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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 15:27

 

 

 

 

 

 

 

 

Supercherie colonialE

 

 

 

Ouvrages édités par l’auteur

 

Paris, un Etat dans l'Etat ; L’Harmattan (1993)

La Méthode Chirac ; Editions JPR (1996)

Chemins obliques Editions JPR (1998)

Guerre d'Algérie-1958-1959-1960

Vallée de la Soummam Editions JPR (2000)

Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large – Rôle de la communication et des communications au cours des conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1900 Editions JPR (2006) (Prix Bernard de l'Académie des Sciences d'Outre Mer)

 

 

 

De l’histoire

« L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout...

« Dans l’état actuel du monde, le danger de se laisser séduire à l’Histoire est plus grand que jamais il ne fut. »

Regards sur le monde actuel
Paul Valéry

Critique historique

« L’esprit critique c’est la propreté de l’intelligence. Le premier devoir, c’est de se laver. »

Marc Bloch
1914

 

Préface imaginaire
d’un ancien diplomate, très bon
connaisseur de l’histoire coloniale

Je devais à notre vieille amitié de lire les pages que tu m’as confiées, crayon en main. Tu as eu le mérite, le courage et, peut-être l’imprudence, de lire toutes les pages de tous ces livres, dont la plupart sont remplis d’erreurs, d’inepties, d’obscurités, de sottises, un véritable sottisier colonial.

Les extraits que tu m’en as donné à lire m’ont largement suffi. Sur un certain plan, j’admire les lecteurs, car il y en a eu quelques uns qui ont été capables de s’infliger cette punition de lecture.

Mais comme je te l’ai répété, les histoires qu’ils racontent n’intéressent pas les historiens sérieux. L’exercice critique auquel tu te livres, documenté et convaincant, fusse avec l’ironie ou l’humour dont, heureusement, tu as su égayer le commentaire – et la matière ne s’y prêtait pas toujours – n’intéressera pas grand monde. Tu ne trouveras aucun éditeur qui prendra le risque d’aller contre une mode qui semble plaire. La plupart d’entre eux font du surf médiatique sur le marché de l’indigène.

Ton commentaire sur l’affiche du parfum Saint-Laurent m’a beaucoup amusé, et celui sur le grain de riz de l’Indochine, beaucoup intéressé.

Le concept nouveau de l’historien entrepreneur, lequel déploie sa science sur le marché de la mémoire, contre monnaie sonnante et trébuchante, ouvre à ce sujet de vastes horizons, à donner le vertige historique.

De toutes les façons, l’histoire a toujours été engagée, même celle des historiens sérieux, les vrais. et même lorsque ces derniers ont tenté de faire prévaloir une vérité, la vérité historique. A la grande différence toutefois de ton collectif de chercheurs qui se sont affranchis de toutes les prudences méthodologiques de la discipline. Leur travail est plus le résultat d’une réflexion idéologique, d’un bourrage de crâne, que d’un salutaire exercice du doute.

Qui sait ? En dépit de la mode et du marketing médiatique de ces nouveaux historiens entrepreneurs et de leurs éditeurs, leur histoire finira bien par mourir d’inanition, faute d’avoir fourni de véritables aliments, solides, qui tiennent au corps, pour soutenir des thèses complètement farfelues.

 

En prologue

Depuis dix à quinze ans, des chercheurs, historiens, politologues ou sociologues ont commencé à s’intéresser aux images des anciennes colonies françaises, et tenté de les interpréter avec plus ou moins de succès, c’est selon, et pas toujours dans la chronologie de leur contexte historique, qu’il s’agisse de cartes postales, de gravures, de photos, d’affiches, ou de films.

Tant et si bien que depuis quelques années, une triade de jeunes historiens, animateurs d’un mouvement. une école de recherche [1], un collectif de chercheurs, ainsi qu’ils se nomment, déploie une grande énergie de plume pour exposer la thèse, précisément à partir d’images coloniales, mais aussi de textes, d’après laquelle la France aurait baigné dans une culture coloniale, tout au long des années 1870 à 1962, avec une acmé (sic) à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931. Les archétypes (sic) de cette culture coloniale et de sa mémoire conduiraient les Français à reproduire, aujourd’hui et sans le savoir, des comportements coloniaux dans leur vie civile et publique. Autre affirmation de la triade : notre passé colonial expliquerait donc la crise des banlieues et la présence de nouveaux indigènes de la République Française.

La cause est donc sérieuse, et il s’agit de l’instruire sérieusement, puisqu’elle prétend donner une lecture authentique, sinon scientifique de notre histoire coloniale et nationale, et y trouver les raisons des rapports difficiles pouvant exister entre Français de souche et Français immigrés.

D’autant plus sérieuse qu’elle nourrit un débat et des controverses dans une partie de l’opinion publique.

Avant donc d’aller au cœur du sujet et d’analyser le contenu de cette thèse et, par un détour de pensée utile, il nous faut mettre en garde le lecteur sur la grande difficulté qu’il y a à interpréter une image, quelle qu’elle soit. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, sur le plan technique, mais donnons ici quatre exemples.

 

Le premier est celui des images montrées à l’occasion de l’émission d’Arrêt sur Images du 19 novembre 2006. Celles superbes, d’énormes icebergs en goguette au large des côtes de la Nouvelle Zélande. Selon les uns, leur présence illustrerait le phénomène de réchauffement climatique, et selon les autres, elle ne constituerait pour le moment qu’une hypothèse de travail. Alors que ces images récentes se situaient dans un contexte précis. avec date et lieux, et qu’elles faisaient l’objet d’un examen pluraliste et critique.

 

Deuxième exemple, celui d’un film d’amateurs tourné avant la deuxième guerre mondiale en Afrique Occidentale, par des représentants d’une grande marque d’apéritif. Projection faite à l’occasion d’un festival sur des images des colonies organisé en 2005 au Forum des Images à Paris. On les voyait en train de faire leur pub à proximité d’un village, distribuant des objets publicitaires, et faisant signe à des africaines de venir à leur rencontre. Un présentateur savant commentait la scène en disant : « ils convoquent les femmes » – nous sommes donc bien dans une situation coloniale de domination – alors que la chose n’était pas très différente de ce que l’on voit de nos jours, tout au long du Tour de France et de ce que je connaissais aussi de l’Afrique.

 

Troisième exemple et, ce dernier beaucoup plus élaboré, parce qu’il a l’avantage de poser le problème de la lecture et de l’interprétation techniques d’une image, avec la mise en jeu de codes qu’il faut connaître avant de se prononcer. L’anthropologue anglais, Nigel Barley, notait au cours de sa mission du Nord Cameroun des années 1980 [2], que la population Dowayo qu’il étudiait, n’arrivait pas à identifier et à comprendre une photographie : « On oublie trop souvent que les gens qui n’ont jamais vu de photos doivent commencer par apprendre à les déchiffrer. »

Martine Joly, sémiologue distinguée, ne dit pas autre chose, quand elle écrit [3] « qu’il y a un âge au-delà duquel, si on n’a pas été initié à lire et à comprendre des images, cela devient impossible ».

Notre triade de jeunes historiens a naturellement dépassé le stade des Dowayo, en tout cas je l’espère, mais elle est confrontée au même type de difficulté que connaissent parfaitement les sémiologues, dont c’est précisément le métier. Et se pose donc la question de savoir comment ils ont réussi à lever la difficulté.

Surtout ne faisons pas revivre la fameuse Querelle des Images (du IV au VIIe siècle), comme certains tentent de le faire, laquelle opposait les iconophiles et les iconoclastes qui se disputaient sur la nature divine ou non de l’image.

 

Quatrième exemple. celui d’une photographie (page 55) illustrant un article signé Jean-Pierre Chrétien, paru dans le numéro spécial n°302 d’octobre 2005 de la revue L’Histoire [4]. La légende du cliché était la suivante : « Un colon entouré de sa garde personnelle dans le comptoir de Grabo [5], au début du XXe siècle. L’image parait aujourd’hui caricaturale du maître blanc et de ses serviteurs noirs ».

Nous avons interrogé la rédaction de la revue pour nous confirmer l’exactitude de la légende, étant donné que notre interprétation était plutôt celle d’une photo de chef de poste colonial officiel, compte tenu de son uniforme et de ses galons, entouré de ses gardes-cercle. Après beaucoup de difficultés, nous avons enfin obtenu la réponse suivante : « Nous nous basons pour rédiger les légendes des images que nous publions sur les indications que nous fournissent les agences qui font le plus souvent très bien leur travail. Si celles-ci cependant sont fautives, nous n’avons malheureusement, le plus souvent, aucun moyen, de l‘anticiper ».

Dont acte, mais c’est peut être un bon exemple de la difficulté qu’il peut y avoir à donner son sens à une photographie.

Alors, me direz-vous, vous vous êtes bien éloigné de votre sujet, et je vous répondrai que non dans l’exposé qui suit, étant donné que la thèse historique, sinon idéologique, qu’ils ont développée dans une série de livres qu’ils ont publiés s’appuie constamment sur l’interprétation qu’ils font des images coloniales, et quelquefois des discours qui les accompagnent, et rarement de leur contexte historique.

Bonne ou mauvaise interprétation des images coloniales qui constituent les sources de leur discours, ce qui veut dire respect de la source ou captage de la même source ? Bonne ou mauvaise interprétation des sources écrites, lorsqu’elles ont été utilisées dans la démonstration historique ?

 

En avant-scène postcoloniale

Et, sur les pas du célèbre Montesquieu,
Comment peut-on être Malgache
à Paris au XXIe siècle ?

De Jérôme Harivel, Cité Universitaire Internationale, à Paris, à sa chère et tendre Vola, restée à Faravohitra, à Antatananarivo,

Octobre 2001 – Comme tu le sais, à l’occasion du match. Algérie-France, dans ce magnifique stade de France, (quand en aurons-nous un aussi beau dans notre belle capitale ?) une partie du public a sifflé l’hymne national des Français. Tu vois le scandale ! Je n’y étais pas, car tu connais l’amour très modéré que je porte au sport. Cela m’a beaucoup étonné, moi qui croyais que l’Algérie était indépendante depuis 1962. La France était-elle devenue, à son tour, la colonie de l’Algérie ?

Septembre 2003 –- Des amis français m’avaient convié à une soirée à la campagne, une campagne toute verte comme tu l’aimerais, près du Mans. A un moment donné, un des convives se mit à évoquer des livres récents qui traitaient de l’histoire coloniale de la France. Tu sais que les Français ne s’y intéressent pas beaucoup, mis à part la guerre d’Algérie, qui a laissé des traces profondes dans beaucoup de familles françaises.

Je ne m’estimais pas vraiment concerné, lorsque j’entendis ce convive parler de bain colonial, et aussitôt je fis une association d’idées avec notre grande fête du bain de la Reine, notre fandroana mais il ne s’agissait pas de cela. C’était bien dommage, car la cérémonie du bain revêtait une grande importance dans notre monarchie. Beaucoup de faste, une grande foule, le bain de Ranavalona III derrière le rideau rouge, la couleur sacrée, avec ce petit grain de folie religieuse qui mettait du sel dans le rituel sacré du bain, l’aspersion de la foule venue entendre le kabary de la reine et assister à son bain caché, avec l’eau qui avait servie au bain de la reine, une eau naturellement sacrée. Une lointaine parenté sans doute avec l’eau bénite, sans vouloir blasphémer le rite catholique !

Février 2005 – Un de mes bons amis malgaches m’a entraîné au Forum des Images de la Ville de Paris pour assister à une des séances du festival des films coloniaux qui y avait lieu.

Deux personnes commentaient ces documents, un belge, je crois, et un universitaire africain dont j’ignorais le nom. Pour nous mettre sans doute dans l’ambiance idéologique de cette séance, le présentateur belge avait distribué une note de présentation dans laquelle il énonçait quelques fortes vérités, je cite :

« C’est au nom de la légitimité coloniale que l’on filme les femmes au torse nu... c’est la relation d’assujettissement du colonisé au colon. C’est la violence légale. naturelle de l’ordre colonial qui apparaît lorsque l’on regarde ces images... on perçoit régulièrement les signes d’un déni d’humanité accordé à l’indigène dont le filmeur (sic) d’alors n’avait pas conscience ».

On nous a projeté plusieurs films d’amateurs de qualité tout à fait inégale. L’un d’entre eux a attiré mon attention, parce qu’il avait été tourné chez nous, par un Vazaha (un Blanc) sans doute riche, car il le fallait pour disposer d’une caméra. A un moment donné, on voyait une femme blanche assise dans un filanzana, notre fameuse chaise à porteurs. portée donc par quatre bourjanes, et le commentateur de souligner doctement, et une fois de plus, que cette image était un autre symbole du colonialisme en action.

A la fin de la projection, un Vazaha s’est levé et a pris la parole pour expliquer à la salle que tous les gens riches de Madagascar, nobles, hauts fonctionnaires militaires ou civils, marchands fortunés recouraient habituellement à ce mode de transport à une époque où il n’y avait aucune route dans l’île, et donc aucun véhicule à roues. Je me suis bien gardé d’intervenir, mais l’échange m’a bien amusé.

Que dire encore à ce sujet sur les pousse-pousse qui existent encore en Asie et sur notre belle île !

Mai 2005 – Un grand débat agite les médias et le microcosme politique, sur l’esclavage et le rôle positif de la colonisation française. Des députés, toutes tendances confondues, de droite et de gauche, ont eu la foutue bonne idée de faire reconnaître par la loi le rôle positif de la colonisation. Grand chahut chez les historiens et au sein des associations qui ont l’ambition de défendre la cause des populations immigrées. notamment de celles qui ont publié un appel d’après lequel, leurs ressortissants seraient les Indigènes de la république.

Prudence de notre côté étant donné le passé de notre grande île et de l’abolition relativement récente de notre esclavage. Certains de nos lettrés ne disent-ils pas que les descendants des andevos, nos anciens esclaves, portent encore dans leur tête leur passé d’esclave, avec la complicité des descendants de leurs anciens propriétaires d’esclaves. Nous sommes d’ailleurs bien placés à Madagascar pour savoir que la traite des esclaves s’est prolongée longtemps en Afrique de l’Est, dans l’Océan Indien, et dans le Golfe Persique, avec les traditionnels trafics arabes d’esclaves.

Je te signale d’ailleurs qu’une historienne de La Réunion prend des positions hardies dans ce difficile débat.

Je recommanderais volontiers la même prudence aux descendants des grands royaumes négriers de l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

Novembre 2005 – En France, la mode est aujourd’hui à la repentance. Les Français adorent ça et se complaisent dans leurs défaites militaires qu’ils célèbrent avec une joie masochiste. Le président Bouteflika somme la France de se repentir, alors que la guerre d’Algérie a été un affrontement de violences des deux côtés, et que l’Algérie indépendante sort à peine d’une guerre civile cruelle.

Dans toute cette affaire, plus personne ne comprend plus rien à rien, entre ce qui relève de la mémoire et ce qui relève de l’histoire ! Je me demande si certains historiens ne s’intéressent pas plus à la mémoire qu’à l’histoire.

 

Octobre 2006 – Tu vois, l’Algérie est toujours au cœur du problème français, et certains historiens ont du mal à travailler sur l’histoire coloniale sans être obsédés par l’Algérie, toujours l’Algérie, qui parait d’ailleurs de plus en plus présente en France, plus de quarante ans après son indépendance. Un politologue, d’une espèce difficile à définir, a commis un livre, ou plutôt un crime contre la raison, en énonçant le postulat qui voudrait que coloniser, c’est exterminer, et bien sûr en raisonnant sur l’Algérie. Ce politologue s’est fait ramasser dans les grandes largeurs par deux éminents historiens de l’Algérie.

Ce mois-ci, Blois a accueilli le 9ème Rendez-vous de l’Histoire. A l’occasion d’un Café Littéraire, tu te souviens du rôle des cafés dans l’histoire littéraire parisienne, un dialogue musclé s’est engagé entre le principal prosélyte d’une nouvelle histoire coloniale et l’auteur d’un livre intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale, précisément dans le cas de l’Algérie. Le prosélyte de lui lancer : « Vous êtes un historien révisionniste, ça vous fait fliper » (sic). Je me serais bien gardé d’intervenir dans ce débat : il n’y a pas si longtemps, notre grand Amiral marxiste. dictateur et chef de l’état, aurait brandi aussi facilement ce type d’accusation.

 

 

[1] La République Coloniale p. 11

[2] Nigel : Un anthropologue en déroute ; Barley 1992.

[3] Martine Joly : Introduction à l’analyse de l’image, 2005.

[4] Conseiller de la direction : Jean-Noël Jeanneney.

