SUPERCHERIE COLONIALE
EXTRAITS
Le texte ci-après,déjà publié résume bien le pourquoi et le comment du livre « Supercherie Coloniale » publié en 2008 dont l’ambition était de démontrer que les livres publiés par un trio d’historiens, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, et Nicolas Bancel, n’apportaient pas la démonstration historique que la France baignait dans une culture coloniale ou impériale au cours de la période 1870-1960.
Mon livre proposait la démonstration inverse, point par point.
Les livres en question caractérisés par leur carence d’histoire quantitative s’inscrivaient dans un contexte idéologique postcolonial, éditorial, favorable à une révision d’une histoire coloniale que très peu d’historiens connaissaient.
Un des facteurs favorable au succès relatif de cette thèse fut évidemment l’immigration relativement importante des années 80-90.
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Agit-prop postcolonial
le contre propagande coloniale ?
Quatrième et dernier mouvement du chemin d’analyse et de réflexion, comme annoncé sur ce thème
Résumé et plein phare sur le cœur de cible historique, la « propagande coloniale »
Source, le livre « Supercherie coloniale »
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En prologue
De quelle histoire postcoloniale est-il question ? Celle racontée par le modèle de propagande Blanchard and Co !
Il n’est évidemment pas dans mes intentions d’affirmer que cette catégorie d’histoire est représentative de l’histoire postcoloniale dans son ensemble.
Il est superflu d’indiquer que je ne suis pas un historien de formation, mais que j’ai toujours été passionné par l’histoire. Je suis revenu vers l’histoire coloniale et postcoloniale, en grande partie par curiosité intellectuelle, pour compléter ma culture générale, mais tout autant, afin de mieux comprendre et juger les discours que tiennent certains historiens à la mode qui surfent sur une histoire postcoloniale qui dénature l’histoire coloniale.
Mes études universitaires, puis les fonctions que j’ai exercées dans la fonction publique, m’ont inculqué une rigueur intellectuelle que je n’ai pas trouvée dans les ouvrages que j’ai analysés.
L’histoire postcoloniale du modèle de propagande Blanchard and Co soulève maintes questions sur l’écriture de l’histoire postcoloniale, comparables à celles énoncées et analysées dans le livre de Sophie Dulucq « Ecrire l’histoire à l’époque coloniale », un ouvrage qui a fait l’objet de ma lecture critique sur ce blog.
J’y relevais notamment que la question de « servilité » de cette catégorie d’histoire se posait effectivement, mais par rapport à quel pouvoir ?
Dirais-je en passant, qu’après avoir lu, et souvent annoté de nombreux récits publiés à l’époque coloniale, le plus souvent par des explorateurs, des officiers, des administrateurs, et par des spécialistes, j’en ai conservé le souvenir de récits d’histoire que je qualifierais de « brut de décoffrage », souvent bien rédigés, qui se contentaient de nous faire part des faits et observations de toute nature qu’ils effectuaient alors dans leurs pérégrinations civiles ou militaires ?
Elles étaient loin d’être « fabriquées » et représentent encore de nos jours une sorte d’encyclopédie coloniale incomparable, fut-elle quelquefois ou souvent entachée d’un certain regard de supériorité blanche !
Une encyclopédie écrite et en images, à consulter la multitude de croquis, de dessins, de cartes, et de photographies, un potentiel de récits et d’images qui ne paraissent pas avoir trouvé leur place historique dans les livres critiqués !
La richesse de ces sources a été complètement mise de côté par ce collectif de chercheurs, qui ont choisi comme source historique un échantillon d’images de type métropolitain, supposé représentatif, ce qui n’est pas le cas.
Est-ce que ces travaux d’histoire postcoloniale ne sont pas à ranger, comme tous les autres, dans la catégorie des histoires qui correspondent aux situations successives de l’histoire de France ? Avec toujours le cordon ombilical du pouvoir ou d’un pouvoir qui tient les manettes, l’Eglise et la monarchie, puis la République laïque et ses hussards, puis le pouvoir idéologique du marxisme, du tiers-mondisme, et de nos jours le multiculturalisme.
La « servilité » est toujours omniprésente, et sert d’une façon ou d’une autre les pouvoirs régnant dans chacune des situations historiques décrites !
De nos jours, il s’agit du marché médiatique auquel les éditeurs sont évidemment sensibles, tant ils ont de peine à rentabiliser les ouvrages en sciences humaines, en concurrence sur les réseaux sociaux, à tel point que la « mémoire » remplace souvent l’« histoire » avec un grand H.
La véritable question posée n’est-elle pas celle du pouvoir ou des pouvoirs de l’Université face à ces nouvelles concurrences ?
