucoup plus sur le terrain idéologique ou politique que sur le plan historique, sur le bilan et les héritages des colonisations française et anglaise de la fin du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième siècle, mais la décolonisation n’a pas été un long fleuve tranquille.

        Quelques éléments dominent à mes yeux ce sujet polémique : la volonté de puissance de plus en plus anachronique d’un pays, la France, qui n’avait plus les moyens de faire face à l’évolution du monde après la Deuxième Guerre Mondiale, une France qui n’avait jamais eue vraiment la fibre coloniale, une France qui était privée d’un gouvernement à la fois compétent, lucide et stable (une volatilité de six mois en moyenne, comme sous la Troisième République), une France que la Guerre Froide conduisait à choisir le continent européen.

        Résultat : une guerre d’Indochine menée à veau l’eau (1945-1954), une répression rétrograde de l’insurrection malgache en 1947, une guerre d’Algérie militairement bien menée – l’Indochine était passée par là – et politiquement bâclée, pour ne pas évoquer le cas des autres territoires coloniaux dont les enjeux étaient moindres.

          Un observateur averti ne peut manquer de remarquer qu’au fur et à mesure des années et des présidences de la Cinquième République, une sorte de prurit cérébral d’ancienne puissance et de gloire continue à produire ses effets, au Zaïre, au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en Libye, ou de nos jours au Sahel.

    Malraux avait raison de privilégier dans les facteurs d’évolution impériale plus le rôle culturel de notre pays que son rôle politique ou militaire.

1922 : le regard lucide et dérangeant de l’africaniste Maurice Delafosse :

    Delafosse avait été administrateur colonial en Côte d’Ivoire pendant plusieurs années, dans une Côte d’Ivoire qui venait de voir le jour comme première forme d’un Etat colonial, rappelons-le, et avait fait le choix de l’étude des sociétés africaines, de leurs langues, de leurs mœurs et de leurs cultures.

    Il était en quelque sorte devenu un expert des politiques indigènes qu’il était possible de mettre en œuvre en Afrique noire.

    En 1922, il publiait un livre intitulé « Broussard », et son diagnostic était le suivant.

      Il posait ce diagnostic précoce, à l’aube de la deuxième phase de la colonisation, c’est-à-dire les années 1920-1940, en partant du principe que les hommes, blancs ou noirs, étaient les mêmes, en Europe ou en Afrique, mais cela ne l’empêchait pas de proposer une politique indigène qui ne fut jamais celle de la France.

       Il écrivait au sujet de l’instruction : « Considérant simplement le bien ou le mal que peut retirer l’indigène africain d’une instruction à la française, je crois sincèrement que la lui donner constituerait le cadeau le plus pernicieux que nous pourrions lui faire : cela reviendrait à offrir à notre meilleur ami un beau fruit vénéneux « (p,111)

       Plus loin, il fustigeait les humanistes :

      « Les humanistes entrent en scène. Pour ces singuliers rêveurs, l’idéal de l’homme est de ressembler à un Parisien du XXème  siècle et le but à poursuivre est de faire goûter à tous les habitants de l’univers, le plus tôt possible, les joies de cet idéal » (p,114)

      La bombe d’Indochine

      «  Nous parlions d’un événement qui avait mis en émoi l’Indochine ; un Annamite quelque peu détraqué  avait lancé une bombe sur un groupe d’Européens assis à la porte d’un établissement public.

        Ce n’est pas dans votre Afrique, dis- je à mon ami Broussard, que de paisibles consommateurs prenant le frais et l’apéritif à la terrasse d’un café, auraient à redouter l’explosion d’une bombe intempestive.

      Assurément non, me répondit-il, ou du moins l’instant n’est pas encore venu d’appréhender de tels faits divers ; mais ce n’est qu’une question de temps. » (p,112)

      Et plus loin encore :

     « Félicitez- vous en pour eux aussi, pendant qu’il est temps encore. Mais s’ils ne sont pas mûrs actuellement pour se servir d’engins explosifs, soyez sûr qu’un jour ou l’autre, si nous continuons à nous laisser influencer par les humanitaristes et les ignorants, les nègres nous flanqueront à la porte de l’Afrique et nous ne l’aurons pas volé. » (p,118)

        Jean Pierre Renaud      Tous droits réservés

 

 

 

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24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 18:01

Elections européennes 2019

L’éthique politique républicaine

La démagogie électorale d’un Président : trop, c’est trop, beaucoup trop !

 

« Je n’avais jamais vu ça tout au long de ma vie !

Jean Pierre Renaud, ancien haut fonctionnaire et ancien officier du contingent pendant la guerre d’Algérie

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16 mai 2019 4 16 /05 /mai /2019 14:37

Les héritages et les amnésies de notre classe politique !