[5] Côte d’Ivoire.

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 10:24

 

Conclusion

Le vrai du faux ou les biais et détournements historiques d’interprétation des images coloniales ?

Les « manipulations historiques » ?

A la lecture des discours des deux historiens Blanchard et Bancel, pourquoi ne ferais-je pas part d’un aveu, celui de l’impression que je ressens en permanence, celle du souvenir lointain de mes études, en particulier celui des lectures de  Pascal sur les fausses sciences, tout autant que celui de la discipline intellectuelle de mon ancien métier, car sous couleur d’affirmations gratuites, quelquefois de doute, leur prose avance masquée ?

Le débat de fond : s’agit-il d’histoire des idées ou d’histoire quantitative ?

Il s’agit d’un thème historique que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur ce blog notamment à deux occasions, l’analyse du livre de Sophie Dulucq « Ecrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale », et auparavant, des livres d’Edward Said « L’Orientalisme », « Culture et Impérialisme », notamment avec le concept séduisant de « structures d’attitudes et de références ».

Dans l’histoire coloniale, Jacques Marseille avait fait faire un bond de méthode historique dans ce domaine avec les livres qu’il avait publiés sur l’impérialisme français et ses résultats, et ici même Charles-Robert Ageron a introduit la mesure des premiers sondages d’opinion dans ses analyses.

Le problème que posent à la fois les Actes du Colloque de janvier 1993 et ce livre est que leurs animateurs posent comme principe de leurs analyses et discours, un concept de postulat d’échantillon représentatif dont on ne connait ni la méthode ni les résultats : à cette lecture, on en retire évidemment l’impression qu’on « joue » avec les chiffres, car il y en a, mais sans que l’on puisse les considérer le plus souvent comme des sources d’accréditation.

Au Colloque lui-même, deux historiennes réputées et un historien également réputé, bons connaisseurs de l’histoire algérienne et coloniale, ont avancé  comme clé d’interprétation historique « l’inconscient collectif » ;

Dans de telles conditions, un doute sérieux plane sur le caractère historique et scientifique de ces démonstrations, d’autant plus que les animateurs de l’Achac ont proposé, comme argent historique comptant des interprétations qui se sont écartées du contenu des communications publiées

 

Ecarts ou biais d’interprétation

Le cas des Actes du Colloque de janvier 1993

Afin  de pouvoir apprécier la cohérence « scientifique », ou en tout cas statistique ou historique, des discours de propagande postcoloniale du modèle de propagande Blanchard end Co dans les nombreux livres qu’ils ont publiés quelques années après ce Colloque de 1993, et la publication du livre « Images et Colonies », il n’est pas inutile de rappeler en effet que dès la publication des Actes du Colloque et celle de ce livre, les animateurs de l’Achac avaient pris quelques libertés  d’écriture dans la présentation et l’interprétation de ces travaux.

Si le lecteur a pris la peine de prendre connaissance de la sorte d’inventaire que nous lui avons proposé pour la lecture de ce livre, comme de celle des Actes du Colloque de 1993, il a  pu se rendre compte que le rôle prêté à une propagande anémique ne pouvait suffire à démontrer  qu’elle avait marqué, réussi à imprégner le fameux « imaginaire » des Français et des Françaises, à la fois pendant la période coloniale et de nos jours.

Il faut ouvrir ce débat sur le fameux « imaginaire » cher à Benjamin Stora, entre autres, que personne n’a eu le courage de mesurer, s’il est possible de le mesurer, mais pourquoi pas ?

J’attends toujours qu’on nous propose une analyse scientifique et statistique de notre imaginaire colonial et de notre mémoire coloniale, tout autant que de notre ça colonial, « l’inconscient collectif ».

Revenons aux textes qui caractérisent les écarts entre la présentation et les contenus:

Dans leur introduction des Actes du Colloque de 1993, Pascal Blanchard et Armelle Chatelier, distribuaient déjà quelques-unes de leurs cartes.

Citons quelques-unes de leurs assertions - j’ai souligné quelques mots  qui ne reflétaient ni le contenu des communications, ni les conclusions de ce colloque :

L’image ? « Elle fut l’allié puissant du colonialisme - en tant que système et structure idéologique, économique et politique – et fut en France, le miroir dans lequel celui-ci put admirer son œuvre en même temps qu’il l’élaborait… Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images…» (p,12)

Les deux auteurs notent que « L’étude du thème colonial dans la production  iconographique du XX°siècle révèle un volume très important d’images dont l’estimation reste à faire… Nous nous attacherons ici à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion (faux ) et qui, par conséquent (faux), ont été vues par les Français… Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports évoquent un véritable bain colonial »  (p, 13)

.. Ce bain colonial est-il le fruit d’une volonté politique. Comment les images s’inscrivent-elles dans le cadre colonial français ? Comment ont elles fonctionné jusqu’aux indépendances ? En quoi ont elles contribué à fabriquer une certaine représentation de l’ « indigène » ou pour la période actuelle, de l’« immigré… » ?

Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne doutent pas de leur véracité. » (p,15)

Nous y voilà ! J’ai envie de dire, Maréchal nous voilà ! Comme dirait un spécialiste de Vichy !

Le cas du livre «  Images et Colonies »

Examinons successivement les biais relevés :

D’entrée de jeu, les animateurs du binôme Achac-BDM posent leurs jalons idéologiques, avec le but évident d’orienter la lecture des contributions savantes qui y figurent dans le sens souhaité.

1 - Au dos de la couverture, une présentation générale :

« Trente ans après les indépendances, cet ouvrage fait le bilan de l’histoire coloniale de la France à travers l’extraordinaire diversité de l’iconographie produite de la fin du XIX°siècle aux années 60…

Rien que cela ? Le bilan de l’histoire coloniale de la France ?

Ces images ont profondément marqué les mentalités et forgé la conscience coloniale des Français. Dès les années 20, s’organise une véritable propagande sur l’Empire : convaincre les Français du bien-fondé de la mission civilisatrice, comme lors des fastes de l’Exposition coloniale en 1931, ou magnifier le goût du raid Citroën, deviennent une priorité. L’Afrique fut essentiellement connue durant ces années à travers ces images. Les découvrir aujourd’hui, permet de réfléchir sur les rapports complexes que l’Occident entretient avec ce continent. »

A la lecture attentive de cet ouvrage intéressant, il est difficile d’entériner le propos que j’ai souligné.

Autre exemple d’écriture « historique » biaisée à la page 8, sous la signature de Pascal Blanchard, sous le titre qu’appréciera sans doute tout historien qui se respecte :

2 - AVANT

« IL EST TEMPS DE DECOLONISER LES IMAGES » (page 8)

« Pour aborder cette question nous avons travaillé sur les images vues par un large public français à l’époque coloniale de la fin du XIXème siècle aux indépendances et qui s’immisçaient dans la vie sociale d’alors… Des images qui entretenaient un rapport étrange entre la fiction, la symbolique et le réel, et devenaient à force de diffusion et de matraquage, un message de propagande capable de séduire un large public. Dans la continuité des écrits de Gustave Le Bon et de sa « Psychologie des foules », les propagandistes d’alors ont largement repris son slogan : « La foule pense par l’image ».

Le nouveau roman postcolonial enchaîne : « la négation de l’autre »… le « héros blanc ». Aujourd’hui encore, ces images restent présentes dans la production iconographique. Il faut donc s’attacher à mieux connaître ces images d’hier et décoder leur pouvoir de séduction et de conviction, pour appréhender différemment les représentations actuelles de l’Afrique et des Africains….

En effet, la majorité des métropolitains ont connu le fait colonial et les Africains à travers le prisme déformant de cette iconographie…

Des images du passé qui interpellent aujourd’hui notre conscience et qui soulignent explicitement comment les Français ont pu être séduits et/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande…

Mais notre réflexion ne porte pas uniquement sur le passé. Née d’une interrogation sur le présent, elle passe par l’analyse de représentations anciennes pour comprendre des phénomènes contemporains…

Et grâce à ce tour de passe-passe, à des cartes biseautées, le nouveau roman postcolonial mêle habilement fausse science et interrogation de frère prêcheur !

3 - INTRODUCTION

Nicolas Bancel Laurent Gervereau (page 10)

« Douze mille images sélectionnées ont permis une clarification méthodique des thèmes et des supports, étape indispensable pour dresser une histoire des représentations coloniales… (page 10)

… ce travail permet de souligner le passage entre des images « spontanées » sur l’Afrique, à l’ère de la colonisation et des explorations, et une véritable propagande organisée après la Première Guerre  mondiale…

… Sans chercher, ni à perpétuer une quelconque nostalgie, ni à dresser un simple procès de la colonisation, nous souhaitons que ces réflexions, ces rappels historiques, et ces décryptages d’ensembles iconographiques, permettent au-delà des outrances, une meilleure compréhension de chacun. Dans cette perspective, il nous semble plus que jamais indispensable de poursuivre ces recherches, afin de défricher le large champ des questions qui s’est ouvert devant nous. »

Commentaire : le contenu de cette introduction dénote incontestablement avec celui de la page 8 sous deux réserves méthodologiques liées au premier postulat d’une propagande coloniale organisée, et au deuxième postulat d’un décryptage des « signes » qui puisse accompagner l’analyse historique.

Conclusion générale :

1) Les synthèses de présentation proposées ne correspondent pas au contenu des deux sources citées,

2) Les contenus des deux sources citées correspondent à un échantillon supposé représentatif dont on ignore la méthode d’élaboration, sur la base de chiffres et de données variables et mal établis,

3) A supposer même que cet échantillon soit effectivement représentatif, l’analyse des contenus et des statistiques d’évaluation des vecteurs de propagande et de leurs effets ne permettent pas de conclure à la pertinence des discours pseudo historiques de ce modèle de propagande.

Cette analyse montre donc qu’en raison, soit de la carence des sources consultées et des évaluations faites, soit des biais  d’interprétation historique relevés, il existe à l’évidence un soupçon grave et concordant de manipulation historique, c’est-à-dire de propagande postcoloniale !

Jean Pierre Renaud          Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 10:12

 

V - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

IV L’enjeu impérial 1940-1944 (p, 184 à 218)

34 pages et 60 images

Avant-propos

            Il est Inutile de rappeler qu’à partir de l’année 1940, la France était entrée dans un autre monde historique, celui d’une France occupée, sous le joug de la propagande d’une dictature allemande.

Le concept d’Empire, de même que le qualificatif d’ «impérial » utilisé par les deux historiens Blanchard et Bancel ont un caractère ambigu. 

Il convient de rappeler aussi que les deux mêmes historiens, chevilles ouvrières de la collecte, du choix,  et de l’interprétation des images coloniales sont les auteurs ou co-auteurs, hors présentation ou conclusion,  de 28% des pages, et de 25% des images de ce livre.

Pascal Blanchard Gilles Boëtsch – «  La Révolution Impériale Apothéose coloniale et idéologie raciale » (p,186 à 214 – 34 pages et 60 images)

Le lecteur a sans doute été surpris de lire sous la plume d’un historien le mot « apothéose », synonyme de déification, ou de triomphe, alors que la France était sous la botte allemande.

Indiquons par ailleurs que la thèse de l’auteur a porté en grande partie sur cette période et sur l’extrême droite française, en privilégiant le cadre géographique et historique de la France du sud-est.

Il est dommage que l’historien qui avait alors commencé à défricher le domaine de la presse, le seul vecteur où il était relativement facile de dénombrer les effets de la propagande coloniale, n’ait pas orienté les recherches ultérieures de son collectif sur ce domaine d’évaluation capital.

Pour avoir consulté sa thèse et analysé le texte actuel, il est évident que le collectif de chercheurs devait aller plus loin dans cette direction, c’est-à-dire procéder à un travail approfondi d’évaluation des tirages comparatifs des journaux, des pages consacrées aux thèmes coloniaux, en termes de surface ou de colonnes, avec  leur chronologie.

« L’Empire à la croisée des destins » (p187)

« C’est bien à un véritable contrôle de l’image, directement organisé par l’Etat, que nous assistons sous Vichy… Très vite l’actualité coloniale s’est imposée dans  l’imaginaire des français d’alors… (p,188)

Et plus loin : « …Avant de porter un jugement sur la réalité d’une politique coloniale cohérente de Vichy, il faut se  souvenir que l’Empire et ses 60 millions d’habitants ne sont restés sous l’autorité de l’Etat français que trente mois.. » (p,189)

Ah bon ? Et sans compter les bouleversements crées par la défaite et l’exode de 1940 ?

Les supports de la propagande d’Empire (p,189)

Apologie impériale dans la presse et sur les ondes radiophoniques

… « Entre 1940 et 1944, la presse va largement promouvoir le discours sur l’Empire du nouveau régime, avec de nombreuses rubriques coloniales, régulières ou épisodiques, plus nombreuses qu’avant-guerre (voir l’encart sur « La presse et l’Empire ) » (p, 191)

« La propagande de Vichy est beaucoup plus volontariste que celle mise en place sous la République de l’entre-deux guerres. Nous assistons à un véritable matraquage en France comme dans l’Empire… » (p, 193)

« Matraquage » le mot est-il approprié historiquement ?

« L’idée coloniale sur les écrans français » (p,194)

… «  L’ensemble de cette production entre 1940 et 1944 est sans grand éclat, du moins sur le thème colonial, et le discours officiel est peu présent… »(p,194)

« Entre 1940 et 1944 » ? Dans la continuité historique ?

L’auteur continue son inventaire des vecteurs de propagande, mais sans que l’on soit plus éclairé sur leur importance et leurs effets.

… «  Les apothéoses impériales

De la Semaine à la Quinzaine (p,201)

… Le petit train de l’Empire … Le train exposition colonial fut une manifestation de propagande de grande ampleur organisée par le Secrétariat d’Etat aux Colonies, dans le cadre de la Semaine de la France d’Outre-Mer en 1941, puis de la Quinzaine impériale en 1944. En 1942, il circule de début mai à à fin juillet, s’attachant à toucher en priorité les jeunes (50% de son public). Visité par plus de 122 000 personnes, il dégage près de 350 000 francs de recettes (voir les listes déposées aux Archives Ansom n° 513) » (p, 203)

L’auteur continue à préciser : « Ce périple va durer jusqu’au 27 juin 1944, après trente étapes et 113 000 visiteurs… » (p, 204)

Commentaire : comment ne pas rappeler que la France avait été totalement occupée le 11 novembre 1942, après le débarquement allié d’Alger, que la Bataille de Midway dans le Pacifique avait donné l’avantage aux Etats Unis en juin 1942, que l’armée allemande avait été battue à Stalingrad en février 1943, et qu’un débarquement allié avait eu lieu le 6 juin 1944 ?

Dans quelle type de « bain » historique  sommes-nous  plongés ?

L’auteur souligne ensuite les caractéristiques racistes de la propagande de Vichy, mais que faut-il en tirer, une fois de plus, dans notre débat ?

« Les lendemains de la Révolution impériale

« Pendant ces quatre années dramatiques, l’Empire fut certainement pour les Français un exutoire, un espoir pour l’avenir et une consolation. Puis après cette période de propagande incessante, de lutte pour la plus grande gloire de l’Empire…on retrouve fin 1944, la reprise par la République, d’un discours propagandiste sans réelle rupture quant à la forme avec les années précédentes : l’idée coloniale atteint alors son paroxysme en métropole. Gavés de la loyauté de nos « indigènes »…mais très vite, les Français de métropole retrouvaient leurs sentiments et leur indifférence pour cette Union française qui leur semble bien loin de leurs préoccupations du moment… » (p,210)

Commentaire :  j’ai souligné quelques-uns des mots et expressions qui fleurent bon à la fois l’exagération et la fiction, pour ne pas oser le mot de faux historique. Pourquoi ne pas proposer cet échantillon de texte à de jeunes historiens et historiennes pour un exercice de commentaire  historique critique ?

Pascal Blanchard – « La Presse et l’Empire » (p 215, page unique et zéro image) : Intérêt = ? -  Ex = non – Prop. = non

Un exercice de démonstration méthodologique qui aurait pu être intéressant, en dépit de son absence de signification historique, si l’auteur avait procédé à l’évaluation statistique des effets supposés qu’il décrit.

Il semble difficile d’admettre que des chercheurs  s’évertuent à décrire des effets de propagande littéraire, alors que la presse manque à l’appel comme source d’évaluation précisément des effets de la propagande coloniale.

Eric Deroo – « Les troupes coloniales » (pages 216 à 218 - 6 images) 

Intérêt = oui – Ex=non – Prop.= ? pour l’Union Française ?