En ce qui concerne les thèses d’histoire postcoloniale, et compte tenu de leur impact idéologique, pourquoi n’exigerait-on pas qu’elles ne soient pas frappées d’un secret de la confession qui enveloppe le travail et les conclusions des jurys, c’est-à-dire le manque de transparence sur la scientificité supposée de ces thèses d’histoire ?
Une suggestion pour finir ce prologue ! Pourquoi ne pas disposer d’un deuxième volet de l‘écriture de l’histoire à l’époque postcoloniale sous le titre « Ecrire l’histoire à l’époque postcoloniale » ?
Le lecteur trouvera ci-après un résumé récapitulatif des critiques qu’ont appelées de ma part les discours du « modèle de propagande ACHAC-BDM », en mettant naturellement l’accent sur le dossier de la propagande coloniale.
Ce type de récapitulation n’évitera évidemment pas quelques redites des analyses déjà publiées sur ce blog.
Jean Pierre Renaud Tous droits réservés
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IVRESSE DES MOTS ET MOTS-CHOCS
Avant d’aborder le cœur du sujet, pourquoi ne pas citer quelques-uns des éléments du langage historique auquel il est fait appel ?
Je rappelle que ces derniers ont été publiés dans les livres suivants : Culture coloniale (2003) (CC), La République coloniale (2003) (RC), Culture impériale (2004) (CI), La Fracture coloniale (2005 (FC), L’illusion coloniale (2006) (IC), avec pour références du « Colloque » de 1993 (C) et du livre « Images et Colonies (IC).
Sommes-nous ici dans l’histoire coloniale ou dans la médecine de Molière ?
Introduisons ce petit inventaire à la Prévert, en citant une phrase de La République Coloniale (p,144) : « long serait le florilège de ce qui, dans les discours, poursuit de façon souterraine des régimes d’énonciation structurés pendant la période coloniale. »
A la lecture des ouvrages cités, il est difficile de résister à l’avalanche de leurs mots ou d’expressions, vous invitant rarement au rêve, souvent en coups de feu, un florilège de mots et d’expressions franchement abstrus, pour ajouter à ce mot un qualificatif du grand Hugo, qualificatif aujourd’hui un peu pédant.
Prenons le risque, non historique, de proposer cette esquisse, en laissant le soin aux spécialistes, aux lexicologues, d’effectuer un travail complet sur le registre de ces mots et expressions.
Des mots en mal d’évasion ! « Le bain colonial » (C,p,14, Introduction Blanchard-Chatelier (p,14/C) (179/CC), une expression souvent utilisée, alors que dans son acception commune, un bain ne dure jamais très longtemps, sauf dans certaines industries. La profusion des métaphores, des paraboles, des allégories, et le fantôme permanent de l’Autre, toujours l’Autre, la figure indéfinie.
Le lecteur se rappelle sans doute mon évocation du fandroana, le bain royal des Reines de Madagascar : s’agit-il d’asperger les lecteurs d’une eau lustrale postcoloniale ?
Une autre formule se veut heureuse : « la colonie est propre, parce que lavée plus blanc ». (IC,p,255)
Une formulation poétique, mais combien subversive ! « Evanescence idéale des femmes aux seins toujours nus, à l’épiderme foncé (IC,p,255). Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, sur la manipulation des cartes postales mauresques, sur la méconnaissance du nu africain, tout autant que de l’habillé que l’on trouvait aux mêmes époques en Indochine, à Madagascar, ou en Afrique.
Il ne faut pas avoir lu beaucoup de récits d’explorateurs, d’officiers, ou d’administrateurs qui n’étaient pas obligatoirement « colonialistes », pour l’avoir constaté à maintes reprises. Je le constatais ces dernières semaines et à nouveau dans le récit de la Croisière Noire Citroën en 1924-1925.
« Nudité, érotisme,… animalité… restent une constante de l’impensé blanc » (IC, p,255). Les blancs étaient donc tous des obsédés sexuels, en tout cas tous ceux qui se trouvaient aux colonies, même les missionnaires ? Pour assouvir leurs fantasmes sexuels ! Les bordels de métropole leur manquaient tant ?
Si l’anthropologue Gilles Boëtsch feuilletait le livre consacré au dessinateur et peintre, en même temps que bon petit Français, Patrick Jouanneau « Maroc, Algérie, Tunisie - Dessins-Aquarelles- Peintures » (Editions Baconnier/Copagic) », il trouverait sans doute ce livre très frustrant, faute de « Mauresques aux seins nus »
Des mots et expressions en coups de feu !