L’interview du Premier Ministre Philippe

(Le Figaro du 13 mai 2019, page 2 et 3)

 

            En quatrième colonne, et à la question : « La gauche est éparpillée, la droite l’est un peu moins. La recomposition politique est-elle achevée ? « 

            « … Qu’il y ait en ce moment une reconstruction de la droite du Trocadéro, sans doute. Est-ce qu’elle se rapproche de la droite moderniste, pro-européenne,  pour laquelle je militais aux côtés d’Alain Juppé ? Je ne le crois pas. Je suis parti de mon ancienne formation politique parce qu’elle était incapable de dire si elle préférait voter pour Emmanuel Macron ou pour Marine Le Pen, en rupture complète avec l’héritage de Jacques Chirac. Cette droite du Trocadéro était déjà très forte dans le maniement des objectifs et des symboles mais, je le constate depuis que je suis à Matignon, elle n’a que des postures politiciennes à opposer à ceux qui font des choix courageux. »

            L’héritage Chirac ? Je ne reviendrai pas une fois de plus sur un héritage parisien qui laisse encore beaucoup de questions non résolues, mais la France doit-elle se glorifier de la gestion présidentielle de Chirac ? De son rôle dans la modernisation du pays, dans la maîtrise des courants d’immigration (intégration, quartiers sensibles = 0), dans une ouverture prématurée et démagogique de l’Union européenne aux nations de l’Est avec le Traité de Nice (Chirac-Jospin - 2001), conjuguée avec une mondialisation « sauvage », qui ébranle et déracine notre vivre ensemble (sécurité et laïcité = 0), tout en minant nos économies et en laissant le champ libre aux jeux des grandes puissances actuelles ? Non !

            Quant à l’héritage ou à la filiation Juppé, je dirais que je ne donnerais pas au « premier d’entre nous » un premier prix politique pour la ligne flottante qu’il a assumée et animée, lors des  présidentielles 2017, avec son ralliement à Macron, et ce qu’il faut bien appeler une « défection » politique pour le camp politique qui était théoriquement le sien.

            Pour avoir observé depuis des dizaines d’années l’évolution de la politique française, avoir estimé que, dans telle période de vie nationale prospère, il était juste et intelligent de répartir une partie de nos richesses (la gauche), mais que, dans telle autre période de vie nationale de crise, il valait mieux créer de la richesse (la droite), un type de balancement politique qui a toujours fait fureur chez les centristes, ne convient-il pas de conclure que dans le contexte stratégique actuel de l’Europe et du monde, ce centrisme-là, nouvelle mode juppéiste, c’est fini !

            Encore quelques mots sur les amnésies totales ou partielles d’une partie de notre haut personnel politique : pourquoi ne pas évoquer les exemples d’un Chevènement qui parait avoir complètement oublié le sort de son Alstom « chéri » à Belfort vendu aux Etats-Unis, ou d’un Moscovici (ancien député de Montbéliard-Sochaux), qui caracole à Bruxelles, donne des leçons, alors qu’il fut un des acteurs du Traité de Nice et de la dette publique qui plombe lourdement notre avenir, lequel a aussi eu le mérite de laisser vendre Peugeot à la Chine ?

            Qui aura le courage et l’honnêteté de s’interroger sur l’héritage que laissent ces élites politiques ?

        Avec ou sans notre complicité,  ils laissent à nos enfants et à nos petits-enfants, une dette colossale, l’absence d’un véritable virage écologique et climatique, un désordre de plus en plus grand dans le tissu des valeurs de liberté, de sécurité, de protection qui constituent encore notre vivre ensemble républicain, avec au surplus un grand doute sur l’avenir de l’Union Européenne.

    Jean Pierre Renaud

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4 mai 2019 6 04 /05 /mai /2019 18:33

Elections européennes 2019 et  la « méthode »  Macron ?

 

            En 1997, j’ai publié un livre qui décrivait la façon dont Chirac, Maire de Paris avait organisé son « système » de pouvoir, et sa « méthode » pour conquérir la Présidence de la République, ce qu’il a réussi à faire.

            Mon analyse était tirée de ma longue, trop longue pratique des affaires parisiennes à la Préfecture de Paris. Le mot de « méthode » a semble-t-il fait florès.

            Je reviens donc brièvement sur le même sujet pour caractériser la « méthode » du pouvoir du Président actuel avec son catalogue d’annonces tirées d’un « Grand Débat », qui a « détourné » les Français de la « voie » et de la « voix » des institutions de notre démocratie représentative républicaine.

            Au rythme actuel de la débauche d’annonces « non soldées », la France court tout simplement le risque de voir ce scrutin européen capital pour nous tous, et avant tout pour notre jeunesse, réduit à un « Pour » ou « Contre » Macron.

       Jean Pierre Renaud

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