Conclusion : pourquoi ne pas souligner que, comme par hasard, la propagande coloniale décrite au cours des deux périodes de guerre 14-18 et 40-44, à la condition sine qua non qu’elle eut l’efficacité décrite, le fut beaucoup plus que celle des trois autres périodes (1880-1919 - 1919-1939 -   1945-1962) ?

Sommes-nous encore dans l’objet historique traité ?

Jean Pierre Renaud    Tous droits réservés

 

VI - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

V – Propagande et décolonisation (page 218)

46 pages et 108 photos

Nicolas Bancel et Ghislaine Mathy « La propagande économique » (pages 221 à 231)  (10 pages - 26 images)

I = ? -  Ex = ? – Prop. = ? De quelle propagande s’agit-il ? Dans la continuité de celle supposée, antérieure à 1939 ?

Commentaire : cette chronique souffre de plusieurs défauts, notamment l’insuffisance d’analyse du cadre juridique et financier d’une période qui n’avait plus rien à voir avec celle de la Troisième République fondée sur le self-suffering des colonies : la France était passée à une conception fondamentalement différente des relations « coloniales», celle de Plans financés par le FIDES, avec les trois clés de financement, subvention, prêt, et avance, la clé subvention se substituant très rapidement aux deux autres clés.

Est-ce que cette sorte de révolution aurait été possible sans le Plan Marshall ?

Traiter d’une propagande sans évaluation des vecteurs et de ses effets dans un exercice d’analyse économique suscite naturellement plus de questions que de réponses.

Les  auteurs écrivent : «  Il est très difficile d’établir un chiffrage précis, à la fois de la diffusion des publications semi-officielles du Ministère et de l’impact de cette iconographie de la presse. L’étude d’un corpus partiel permet d’affirmer que la propagande coloniale étatique a presque entièrement submergé l’iconographie des périodiques non  spécialisés » (p,227)

Comment comprendre la logique de ce langage historique ?

A  la fin de leur texte, les auteurs écrivent :

« Les images sur l’économie du continent africain qui martèlent dans les mémoires françaises son infériorité constituent une des facettes de l’idéologie du progrès. Ces images sont indissociables de ce discours sur la nationalisation de l’économie qui a débouché sur l’expérience de la planification et finit par s’imposer après les indépendances.

Il y a actuellement coexistence entre l’universalité technique du monde  occidental et les particularités culturelles des autres civilisations qui ont aujourd’hui à faire valoir leurs réponses à leur propre devenir. » (p,230, 231)

Comment comprendre le sens de ces expressions écrites par deux auteurs qui, après avoir déroulé un discours historique aussi imprécis que lacunaire, osent utiliser les expressions les « images… qui martèlent dans les mémoires françaises… son infériorité… » ?

Ajouterais-je enfin qu’il m’est arrivé de m’étonner ailleurs sur les caractéristiques statistiques très hypothétiques d’un sondage effectué par le même chercheur auprès d’anciens élèves de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer, afin de nous expliquer doctement, sur la base d’un pourcentage de réponses anodin, que leur recrutement avait été motivé par leur appartenance passée à des mouvements de jeunesse, entre autres sportifs ?

Nous y reviendrons plus loin dans la quatrième partie du mouvement de réflexion , dans notre résumé à propos des sondages, qu’il s’agisse de ce dernier ou de celui de Toulouse effectué en 2005.

 Elisabeth Rabut « Un acteur de la propagande coloniale : l’Agence des Colonies » (p, 232 à 236 – 12 images) : Intérêt = oui – Ex = non – Prop.  =  ?

Commentaire : une analyse précise et synthétique de l’Agence des Colonies, de son historique, son organisation, et ses moyens, avec en finale une interrogation :

« La propagande sous ses diverses formes paraît s’être développée en confondant progressivement objectifs et moyens : selon quelle chronologie ? Sur quels fondements ? Pour quelle image du monde colonial ? » (p, 235)

Bonne question, outre celle relative à la place chronologique de cette analyse dans l’ouvrage ?

Le lecteur trouvera plus loin, dans le quatrième mouvement de notre réflexion, une longue chronique sur la propagande coloniale, telle qu’elle a existé, et non pas comme celle décrite par Sandrine Lemaire dans les ouvrages de ce collectif.

Jean Barthelemi Debost « La publicité” (page 236 à 240 – 13 images)   :

Intérêt = oui - Ex = ? – Prop.  = ?

Commentaire : sommes-nous encore dans le domaine de la propagande coloniale qu’il s’agisse  de la chronologie ou du fond ?

La sémiologie a-t-elle été mise à contribution ?

Retenons quelques-unes des expressions utilisées : « L’image de l’Africain des vingt-cinq années (c’est-à-dire de 1945 à 1970 ?) qui ont succédé à la Seconde guerre mondiale devient terriblement complexe…On l’a vu, la publicité chérit le stéréotype… » (p,239)

Qu’en conclure ?

Michel Pierre – « L’Afrique en bande dessinée (pages 241 à 245 – 19 images) :  Intérêt = oui –  Ex = oui – Prop. = ?

« Il n’est pas d’aventure coloniale sans production de mythes aux couleurs des rêves, sans jeux de miroir sur la réalité. Dans la formation de cet imaginaire, la bande dessinée ou plutôt les « illustrés » comme on disait autrefois a joué un rôle essentiel même s’il est difficilement mesurable. Mais on devine comment des séries américaines ou européennes, Tarzan, Jim la Jungle, Akim … ont façonné des croyances, encouragé ou suscité des vocations… » (p, 241)

 Youssef El Ftouh et Manuel Pinto « L’Image  de l’Afrique dans le cinéma » (page 246 à 249 – 6 images) : Intérêt = oui – ex = oui – prop. = ?

Deux remarques préalables, le propos couvre la période 1895-1962, et fait concurrence à une autre chronique du même livre.

« Des débuts du cinéma en 1895 à la fin de la période coloniale en 1962, l’Afrique noire et surtout le Maghreb, ont servi de toile de fond et de lieu d’action à plus de 250 films de fiction, des centaines de documentaires, de films d’actualités et de publicités, pour ne citer que la production française….

Car bon nombre de ces représentations perdurent encore tant au niveau des images que de l’imaginaire… Nous vous livrons ici à quelques notes d’un visionnage toujours en cours… » (p,246)

« Esclaves « comiques » et rayés

Les « Africains » faut-il le rappeler ne sont pas les personnages principaux de ces films…(p,247)

En comparaison avec le Maghreb, peu de fictions françaises seront réalisées en Afrique noire, une vingtaine tout au plus… (p,248)

« Civiliser c’est blanchir

En résumé, le cinéma colonial traduit de manière remarquable l’idée d’une France venant « civiliser » un continent de « sauvages » et de « barbares »….(p,249)

Commentaire : plus haut, les auteurs avaient relevé « C’est l’Indien de l’Atlas », une image qui me parait assez bien résumer cette analyse qui soulève maintes questions liées à sa représentativité et à ses effets sur le public, quant à savoir si l’Afrique et l’Africain noir figuraient bien sur ces écrans, et quant au chiffre effectivement faible des films contenant un thème africain, noir ou maghrébin.

Les spécialistes vous citeraient le nom d’un film américain tourné aux Etats-Unis dans un décor marocain.

Benjamin Stora, « Quelques images fixes d’une fin d’Empire » (pages 250 à 264 -  32 + 24 images) : Intérêt = ? – Ex = ? -  Prop. = ?

VI – Autres regards (page 266 à 288)

Les contributions publiées ne manquent pas d’intérêt, mais elles sont éloignées de l’objet principal de l’ouvrage, à savoir la question de savoir s’il y avait bien une propagande coloniale en France, et si oui quels en ont été les moyens et les effets.

L’image d’introduction de la partie VI du livre, le choix d’un dessin du journal satirique  l’Assiette eu Beurre (1902) est déjà tout un symbole : un soldat présente à un officier deux noirs empalés sur une baïonnette.

Le livre « Culture coloniale » a ouvert de la même façon illustrée la « Partie I Imprégnation d’une culture » (1871-1914), page 40.

Cette caricature figue dans la contribution de l’historien Claude Liauzu intitulée « L’iconographie anticolonialiste » (page 266 à 271 – 15 images) –absent au Colloque de 1993.

Ce texte est illustré de nombreuses illustrations de caricatures aussi horribles les unes que les autres, mais l’anticolonialisme n’a jamais été dans notre pays, en tout cas jusque dans les années postérieures à la deuxième guerre mondiale, très vivant.

A titre personnel, j’y verrais plutôt le désintérêt que manifestait une fois de plus l’opinion publique à l’égard des sujets coloniaux, beaucoup plus  qu’une adhésion au colonialisme qu’il fallait combattre : le mot ne fut connu qu’en 1910, comme l’indique le petit livre jaune « Les mots de la colonisation » de Sophie Dulucq, Jean François Klein, Benjamin Stora, page 30 .

« L’image de l’autochtone maghrébin » de Malek Chebel (page 272 à 278 - 16 images) – absent au Colloque de 1993

Un texte au contenu intéressant mais qui pose à nouveau le problème de l’objet même de ce livre, à savoir : regards des Français ou regards des peuples colonisés ?, sauf à dire qu’il s’agit d’une analyse de type rétroactif, étant donné que ces images furent dans la plupart des cas inconnues des peuples colonisés.

« Regard : Images coloniales sur l’Afrique Noire » d’Achille Mbembe (page 280 à 289 – 10 images) – présent au Colloque de 1993

L’historien traite le sujet avec une forme de violence intellectuelle que l’on peut comprendre, en notant toutefois que son propos concerne une partie de l’échantillon d’images coloniales proposé, en acceptant les deux postulats de raisonnement suivants : 1) l’échantillon proposé serait représentatif des situations historiques visées, 2) ces images auraient marqué, par hypothèse, leurs récepteurs français.

Jean Pierre Renaud    Tous droits réservés

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 10:03

« Images et Colonies »

Le livre

 

IV – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies »

&

III – « L’apogée coloniale 1919-1939 » (pages 96 à 184)

88 pages et 215 images

 

Il s’agit évidemment de la période clé à examiner afin de se faire une  opinion sur l’existence ou non de la propagande coloniale, des vecteurs choisis, de leurs effets sur l’opinion publique française, avec tous les problèmes d’évaluation et d’interprétation des images et des textes que cela posait, des problèmes redoutables.

Une conclusion intermédiaire : quelles conclusions tirer de l’examen des deux premières parties, consacrées à la période de « Conquête, exploration, exotisme » et de la première guerre mondiale ? La propagande coloniale n’a jamais inondé la France au point de lui faire prendre un « bain colonial », contrairement à ce qui est raconté dans le livre « Culture coloniale »  « Imprégnation d’une culture (1871-1814) - (pages 41 à 103).

La période 1919-1939 a-t-elle été plus fructueuse pour les chercheurs de l’Achac ? Rien n’est moins sûr, comme nous allons le voir.

Ma première remarque de méthode portera sur l’absence quasi-générale de l’évocation préalable, ne serait-ce que synthétique, du contexte historique national et international des faits décrits.

Il n’est tout de même pas indifférent de rappeler  que cette période a succédé au bain de sang de la première guerre mondiale (1 400 000 morts et 4 300 000 blessés), dans une France à moitié détruite et ruinée.

La crise de 1929 est venue très rapidement après, enchainant  rapidement avec la montée de l’hitlérisme, la menace allemande, et les années d’instabilité de l’avant deuxième guerre mondiale.

Question ? Comment est-il possible de faire l’impasse sur ces épisodes « structurants » de l’histoire, pour utiliser un qualificatif à la mode, alors que Charles-Robert Ageron a bien souligné le caractère tout à fait « conjoncturel » de la propagande coloniale des quelques années d’avant-guerre ? 

Compte tenu de l’importance que ce collectif a accordée à la propagande coloniale décrite avec beaucoup d’emphase et de termes tonitruants, ce thème fera l’objet d’une chronique spéciale. Le livre « Supercherie coloniale », consacre un chapitre à ce seul thème.

Les deux premières contributions ont été rédigées par deux historiens aux qualités reconnues dans le domaine de l’histoire coloniale, Charles-Robert Ageron et Gilbert Meynier.

Les deux historiens ont documenté leurs travaux par des chiffres, les premiers sondages en ce qui concerne le premier, et la place de la culture coloniale dans les livres scolaires, pour le second.

Charles-Robert Ageron « L’Empire et ses mythes » (p, 98 à 110 - 29 images) :      I = oui – Ex = oui – Prop. = non

Il ne fut pas un des participants (liste) du colloque de janvier 1993.

Cet historien a traité le sujet à plusieurs reprises, notamment dans la Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer du premier trimestre 1990, avant donc la date de ce Colloque, sous le titre «  Les colonies devant l’opinion publique française (1919-1939).

Ici, l’historien relie à juste titre le concept de « mythe » à celui de l’Empire.

« A la veille de la Seconde guerre mondiale, le discours dominant célébrait L’«empire français d’outre-mer », « L’empire français » et plus souvent encore, « L’Empire », avec un E majuscule. De la plate énonciation de 1914, « le domaine colonial de la France » au slogan cocardier de 1939 « La France est un Empire », on était passé de la réalité au mythe….. L’Empire s’affirmait ainsi être devenu l’un des mythes politiques les plus importants de l’entre-deux guerres. » (p, 98)

L’historien note toutefois : « Encore fallait-il convaincre le Parlement et les citoyens français jusque-là rétifs aux discours des ministres du Parti colonial et plus sensibles aux charges des colonies qu’à leurs éventuels bienfaits…

De sérieuses résistances de l’opinion s’étaient manifestées lors de la guerre du Rif ou de la guerre des Druzes, et le chef de bataillon Charles de Gaulle y était attentif dans l’«Histoire des troupes du Levant » (1931). Les coloniaux étaient eux, surtout soucieux de briser la carapace d’indifférence du peuple français à la geste coloniale. » (p,99)

« … En dépit de la constitution d’une Ligue de la République impériale française, on ne voit pas en effet que la mystique impériale ait progressé après l’Exposition coloniale… Bref, le mythe impérial dont on dit parfois qu’il fut durablement enraciné après 1930, n’était pas à ce point solide qu’il réussit à modifier le statu quo… L’immobilisme, fruit de l’indifférence demeurait la règle.

Les droites adoptent le mythe d’Empire

Face à ces échecs, la propagande impériale n’en continuait pas moins à se développer… (p,100)

« On ne déduira pas de cette trop rapide présentation des positions de l’extrême droite que la France politique tout entière fut ralliée dès 1934 au Mythe de l’Empire. Lors des élections législatives de 1936, très rares furent les candidats qui osèrent évoquer les questions coloniales et parler de l’Empire. « Le mot Empire est suspect et la chose indifférente », notait alors le Directeur des Nouvelles littéraires Roger du Gard ; « Pour la plupart, il évoque je ne sais quelle idée de conquête et d’asservissement. »

Pourtant, dans les années suivantes, l’opinion allait s’acheminer vers un certain ralliement au mythe impérial. (p,101)

Le ralliement au mythe impérial

… L’essentiel réside sans doute dans la montée des périls extrêmes. La France directement menacée par l’Allemagne redécouvrit peu à peu le slogan mobilisateur et rassurant du Parti colonial lancé vers 1920 : « Le salut par l’Empire ». (p102)

« Mais, ils ne furent jamais bien nombreux à  croire entre 1919 et 1939 que cet empire leur apportait la puissance économique et la richesse. » (p,104)

De la mise en valeur des colonies au « repli sur l’Empire »

« La mise en valeur des colonies ne séduisait pas les parlementaires qui refusèrent les crédits publics métropolitains d’équipement demandés par Sarraut. Bref, comme je l’ai souvent écrit, la colonisation restait majoritairement perçue comme le stade suprême du mercantilisme, non comme celui du capitalisme…. A partir de 1930, l’Empire fut surtout présenté comme le remède miracle à la crise économique… Mais le « repli sur l’Empire » était aussi et surtout une récession économique… Le Président du groupe parlementaire colonial, Léon Archambaud, tira le premier en 1932 la sonnette d’alarme : « On trouve des millions et des milliards pour renflouer certaines grandes banques et pour aider  certaines nations de l’Europe centrale. Je voudrais que l’on trouvât quelques centaines de millions pour renflouer nos colonies…

Le mythe du Transsaharien… (p,104)

« L’Office du Niger, crée en 1932, fut un gouffre financier et un échec économique total…Le Niger ne fut pas- la nouvelle Egypte- qu’Eugène Bélime, « l’homme du Niger », avait promise. (p,108)

… A la veille de la Seconde Guerre mondiale, un seul thème du mythe impérial devenait obsessionnel : l’Empire par sa puissance économique et militaire garantirait la sécurité de la France…

Le mythe impérial aurait dû logiquement ne pas résister au choc de la défaite en 1940. Or tout au contraire il survécut comme mythe de compensation. L’Empire devint « la dernière carte de la France », le suprême recours, et beaucoup de Français naguère indifférents ou sceptiques se persuadèrent que l’Empire restait la seule porte ouverte sur l’avenir. «  (p,109)

Commentaire : il est assez surprenant qu’un collectif de chercheurs animé par Pascal Blanchard, dont certains participèrent au Colloque de 1993, aient ignoré cette analyse historique proposée par un historien aussi sérieux et expérimenté que Charles-Robert Ageron, bon connaisseur de  notre histoire coloniale, laquelle démontrait le contraire de ce qu’ils tentaient de démontrer.