L’Agence des colonies (sa propagande) « inondait » (CC,p,139) – « stakhanoviste » (IC,p,230) – « marteler » (IC,p,230) – « pour déconstruire le récit de la République Coloniale » (RC, V) – « le révisionnisme colonial actuel » (RC,p,36) - « l’impensé colonial » (RC,p,150) – « ce qui signifie que la pensée républicaine n’est pas ontologiquement coloniale » (RC,p,104) – « une société de l’antimémoire coloniale » (RC,p,147) - « la déconstruction des impensés » (FC,p,182) – « érotisation et prédation sexuelle » (FC,p,200) – « à la mémoire du sang qui a abreuvé les villages algériens » (FC,p,236).
Quelques autres mots savants ou pédants, et décidément abstrus !
Quelques perles tout d’abord ! « richesses (Chrématistique) », « formes excessives de jouissance (pléonexia) » (FC,p,143) « les aspects les plus galliques » (FC,p,148) « le vacillement sémantique du mot jeune » (FC,p,280).
Il y a de quoi effectivement vaciller !
Dans la description historique supposée de l’époque coloniale : « un espace désormais quadrillé, contrôlé, normé (CC,p,179)- « l’idéal type de l’anthropophage (CC,p,149) – « la majorité des Français ont connu… à travers le prisme déformant de cette iconographie – il semble que ces images soient devenues des réalités… pour une majorité de Français qui ne doutent pas de leur véracité » (C,p,15, Introduction Blanchard Chatelier) – « la torture : elle fut consubstantielle de la colonisation dès ses origines » (RC,p,155) – « sur des dispositifs d’animalisation et de bestialisation de l’autre (FC,p,141) – « la perception de l’autre résulte d’un bricolage identitaire où la mémoire fonctionne comme filtre » (FC,p,233)
Comprenne qui pourra un langage aussi obscur ! Mais s’agit-il encore d’histoire ?
L’ambition du trio d’historiens : « il est temps de décoloniser les images » (IC,p,8) – « et de déconstruire » (RC,p,9)
Le résultat de la colonisation : « elle a fait rêver cinq générations de Français » (RC,p,11) – « il faut sortir de l’idée prégnante forgée par l’iconographie (IC,p,227) – « comment construire une mémoire ? » (RC,p,140) – « une réécriture de cette histoire tronquée pour rendre compatible l’incorporation de la mémoire à l’imaginaire social » (RC,p,153) – « la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps » (FC,p,200)
Ou Satan es-tu là ?
« –Dans la partition sexuée de l’indigénisation contemporaine. » (FC,p,204).
Tentons à présent d’entrer dans le corps du sujet, c’est-à-dire de plonger dans le « bain colonial » critique.
Jean Pierre Renaud (JPR) Tous droits réservés (TDR)
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Quelques exemples de critique historique, avant d’aborder le thème principal de la propagande coloniale.
1 – Les livres de la jeunesse – Un sujet capital pour qui apprécie à sa juste valeur le formatage intellectuel qui peut en résulter, un formatage dont les « hussards noirs » de la Troisième République avaient fort bien compris le sens et l’importance.
Les chercheurs de ce collectif développent à ce sujet un discours tonitruant qui tendrait à démontrer que l’école laïque de Jules Ferry aurait réussi à modeler l’imaginaire « colonial » des jeunes cerveaux au cours de la Troisième République :
« Modeler l’esprit des écoliers. Les textes et plus encore les images des manuels scolaires de la 3ème République ont modelé l’esprit de plusieurs générations d’écoliers. » (CC/94)
Seul problème, les travaux du Colloque savant ne permettaient pas d’en tirer une conséquence aussi simpliste, comme l’historien bien connu Gilbert Meynier le notait lors de ce colloque :
« L’organisation de la propagande : en fait, sur un échantillon de quatre-vingt-sept manuels d’histoire, la part des colonies reste très modeste si elle ne régresse pas, comme l’a montré Patrick Haus (Mémoire de maîtrise, Nancy, 1990)-(IC, p,113)
« Le même historien joignait à la page 124 une annexe 2 intitulée : « Pourcentage de la place des colonies dans les manuels d’histoire ». Les chiffres concordent avec ceux d’une étude faite par MM. Carlier et Pédroncini.
Ces derniers auteurs avaient calculé que ce thème représentait quelques pour cents au cours de la période 1870-1940, dans l’enseignement primaire, supérieur, et secondaire.
Dans les pas de l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, le même collectif faisait un sort au Petit Lavisse, le petit livre scolaire bien connu, mais les espaces consacrés au colonial, en textes comme en vignettes, représentaient dans l’édition de l’année 1930 moins de 5% sur un total de 182 pages : une culture coloniale à 5% ?