Janos Riesz « Les romans coloniaux français entre les deux guerres » (p,111,112 - 4 images) :  I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

Gilbert Meynier – « L’organisation de la propagande » (p,113 à 124 - 30 Images) :    I = oui – Ex = oui – Prop. = non, sauf embryonnaire.

Deuxième morceau dur après celui de Charles-Robert Ageron !

Dès l’entrée, l’historien note :

« Cette propagande qui met les colonies en images, devrait être appréciée par rapport au public ou - aux publics – qu’elle se propose d’atteindre. Malheureusement les matériaux manquent à l’histoire pour en juger avec sûreté. Face à ces éventuels publics, les émetteurs de propagande : l’unité d’inspiration - enraciner la foi coloniale, faire quelque chose des colonies - l’emporte-t-elle  sur la diversité des organismes de propagande, officiels ou non, au point de faire apparaître une concertation provenant d’un projet mûri et poursuivi avec méthode, c’est-à-dire d’une politique ? » (p,113)

Commentaire : l’historien pose bien les deux données essentielles de toute analyse sérieuse de ce dossier, celles relatives aux émetteurs et aux récepteurs des images, mais il est étrange qu’il n’ait pas sollicité le concours de Jean-Louis Miège qui s’était illustré en faisant effectuer des mémoires d’étudiants sur la presse.

« Organismes et vecteurs de propagande

Les organismes officiels

… Y aurait-il donc une propagande officielle qui donne le « la » à l’éducation coloniale des Français ? 

… En fait sur un échantillon de quatre-vingt- sept manuels d’histoire, la part des colonies reste modeste si elle ne régresse pas, comme l’a montré Patrick Haus‘(mémoire de maîtrise Nancy, 1990) (p,113)

Associations et groupements privés

« Aux côtés de la propagande officielle, et dans la même inspiration, existe la propagande des organismes privés… Elles restent marquées par l’influence confinée des professeurs et des sociétés de géographie, bref par l’entreprise coloniale de cabinet.

Il en va différemment de l’Union coloniale – et de sa Quinzaine Coloniale – plus en prise sur les préoccupations économiques liées à l’Outre-mer. Les chambres de commerce créent des comités de propagande…(p,114)

Les organismes politiques

…Mais dans l’ensemble, pour la période concernée, les partis politiques continuent à peu considérer la France coloniale. Les professions de foi électorales l’ignorent. Au moment des élections, comme lors du Front populaire qui suscita d’espoirs chez les peuples coloniaux, l’attention primordiale ne se porte pas sur l’Outre-mer… »

Propagande et mise en image des colonies entre crédo colonial et exotisme de masse

Sur trente affiches consultées au Musée d’histoire contemporaine, la presque totalité de celles produites par des organismes officiels connotent la geste utilitaire de l’Empire, l’ordre colonial et le nationalisme français. Un peu plus de la moitié renvoient au décor exotique, à l’anthropologie coloniale, au goût de l’aventure. 27 % évoquent la mission civilisatrice et seulement 18% illustrent les réalisations techniques de la France coloniale. 9% mettent en images les productions coloniales. C’est donc, prioritairement, l’adjuvant national français que renvoient ces images au public qui les regarde. Cet adjuvant est relié dans la plupart des cas à l’exotisme d’Outre-mer servant de décor…

Au total, les deux tiers des affiches connotent le nationalisme français relié aux projets et aux fantasmes coloniaux,  la moitié  a pour support l’exotisme, moins d’un sur six le modernisme et moins d’une sur sept le rendement économique de l’Empire…

Dans les photos ou illustrations figurant dans les magazines et livres abordant les thèmes coloniaux, davantage adaptées à un public censé être plus réceptif à ces derniers, la répartition est différente. Sur un corpus de soixante-seize images provenant de la même source, les réalisations modernes de l’Empire viennent en premier, à égalité avec l’exotisme – exotisme connotant davantage l’aventure – l’archaïsme et les sujets anthropologiques. La mission civilisatrice ne vient qu’au second rang…

Dans les cartes postales, destinées  à tous publics, c’est l’exotisme qui l’emporte, plus encore que dans les autres productions… C’est du moins ce que paraît indiquer un corpus de 116 cartes postales à thèmes coloniaux…

Et ce que proposa l’Exposition coloniale de Vincennes en 1931 correspondit assez bien avec les productions d’images par ailleurs fournies. L’exposition suggéra surtout le dépaysement… (p,121)

« Au-delà des incantations coloniales officielles, ce que livre la mise en images des colonies par les Français, c’est donc principalement un exotisme de masse…  Et dans tout ce fatras narcissique,  les « indigènes », s’ils ne sont pas absents, existent par rapport au centre français, reliés qu’ils sont par des trajectoires françaises conçues en dehors d’eux…. Ainsi en décide l’idéologie coloniale française qui ne parle que pour elle-même… il semble d’après des sondages malheureusement tardifs, que la propagande coloniale ait plutôt davantage touché les jeunes que les vieux…Encore que l’on manque d’éléments pour apprécier les choses, les citadins ont sans doute été plus nombreux à visiter l’Exposition de Vincennes que le ruraux et à céder à son charme exotique. »  (p123)

La page 124 contient quatre tableaux statistiques tout à fait intéressants dont les sujets sont les suivants :

  • Thème colonial dans 8 catalogues (jouets)
  • Pourcentage de la place des colonies dans les manuels d’histoire par rapport à l’ensemble texte et illustrations
  • Affiches connotant le (la) : le nationalisme, le décor exotique, la mission civilisatrice, les réalisations modernes, les productions coloniales

        Total (30)

  • Photos et illustrations de magazines et livres coloniaux (corpus de 76 images)
  • Cartes postales à thèmes coloniaux (Total 116)

Commentaire : ces tableaux donnent quelques indications plaidant pour la place dominante de l’exotisme dans les images sélectionnées, mais sans que l’on connaisse la méthode de dénombrement utilisée, ni leur chronologie.

Quid donc de leur représentativité historique ?

 

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : « Images et Colonies »

III – Apogée coloniale 1919-1939  (suite)

Yann Holo – « « Jeux et jouets »  (pages 125 à 128 - 11 Images) Auteur déjà cité dans la première période : I = oui – Ex= oui – Prop. = ?

L’auteur écrit : «  Vecteurs de la propagande coloniale, les jeux et les jouets, les jeux et les jouets participent à la formation d’un imaginaire dominé par l’exotisme et l’aventure et contribuent également à enraciner les préjugés courants sur les « indigènes …»

Commentaire : comment interpréter ce texte sans évaluation des vecteurs et de leur succès ?

Catherine Hodeir, Michel Pierre, Syviane Leprun – « Les expositions coloniales » Discours et images (pages 129 à 139 - 29 images) :

I = oui – Ex = oui – Prop. = oui

Cette chronique comporte de très belles affiches, et ne contredit pas les commentaires des deux historiens Ageron et Meynier, pas plus que l’avis très dubitatif du maréchal Lyautey sur le succès tout relatif de cette belle exposition : il y bien eu un gros effort de propagande, mais les résultats en ont été très mitigés.

J’ai retenu deux citations :

«  Le fonds iconographique parvenu jusqu’à nous reste un témoin essentiel de l’exportation éphémère des mondes coloniaux. » (p,139)

« la synergie du discours et de l’image continue d’interroger et l’histoire et la sémiologie »  (p,139)

Commentaire : j’ajouterais volontiers le qualificatif de quantitative et représentative au concept et terme d’histoire.

Les auteurs ont  très justement relevé la nécessité d’interroger la sémiologie, une des carences importantes de méthodologie des travaux ici décrits.

L’art et la propagande coloniale ?

L’ouvrage comprend alors plusieurs contributions relatives à l’art, et il est superflu de préciser que nous entrons ici dans le monde très étroit des spécialistes et des connaisseurs, aussi bien à cette époque que de nos jours.

Je crois pouvoir dire qu’il s’est agi d’un art des deux rives, et très tôt, la France a pris l’initiative de mettre en place des institutions coloniales de type culturel, qui n’avaient pas l’ambition de museler les formes d’art local, à l’exemple de l’Ecole des Beaux-Arts à Alger en 1897, ou de l’Ecole Française d’Extrême Orient et l’Académie Malgache, en 1896.

Dominique Taffin – « Le Musée des colonies et l’imaginaire colonial » (p,140 à 143 - 5 images) : I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

Il serait tout à fait intéressant de pouvoir comparer la fréquentation de ce musée avec celle du musée actuel de l’histoire de l’immigration.

Michèle Lefrançois – « La sculpture » (p145 à 151 - 18 très belles images) : sans commentaire : I = oui – Ex = oui -  Prop.  = non

Barbara Boëhm et Antonin Mendès – « Peindre l’Afrique » (p, 152 à 160 -18 très belles images) :

Sans commentaire  I = oui – Ex = oui – Prop. = non,  sinon comme « Propagandistes ou non, elles ont contribué à façonner le regard des Français sur leur Empire » (p,158), d’une petite élite sans doute, mais pas de la population.

Christian Delporte «  L’Afrique dans l’Affiche, la Publicité, le Dessin de presse » (p,161 à 169 – 28 images) :  I = oui – Ex = oui – Prop . = ?

L’auteur écrit : « L’Empire, et singulièrement sa partie africaine, apparaît comme un thème non négligeable dans l’affiche et le placard publicitaire durant l’entre-deux guerres. En atteste ainsi une centaine de documents au moins, assez bien répartis dans le temps, malgré l’influence ponctuelle des expositions coloniales (Marseille en 1922, Strasbourg en 1924, bien sûr Paris en 1931. Le flou des références géographiques y domine, à tel point qu’il est parfois peu aisé de définir les origines des personnages représentés (s’agit-il de Noirs d’Afrique ou d’Antillais, d’Arabes du Maroc ou d’Algérie ? En revanche, on observe sans équivoque une sous-représentation des possessions d’Afrique du Nord par rapport au reste du continent africain.

En dehors de celles qui annoncent les expositions coloniales, les affiches choisissant l’Afrique pour décor et ses populations pour actrices peuvent être rangées en trois catégories majeures… » (p161)

Un seul commentaire : à la condition sine qua non que la « centaine » de documents puisse en « attester » comme échantillon représentatif.

Raymond Lefèvre « Le cinéma colonial » (p,170 à 173- 6 images) :

 – I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

Un article intéressant, mais sans qu’il soit possible d’en tirer une conclusion représentative à la fois du nombre de films et de leur succès.

La référence du sujet est, à mon avis, celle de Pierre Boulanger.

Olivier Peyron «  Les Timbres-Poste », (p,174,175 - 7 images) :

I = oui – Ex = sûrement – Prop. = non, impossible à évaluer.

Tayeb Chenntouf «  La méditerranée coloniale » (p, 176 à 183 - 31 images) :    I = oui – Ex = oui -  Prop. = ?

Commentaire : il est intéressant de relever la situation suivante :

« Dans l’entre-deux guerres – en réalité depuis le début du siècle - les images de l’Afrique du Nord qui circulent en France sont enrichies d’une iconographie produite en Algérie, en Tunisie, et au Maroc par des Français nés dans la colonie et les deux protectorats. » (p,181)

 Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

V - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

IV L’enjeu impérial 1940-1944 (p, 184 à 218)

34 pages et 60 images

Avant-propos

            Il est Inutile de rappeler qu’à partir de l’année 1940, la France était entrée dans un autre monde historique, celui d’une France occupée, sous le joug de la propagande d’une dictature allemande.

Le concept d’Empire, de même que le qualificatif d’ «impérial » utilisé par les deux historiens Blanchard et Bancel ont un caractère ambigu. 

Il convient de rappeler aussi que les deux mêmes historiens, chevilles ouvrières de la collecte, du choix,  et de l’interprétation des images coloniales sont les auteurs ou co-auteurs, hors présentation ou conclusion,  de 28% des pages, et de 25% des images de ce livre.

Pascal Blanchard Gilles Boëtsch – «  La Révolution Impériale Apothéose coloniale et idéologie raciale » (p,186 à 214 – 34 pages et 60 images)

Le lecteur a sans doute été surpris de lire sous la plume d’un historien le mot « apothéose », synonyme de déification, ou de triomphe, alors que la France était sous la botte allemande.

Indiquons par ailleurs que la thèse de l’auteur a porté en grande partie sur cette période et sur l’extrême droite française, en privilégiant le cadre géographique et historique de la France du sud-est.

Il est dommage que l’historien qui avait alors commencé à défricher le domaine de la presse, le seul vecteur où il était relativement facile de dénombrer les effets de la propagande coloniale, n’ait pas orienté les recherches ultérieures de son collectif sur ce domaine d’évaluation capital.

Pour avoir consulté sa thèse et analysé le texte actuel, il est évident que le collectif de chercheurs devait aller plus loin dans cette direction, c’est-à-dire procéder à un travail approfondi d’évaluation des tirages

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 08:38

IMAGES ET COLONIES

Comme nous l’avons indiqué, nous proposons un tour d’horizon de classement rapide et synthétique des pages de l’ouvrage, en mentionnant à chaque fois, si leur contenu est intéressant : Intérêt - i = oui-non - marqué par l’exotisme - ex = oui-non – marqué par la propagande - Prop. = oui-non - ? -

Le lecteur pourra constater que la mention Prop.=oui  est plutôt rare, alors qu’il s’agit d’une des pièces maîtresses de leur thèse.

Question : histoire méthodique ou manipulation idéologique ?  

III – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le     livre « Images et Colonies »

I -  Exploration Conquête Exotisme 1880-1914 (pages 15-72)

 57 pages et 167 images

J’ai récapitulé ci-après le nom des auteurs et  le titre des contributions qui figurent dans cette partie I

Anne Hugon : « Conquête et exploration en Afrique Noire »

(p,18 à 24 -  23  images) : I = oui  - Ex = oui - Prop. = non

Philippe David : « Les cartes postales sur l’Afrique noire française » (p,24 à 26 – 6 images) : I = oui – Ex = oui – Prop.= non

Laurent Gervereau : « L’exotisme » (p,26 à 47 – 62 images ) : I = oui –

– Ex = oui – Prop. = non

Citons un extrait de texte d’autant plus intéressant que son auteur a été une des chevilles ouvrières de l’ouvrage pour la BDIC, aux  côtés de l’Achac :

« Reprenant notre précédent essai de catégorisation, « nos cercles concentriques » de l’exotisme, nous débuterons par ce que l’on peut appeler le « fantasme exotique ».

Il est le fait, durant notre période (1880-1914) de la quasi-totalité des illustrations de presse et d’ouvrages (nous venons de le constater), il s’appuie sur trois axes ; la violence, l’exotisme, l’étrangeté. Ce sont ces trois termes qui se conjuguent dans ce qui fut appelé la « peinture d’histoire » ». (p,39)

Question : exotisme ou propagande ?

Lynne Thorton : « La Villa Abd-El-Tif et les peintres orientalistes français » (p,48,49 – 5 images)  - I =oui – Ex = oui – Prop.= non

Cette communication est d’autant plus intéressante qu’elle met en lumière la richesse des images coloniales de l’Algérie et leur ancienneté que Monsieur Pierre-François Souyri a ignorées en esquissant une comparaison hardie entre la colonisation de la Corée et celle de l’Algérie. (voir blog du 20/08/15)

            Françoise Raison-Jourde : « Images missionnaires et propagande coloniale » (p, 50 à 57- 16 images) : I – oui – ex = oui -  Prop. = non

            Cette contribution s’intéresse surtout au cas de Madagascar.

            Nous sommes ici dans un domaine ambigu, sinon contradictoire, car paradoxalement et faute d’y mettre l’argent public nécessaire, les gouvernements laïcs de la Troisième République ne voyaient que des avantages à ce que les missions suppléent à leur défaillance.

L’auteure conclut : « Les images des lointains îlots de chrétienté et de leurs héroïques bergers atténuent la virulence de cet –épisode- et confortent la revendication d’éternité dans le temps d’universalité dans l’espace qui est propre au christianisme. » (p,57)

Yann Holo : « L’œuvre civilisatrice de l’image par l’image » (p, 58 à 65- 22 images) :I = oui – ex = oui – Prop. = oui, mais avec quels effets, aucun avant 1914, et après ?

L’auteur écrit en effet : « …  jusqu’à la première guerre mondiale, la grande majorité des Français reste indifférente à l’Empire. » (p58)

L’auteur décrit les traits de ce type d’action, le « génie colonisateur », l’Evangile du Progrès », l’ « après-Sedan », « Le Parti colonial à la conquête de l’opinion » avec les trois pôles, le parlementaire, l’intellectuel, l’Union Coloniale, mais souligne :

« Malgré ses efforts, la question coloniale reste absente des programmes du primaire et du secondaire et c’est seulement dans les années 20 que l’étude des colonies progresse dans le cadre de l’enseignement de la morale et surtout de l’histoire géographie. … Avec une rhétorique manichéenne (p,62) « L’image du bon Noir se substituant ensuite à celle du sauvage. » (p,62, 64)

«  Le discours civilisateur, fondamentalement positiviste et raciste, traverse toute la période coloniale… En effet, les représentations des « bienfaits de la colonisation », des progrès techniques, apportés par le colonisateur dominent l’imagerie coloniale jusqu’aux indépendances. »  (p, 65)

Commentaire : une sorte de survol de la période, quelque peu contradictoire.

         Yves Galupeau : « L’Afrique en images dans les manuels élémentaires d’histoire (1880-1969) »    (p, 66 à 70 - 12 images) :

I = oui – ex = oui -   Prop. = non

Noter que la période étudiée va au-delà de cette première phase chronologique.

 L’auteur propose un tableau statistique sous le titre « La conquête de l’Afrique : ventilation relative des images % » avec le  découpage chronologique suivant : 1880-99 ; 1900-18 ; 1919-29 ; 1930-44 ; 1945-62 ; 1963-69. L’Algérie représente la part principale de ces images, plus de 70% entre 1880 et 1929.

L’auteur précise à la fin de son étude, en note 2 : « Pour la période ici retenue, l’analyse repose sur un corpus iconographique d’environ 1 300 images extraites de près de 250 manuels. » (p, 69)

L’auteur introduit son texte ainsi : «  Contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire en parcourant hâtivement quelques manuels anciens, l’iconographie des livres élémentaires d’histoire – et a fortiori celle inspirée, pendant près d’un siècle par les colonies françaises d’Afrique – ne se réduit nullement à la répétition indéfinie d’une poignée de stéréotypes. »

… «  Une ample moisson de lauriers : tel est le premier bénéfice que les français semblent avoir retiré de l’aventure coloniale…Indéniablement, le légendaire colonial des manuels d’histoire est prioritairement un légendaire militaire….De ce point de vue, l’inflexion majeure, dans l’ensemble du corpus, correspond à l’exigence nouvelle, vers 1930, d’une version moins brutale, plus diplomatique de la conquête….Cette exaltation, sans nuance, de l’œuvre civile de la colonisation, s’inscrit dans le même contexte et la même chronologie….les élèves n’ont aperçu dans leurs livres d’histoire la face cachée de la domination coloniale. L’image qu’on leur proposait ainsi de l’univers colonial était assurément mythique voire onirique ; mais il n’est pas indifférent de noter que ce rêve n’était pas de pure domination et d’exclusion, mais de ressemblance et, en définitive, d’égalité, dès lors toutefois que le modèle fut la métropole. » (p,68)

« Gilles Manceron « Le missionnaire à barbe noire et l’enseignant laïque » (p,68-70- 8 images)I = oui – Ex = ? - Prop. = ?

D’entrée de jeu, l’enseignant décrit le paradoxe de l’enseignement colonial : «  N’est-il pas paradoxal que la grande période de construction de l’Empire colonial français, de 1880 à 1914, ait été à la fois, en politique intérieure française, une période d’affrontements intenses entre le parti clérical et le camp laïque, et  en matière de politique coloniale, une période de consensus global entre les deux grands courants de l’opinion… Selon le mot de Gambetta, l’anticléricalisme ne devait pas être un article  d’exportation. » (p,70)

J’écrirais volontiers faute de mieux, compte tenu du système de financement de la colonisation choisi par la France, le même self-suffering que celui des Anglais.

Commentaire : pas de quoi  produire le miracle du fameux « bain colonial » !

III - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies »

II – « Quand les Africains combattaient en France en 1914-1918 » (p, 72 à 96)

24 pages et 56 images

Question préalable : cette période a-t-elle sa place dans ce type d’exercice d’évaluation historique ?

Cela dit,  et à cette occasion, les Français et les Françaises ont pu faire connaissance avec le monde noir, celui des tirailleurs africains, avec des contacts souvent sympathiques, à l’opposé de la condition qui était faite aux Noirs en Allemagne, et chez nos amis américains.

Ajouterais-je que beaucoup de ces tirailleurs, pour ceux qui furent de retour dans leur pays, des intermédiaires irremplaçables entre leurs peuples et l’administration coloniale et  des interprètes influents.

Ne s’agirait-il pas d’un cas paradoxal de propagande coloniale positive ?

 Hans-Jürgen Lüsebrink « Les troupes coloniales dans la guerre : présences, imaginaires et représentations »  (p, 72 à 90 - 30 images)

 I = oui – Ex = non -  Prop. = ?

Question : quelle est la représentativité historique de cette période de guerre qui rend difficile toute comparaison dans les mouvements longs de l’histoire ?
            Marc Michel « L’image du soldat noir » (p,86,90 - 11 images)

I = oui – Ex= non -  Prop.  = oui dans le sens opposé au discours Achac.

« L’imagerie du soldat noir de la Première Guerre mondiale a donc été abondante et variée. Elle témoigna d’une grande activité de la propagande, mais également d’un intérêt nouveau du public métropolitain envers les hommes de l’Empire. Cet intérêt fut beaucoup moins malsain que ne le laissent entendre les gloses ultérieures, une curiosité plus empreinte de bienveillance pour les hommes et d’admiration pour les combattants, que d’hostilité, mais évidemment un regard ambigu parce que profondément imprégné de condescendance raciale et très peu curieux, finalement des Africains pour eux-mêmes. Au total, une imagerie fonctionnelle, beaucoup plus que désintéressée. Rendons lui cependant cette justice, la condescendance raciale ne déboucha jamais sur la volonté de ségrégation raciale. » (p90)

Laure Barbizet Namer « Ombres et lumières portées sur les Africains Peintures, gravures, illustrations, cartes postales »  (p,91à 96 - 16 images)

I = oui – Ex = oui -  Prop.  = ?

Rendons hommage tout d’abord à l’auteure pour son éclairage statistique, mais convient-il de rapprocher le chiffre ci-dessous de celui du million de documents cités par Pascal Blanchard ?

500 000 documents sur le million cité, soit la moitié sélectionnés pour la totalite de la période 1880-1962 ?

« A partir de la collection du musée d’histoire contemporaine qui regroupe 500 000 documents sur la Première guerre mondiale, on abordera les différents supports de ces images, puis les thèmes qui les traversent» (p,91)

 « Les supports - L’Africain est peu représenté sur les affiches…Pour en finir avec les chiffres, concluons par la sous-représentation évidente des coloniaux par rapport au corpus initial – ils ne sont présents que dans une image sur mille – alors que l’effectif des soldats provenant d’Afrique avoisinait 2% des effectifs. »

Venant d’’Afrique noire ou du Maghreb, que  l’auteure évoque ensuite dans « Les Thèmes » ?  

Josée Violette « De l’imaginaire à l’humain » (p,96 - 2 images) : I = oui – ex = non – Prop.  = ?

Jean Pierre Renaud         Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 15:39

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

 Le livre « Images et Colonies » (1993)

 

LE LIVRE "IMAGES et COLONIES"

Première Partie

Avec l'aide d'un petit carnet de notes rapides d’un non-enseignant !

 

Après avoir publié un résumé de lecture décryptée de la première source savante, les Actes du Colloque de janvier 1993, je propose un résumé de lecture décryptée de la deuxième source savante, le livre en question.

Il s’agit de la deuxième partie du deuxième mouvement de réflexion annoncé sur les caractéristiques de ce modèle de propagande postcoloniale.

Seront ensuite publiés, au titre du troisième mouvement de réflexion critique,  trois extraits de textes d’origine universitaire, puis le résumé du quatrième mouvement de réflexion critique sur la propagande postcoloniale de ce collectif de chercheurs à partir des livres qu’ils ont publiés sur la Culture coloniale et impériale, sur la Fracture coloniale, et sur la République coloniale, ou encore sur l’Illusion coloniale.

Cadrage historique de l’ouvrage

Les images et commentaires de ce livre concernent avant tout l’Afrique noire française, et leur présentation est effectuée dans une chronologie qu’il convient de rappeler - 1880-1914 - 1914-1919 – 1919-1939 – 1939-1945 – 1945- 1962 -, car elle constitue en elle-même une contrainte d’interprétation historique du sujet.

Précisons que dans leurs livres « Culture coloniale » et « Culture impériale », le collectif de chercheurs Blanchard-Lemaire-Bancel a opté pour un autre découpage chronologique.

En 1914, la Côte d’Ivoire, nouvel état créé en 1893, était à peine pacifiée, et mis à part le Sénégal, un cas tout à fait particulier, la paix civile était loin d’être instaurée dans la plupart des autres colonies, pas plus que la nouvelle organisation administrative coloniale. La Fédération de l’AOF fut créée en 1895 : elle était alors constituée de colonies très récentes dont les structures administratives étaient encore dans les limbes. Certaines parties de leur territoire se trouvaient en état d’insécurité ou d’inconnu, avec une absence quasi-complète de voies de communications.

Rappelons également que le Togo et le Cameroun étaient des colonies allemandes.

En ce qui concerne la période 1914-1918 Il convient de rappeler également que, sans l’intervention et les initiatives du député sénégalais Diagne, la France aurait eu beaucoup de peine à enrôler des tirailleurs africains, alors que des révoltes éclataient dans le bassin du Niger.

Nous verrons par ailleurs ce qu’il convient de penser quant à la représentativité historique de cette période pour le sujet ici traité.

La seule période au cours de laquelle la France coloniale eut à peu près le contrôle de la situation se situa entre 1919 et 1939, une courte durée de vingt années (l’après 14-18, la dévaluation Poincaré de 80% du franc en 1928, la crise de 1929, l’Allemagne d’Hitler…) qu’il convient d’avoir en tête lorsqu’on parle de la colonisation française en Afrique noire.

A partir de 1939, avec la guerre, puis la guerre froide, et les révolutions de toute nature qu’elles provoquèrent sur la planète, plus rien n’était comme avant.

Enfin, au-delà des questions qui ont déjà été posées sur la nature scientifique de l’échantillon que propose cet ouvrage, je crois pouvoir indiquer que tous les récits et images, venant du « terrain », ceux des « acteurs » des « situations coloniales concrètes » que j’ai consultés sur la période coloniale sont loin de démontrer la pertinence de l’interprétation qu’en donnent les animateurs de l’Achac.

Rappelons que l’objet de ce livre est de démontrer que les images coloniales qui avaient pour cible la métropole, choisies et publiées par le couple Achac-BDIC ont marqué profondément  les mentalités françaises de leur époque, jusqu’à nos jours

&

Cet ouvrage de 304 pages, richement illustré, a été en effet publié sous l’égide de l’association ACHAC, Association pour la connaissance de l’Afrique contemporaine, et de la BDIC Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (elle vient de changer de nom).

Cadrage de l’ouvrage en signatures

Le livre ne contient pas toutes les signatures des communications du Colloque : sont absentes celles de Catherine Coquery-Vidrovitch, d’Annie Rey-Goldzinger, de Daniel Rivet, et de Marcel Oms, soit quatre sur douze.

Il convient de noter en revanche qu‘y figure une longue communication de Charles Robert-Ageron, qui ne participait pas au Colloque, et qu’au total, dix-sept des participants à ce Colloque sur 39 y ont signé une contribution, soit à peu près la moitié du total.

Cadrage d’interprétation historique

Afin de  tenter d’éclairer le sens de l’ensemble des contributions publiées, j’ai pris l’initiative de procéder à une sorte d’exercice d’évaluation en leur attribuant un code d’interprétation de ces communications de la façon suivante : Intérêt : oui –non – Exotisme : oui – non – Propagande : oui – non - ?

Il s’agit du carnet de notes d’un non-enseignant annoncé dans le sous-titre.

Chaque lecteur de ce livre est bien entendu en mesure de tenter d’interpréter ces communications de la façon proposée, ou d’une autre, afin de pouvoir avoir une opinion sur  le sens historique des contributions publiées, notamment sur la propagande coloniale, cœur de cible historique de ce collectif.

D’après ces pointages, le thème de la propagande coloniale n’a  imprimé sa marque sur les situations décrites en métropole que de façon marginale, et plus de la moitié d’entre elles soulèvent plus d’interrogations que de réponses sur la réalité de cette propagande.

Toutes les lectures et interprétations des images et messages de cette période posent, en tout cas pour l’instant, de redoutables problèmes d’évaluation, de méthode historique et statistique, quant à la représentativité des analyses proposées, avec une question lancinante qui revient dans un tel débat : s’agit-il d’une histoire des idées ou d’une histoire quantitative ?

Nous y reviendrons dans notre conclusion.

Jean Pierre Renaud   Tous droits réservés

II - Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies

Les contenus

Une première question se pose évidemment quant à l’objet de cette publication, alors qu’à lire celui de l’association Achac son objet est différent, « L’Afrique contemporaine », et qu’il s’agit ici de la métropole, et  non de l’Afrique.

Sous la signature de Pascal Blanchard, ce dernier fait état d’un chiffre  de plus d’un million d’images qui auraient été analysées, et la BDIC indique qu’elle a mobilisé plus de 20 000 images de presse et d’images de propagande.

Nous reviendrons sur les chiffres du postulat de l’échantillon «supposé », car il s’agit d’un postulat postcolonial qui n’a pas été démontré, ni au Colloque, ni dans cet ouvrage, alors qu’il s’agit d’une des sources majeures du débat.

L’ouvrage contient un ensemble de contributions souvent intéressantes sur le thème choisi, rédigées par de nombreux chercheurs connus ou moins connus, sinon, inconnus, mais peu de dénombrements d’images par thème et par chronologie.

Sauf exception, les auteurs ont simplement donné quelques chiffres des images et des illustrations d’images qu’ils ont choisies, avec une numérotation.

Il est important de proposer une synthèse de ces contributions, d’en préciser les enjeux et les limites, étant donné la place que ces travaux de recherche historique  a occupée dans la préparation du Colloque de janvier 1993.

La lecture des Actes du Colloque, de même que celle de ce livre, fait apparaître de nombreux écarts d’interprétation entre leurs contenus et les présentations qui en sont faites par les animateurs de l’Achac, et encore plus avec le contenu des thèses du modèle de propagande postcoloniale Blanchard and Co développées plus tard dans leurs livres.

Ces écarts de méthode historique sémiologique, et statistique, pour ne pas dire biais ou détournements, méritent d’être relevés et contestés sur le plan scientifique.

Cet important travail de documentation effectué par l’Achac et la BDIC, mais pose en effet de multiples questions de méthode, compte tenu du ou des postulats de recherche posés et de leur interprétation historique, notamment celle proposée par les animateurs de l’Achac.

Résumons ces questions de méthode :

Le postulat implicite retenu : ces images « coloniales » seraient représentatives des situations de culture coloniale ou impériale des Français et des Françaises de métropole entre 1880 et 1962, date des indépendances des colonies, des situations historiques crées par la propagande coloniale, selon le déroulement chronologique ci-après :

I -  Exploration Conquête Exotisme (1880- 1914) (p,15 à 72)

II – Quand les Africains combattaient en France (1914-1918) (p,72 à 96)

III – L’Apogée coloniale (1919-1939) (p, 96 à 184)

IV – L’enjeu impérial (1940-1944) (p,184 à 218)

V – Propagande économique Décolonisation (1945-1962) (p, 218 à 264)

VI -  Autres regards (p, 266 à 288)

Un échantillon représentatif des situations historiques ?

S’agit-il d’un échantillon représentatif des situations culturelles décrites ? Première question clé, et si oui pourquoi ne pas avoir indiqué comment cet échantillon a été déterminé ?