Dans un article intitulé « Les colonies devant l’opinion publique française », paru dans la Revue Française d’Outre-Mer, numéro 286, l’historien Charles Robert Ageron écrivait en 1990 :
« L’étude des colonies avait certes déjà sa place dans l’enseignement, mais une place bien minime… Elle ne l’était pas à coup sûr pour forger cette mentalité coloniale ou impériale que souhaitaient les apôtres de l’idée coloniale »
Il serait tout à fait intéressant d’avoir le même type de statistique des livres patronnés par Sandrine Lemaire, et de mesurer les effets d’une déconstruction coloniale supposée. (Chap I, p, 31 à 63- Sup Col.)
2 – Le cinéma colonial - Le cinéma colonial a-t-il bien existé et quelle place a-t-il occupée dans l’agenda du cinéma français de l’époque coloniale ?
« Leur discours :
Sous le titre « Rêver, l’impossible tentation du cinéma colonial » dans le livre Culture Coloniale, et dans la partie consacrée à la fixation d’une appartenance (après 1914) le critique de cinéma Barlet et l’historien Blanchard, en décrivant la situation du cinéma, écrivent :
« En s’inscrivant dans la construction d’une identité nationale, le cinéma colonial a de toute évidence puissamment contribué à la conceptualisation d’un imaginaire en permanente évolution et encore à l’œuvre dans la France contemporaine. Il a surtout touché un vaste public qui, avec ces westerns coloniaux, va découvrir un monde, une épopée, un espace de conquêtes in connu. Une sorte d’initiation à la France coloniale, ludique et romanesque, où les rôles entre les « gentils » administrateurs, colons, médecins, missionnaires, légionnaires… et les « méchants indigènes » rebelles, fanatiques religieux… sont parfaitement répartis. » (CC, p, 122)
J’ai souligné les expressions grandiloquentes ou trompeuses : « construction d’une identité nationale » : rien que ça !
« Conceptualisation d’un imaginaire » dans ce cinéma colonial tout à fait limité en productions dans le temps et des espaces visités ?
« Vaste public », alors que les deux auteurs se sont bien gardés de donner quelques chiffres documentés sur les films « coloniaux », en distinguant les époques, leur champ géographique, Maghreb ou Afrique, ainsi que les chiffres d’entrées de spectateurs qui ont pu être enregistrés dans les cinémas de l’époque.
Plus loin, les mêmes auteurs écrivent : « La rhétorique du cinéma colonial découle d’un code proprement manichéen. » (CC,p,124)
Plus loin encore : « Les schèmes coloniaux se déploient souterrainement dans les consciences, s’ancrent en silence dans les mentalités. « (CC,p,183)
Rien que cela ! Nous y voilà ! Le ça colonial !
Ce qui n’empêchait pas le même historien, en 2005 de déclarer en toute cohérence intellectuelle et « sans doute » historique :
A l’occasion du Cycle « Colonies » au Forum des Images, l’historien Blanchard a eu l’occasion de s’exprimer sur le cinéma colonial. Il y déclarait le 13 avril 2005 :
« Toutefois il est certain que cette production est en marge du cinéma français, comme porteuse d’une malédiction en rapport avec le contexte de l’époque. Elle est donc peu diffusée, cachée, et même en grande partie « oubliée ».
Le lecteur aura noté « oubliée », adjectif qui figurait dans le livre Boulanger. »
Pierre Boulanger avait publié un livre fort bien documenté sur ce sujet, intitulé « Le cinéma colonial de l’Atlantide à Lawrence d’Arabie » (1975).
Les lecteurs intéressés pourront consulter les pages que j’ai consacrées à cette critique que je concluais ainsi :
« Et en conclusion, une grave insuffisance de chiffrage des pellicules et de leur audience comparative ! A croire que la nouvelle école de chercheurs est fâchée avec la statistique ! Absence complète d’évaluation de l’écho presse, ou radio à partir de 1935, que ces films ont reçu à chacune des périodes considérées ! » (Chapitre V, page 142, Sup Col)
Et à partir d’un corpus très modeste, avant tout maghrébin, des affirmations et conclusions dont le lecteur pourra apprécier la pertinence, l’audace, sinon la mystification.
Cette école de chercheurs a encore beaucoup de chemin à parcourir pour démontrer, et dans la rigueur de la recherche historique et du raisonnement, que le cinéma a été « un acteur de premier plan du mythe en construction de la culture coloniale en France ». »
Jean Pierre Renaud Tous droits réservés