Quelle est la cohérence statistique de cet échantillon ? Les corpus d’images présentés sont- ils représentatifs des réalités historiques décrites dans leur contexte chronologique des années 1880-1914, 1914-1918, 1919-1939, 1940-1944, 1945-1962 ?

Faute d’explications par les auteurs de cette documentation, nous avons considéré que l’ensemble des images constituait aux yeux des chercheurs qui ont piloté la sélection l’échantillon représentatif en question, et c’est donc cet échantillon qui va faire l’objet de notre examen.

Il s’agit d’une imprécision méthodologique qui ébranle sérieusement les leçons de cette histoire postcoloniale supposée quantitative.

La pointe d’un iceberg : cet échantillon propose une image paradoxale du domaine colonial, car les « coloniaux » en séjour ou de passage, et quelle que soit leur catégorie sociale ont laissé un héritage très important d’images et de mémoires, dont le dénombrement n’a rien à voir avec ce type de sélection centrée sur la métropole.

Un effet de loupe, d’autant plus que beaucoup des discours historiques proposés sont souvent très indigents en ce qui concerne le dénombrement des vecteurs de culture examinés, leur « tirage », leur diffusion, et encore moins en ce qui concerne leurs effets dans l’opinion publique. Au Colloque, Mme Hugon avait évoqué ce type d’effet.

En d’autres termes, leur thèse est hypothéquée par un effet de loupe que de jeunes statisticiens pourraient mettre en évidence assez facilement.

 Quel impact ? Que dire de la mesure des effets de ces images sur la culture des Français et des Françaises que cette documentation ne permet aucunement d’éclairer, avec le trou béant de la presse ?

En quoi, l’échantillon supposé représentatif des images coloniales de l’époque permet-il de répondre aux questions posées ? Dans quelques cas seulement !

L’ignorance de la sémiologie : à supposer que les corpus proposés soient considérés comme des éléments d’un échantillon sui generis, il est également tout à fait surprenant que les chercheurs-auteurs des contributions se soient lancés dans toutes sortes d’interprétations, sans faire appel à des sémiologues.

L’histoire des images pourrait se passer de cette nouvelle discipline, de l’héritage d’un Barthes sur les signes ?

Le champ géographique de la thèse historique proposée : à lire l’ensemble de ces contributions, s’agit-il de la métropole, de l’Europe, ou encore de l’Occident ? Ou tout simplement de la France métropolitaine ?

Dans la présentation générale de l’ouvrage figure par exemple cette phrase en forme d’une conclusion qui ne manque pas d’ambition : « Les découvrir aujourd’hui, permet de réfléchir sur les rapports complexes que l’Occident entretient avec ce continent. »

Nous mettrons en évidence les écarts d’interprétation entre le commentaire de présentation qui est fait par les chercheurs de l’Achac et le contenu de la plupart des contributions qui figurent dans cet ouvrage important, alors que  certaines d’entre elles nuancent très sérieusement leur discours ou même le contredisent clairement.

Il en a été de même, comme nous l’avons déjà vu, entre la présentation Blanchard-Chatelier du Colloque de 1993 et le contenu des Actes du Colloque eux-mêmes.

Nous allons revenir rapidement sur les chiffres, l’interprétation, les écarts de lecture historique entre les commentaires de présentation de type Achac et le contenu des contributions.

En premier lieu, les chiffres de l’ « échantillon » ou le comment ? :

Alors que ces données sont capitales pour interpréter les corpus des images proposées, la lecture des deux sources citées ne permet pas de connaître la méthode choisie pour sélectionner les images, les critères retenus, période par période, pour chaque champ géographique, et pour chacun des thèmes.

Dans leur introduction aux Actes du Colloque, Pascal Blanchard et Armelle Chatelier écrivaient : « L’étude du thème colonial dans la production iconographique du XXème siècle révèle un volume d’images très important dont l’estimation reste à faire… Nous nous attacherons ici à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion et qui, par conséquent, ont été vues par les Français…. Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial. » (pages 13,14)

J’ai souligné les mots qui font question !

De la prudence donc quant à « l’estimation », la même année que la publication de cet ouvrage, alors qu’à la page 8, Pascal Blanchard écrit :

« … Son groupe de recherche (Achac) a  recensé plus d’un million d’images qui ont été analysées au sein de son séminaire… » ) 

Dans leur introduction, Nicolas Bancel et Laurent Gervereau écrivent :

« Douze mille images sélectionnées ont permis une clarification méthodique des thèmes et des supports, étape indispensable pour dresser une histoire des représentations coloniales. » (p,10)

Question : les images reproduites dans l’ouvrage pour chacune des périodes et pour chaque thème analysé correspondraient à un échantillon représentatif, au moins par période chronologique ?

L’ouvrage compte, sauf erreur, 671 reproductions d’images, 167 pour la première période, 56 pour la deuxième, 215 pour la troisième, 66 pour la quatrième, 108 pour la cinquième, et 59 pour la sixième.

Les deux animateurs de la production proposent, à eux deux, hors leurs textes de présentation ou de conclusion, plus du quart des textes et des images : 76 pages de texte (soit 27% du total) et 168 images (soit 25% du total).

Dans sa contribution, Pascal Blanchard propose une analyse de la propagande coloniale au temps de l’occupation allemande et ne consacre qu’une seule page à la presse de cette époque. Nicolas Bancel tente de décrire la propagande économique pour la période 1945-1962, mais en faisant une assez large impasse sur les chiffres, le cadre tout à fait nouveau du FIDES, et le fait que l’outre-mer avait basculé dans un monde nouveau.

Pourquoi ne pas noter que dans la liste des exercices de démonstration d’une propagande coloniale qui aurait immergé la France dans un véritable « bain colonial », Sandrine Lemaire, historienne et propagandiste postcoloniale de la propagande coloniale dans les livres ensuite publiés est aux abonnés absents ? Elle ne figurait d’ailleurs pas dans la liste des participants au Colloque.

Le thème de propagande coloniale ayant été au cœur de la démarche, il convient de noter d’ores et déjà que les contributions de deux historiens sérieux, Charles-Robert Ageron et Gilbert Meynier, tempèrent sérieusement le discours Blanchard-Bancel, pour ne pas dire le contredisent.

Le rôle que le livre scolaire a pu jouer dans l’éducation coloniale des enfants a fait l’objet de contributions d’autant plus intéressantes qu’à la différence des autres contributions, elles sont riches en chiffres, lesquelles ne concluent pas à un effet propagande.

Est-ce que les nombreuses pages de Pascal Blanchard sur « L’enjeu impérial », c’est-à-dire la période de Vichy de trente mois, puis l’Occupation Allemande complète du territoire, ne vient pas, historiquement, démontrer le contraire de ce que l’auteur a voulu démontrer : est-il possible de raisonner comme s’il y avait eu une continuité entre la Troisième République et Vichy, entre une propagande républicaine « anémique » et une propagande dictatoriale fasciste et allemande ?

L’analyse de la presse pendant la période coloniale n’a quasiment fait l’objet d’aucune contribution chiffrée et argumentée, alors que le vecteur en question était un des rares à pouvoir faire l’objet d’une évaluation des effets d’une propagande coloniale supposée, dans la presse nationale et provinciale, avec leur nombre d’articles par période chronologique, en colonnes et en surfaces, en contenus, etc…

Il s’agit à mes yeux, et comme je l’ai relevé à maintes reprises, d’une des grandes lacunes de l’histoire coloniale et postcoloniale qui s’est cantonnée le plus souvent dans l’histoire des idées ou des faits, sans aborder l’histoire quantitative.

Indiquons enfin que l’ouvrage contient deux contributions au contenu fort intéressant sur la sculpture et la peinture illustrée de belles images que n’importe quel expert aurait sans doute de la peine à classer dans la catégorie de la propagande coloniale.

Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 15:03

 

 

 

« SUPERCHERIE COLONIALE »
LE LIVRE

PUBLICATION DE TEXTES

En premier, la publication d’un texte sur les sources historiques des livres publiés par les trois historiens Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel, animateurs de la propagande postcoloniale qui a fait l’objet de l’analyse que j’ai proposée sur ce blog.

Il s’agit du livre

« Images et Colonies », un beau livre d’images.

L’ouvrage est très intéressant car il a extrait des images et des textes du Colloque Savant de janvier 1993, dont le thème portait précisément sur le thème « Images Coloniales », avec la participation d’historiens et historiennes référencés.

Il n’est pas inutile de préciser que l’historien Blanchard a été un des artisans majeurs de la rédaction des « ACTES DU COLLOQUE »

En deuxième, les pages d’introduction et de présentation de mon livre.

En troisième, la publication du chapitre 2 « La Presse » ;

En quatrième, la publication du chapitre 8 « Les Sondages »

En Cinquième, la publication du chapitre 9 « Le ça colonial » Jean Pierre Renaud   Tous droits réservés

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3 octobre 2024 4 03 /10 /octobre /2024 15:15

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

En esquisse de conclusion

De quelle histoire s’agit-il ?

Une histoire postcoloniale à la dérive ?

 

            Il n’est pas toujours facile de comprendre les phases d’évolution de l’écriture de l’histoire, et de savoir s’il s’agit véritablement d’une « science », tant elle est, et a toujours été, traversée par des remises en cause et des controverses fondées ou non, compte tenu de l’importance de ses enjeux.

            Dans les cas examinés, il n’est pas illégitime de se poser la question des fins poursuivies par leurs auteurs, sur leurs buts idéologiques, politiques, ou médiatiques, en vue de conquérir un nouveau marché « ethnique » ou non, puisqu’il s’agit aussi de cela.

            Est- ce que ce type de thèse historique postcoloniale est représentatif des courants historiques qui traversent aujourd’hui notre société ? Est-ce qu’ils ont fait l’objet d’une évaluation de leur contenu scientifique et de leurs effets dans l’enseignement, les universités ou l’opinion publique ? Je n’en sais rien !

            L’histoire de France a longtemps tenté de proposer la lecture d’un passé commun et d’un vivre ensemble commun, fondés sur des valeurs qui, au cours des siècles et au fur et à mesure des crises, ont fait partie intégrante de notre passé national, la liberté, l’égalité, et la fraternité, avec ses ombres et ses lumières.

            Ombres et lumières, oui, comme le soulignait dans le cas de l’Afrique, le grand lettré et sage africain Hampâté Bâ, très bon connaisseur de  la tradition africaine et très bon analyste de la France coloniale, lequel notait que  l’histoire de cette époque avait connu à la fois une face diurne et une face nocturne.

Face à l’histoire frappée d’un sceau universitaire, et depuis plusieurs dizaines d’années, l’histoire médiatique, pour ne pas dire politique, connait le plein succès, et lui fait concurrence. Elle explose avec les réseaux sociaux, alors que l’Université elle-même n’a jamais été à l’écart des grands conflits d’interprétation du passé et de l’avenir.

Dans les cas d’écriture historique analysée, le discours fait plus que confiner avec la propagande ou le marché, qu’il soit politique, médiatique, ou ethnique.

Histoire « scientifique » et roman historique ? Roman national, colonial, ou postcolonial, comment s’y reconnaître ?

            Ces productions littéraires soulèvent de très nombreuses questions de « scientificité » que nous avons examinées successivement, relativement aux sources, aux méthodes quantitatives d’évaluation des vecteurs de culture et de leurs effets, et donc aux interprétations possibles, compte tenu d’une représentativité supposée et non démontrée.

            Ajoutons qu’en filigrane de tous ces discours idéologiques apparait souvent un fil rouge conducteur, celui de l’Algérie érigée comme le symbole de toute la colonisation française, avec en arrière plan la guerre d’Algérie  : le Président actuel s’est cru autorisé, et comme par hasard, lors d’une visite « électorale » à Alger, à faire la déclaration que l’on sait sur les crimes de la colonisation.

            Le courant idéologique et historique en question ne rassemble évidemment pas l’ensemble de la classe des historiens vivants, mais c’est lui qui semble faire le « buzz », selon le mot et les modes du jour.

            Est-ce qu’en définitive, et comparés à ces œuvres, les romans historiques ne font pas preuve d’une plus grande rigueur historique que ces « produits » de la catégorie d’histoire postcoloniale que j’ai critiquée.

            A la fin de ses nombreux romans historiques sur notre très lointain passé, le XIIème ou le XIIIème siècle, Jean d’Aillon, propose une petite rubrique intitulée «  Le vrai du faux », une rubrique qui pourrait sans doute être nourrie par des chercheurs en histoire dont l’ambition serait de « déconstruire » ce nouveau roman postcolonial, puisqu’il  d’agit de cela.

            Dans son livre « Le lecteur de cadavres » (Le Livre de Poche) dans la Chine du XIIIème siècle, un autre auteur, Antonio Garrido, délivre un message tout à fait intéressant de rigueur en vue d’exploiter les sources de la Chine du XIIIème.

            Reconnaissons que la dernière matière traitée ne soutient peut-être pas la comparaison avec celle des images coloniales dont il a été question … et que les romans historiques en question échappent à l’actualité encore vivante de l’époque postcoloniale.

Le roman historique d’Antonio Garrido s’appuie sur une recherche très fouillée d’archives datant du XIIIème siècle, à la fois sur l’état de la Chine ancienne et sur l’état de la médecine légale de l’époque, avec la lecture du traité de médecine légale en cinq volumes du Chinois Xi Yuan Ji, publié en 1247, un document qui a fait l’objet de nombreuses traductions.

L’auteur s’intéressait à la médecine légale, et c’est à l’occasion d’un congrès, l’Indian Congress of Forensic Medicine and Technology, à New Delhi, en 2007, qu’il découvrit son sujet à l’occasion d’une conférence.

            Est-ce que les auteurs des écrits postcoloniaux critiqués ont fait preuve des mêmes précautions de rigueur méthodologique dans la consultation des sources historiques, le dénombrement des données recueillies, leur interprétation, le discours « scientifique » qu’ils en ont tiré ?

            Nombre de leurs exposés, remarques, ou appréciations mériteraient de figurer dans une rubrique « Vrai ou Faux », ou de façon plus précise « Faux ou à Vérifier ».

Ces livres diffusent une nouvelle propagande postcoloniale autrement plus efficace que celle de la période coloniale, une propagande d’autant plus pernicieuse, ou perverse qu’elle tend à accréditer un discours idéologique pernicieux pour la collectivité nationale.

 Un seul rappel pour terminer, un des propos de l’historienne Lemaire, relatif aux affiches, et à leur effet sur l’inconscient collectif des français :

« Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice », et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. Il suffit pour s’en convaincre d’imaginer combien les français pouvaient être sollicités, interpellés par un article, une émission  radiophonique, une  affiche aux dessins exotiques et aux couleurs chatoyantes, ou encore comment ils pouvaient être marqués par une visite à un stand colonial lors d’une exposition… » « Culture Coloniale - Fixation d’une appartenance (1914-1925)- « Propager ; l’Agence générale des colonies» (p, 137)

L’inconscient collectif, qu’est-ce à dire ? Combien d’affiches année après année ? Combien de postes de radio par année ? N’oublions pas que nous sommes au mieux en 1925.

Je n’aurai pas la cruauté de rappeler la sorte de  vrai faux en écriture d’histoire, celui du riz indochinois, que j’ai déjà évoqué, sous le titre « Du riz dans  les assiettes, de l’Empire dans les esprits ». (CI,p,82)

En résumé, il s’agit d’une manipulation des sources consultées, d’une manipulation des interprétations proposées comme des sentences historiques, c’est-à-dire d’un travail de désinformation historique  frappée du coin de diplômes universitaires.

Je rappelle 1) que le contenu des travaux du Colloque savant de janvier 1993 ne conduisaient pas aux conclusions tirées par ces chercheurs,

2) que le contenu du livre Images et Colonies ne conduisait pas non plus aux conclusions tirées par les mêmes chercheurs, outre le fait qu’il soulevait déjà en tant que telle, la question capitale de sa représentativité comme échantillon de situations coloniales très variables, de même que celle de ses effets supposés sur la culture coloniale des Français et des Françaises, non évalués,

3) que le contenu des livres successifs publiés par cette équipe de cbercheurs exprime un discours évident et tonitruant de propagande postcoloniale, fondé sur des analyses historiques très fragiles.

Peut-être conviendrait-il de regretter qu’une telle recherche aboutisse à ce gâchis de sources historiques relatives à un passé colonial qui méritait plus de sérieux et d’objectivité.

Dans l’ambiance actuelle, encore plus que dans un récent passé, il est évident que ce type de sujet est de nature très sensible, en même temps que d’une extrême complexité, notamment avec l’émergence d’un islam radical, un mouvement de mondialisation sauvage qui se poursuit depuis des dizaines d’années, l’arrivée de flux d’immigration étrangère que la France n’a jamais connus dans son passé, qu’il contribue à l’enrichissement d’un terreau favorable à toutes les subversions imaginables.

Dans un tel contexte, l’écriture d’une histoire scolaire ouverte sur le monde, qui tienne compte du pluralisme démographique, religieux et culturel qui existe aujourd’hui chez nous est un véritable challenge, d’autant plus redoutable à relever sur des territoires où vivent des Français et des Françaises d’origine immigrée, quand l’on sait que leurs peuples d’origine africaine constituent encore un patchwork religieux et culturel inextricablle.

Jean     Pierre Renaud        Tous droits réservés

 

 

 

 

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3 octobre 2024 4 03 /10 /octobre /2024 14:49

SUPERCHERIE COLONIALE

IV

Propagande coloniale (C)

L’Agence des colonies

            La troisième contribution d’Images et Colonies est précise et rigoureuse : « Un acteur de la propagande coloniale : l’Agence des colonies. »  d’E.Rabut (IC,p,232)

            L’auteure a exploité les archives du centre d’Aix en Provence, comme l’a fait sans doute l’historienne Lemaire, et comme je l’ai fait moi-même.

            Mme Rabut y faisait l’historique de cette institution avec précision en soulignant dès le départ : « L’évolution des structures, marquée de nombreux soubresauts, reflète les interrogations sur les voies de l’efficacité dans le domaine de l’information coloniale. »(IC,p,232)

            D’abord un Office colonial, puis l’Agence générale des colonies créée par décret du 29 juin 1919, comprenant un service administratif et un service de renseignements. Celui-ci centralisait la documentation fournie par les agences économiques des grands territoires, Indochine, Madagascar, AOF, AEF, Territoires sous mandat, dans les années qui ont suivi la guerre 14-18.

Par décret du 17 mai 1934, et pour des raisons d’économies, l’Agence fut supprimée. Elle réapparut, comme nous l’avons déjà vu, sous une autre forme, avec le Front Populaire, sous un nouveau nom, et surtout avec une mission tout à fait différente, le Service intercolonial d’information. En 1941, le régime de Vichy a ranimé l’ancienne agence ministérielle, l’Agence de la France d’outre-mer, laquelle sera supprimée en 1953.

            La vie de cette institution n’a donc pas été celle d’un long fleuve tranquille et cet historique fait déjà peser un doute sérieux sur la valeur des jugements abrupts qui ont été portés sur l’efficacité de l’agence en matière de propagande coloniale.

            La même auteure décrit les activités de l’Agence générale et des agences économiques des territoires, statistiques économiques, renseignements, demandes d’emploi, participation aux expositions coloniales, propagande. L’Agence générale disposait d’une bibliothèque ouverte au public et d’un musée commercial.

            Les relations avec la presse sont rapidement évoquées, avec un doute sur leur efficacité, mais nous reviendrons plus loin sur ce dossier

            Nous allons montrer ce qu’il convient de penser des jugements péremptoires que l’historienne Lemaire a porté sur la propagande coloniale et sur le rôle qu’aurait joué l’Agence générale de colonies, chef d’orchestre (avait-il au moins une baguette ?), chargée de manipuler l’opinion, une fabrique de l’opinion, grâce au martèlement du discours, au brouillage des ondes, à son omniprésence dans le temps, et dans l’espace, capable de fabriquer du colonial.

            A la lumière de notre connaissance des institutions politiques, administratives et budgétaires, nous examinerons successivement les institutions et leur fonctionnement, l’évolution de leurs moyens financiers, et surtout dans une échelle des grandeurs des époques considérées, et enfin le dossier des relations avec la presse, dossier que l’historienne Lemaire a monté en épingle, et que nous n’hésiterons pas à dégonfler.

            Nous réserverons notre contrepoint au fameux grain… de riz qui aurait contribué à nous faire manger du colonial.

            Les institutions : ont-elles été opérationnelles, aux fins de la propagande, dans leur organisation et dans leur fonctionnement ? Non.

            L’agence générale des colonies et les agences économiques des territoires n’ont jamais constitué la machine de guerre de la propagande coloniale volontiers décrite par l’historienne Lemaire et son collectif de chercheurs. Pour qui a pratiqué assez longtemps les administrations centrales, les moyens humains des agences correspondaient au maximum à ceux d’une sous-direction d’administration centrale. Rien à voir avec les machines de propagande des Etats totalitaires !

            L’agence générale était coiffée par un conseil d’administration composé pour partie de représentants de l’Etat et pour partie de représentants des entreprises privées, les agences économiques étant pilotées elles-mêmes par des représentants des administrations coloniales de l’AOF, de l’AEF, de l’Indochine, de Madagascar et des Territoires sous mandat.

            Il convient d’ailleurs de noter qu’en 1926, l’Agence générale comprenait quatre services, un service commun, un service de renseignements, un service administratif, et le service administratif des ports de commerce, Marseille, Bordeaux, Nantes et Le Havre. Au total, 160 personnes, avec une partie de personnels techniques, dont la moitié était affectée dans les ports.(FM/Agefom/408) 

            La structure des agences était celle décrite par Mme Rabut, avec en général, deux services un service administratif et un service de renseignements, avec une fonction de documentation, de relations avec la presse, et ultérieurement de propagande.

            En 1937, année du renforcement de la propagande gouvernementale, après le hiatus des années 1934-1937, les agences économiques de Madagascar, d’AOF, d’AEF, et des territoires sous mandat, comptaient respectivement, 8, 8, 7, et 9 cadres.

            Les rapports d’activité récapitulaient minutieusement, sur un mode militaire, les chiffres mensuels d’activité, nombre de visiteurs, demandes d’emploi, demandes d’information commerciale et industrielle, placement de capitaux, débouchés, exposition d’échantillons de produits…

            En 1932, l’agence de Madagascar reçut 1 006 visiteurs et rédigea 4 719 correspondances, dont 447 pour obtenir de l’information sur les débouchés et 591  sur l’industrie et le commerce. Elle examina 1 538 demandes d’emploi (FM/Agefom/C834)

            Les activités de l’agence d’AOF étaient moins importantes, avec un nombre total de visiteurs de 397 seulement en 1933, et 1 546 demandes de renseignements. (FM/Agefom/C744)

            Le système était plutôt hybride, les agences économiques faisaient partie du réseau d’agences piloté par l’Agence générale, quand elle a existé, mais agissaient comme donneurs d’ordre de commandes de prestations auprès de l’agence générale. Chacune des agences disposait de son propre budget alimenté par les ressources des budgets des différents territoires.   

            Ces budgets n’étaient pas considérables, comme nous le verrons.

            Il convient de noter enfin que le domaine de compétence de l’agence générale des colonies n’a jamais porté sur l’Algérie, la Tunisie et le Maroc, alors que ces territoires représentaient plus de la moitié du commerce colonial de l’époque.

            Quant au tissage plus ou moins réussi d’un réseau de propagande coloniale, il est exact que les gouvernements, mais surtout dans les années 30 ont donné des instructions aux préfets pour les inciter à faire de la propagande, à faciliter la création de comités de propagande coloniale placés sous la houlette des chambres de commerce et d’industrie ou des unions patronales, surtout dans les années 1936 et 1937.

Pour qui connaît le fonctionnement de l’administration  préfectorale, ce type d’action fait partie du lot quotidien des fonctions des Préfets, mobilisés au coup par coup, en fonction de la conjoncture et de la politique des gouvernements. Il en a toujours été ainsi.

            D’ailleurs, les ministres des Colonies avaient contribué à la mise en place de ce qu’on appellerait volontiers une hiérarchie parallèle, selon les bons préceptes communistes, mais qui n’a jamais eu l’efficacité des hiérarchies parallèles communistes, et sans doute non plus celle de la hiérarchie maçonne, très puissante alors. Hiérarchie parallèle animée par les chambres de commerce et les unions patronales, mais comme les nécessités de la conjoncture et d’une action commune en font créer régulièrement dans l’histoire politique, administrative et économique du pays.

            Les archives (FM/Agefom/851) nous donnent la trace d’instructions ministérielles précises à ce sujet.

            En 1925, une circulaire ministérielle de M André Hesse avait prévu l’organisation sur tout le territoire métropolitain, de comités de propagande qui devaient avoir pour but d’intensifier la vulgarisation de l’idée coloniale.

            Le 30 mai 1930, dans la perspective de la grande exposition coloniale de 1931,  le Sous-Secrétaire d’Etat aux Colonies Delmont réunit à Paris les délégués des comités de propagande coloniale et des associations coloniales, lesquels existaient dans la plupart des grandes villes françaises. L’ordre du jour était : organisation des comités de propagande coloniale et création d’un lien entre ces comités.

            Ces comités étaient pour la plupart constitués de représentants des chambres de commerce ou d’entreprises intéressées par l’outre-mer.

            A titre d’exemple, le Comité de propagande coloniale de Cherbourg était constitué d’un Comité d’honneur composé du Préfet de la Manche, du Sous-Préfet de Cherbourg, du Maire de Cherbourg, du Président et d’un Vice-Président de la Chambre de Commerce, et son conseil d’administration de représentants des entreprises de la Manche.

            A la réunion ministérielle, il fut envisagé de susciter des comités départementaux, mais avant tout de créer une commission permanente des groupements d’action coloniale.

            Au cours de la séance, le représentant du comité de Bergerac exposa qu’il n’avait pas obtenu auprès des membres du corps de l’enseignement, tout l’appui qu’il aurait désiré pour faire connaître les colonies aux jeunes gens des écoles. Il demandait que le Ministre de l’Instruction Publique donne des instructions à ses subordonnés pour qu’à l’avenir, il n’y ait plus de malentendus. Le représentant de Dijon s’associa à cette demande.

            Le représentant du comité de Lyon y rappela les efforts faits par la Chambre de Commerce, 141 000 euros par an (valeur 2002, un budget très modeste.

            A la fin de la réunion :

            « Le ministre rappelle aux délégués des comités que l’essentiel, c’est de créer autour d’eux une mentalité, une foi coloniale et pour atteindre ce but, les collaborateurs les plus importants sont les instituteurs et les professeurs de collège qui peuvent agir sur l’esprit des enfants…Lorsque cette mentalité coloniale sera créée, la propagande verra ses fruits centupler et le public saura, tout comme en Hollande, que nos colonies permettent non seulement le placement des hommes, mais aussi celui des capitaux (vifs applaudissements) »

            Le lecteur aura constaté, qu’en 1930, la propagande coloniale n’avait pas encore eu les effets escomptés par certains sur l’opinion publique, et que le corps enseignant ne manifestait pas un enthousiasme débordant pour la cause coloniale, alors que nous avons démontré que les livres scolaires n’accordaient pas non plus une grande place aux colonies.

            Le 7 juillet 1930, le Sous-Secrétaire d’Etat aux Colonies adressait une circulaire à Messieurs les Présidents des Comités d’Action Coloniale en leur transmettant le procès-verbal de la réunion du 30 mai, au cours de laquelle il y fut décidé la consolidation, et là, où besoin sera, la réorganisation des comités actuellement existants, voire la création de comités nouveaux, ainsi que la création d’un organisme fédéral, la Commission permanente des Groupements d’Action Coloniale.

            Le ministre écrivait :

            « Je signale par une circulaire adressée ce jour aux Préfets, l’importance de vos Comités, en même temps que je leur envoie copie du procès-verbal de notre réunion, et que je les prie de vous accorder tout leur appui moral et matériel. Signé A.Delmont »

            Les Comités locaux d’action coloniale continuèrent à exister au cours des années ultérieures, comme l’indique une circulaire ministérielle du 20 février 1934 qui adresse aux agences économiques des colonies la liste de ces groupements, en invitant les agences à entrer en liaison avec ces comités, en les invitant à vous faire connaître les entreprises  agricoles, industrielles, et commerciales de leur secteur, susceptibles d’acheter les produits des territoires que vous représentez ou d’y écouler les leurs. (FM/Agefom/40)

            Les archives fournissent beaucoup d’échantillons des correspondances échangées entre l’administration, les agences, et les comités. Leur contenu porte sur les informations de toute nature qui alimentaient ce réseau économique, organisation du réseau, relais d’information, liste d’entreprises et liste de produits exportés ou importés, etc…

Jean Pierre Renaud       Tous droits réservés

5 (D)

Propagande coloniale (D)

L’avis d’un expert

 

            A la session parlementaire de 1928, le député Archimbaud, longtemps rapporteur inamovible du budget des colonies à la Chambre, appelait le pays à faire un effort de propagande « pour parvenir à créer en France une mentalité impériale, le premier effort devait être tenté par la presse, le second par l’école, à tous les degrés d’enseignement… le gouvernement doit tendre à obtenir de la grande presse quotidienne qu’elle accorde à l’information coloniale la place qu’elle mérite, et que les honneurs de la première page ou des « leaders » ne soient pas uniquement réservés à l’exposé des grands scandales coloniaux. » (ASOM)

            A la session de 1930, le même rapporteur du budget consacrait une partie de son exposé à la propagande coloniale :

            « Quelle ignorance le Français moyen n’a-t-il pas à l’endroit de cet admirable domaine ! Que de préjugés à vaincre ! »

            Le rapporteur proposait que la bonne propagande touche l’enfant, le Français au régiment, l’industriel et le commerçant.

            « A l’heure actuelle, les questions de propagande coloniale sont entièrement laissées à l’activité des agences relevant des gouvernements coloniaux. Grâce aux moyens financiers dont elles disposent, les agences ont pu jouer un rôle incontestable. Il n’en est pas moins vrai qu’il n’y a actuellement aucune coordination dans l’effort de propagande…

            Les questions de propagande revêtent une trop grande importance pour qu’elles ne soient pas placées immédiatement sous l’autorité du Ministre et il est regrettable qu’il n’existe pas encore au Ministère des Colonies un service de propagande, comme il est regrettable qu’un service bien organisé de la colonisation, disposant de crédits suffisants, n’ait pas encore été organisé au sein de ce même département. » (ASOM)

            A la lecture de ces textes, le lecteur constatera qu’en 1930, à la veille de la fameuse exposition de 1931, aucun chef d’orchestre n’existait pour la propagande coloniale, contrairement aux assertions de l’historienne Lemaire, qu’il n’existait pas de service de propagande au sein du gouvernement, et qu’un rapporteur du budget des Colonies constatait à la fois l’insuffisance notoire de la propagande et le peu d’intérêt des Français pour leurs colonies. Il faudra attendre les années 1937 pour qu’il y soit remédié, mais dans une conjoncture tout à fait particulière celle de l’avant-guerre. Nous rappelons que la fameuse Agence générale a été supprimée, sans être remplacée, entre 1934 et 1937 !

            L’Agence n’a jamais été, en tout cas jusqu’en 1931, une « machine à informer et à séduire, l’épicentre de l’information coloniale », ou alors un petit épicentre, l’Agence n’a jamais « inondé », elle n’a jamais été capable de « manipuler l’opinion ou de marteler un discours, ni de fabriquer du colonial, » et n’a jamais eu de « stratégie ».

            Il n’y a pas eu de « réseau tentaculaire d’individus, de marchands d’influence  que sont les journalistes », et contrairement au dire de l’historienne, « l’ensemble de cette propagande savamment organisée (n’) a (pas) contribué à bâtir une chape de plomb qui rendit impossible la faculté de penser le réel  de la domination coloniale. »

            Comment une telle chose aurait-elle été possible ? Alors que les agences déployaient une activité qui avait plus avoir avec le travail d’une représentation diplomatique ou d’une agence d’information, dont le rapporteur du budget des Colonies reconnaissait qu’elle n’était pas suffisante en matière de propagande, et cela jusqu’en 1931.

            Les agences firent un travail remarquable de documentation générale et économique sur les territoires qu’elles représentaient, mais s’agissait-il de propagande ?

Des crédits de propagande crédibles ? Dans une échelle de grandeurs crédible ? Encore non !

            Nous allons à présent nous intéresser aux budgets de l’agence générale et des agences économiques des colonies, afin de mesurer leur capacité financière d’action en matière de propagande coloniale, car comme nous l’avons déjà relevé, les agences développaient une activité variée, et l’examen rapide de leurs budgets permettra de démontrer que les crédits de propagande étaient très modestes.

            Les subventions des agences  à la presse métropolitaine et coloniale feront, plus loin, l’objet d’un examen particulier, compte tenu de leur caractère sensible, et de l’interprétation qu’en donne l’historienne.

            Tout d’abord, les crédits de l’agence générale des colonies : il faut savoir que le budget de l’agence générale était alimenté par les budgets des colonies, ainsi que les budgets des différentes agences économiques, AOF, AEF, Indochine, Madagascar, et territoires sous mandat. Cela ne coûtait donc pas trop cher au contribuable de métropole, et donc au budget de l’Etat !

            J’ai rappelé à plusieurs reprises sur ce blog que la France, comme l’Angleterre, avait décidé de laisser aux colonies le soin de se financer elles-mêmes.

            En 1923, le budget de l’agence générale était de 1,3 million euros (2002), et en 1926, quasiment du même montant (FM/408). Le budget de l’agence ne représentait pas plus de 0,09 % du budget du ministère des Colonies, 142 millions euros, et plus de 95% des recettes de ce budget provenaient des contributions des colonies associées à chacune des agences économiques. Le budget du ministère des colonies représentait lui-même 0,007 % du budget de l’Etat. (Archives/Finances)

            En 1926, les budgets de l’Indochine, de l’AOF, et de Madagascar, y contribuaient respectivement pour 416 224 euros, 370 480 euros, et 268 137 euros.

            En 1926, l’essentiel du budget de l’agence était consacré aux dépenses de personnel, et le budget des ports de commerce représentait 38% du budget de l’agence.

            Indiquons au lecteur, que le crédit dédié à la propagande coloniale, participation aux foires, expositions et conférences se montait à 10 540 euros. Vraiment pas de quoi inonder le pays de propagande coloniale ! (FM/Agefom/408, chap.16 du budget).

            Rappelons que le commerce extérieur de la France en 1930 (exportations, plus importations) était de 17 500 millions d’euros, dont pour le commerce colonial, polarisé sur l’Algérie, 2 891 millions d’euros. (Empire colonial et capitalisme français, J.Marseille)

            La propagande coloniale au sens strict représentait une fraction infinitésimale du commerce extérieur, dans l’ordre des fractions de millièmes.

            En 1937, année au cours de laquelle le gouvernement décida d’intensifier la propagande coloniale, le budget de cette propagande était de 1,9 million d’euros (FM/Agefom/908), à comparer au chiffre du budget du ministère des colonies, soit 0,005 % de 360 millions euros (Archives/Finances). Le ministère lui-même représentait 0,016 % du budget de l’Etat.

            L’ensemble de ces chiffres situe les ordres de grandeur que l’historien est bien obligé de prendre en compte pour porter un jugement historique sur la propagande coloniale.

            Examinons à présent les budgets des agences économiques pour mesurer leur poids relatif sur le plan financier et économique, et voir la part qu’elles accordaient au poste documentation propagande.

            En 1933, le budget de l’agence de l’AOF était de 681 000 euros. Le poste publicité et propagande se montait à 76 000 euros. Sur ce crédit, les subventions  à la presse de métropole étaient de 56 000 euros. Le montant du budget de l’agence représentait 5,6% du budget de l’AOF, ce qui n’était pas négligeable pour la fédération, mais beaucoup moins significatif sur le plan métropolitain. (FM/Agefom/744)

             Pour donner un exemple, en 1931, année de l’Exposition coloniale, la Ville de Paris avait consacré plus d’un million d’euros à ses réceptions, fêtes et cérémonies. Le budget de la Ville était alors de plus de 2 milliards d’euros, à comparer aux 1,2 millions d’euros du budget de l’AOF.

            En 1934, le budget de l’agence de l’AEF était d’environ 524 000 euros, dont 83 000 euros pour la propagande et les expositions, et le budget de la fédération était de l’ordre de 57,7 millions d’euros, soit 9,9% du budget fédéral, un chiffre relativement important, mais qui marquait à la fois le besoin de cette fédération de se faire connaître, et la disproportion existant dans l’échelle des valeurs entre métropole et colonies. (FM/Agefom/408 et 901)

            Ces budgets étaient sans commune mesure avec les budgets métropolitains, même s’ils pouvaient faire illusion dans leur rapport avec les budgets coloniaux. L’analyse des subventions à la presse confirme cette appréciation et démontre que la presse métropolitaine et coloniale n’était certainement pas en mesure de propager la bonne nouvelle coloniale grâce aux subventions qui lui étaient versées par les agences économiques des colonies.

            Nous ne reviendrons pas sur les affirmations trompeuses de l’historienne quant au rôle et à l’efficacité de l’Agence dans les années 1871-1931, dans Culture coloniale, alors que nous avons vu qu’elle n’avait existé qu’à partir de 1919, et que son activité était loin d’être à la hauteur des jugements rétroactifs de l’historienne.

            Comment est-il possible d’écrire dans ce livre au sujet de cette Agence, et pour la même période :

            « Elle fut par conséquent l’un des plus grands outils fédérateurs de l’opinion publique. » (CC,p,142)

            Et grâce à elle : « Ainsi la légitimité de l’ordre colonial était-elle parfaitement intériorisée. « (CC,p,147)

Jean Pierre Renaud  Tous droits réservés

 

 

SUPERCHERIE COLONIALE

V

L’Agence des colonies et la presse française – 5 (E)

            La presse a-t-elle fait œuvre de propagande coloniale ?

             Dans le livre suivant, Culture impériale, et pour la période 1931-1961, même discours de l’historienne :

            « C’est la raison pour laquelle l’apogée colonial des années 1930 se traduit par une véritable promotion de l’idée impériale menée par la République, via son agence de propagande officielle, et largement relayée au sein de la société par le monde scolaire ou d’autres acteurs, en particulier la presse ou le cinéma. » (CI,p,45)

            L’historienne rappelle que l’Agence générale des colonies avait disparu, sans en donner la période, France entre 1934 à 1937, année de création par le Front Populaire du Service Intercolonial d’Information et de Documentation.

            L’historienne donne l’exemple de la presse comme indice de « l’intrusion de l’Empire dans les foyers métropolitains » au cours de ces années, et cite une liste de journaux qui, à la fin des années 1930, étaient destinataires d’articles et de subventions, en écrivant :

            « Cette énumération est loin d’être complète, mais elle révèle l’importance de l’emprise propagandiste sur l’information écrite, qu’elle soit strictement coloniale ou à vocation plus générale, le rapport des montants de subvention étant à peu de choses égal, ce qui atteste de la volonté de toucher le plus large public et non pas seulement une partie de la population déjà sensibilisée. Ainsi avons-nous pu relever cent soixante- dix titres différents qui ont été subventionnés sur les fonds de la propagande coloniale officielle entre 1936 et 1938. Autant dire que ce vaste panel a largement contribué à l’ancrage de l’élément colonial au sein de la société  française, puisqu’on retrouve aussi bien les grands quotidiens ou hebdomadaires de la presse générale ou « coloniale » que les journaux affectant tous les genres et traitant de politique, de religion, d’économie et de finance, mais aussi d’agriculture, de cuisine, s’adressant aux jeunes, aux hommes, aux femmes et à toutes les catégories professionnelles. » (CI,p,51,52)           

            Littérature que tout cela ! En donnant l’illusion de la précision intellectuelle et en osant une conclusion historique hardie, une de plus, celle de l’ancrage  de l’élément colonial au sein de la société française ! Rien de moins !

            Le lecteur est donc invité à  confronter un tel discours

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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 15:22

5 (B)

Propagande coloniale (B)

Le Colloque de janvier 1993

            L’historien Meynier y signa une contribution intitulée « Volonté de propagande ou inconscient affiché ? Images et imaginaires coloniaux français dans l’entre-deux guerres. »(C,p,41)

            « L’objet de cette communication est de faire ressortir par un exemple, les images mises en œuvre par le colonisateur français au moment de la guerre de 1914-1918 et au cours de la période de l’entre-deux guerres sur les « indigènes » dans le cas algérien principalement. Il est d’étudier en quoi la production de ces images relève d’une conscience française volontariste, c'est-à-dire d’un projet politique. Mais en quoi aussi, ce projet provient d’un  inconscient à l’œuvre dans les représentations françaises, en quoi il est inséparable de fantasmes travaillant telle ou telle partie de la société française, et qui ne se réduisent pas forcément au seul champ colonial. » (C,p,41)

            Vaste sujet d’étude historique comme peut le constater le lecteur, mais aussi sans doute la surprise de voir surgir dans ce champ à la fois les images et l’inconscient !

            Notons que la communication limitait sa réflexion « dans le cas algérien principalement ».

            L’historien notait : « Une foule de livres de vulgarisation font honte aux Français de leur peu de foi coloniale. Sous la houlette d’Albert Sarraut, éclosent des flots de brochures, de tracts, de photos, de films destinés à exalter l’idée coloniale.  (Sans autre précision, ni évaluation)…

            Ces images coloniales touchent finalement assez peu la masse française…

            Au Parlement, les débats coloniaux continuent à ne pas faire recette.

            Compte tenu de ce constat et des images officielles proposées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière-plan, lorsqu’on évoque les colonies ? » (C,p,43)

            Quittons provisoirement le propos de cet historien dans son analyse de l’imaginaire français et de l’inconscient français, pour aller directement à sa conclusion :

            « Le Centenaire de l’Algérie française et l’Exposition coloniale de Vincennes confortent des stéréotypes que le discours savant lui-même avalise et pérennise. Le drame est que ces images des colonies, répondant prioritairement à un inconscient français prioritairement hexagonal, sont émises au moment même des prodromes de la « décolonisation ».

            Quoiqu’il en soit, l’imaginaire même de la France coloniale et impériale ramène d’abord au pré carré français, et il doit très peu au grand large. »(C,p,48)

       Est-ce qu’en écrivant ce type de propos, le grand historien, à l’exemple d’autres, n’a pas entrouvert la boite de Pandore d’où sont sortis les maux surtout inconscients dont souffre aujourd’hui notre histoire postcoloniale ?    

    Sans oublier que l’historien visait le cas algérien, un exemple de l’importance de la « matrice » algérienne très influente qu’a décrite récemment l’historien Vermeren dans le livre « Le choc des décolonisations ».

            La conclusion du Colloque (C,p,141) rappelle qu’environ six cents images de toute nature ont été présentées et commentées. Elle s’inscrit dans la ligne de pensée du discours que nous critiquons, sous la signature de deux historiens, Gilles Manceron et Jean-Barthélémi Debost, que nous avons déjà croisé sur les livres scolaires et sur les affiches Elle conclut naturellement  à la filiation entre les images produites hier et celles diffusées aujourd’hui, tout en se posant la question de l’origine des images et de leurs  effets :

                « Image et propagande

            Autres questions :

                « « Quand y-a-t-il eu une production délibérée d’images de propagande ? Quel a été le rôle précis du parti colonial dans la production de cette imagerie ? Charles Robert Ageron et d’autres ont montré par exemple, que le parti colonial et l’Agence de la France d’outre-mer pour le ministère des colonies avaient des officines qui rédigeaient des articles prêts à être repris, non signés, dans la presse….

            Quand on évoque la propagande, il faut aussi essayer d’en distinguer les cibles. »(C,p,145)

            Il est donc difficile d’en tirer un enseignement qui aurait fait progresser la connaissance de la propagande coloniale au cours de la période examinée.  Comment enfin ne pas évoquer au sujet de la presse un souvenir professionnel ? Comment ignorer que dans beaucoup de journaux, en province ou ailleurs,  les journalistes se contentent de démarquer soit un bulletin de l’AFP, soit un communiqué du ministre ou du préfet, ou tout simplement d’une entreprise ou d’un groupement professionnel.

            Je ne résiste pas à vous conter une anecdote professionnelle qui concerne la Lozère et son classement en Zone Spéciale d’Action Rurale dans les années 60.

            Nous avons vu débarquer un jour un journaliste du Monde qui venait faire un papier sur le cas de ce département. Quelle n’a pas été notre surprise de voir ce professionnel être venu comme un  réalisateur de cinéma prendre tout simplement le décor d’un article déjà écrit à Paris !

            Dans le livre Images et Colonies, le livre paru dans le sillage du Colloque :

            L’historien Meynier y a fait paraître un article intitulé « L’organisation de la propagande » :

            Dans l’introduction de l’ouvrage, l’historien Blanchard n’avait pas fait dans le détail, en décrivant  à force de diffusion et de matraquage, un message capable de séduire un vaste public et en écrivant comment les français ont pu être séduits e/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande. (IC,p,8)

            Le lecteur aura relevé « pendant près d’un siècle », rien de moins ! Et le « matraquage » !

            Dans sa communication, l’historien Meynier manifestait une plus grande prudence :

            « Cette propagande qui met les colonies en images devrait être organisée par rapport au public- aux publics-  qu’elle se propose d’atteindre. Malheureusement, les matériaux manquent à l’historien pour en juger avec sûreté. » (IC,p,113)

            Déjà la douche froide !

            L’historien analysait successivement tout un ensemble de supports possibles de propagande, programmes scolaires, associations et groupements privés, organismes politiques. En ce qui concerne les 87 manuels d’histoire examinés, la part des colonies y restait modeste. Il donnait un sous-titre évocateur à la suite de son analyse :

« Propagande et mise en image des colonies entre credo colonial et exotisme de masse », passage où il notait « que dans les cartes postales, destinées à tous publics, c’est l’exotisme qui l’emporte encore plus encore que dans les autres productions. » En ce qui concerne les jouets,  c’est encore l’exotisme qui l’emportait. (IC,p,121)…

            « Au-delà des incantations coloniales officielles, ce que livre la mise en images des colonies par les Français, c’est encore principalement un exotisme de masse » (IC,p,123)

            Et en conclusion :

            « Mais bien après l’apogée de la propagande coloniale qui, pour le moment, ne releva guère d’une politique mais plutôt d’un air du temps relié à des images récurrentes amplifiées. « (IC,p,124)

            Donc grande prudence de l’historien, tout à fait justifiée compte tenu de l’étroitesse du corpus examiné, 30 affiches, 76 images de magazines ou de livres à thème colonial, 116 cartes postales.

            Notre conclusion intermédiaire : rien qui plaide précisément en faveur du matraquage d’une propagande coloniale qu’un bon historien a bien de la peine à décrypter et à situer.

Nous ne nous attarderons pas sur la contribution de N.Bancel et G.Mathy intitulée « La propagande économique au cours de la période 1945-1962 » pour trois raisons :

            - Carence complète de la démonstration statistique du propos illustrée par les observations contradictoires suivantes :

            « Il est très difficile d’établir le chiffrage précis, à la fois de la diffusion des publications semi-officielles du Ministère et de l’impact de la diffusion  de cette iconographie par la presse. L’étude d’un corpus partiel permet d’affirmer que la propagande coloniale étatique a presque entièrement submergé l’iconographie des périodiques non spécialisés. » (IC,p,222)

            Comment peut-on oser le mot submerger après avoir avoué son incapacité à apporter une quelconque démonstration statistique, qui était possible en analysant méthodiquement et non superficiellement la presse ?

            - Outrecuidance de l’analyse et des jugements :

            « L’appauvrissement du discours et des représentations coloniales, qui avaient forgé l’inconscient collectif colonial, marque la ligne historique qui sépare l’avant de l’après-guerre. » (IC,p,222) « L’hégémonie de la propagande coloniale (IC,p,224) Pour cerner de près les réalisations et sortir de l’idée prégnante forgée par l’iconographie, nous devons revenir aux sources écrites » (IC,p,227) « Ces images témoignent d’un impérieux ethnocentrisme qui contredit tous les discours sur le respect des cultures et de l’histoire africaines martelés par la propagande. » (IC,p,229) Les images sur l’économie du continent africain qui martèlent dans les mémoires française son infériorité constituent une des facettes de l’idéologie du progrès » (IC,p/230)

            Le lecteur aura relevé les verbes forts forger et marteler. Il doit savoir que cette analyse s’inscrit dans une période où la France a fait un gros effort d’investissement public et non privé, et de planification pour le développement du continent africain. Les gouvernements successifs ont voulu mettre en scène leurs réalisations par une propagande adaptée qu’il conviendrait d’évaluer avec précision dans son volume financier, comparativement à des campagnes de publicité privée, ainsi que dans ses effets sur l’opinion.

            Précisons par ailleurs que cet effort financier n’aurait pas été possible en l’absence du Plan Marshall !

            - Une grande difficulté d’interprétation historique compte tenu de la brièveté de la période politique examinée, neuf années entre la Libération et la guerre d’Algérie, agitée par des conflits coloniaux. D’autant plus que l’Union française avait juridiquement succédé à l’Empire.

            Le lecteur constatera que cette analyse boursouflée est en complète contradiction avec le contenu de la suivante.

 

Jean Pierre Renaud Tous droits réservés

 

 

 

 

 

 

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